La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille. La mort, mais aussi les emmerdes, les mauvaises rencontres, les problèmes d'argent. N'est-ce pas merveilleux que je les enchaîne tous ? Décès de deux des personnes qui comptaient le plus pour moi, notamment mon confident, mort suit à une noyade à la fin de l'état. Retour de la personne qui avait hanté mes cauchemars depuis mes dix-sept ans, depuis cette fameuse après-midi où j'avais perdu une partie de mon innocence, de ma joie de vivre. Problèmes d'argent encore et toujours. Disons que j'vise un peu haut avec mes dépenses et heureusement que je ne vis pas dans un appartement car je ne saurai pas comment je ferai vraiment. Avec y avait aussi les problèmes du quotidien. Comme le fait que sa meilleure amie veuille, comme si c'était tout naturel, se marier avec le mec qui l'a rendu cocu. Merveilleux. Sans prévenir qui que ce soit, ne voulant voir personne ce soir, je quitta la mather house mais aussi le campus pour aller sur cambridge. J'voulais tout oublier. Le temps d'une soirée. Oublier que j'avais une vie à la con. Oublier qu'avec le temps, ça allait empirer. Oublier que j'pensais qu'à moi, que des personnes vivaient avec des situations bien plus terribles que les miennes. Ca c'était mon passé Quincy qui me rattrapait. Je poussa la porte d'un bar dans lequel j'avais mes habitudes pour y avoir fait plusieurs soirées et me dirigea directement vers le comptoir. Le barman me reconnut apparemment et ne prit même pas la peine de me demander ce que je voulais avoir. Il le prépara automatiquement. Lorsque le verre arriva près de moi, je leva mon regard reconnaissant vers lui. Intelligent le bonhomme. Je joua légèrement avec la base du verre à bière, alors qu'une goutte d'eau salée glissa le long de mes joues pour mourir au creux de mes lèvres, avant de finalement en boire la moitié. Finalement, n'avoir qu'une faible résistance à l'alcool pouvait m'être utile ce soir..

En rentrant ici, je ne m'étais pas attardée sur le nombre de personnes ici De toute façon, qu'est-ce que j'en avais à foutre ? J'étais là pour arrêter de penser ou du moins ne pu penser aux emmerdes que j'avais quotidiennement. Manquerait plus que je connaisse quelqu'un qui me rappellerait Harvard et que toutes mes pensées reviennent. Je vida finalement tout mon verre de whisky et fit un signe au barman pour en avoir un second. Je posa mes coudes sur le comptoir et mis ma tête sur mes mains, tout en fermant les yeux. Je me massa les tempes doucement et essaya de calmer les battements de mon coeur qui s'étaient accélérés y a deux minutes, lorsque j'avais commencé à pleurer. Si j'étais en état de stress lorsque je buvais, j'pouvais trèèès rapidement partir en vrille. Et ça, c'était mauvais pour les gens autour de moi. J'étais dans ma bulle, tranquille, à attendre mon verre, quand j'entendis soudain un gros boum à côté de moi. Pour la première fois depuis j'étais arrivée, je fis attention aux gens accoudaient au comptoir comme moi, qui cherchaient sûrement aussi à fuir leurs vies. Près de moi, je pouvais voir un jeune homme qui avait l'air complètement ivre qui venait de se prendre apparemment le le bois du comptoir sur la tête en voulant juste se coucher, si j'avais bien compris la démarche de là où j'étais. Malin. Il devait déjà avoir enchaîné pas mal de verres pour en arriver à ce stade. J'aurai pu ne pas y faire attention, rester stoïque à ça (après tout, les personnes complètement out n'étaient pas spécialement rares dans les bars n'est-ce pas ?) mais lorsque mon voisin se releva un peu et que je fus apte à le reconnaître, je me mis à rigoler. Ça devait être nerveux tout ça. Andy McDougall, en train de se saouler dans un bar qui n'était peut-être pas miteux, mais pas loin de l'être ? Sans personne pour l'accompagner ? Ça c'était une situation exceptionnelle. Lorsque le verre fut enfin devant moi, je bus aussitôt la moitié avant de me tourner vers l'Eliot. Me fallait bien ça pour que j'trouve l'envie de lui parler et la bêtise de le faire. A va ? C'était de la politesse plus qu'autre chose. Mais si j'arrivais à lui soutirer quelques infos sur son mal-être, ma foi, j'étais preneuse. Ça pouvait toujours servir contre le mec qui a l'habitude vous pourrir la vie. Qu'est-ce que t'as ? Il avait vraiment pas l'air au point et le voir dans un état pareil, ça me faisait bizarre. Où était passé le mec arrogant, froid, fier.. ? En espérant qu'il soit suffisant saoul pour me répondre et qu'il ne me reconnaisse pas.. manquerait plus que ça.

