Une collocation. Ce n'est pas vraiment que j'en rêve, mais il faut absolument que je parte de mon appartement. Mon père débarque aux Etats-Unis, et j'ai bien l'intention de ne pas le voir durant tout le temps de son « voyage » ici. Il va me tuer, à cause de cette putain de photo qu'on lui a envoyé. Je n'avais pas le choix, il ne peut pas comprendre. Il n'a jamais compris d'ailleurs, aucun de mes choix ou de ma vie. C'était profaner le cimetière ou prendre le risque de perdre ma meilleure amie. La décision fut rapidement prise. Ce connard de mec veut me faire chanter et je déteste ça. Mais le fait d'envoyer la photo à mon père me prouve qu'il a la main longue et qu'il connaît beaucoup de chose de moi. Je ne parle jamais de mon père, encore moins du fait qu'il soit le premier ministre australien. Du coup, je fais ce que je sais faire de mieux : fuir !  Et puis, j'ai remarqué cette annonce et pris contact avec le jeune homme. Après quelques sms échangés, il n'a pas l'air d'être prise de tête. Quelques jours plus tard, un dernier sms pour lui demander s'il est dispo. Et me voilà à l'adresse indiquée. C'est un quartier chic, ça va me changer de mon petit appartement dans un quartier un peu chelou. Là, ça claque ! Je m'approche de la porte et sonne, attendant impatiemment sur le palier. Et c'est un visage connu qui m’apparaît dans l'encadrement de la porte. Un sourcil levé, j'ai du mal à réaliser que c'est mon Basile en face de moi. Enfin « mon »... mon ex quoi, celui que je connais depuis nos années lycée à Paris. « Bonjour bébé... » Parler français avec lui me fait toujours plaisir, ce petit accent australien en prime. Un léger sourire sur le visage. Tu vas bien être obligé de me parler maintenant Bas'. Depuis que je l'ai croisé à la mather, j'essaye d'engager la conversation avec lui... sans succès. J'avais fini par abandonné, mais là, je sens que c'est le bon moment. « Tu m'fais visiter du coup ? »

@Basile Mulliez

« Bien sur que j'en crevais d'envie de te revoir... Mais tu me fuis comme la peste. » On se voit à la mather, et dès qu'il croise mon regard, il me fuit. J'ai rapidement abandonné d'essayer de lui parler. Je ne sais pas ce qui le dérange, je ne sais pas pourquoi il m'en veut. On était des adolescents, on était trop jeune, on n'était pas fou amoureux et ce n'était pas une histoire qui me semblait pouvoir tenir dans le temps. Et puis j'ai rencontré Tomas, qui a balayé Bas' dans mon cœur. C'est comme ça, et je pensais qu'il était passé au dessus de tout ça. Et qu'on aurait pu discuter tous les deux. Sa révérence me plaît. Sarcasme, ironie. Il n'a pas changé depuis tout ce temps. Toujours cette même tête de mauvais garçon, toujours cette même façon d'agir. Et j'ai encore l'impression qu'il m'en veut. Notre histoire fait parti d'un passé très lointain. Mais je crois qu'il n'a toujours pas digéré notre séparation. On a grandit Bas' nan ? Moi j'peux te parler sans avoir envie de te tuer. Avoue que t'as pas été le petit ami idéal non plus. Mais tout ça, il ne semble pas encore prêt à l'entendre. Je fais quelques pas et entre dans son appartement. J'sens que ma présence ne lui fait pas plaisir, et je crois qu'on va devoir s'expliquer sérieusement si je veux avoir une petite chance de rester ici. Je tourne un peu sur moi même, observe son appartement. « C'est plutôt bien rangé, pour une garçonnière. » Le regard se tourne vers lui, l'humour sans ironie. Ouais, c'est assez classe, propre et ça ne sent pas la baise. Déjà ça, c'est pas mal. J'ai envie de lui piquer sa clope mais ça pourrait s'apparenter à une déclaration de guerre. Je m'appuie contre le mur derrière moi et le détaille du regard. Je sens la tension au travers de lui et j'ai l'impression qu'au moindre faux pas, il va me dégager de son appartement avec perte et fracas. « J'suppose que tu ne veux pas de moi comme coloc', mais tu crois qu'on pourrait parler tous les deux ? » C'est chelou qu'on se croise maintenant. Et perso, j'ai toujours cru au destin. C'est le moment de s'expliquer...

