Cela fait quelques jours à peine que tu es de retour à Cambridge, sans trop savoir vraiment pourquoi puisque tu es toujours officiellement suspendu de l’université et que tu ne peux donc pas assister aux cours. Ton année scolaire est définitivement enterrée, ce qui te fout clairement la rage. Tu n’as pas l’habitude d’être cantonné au rôle de simple spectateur. L’idée d’être passif, impuissant face aux événements te fait bouillonner. Même si tu essayes d’étudier dans ton coin pour ne pas être trop déconnecté de tes études, force est de constater que tu as beaucoup trop de temps libre. Temps que tu passes principalement à ruminer toute cette histoire, la police et les détectives privés que tu as engagés n’ayant pas avancé d’un pouce dans leurs recherches pour retrouver les vrais coupables. Et quand tu ne réfléchis pas à ce bordel, ton esprit est occupé par deux autres sujets hyper joyeux, le premier étant la mort de Rhiannon et le second les doutes de plus en plus gros qui t’assaillent concernant les origines de Ziggy. Parfois tu te demandes si tu n’es pas en train de perdre la tête. Peut-être que tu deviens paranoïaque avec tout ce qui se passe. Il n’empêche que.

Arrivé pile à l’heure devant le McDonald’s où tu dois retrouver la brune, tu ranges tes écouteurs dans la poche et guettes son arrivée imminente. Tu lui as proposé de déjeuner avec elle dans votre quartier général, pour votre première malbouffe ensemble de 2018. L’occasion de vous raconter vos vacances, mais aussi et surtout pour toi de vérifier si l’idée folle qui t’a traversée l’esprit il y a quelques temps a ses fondements. Tu la vois soudain apparaître à l’angle de la rue et lui adresses un large sourire, sincèrement content de la revoir. « Hey, bonne année ! Comment ça va ? Ça a été la reprise des cours ? » lui dis-tu tout en lui ouvrant la porte du fast-food. « T’as fait quoi de tes vacances ? » Tu es à l’affût du moindre détail qui pourrait corréler l’hypothèse tordue qui hante désormais tes pensées. Mais peut-être que tu te fais des idées et que c’est toi le tordu dans l’affaire.

j'avais pas pu dire non à philip quand il m'avait proposé la première malbouffe de l'année. premièrement parce que j'avais l'impression qu'il y avait une éternité que je ne l'avais pas vu et deuxièmement parce que je devais lui parler des défis qu'il donnait à sullivan. ouais ouais, le coup de tinder, moi ça me faisait rire, mais rien que pour le plaisir, lui remonter les bretelles pourrait être cool. sauf que la malbouffe, c'était pas mon truc. le mcdo encore moins. déjà, j'étais vegan donc à part des frites ou une salade j'allais pas spécialement pouvoir bouffer grand chose mais j'étais incapable de résister à un mcflurry. bref, j'arrivais sur les lieux -en retard comme d'habitude- le voyant en train d'attendre dans le froid. ouais ouais, je me faisais toujours désirée. "wow, à peine arrivée et tu m'assommes de question" c'était limite lui l'hyperactif dans l'histoire en fait, j'avais l'air complètement calme à côté. "ça va très bien et toi ?" dans un premier temps. "les cours bah.. comme d'habitude quoi." chiant à en mourir, inintéressant pour  moi. bref, j'étais pas assidue, c'était pas une nouveauté en fait. passant devant lui pour entrer dans le mcdo, j'prenais place à une borne l'air réfléchie avant de reporter mon attention sur phillip. "j'suis rentrée voir mes parents, j'trouve ça horrible d'être loin d'eux comme ça, ils me manquent tout le temps.’" vraiment, parce que j'étais trop famille peut être mais ouais, j'étais obligée de faire un facetime avec eux tous les jours sans exception. "et toi alors ?"