J'avais bien assez d'expériences avec les ivrognes ou même plus globalement avec l'alcool pour me rendre compte à quel point Andy était saoul ce soir. C'était vraiment étrange de le voir dans une telle posture, lui qui avait l'habitude 'être le mec hautain, le mec aux bonnes manières, qui ne veut absolument pas faire honte à sa famille. J'pouvais mettre ma main au feu, tellement j'étais sûre que personne n'était au courant qu'il était là ce soir. En gros, si je fermais ma bouche, aucun étudiant d'Harvard saura qu'Andy McDougall est du genre à aller se saouler tout seul dans son coin. Minable. C'était le premier pas vers l'alcoolisme ça. Néanmoins, j'étais curieuse - malsain je sais - de savoir pourquoi il était dans un tel état. Et je ne tarda pas à lui demander, sans aucune gène. De toute façon, avec tous les verres qu'ils avaient dû s'enfiler, il devait même pas reconnaître et pas avoir conscience des mots qui pouvaient sortir de sa bouche donc ce serait carrément idiot de ne pas s'en servir. « Ils ont raison, j'suis qu'un mauvais père. Un putain d'mauvais père. Elle est toute seule à l'hôpital, elle s'bat, et moi... chuis là, et j'bois. » Alors là, j'fus prise de court. Comme une débile, j'avais pas pensé à la ptite à l'hôpital. Grâce à Charlie, j'étais au courant de ce qui se passait avec Cora, sans pour autant connaître les détails, et j'aurai dû penser à ça immédiatement. Je passa ma langue sur mes lèvres avant de finalement boire la fin de mon verre. Depuis quand tu dis que les autres ont raison ? J't'ai connu plus combattif. J'aurai aimé être méchante avec lui, vraiment. Mais le voir, sur ce bar, complètement désemparé.. ça me faisait quelque chose.. J'suis sûre que tu fais déjà tout ce qui est possible et puis, elle va bientôt sortir de l'hôpital, nan ? Ca faisait déjà un mois et demi que la petite était née non ? Depuis l'anniversaire de sa mère me semblait-il.. Je fis un signe au serveur pour pouvoir de nouveau avoir un verre. Juste pour moi. Pour l'instant, hors de question qu'Andy en ait un de nouveau.

Comment dire.. ? Je me sentais vraiment pas à l'aise là à côté d'un Andy complètement saoul et terriblement mal au point. D'un côté, toute la rancoeur que j'avais contre lui me disait de l'abandonner à son sort, tant pis si il a un accident par la suite vu qu'il arrivera sûrement pas à marcher droit en sortant d'ici, je serai tranquille et les Eliots auront enfin un vice président digne de ce nom. Mais de l'autre côté, mon passé Quincy me disait de rester. Andy avait besoin de compagnie. Il avait besoin de quelqu'un à qui parler, même si j'étais certaine que c'est pas de moi qu'il aurait voulu à la base uh. Il était en train de vivre ce que chaque parent redoutait. La peur de voir son enfant souffrir, de voir son enfant mourir.. Est-ce qu'Apple savait que son petit ami allait aussi mal ? Je me le demandais.. Andy releva son regard vers moi, embué. Pourquoi est-ce que ça me touchait à ce point, pourquoi j'pouvais pas être aussi insensible que je le souhaitais ? « Puis quoi ? Les docteurs prient pour qu'elle ait pas d'séquelle. Mais j'ai la poisse alors elle en aura forcément, elle va finir autiste ou trisomique et ce sera ma faute, elle aura pas une vie normale. » Et j'devais dire quoi là ? J'savais rien de la situation avec Coraleen, j'pouvais même pas lui dire un truc dans le genre "mais nan, tout ira bien", le truc bien bateau et surtout horrible. Les médécins de Cambridge sont brillants. Ils feront tout pour que ta fille soit.. normale ! C'était bidon c'que j'disais et ça n'allait certainement pas lui remonter le moral.

« Putain de dépression, j'sens encore que j'vais pleurer. Un autre verre, barman... ! » Je vis le barman se hâtait pour répondre à la demande, qu'il déposa à côté de moi. Et que je ne fis pas passer à Andy. Il était déjà bien assez saoul comme ça, pas la peine qu'il me fasse un coma éthylique maintenant. De quelle dépression tu parles ? J'voyais qu'il était pas prêt de m'en parler et je me mordis la lèvre inférieure, tout en réfléchissant. J'voulais comprendre de quoi parlait Andy. T'auras ton verre après. Non, il l'aura pas, mais tant pis. Si ça pouvait lui permettre de s'ouvrir à moi..