Son approche me surprend à peine. Ses doigts parcourent le creux de mes reins avant de s'accrocher à ma taille de l'autre côté. Je suis le mouvement, docile poupée pour le moment. Je ne suis pas en position de force alors j'accepte son geste dominant. Ses lèvres frôlent mon oreille, caressées par les mèches rebelles de mes cheveux blonds. Bas'... tu crois que tu vas me faire fuir parce que tu as baisé autant de meuf sur ce mur ? J'suis certaine qu'il n'en a pas vu tant que ça en fait, qu'il me raconte des conneries. Il finit par me fuir une nouvelle fois, laissant le froid s'installer entre nous et mon corps réclamer le contact. Je le suis du regard, le laisse s'asseoir sur le plan de travail. La contemplation dure quelques secondes qui me paraissent une éternité, celle où je me remémore les moments passés avec lui. Mon corps finit par avancer vers le sien. « Parce que t'as jamais baisé sur ton plan de travail... » L'index caresse le meuble, monte sur la cuisse du jeune homme alors que mes jambes me guident entre les siennes. Une main sur chaque cuisse, je les martèle du bout des ongles. Tu es coincé, à moins que cela ne soit moi ? Mon regard dans le sien, les visages se rapprochent et je change de trajectoire au dernier moment pour poser un baiser sur sa joue. Recule. Évitons les déclarations de guerre. « Est ce qu'il faut qu'on reparle du passé pour que tu ne fasses plus la gueule ? » Parce que franchement, on a passé l'âge nan ? « J'étais pas la femme de ta vie, tu n'étais pas l'homme de la mienne. Mais je n'arrive pas à comprendre ce qui t'a tant vexé en fait. C'est ma relation avec Tomas ? C'est mon « métier » ? » Je fais les guillemets avec mes doigts. Au début, devenir escort girl était une question d'argent facile, et puis Tomas a fait basculer mon cœur du mauvais côté. J'aurais du le détester, mais j'en suis tombée amoureuse.

Si je meurs d'envie d'être la première à baiser avec toi sur le plan de travail ? Ouais, pourquoi pas. Voire si ta peau a toujours le même goût, si tes doigts me serreraient de la même façon qu'avant. Si tu es toujours un bon coup ? Les souvenirs reviennent forcément, nos moments de baise intense, nos nuits blanches à se découvrir, nos journée à sécher au lycée pour prolonger la nuit. Les moindres endroits un peu délaissés du lycée y sont passés. Alors je laisse planer le doute, ne réponds pas à sa son affirmation. Ça te ferait trop plaisir. Tu passes ton temps à me fuir à la mather. Tu m'envoies des pics et me parles de baiser. Indécis. Arrête de souffler le chaud et le froid. Je sais que mon physique te plaît, sinon, quelle est ta raison pour t'approcher autant de moi ? Tu aurais pu me virer dès que la porte s'est ouverte sur moi, mais tu ne l'as pas fait. L'ambiance est électrique, passionnante. J'ai toujours aimé cet air supérieur que tu te donnes, que tu aimes montrer aux autres et peut-être particulièrement à moi. Le passé te dérange, même si tu nies faire la gueule. Bien sur que tu la fais ! « Tu n'oserais pas me mettre dehors, j'pense que t'es plus intelligent que ça. » Mais son ironie ne s'arrête pas ici. Il a la critique facile. Je comprends que mes choix de vie sont difficiles à imaginer pour certains. Et il ne sait rien de ma vie, surtout ce qu'il s'est passé après mon bac jusqu'à l'entrée à Harvard. Sans Tomas, je ne serais sûrement pas ici, et je n'aurais pas eu toutes ces opportunités. Il s'approche, félin autour de sa proie. Bas', je connais ton jeu par cœur. « Arrête d'aboyer, on dirait un caniche... » Parce que je me fiche de ce que tu peux me dire, tant que ce ne sont pas des explications en rapport avec ton comportement. Il tourne autour de moi alors que je reste de marbre, souriante à chacun de ses mots, à son odeur qui envahit mes narines dès qu'il bouge. Je n'avais pas oublié son parfum, quoique j'en dise. Il s'arrête derrière moi, approche de nouveau ses lèvres de mon oreille et me balance sa phrase en pleine gueule. « Mulliez... » Un pas en arrière, je me colle un peu à lui. Sa chaleur m'envahit, et son souffle au creux de mon cou me fait fermer les yeux. Je me retourne vivement, me retrouve nez à nez avec lui. Plus de distance de sécurité, on ne joue plus la dessus maintenant. « Tu ne viendrais pas si près de moi si je te dégoûtais. » Nos nez se frôlent, mes yeux ne quittent plus les siens. Ses yeux verts n'ont pas changés, quoique je les comparerais plus facilement aujourd'hui à ceux d'une vipère. Tu attaques, tu n'es pas inoffensif. Je crois que j'ai souri à cette comparaison. Je baisse les yeux de temps en temps sur ses lèvres. Est ce qu'elles ont encore le même goût depuis tout ce temps ? Je me mords la lèvre à cette idée. « Qu'est ce que tu attends Bas ? » Tu ne veux pas me virer, mais je sais que tu ne vas pas vouloir de moi comme coloc'. Alors qu'est ce que l'on fait tout les deux là, à se chercher, à sa battre ?