T'as juste envie de sourire quand tu la vois arriver de cette démarche que tu reconnaîtrais aisément entre mille. Ziggy c'est ton petit coup de coeur de cette année, une des rares filles qui trouvent grâce à tes yeux sans que tu aies envie de la sauter. Non pas qu'elle ne soit pas attirante, au contraire cette fille est un putain d'avion de chasse mais ce n'est pas la question. Tu n'as juste pas envie de tout faire foirer dans votre amitié pour une histoire de fesses, chose que tu sais si bien faire d'ordinaire. De toute façon elle est maintenant en couple avec Sullivan alors tu ne te mêles pas de ses histoires d'amour. Ce qui t'intéresse pour le coup, c'est son histoire à elle. « wow, à peine arrivée et tu m'assommes de question. ça va très bien et toi ? » Si seulement elle savait. Des questions, tu en as des centaines qui se bousculent dans la tête, hypothèses toutes plus folles les unes que les autres. Si ça ne tenait qu'à toi, tu l'assaillirais direct avec toutes tes interrogations mais tu n'as pas spécialement envie qu'elle te prenne pour un fou et ce ne serait certainement pas la meilleure façon d'obtenir des réponses. « J'ai connu mieux, mais ça va aller. » Un semi-mensonge destiné à éloigner l'ombre d'une conversation que tu ne tiens vraiment pas à avoir sur Rhiannon et tous les événements qui se sont déroulés depuis le bal de Thanksgiving. « les cours bah.. comme d'habitude quoi. » Son air blasé te fait sourire, avec une légère amertume toutefois lorsque tu te dis que tu aimerais être en mesure de dire la même chose qu'elle.« j'suis rentrée voir mes parents, j'trouve ça horrible d'être loin d'eux comme ça, ils me manquent tout le temps. et toi alors ? » te répond-elle quand tu l'interroges sur ses vacances. T'es loin d'avoir une relation aussi fusionnelle avec ta famille, au fond t'es peut-être même un peu jaloux qu'elle soit si proche de ses parents. Mais sa phrase soulève justement le point qui te préoccupe particulièrement aujourd'hui, aussi décides-tu de commencer ton petit interrogatoire. « Pareil, je suis rentré à New York pour passer du temps en famille. C'était sympa. » Après une brève hésitation sur la meilleure manière de formuler la chose, tu te lances. « Ils habitent où déjà tes parents ? » Tu commandes un menu à la borne, écoutant attentivement chaque détail qu'elle te donne pour pouvoir mener ton enquête plus tard. « Ils font quoi dans la vie ? »  

non mais si on me lançait sur ce sujet, j'étais capable d'en parler pendant des heures et des heures à vrai dire. parce que ma famille, c'était toute ma vie. clairement. j'sais que j'avais de la chance d'être aussi proche d'eux parce que ouais, c'était pas le genre de truc qui arrivait à tout le monde. alors ouais, je m'estimais chanceuse d'avoir une relation aussi fusionnelle avec mes parents et pour rien au monde je ne voudrais échanger ça. partir à harvard, ça avait été de loin la décision la plus douloureuse que j'avais du prendre. et j'me souvenais de l'acharnement avec lequel ils s'étaient battus pour ne pas que je mette les pieds aux états-unis. fallait croire qu'avec le temps, ils s'étaient apaisés. comme s'ils s'étaient finalement rendu compte que rien ne pourrait m'arriver là-bas. "tu m'étonnes, c'est impossible de passer les fêtes loin de ses proches de toute façon" déjà que ne pas avoir pu rentrer pour thanksgiving m'avait mise dans tous mes états, j'osais même pas imaginer ce que ça aurait pu être si j'avais aussi été privée de rentrer pour noël. mais les billets étaient cher et moi, j'étais déjà en train de ruiner mes parents pour cette fac sans en plus devoir demander qu'ils me payent des billets d'avions pour rentrer tous les mois. "vancouver, canada. avant on était à toronto mais on a déménagé quand j'étais gamine. j'crois qu'ils voulaient repartir à zéro." j'hausse les épaules parce qu'en soit, j'me souvenait pas vraiment de toronto en fait. j'étais trop jeune pour ça alors moi, tous mes suovenirs, ils étaient à vancouver et ça m'allait comme ça. "ma mère est institutrice dans une école primaire pas loin de chez moi. mon père, lui, travaille sur les chantiers." ouais donc c'était pas la vie de rêve. c'était juste le truc totalement banale. le quotidien de la plupart des gens normaux. "je suis tout ce qu'il y a de plus normale harrison, loin de ta vie de château" qu'elle plaisante validant alors son menu.