Il faisait pitié. Je devrais le prendre en vidéo rien que pour le montrer à tous les autres mathers, par pu acte de méchanceté. Il avait fait tellement de mal à certaines personnes, il en avait même détruit grâce à son argent ou bien grâce à ses paroles qui tombaient juste, qui étaient blessantes. Et toutes ses victimes, elles avaient le droit de voir dans quel état de débauche était le vice-président Eliot. Puis les Eliots aussi devraient avoir droit à ce privilège. Comme ça ils comprendront la connerie qu'ils ont fait en mettant à un poste aussi important dans leur confrérie un mec qui boit tout seul. Maiiiiiis.. d'un autre côté, si il est dans cet été, c'est qu'il devait bien avoir une raison qui le justifierait. Et quelles raisons bon sang.. sa fille. Je n'étais pas mère, heureusement d'ailleurs -autant pour moi, que pour le gosse - mais je pouvais comprendre ce que ressentait Andy. De l'impuissance. L'impression qu'on sert à rien, qu'on est spectateur et qu'on ne peut pas intervenir, même si c'est notre plus grand souhait. Alors, je savais pas quoi faire. Aider ses victimes et les venger. Ou bien essayer de comprendre le mec que j'avais jamais pu voir en peinture, juste parce qu'il avait ouvert en premier les hostilités à cause de ma sexualité. Dilemme. Pour l'instant, je préférai écouter. Quitte à me faire un jugement vers la fin. De toute manière, vu l'état dans lequel il était, complètement out, j'avais bien assez de temps pour prendre une décision. Quand Andy évoqua la possibilité qu'il repleure à cause de cette "putain" de dépression, je fus aussitôt.. intriguée. Pardon ? Une dépression ? Quelle dépression ? Qui, que, quoi, où ? Je pris en otage son verre, le questionna en échange de ce dernier, sachant pertinemment qu'il ferait tout pour boire. Que du vécu ça. En échange de l'alcool, on pouvait tout obtenir d'un ivre. Andy essaya de tendre sa main vers son trésor mais il était bien trop lent et pas vif pour un sou pour faire quoi que ce soit. « Si je réponds, tu me promets de me donner mon verre ? » J'haussa les épaules et regarda de là où je me montrais le vice-président Eliot. Je savais pas. Peut-être. Dans l'état dans lequel il se trouvait, un verre de plus, une verre de moins.. où était la différence ? Pis, comme ça, j'pourrais ptete obtenir plus d'infos. Sûrement. Donc ?

J'étais légérement impatiente d'apprendre la vérité. Andy se coucha contre le bar et me répondit enfin. « Tu vois, personne comprend... Les ptits friqués c'est tout... Ptain, ils imaginent pas comme on aimerait pouvoir vivre comme eux, au jour le jour, des fois... Oublier tout ça là, toutes ces responsabilités... » Il était en train de se plaindre, c'est bien ça ? Il était en train de faire passer les Eliots pour des.. victimes de leur rang et classe sociale ? Mais what the fuck là ? Oh les pauvres petits qui doivent régler quelques petits paramètres dans l'entreprise de leurs parents, signer des papiers pour montrer qu'ils étaient d'accord de gagner un peu plus d'argent. « Pff... Elysia elle a pu la chanceuse... Elle m'en voulait de l'avoir sauvée t'sais. J'ai jamais vu autant de sang de toute ma vie... partout. » Ma respiration se coupa pendant quelques secondes en entendant ça. Elysia a fait une tentative de suicide.. ? J'connaissais pas c'te fille personnellement. Juste de réputation. Andy l'aurait sauvé ? Quel sauveur, quel héros. (ironie, ironie..) T'as qu'à tout abandonner. Tu donnes des sous à des pauvres en Afrique, comme ça t'iras au paradis après, puis tu te ramènes chez les Mathers. Comme ça, tu seras libre. Plus de responsabilités, la liberté. J'étais en train de dire au mec que je détestais le plus actuellement de venir rejoindre la mather house. Hum hum. J'suis pas bien dans ma tête moi. Remarque, il va pas capter la moitié des mots que j'ai dis et même si c'est le cas contraire, sa réponse sera à l'opposé de ce qu'il pense. Ouuuuuuuh, mais c'est vrai ça. Je sortis discrètement mon téléphone de la poche, mode vidéo, en plein sur Andy qui ne s'en rendrait pas compte. Qui sait, sa réponse pourrait ptete me servir.

« J'ai envie de pisser ! » L'élégance, la classe, la retenue version Eliot. Ca envoie du pâté. Je me racla la gorge avec autant de finesse. On dirait des rustres sérieux.. Eeh.. ouai ? J'vais ptete pas l'accompagner.. naaan, faut pas déconner là. T'arrives à tenir débout ou pas ? Pitié, oui, tiens debout tout seul..