C'est l'ego qui est touché. C'est lui qui m'insulte et me lance des pics à chaque seconde. T'es vexé, parce que je t'ai fait ce que tu fais à toutes les nanas. On baise et on s'tire. Et bien là, c'est moi qui me suis barrée. Ça a fait mal à ta fierté de mec, c'est difficile à admettre. Tu vois ce que ça peut faire au moins, à toutes ces meufs que tu as du faire souffrir depuis. Parce que j'te vois pas comme le copain parfait... Moi aussi si ça se trouve, tu m'as trompée quand on était ensemble. Et j'suis certaine que plusieurs meufs ont chialées en repensant à la façon dont tu les as larguées. Jamais tu vas me l'avouer, j'avais pourtant eu un petit espoir. Au moins, on se parle. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas entendu le son de sa voix. Il aurait pu me bousculer dans un couloir, me marcher sur les pieds à la mather, qu'il n'aurait pas sorti un son de sa bouche. Cette annonce de colocation nous permet au moins ça. Parler. Même si c'est pour s'engueuler, pour se déchirer encore une fois. - J'te suffisais pas ? Est ce que je dois vraiment répondre à cette question ? Mon regard reste fixé sur ses lèvres un instant. Il avance, et je suis obligée de reculer d'un pas. Oui Basile, j'adorais ça. « Toi aussi tu adorais ça...Rappelles toi... » Dans un soupire. Je vois dans tes pupilles que tu y repenses toi aussi. Tu revois tous ces moments où nous nous sommes serrés trop fortement, où on s'est emmêlés. J'abaisse mes paupières. Je revois certains moments qui défilent sur mes paupières à une vitesse dingue, nos folies en public. Mes doigts accrochés à son dos brûlant, la sueur sur son torse, les muscles saillants. T'étais beau les yeux fermés, t'étais beau quand tu te laissais aller. C'était la passion de notre adolescence. On a tellement testé des lieux improbables. Mon dieu que j'ai pu crier... J'ouvre les yeux sur sa phrase qui coupe les images de nos souvenirs. « Ah ! Parce qu'il y a une éventualité que je puisse rester alors... » Le sourire apparaît. Il change d'avis comme de chemise. « Quelles sont les règles de la colocation alors ? J'ai cru comprendre qu'il fallait que je teste le mur là bas... » Je le montre du doigt. J'suis certaine que je peux baiser plus de nanas que toi sur ce mur, et surtout qu'elles vont crier plus fort. En fait, il doit avoir peur de ça.... Que je l'empêche de dormir, que je le réveille à cause de mes conquêtes d'un soir. Ou alors t'as peur que tes meufs viennent dans ma chambre après être passées dans la tienne ? Merde quoi... C'est pas de ma faute si elle me préfère à n'importe quel mec...

Je la vois plus l'Echo adolescente, embrasée par la passion, consumée par la vie, ivre de liberté et d'éclats de rires qui résonnaient à l'aube après qu'on soit tombés d'épuisement. Je ne vois que toi, salie, souillée par tous les autres. Je suis pas un enfant de chœur, j'ai pas la réputation d'être tendre avec la gente féminine ni avec personne d'autre d'ailleurs, j'suis pas de ceux qui peuvent encore se permettre de comptabiliser le nombre de leurs conquêtes. Ça fait longtemps que j'ai arrêté de compter. Mais moi, j'ai assez de respect pour moi-même pour qu'on me jette pas un seul dollar après un foutu orgasme.

« Toi aussi tu adorais ça...Rappelles toi... » T'aimerais bien que je m'en rappelle là maintenant, Echo. - J'ai une mémoire sélective, je me souviens que du meilleur. Désolé ! Mensonge. Je m'en souviens et de tout, dans les moindres détails. Je me souviens de toutes les tonalités de tes gémissements, du plus timide au plus sauvage, de la force de tes ongles plantés entre mes vertèbres, de la fois contre les casiers du lycée et puis de celle en salle de colle ainsi que de toutes les autres. Les innombrables autres fois. J'avance d'un pas et tu recule encore. « Ah ! Parce qu'il y a une éventualité que je puisse rester alors... » Une infime chance. « Quelles sont les règles de la colocation alors ? J'ai cru comprendre qu'il fallait que je teste le mur là bas... » Un autre pas. - D'abord, si tu pratiques encore tes petites activités, oublie. J'ai pas envie de retrouver deux ou trois MST sur mon canapé à 20 000 balles au petit déjeuner. Par contre, forcé d'avouer que de la voir elle, en sous-vêtements se servant un café brûlant, ça pourrait être plus tentant. On s'entendait bien à l'époque, même hormis nos délices charnel. On partageait la même passion pour le risque, pour le toujours plus et des bons moments on en a eu, beaucoup. - Ensuite, tu réponds à ma question. Allez, sois courageuse, juste une petite fois, tu verras c'est pas si difficile d'assumer ses conneries aussi dégueulasses soient-elles. - Et pour ce mur.. Mon regard l'abandonne pour se planter sur lui, sur ses pierres nacrées qui auraient tant de choses à dire si elles pouvaient parler. - Il va falloir que tu mettes beaucoup de cœur à l'ouvrage pour être au niveau de ce qu'il a déjà vu. Mais du cœur, elle en a pour ça et mon regard qui suit la courbure de ses hanches ne laisse aucunement place aux doutes.