« tu m'étonnes, c'est impossible de passer les fêtes loin de ses proches de toute façon » T'acquiesces de la tête, Noël est une période qui te tient à coeur car c'est une des rares occasions où ta famille toute entière se réunit toute entière le temps de quelques bons repas. T'as des souvenirs lointains de ton enfance qui te rappellent que ces réunions de famille étaient beaucoup plus fréquentes et heureuses avant, à l'époque où vous habitiez encore Los Angeles et que Meghan était encore parmi vous. Une pensée qui te fait un pincement au coeur, surtout lorsque tes yeux se posent sur la brune devant toi. Tu sens la nervosité te gagner alors que tu te décides à te lancer sans plus tarder sur le chemin miné des origines de Ziggy. Heureusement ton visage ne laisse rien paraître de cette tension car t'es plutôt bon comédien, aptitude qui t'a déjà sauvé la mise plusieurs fois alors que tu étais en mauvaise posture. « vancouver, canada. avant on était à toronto mais on a déménagé quand j'étais gamine. j'crois qu'ils voulaient repartir à zéro. » Tu sais que c'est complètement stupide car cela ne prouve rien, dans un sens ou dans l'autre, mais tu ne peux t'empêcher de ressentir une mini pointe de déception. Tu savais qu'elle était canadienne même si tu ne te rappelais plus d'où exactement, mais t'aurais voulu qu'elle te dise avoir des souvenirs à Los Angeles pour alimenter ce fantasme chimérique que tu nourris en secret. N'ayant pas avancé, tu poses une deuxième question sur la profession de ses parents. « ma mère est institutrice dans une école primaire pas loin de chez moi. mon père, lui, travaille sur les chantiers. je suis tout ce qu'il y a de plus normale harrison, loin de ta vie de château » Effectivement tout ce qu'il y a de plus banal. Il ne semble pas y avoir le moindre mystère autour de cette famille, rien qui puisse étayer tes hypothèses délirantes. « Oh mon château n'est pas si grand que ça, je te le ferai visiter un jour si tu veux. » L'idée de ramener la mather chez tes parents à New York est pire que tentante, et en même temps des plus périlleuses. « Par contre quand j'étais petit et qu'on habitait à Los Angeles, là on avait une super grande maison. Le genre villa à l'ancienne avec un portail noir en fer forgé, une piscine immense et un beau jardin rempli de palmiers et de rosiers. Je jouais souvent au ballon près des buissons et forcément, ils finissaient tous par crever à cause des épines... » Tu lâches un petit rire à ce souvenir. « T'as déjà été à Los Angeles ? Ou quelque part aux USA en dehors d'ici ? »  

ce qui était dingue au mcdo, c’est que même en prenant une simple salade, on avait l’impression de donner un bras pour le payer. mais là n’était pas le sujet du jour. en fait, le sujet, c’était philip. parce que sans trop savoir pourquoi, j’avais l’impression qu’il agissait bizarrement. depuis quand est-ce qu’il s’intéressait autant à ma vie passé ou bien même à mes parents ? c’était typiquement le genre de truc dont on parlait jamais en fait et ouais, j’étais un peu perturbée. à sa suite, je passais dans la file pour récupérer nos commandes alors qu’il repartait dans la conversation. « pourquoi pas ? mais j’pense que je ferais tâche dans le décor. » c’était pas avec mes jeans troués, mes baskets usées et mes tee shirts trois fois trop grand que j’allais pouvoir me la jouer princesse dans l’environnement princier de philip. quoi que, pourquoi pas ? j’poussais un soupir, mon plateau en main, rebroussant chemin jusqu’à une table tranquille où l’on pouvait prendre place sans être gênés par les dalleux attendant de repartir avec leur big mac. et j’sais pas, j’me perdais dans mes pensées au fur et à mesure de ses paroles. le portail en fer forgé, la grande piscine avec le petit toboggan en spirale, les rosiers et les épines écorchant les jambes à chaque fois. ouais, si je fermais les yeux, je pouvais visualiser tout ça. comme si le rêve qui était là depuis des années prenait vie soudainement. secouant la tête, je tentais de chasser tout ça de mon esprit continuant pourtant à faire remonter des images de je ne sais où. une bibliothèque si grande qu’on aurait pu jouer à cache-cache dedans, des couloirs à n’en plus finir, une chambre emplit de peluche où trônait au milieu un lit baldaquin aux teintes rosées. j’passais mes mains sur mes tempes comme si ça allait arrêter soudainement tentant de reporter mon attention sur le winthrop. « nop, jamais. mes parents ont déjà faillit avoir une attaque quand j’ai parlé d’aller aux états-unis alors.. voyager ? puis avec quel argent ? non mais parce que soyons clair, j’étais pas à la rue mais rien que payer mon loyer c’était une galère. fallait dire qu’harvard était une sacrée pompe à fric, j’pouvais pas vraiment m’accorder des extras. « puis mes parents deviendraient dingue si j’bougeais partout. j’crois que c’est à cause du carnaval quand j’étais petite. j’me suis perdue et j’crois que ça avait été vraiment la panique. » j’esquissais un sourire l’air de rien avant d’hausser les épaules. « pourquoi, tu veux me faire voyager harrison ? »

C’est fou comment ta vie a été bouleversée ces dernières semaines, comment tout s’est petit à petit effondré autour de toi. T’as l’impression que tout le malheur du monde s’est abattu sur ton entourage, et c’est sûrement la raison pour laquelle que tu t’accroches désespérément à cette idée démente que ta plus jeune sœur pourrait ne pas être morte mais bel et bien en face de toi en ce moment même. T’avais beau n’être qu’un gamin à l’époque où elle a été enlevée, tu te rappelles encore parfaitement de ce sourire qui te réchauffait le cœur, exactement le même que celui de la mather. Plus encore que le sourire, il y a toute cette ressemblance physique indéniable que tu lui trouves. Si tu avais imaginé Meghan adulte, tu l’aurais sans doute imaginée comme Ziggy à peu de choses près. Sans compter qu’elle est le portrait caché de ta mère lorsqu’elle était jeune, élément troublant découvert pendant les fêtes de fin d’année alors que tu parcourais les vieux albums photo de la famille. Leurs personnalités aussi sont semblables, comme si elle n’avait pas changé depuis tout ce temps et si tant est que la personnalité d’une fillette de quatre ans n’évolue pas fondamentalement lorsqu’elle grandit. Trop de similitudes et de coïncidences qui ont fini par éveiller le doute en toi, d’abord infime puis de plus en important au fur et à mesure que tu passais du temps avec elle. « pourquoi pas ? mais j’pense que je ferais tâche dans le décor. » répond-elle lorsque tu évoques la possibilité qu’elle puisse venir un jour chez tes parents à New York. T’essayes très fort de ne pas penser "ses parents" pour ne pas sombrer totalement dans tes théories délirantes et te concentres sur une réponse des plus basiques, faute de mieux. « Mais non t’inquiète t’es très bien comme ça. » Et puis il y a deux chances sur trois pour que les parents ne soient pas présents si jamais cela devait arriver. Vous vous installez à une table pendant que tu te replonges dans tes souvenirs d’enfance. Plus ou moins consciemment, tu lui décris ta maison quand tu étais petit, cette grande villa de Bel Air où Meghan avait vécu. T’oses même pas formuler dans ta tête l’espoir que ces quelques mots puisse évoquer quelque chose dans la mémoire de Ziggy. Parce que non. Juste non. C’est impossible. Trop dingue. T’es devenu fou, c’est obligé. Meghan est morte. Tu le sais, depuis des années. Elle a disparu et elle est morte peu de temps après, t’en es absolument convaincu. Faut que tu te ressaisisses. Que t’arrêtes de perdre du temps, de l’énergie et le peu de lucidité qu’il te reste à courir après cette illusion absurde. Tu te concentres sur les paroles de Ziggy pour revenir sur terre. « nop, jamais. mes parents ont déjà faillit avoir une attaque quand j’ai parlé d’aller aux états-unis alors.. voyager ? puis avec quel argent ? » Voilà, elle vient de le dire, elle n’a jamais mis les pieds sur le sol américain avant de venir à Harvard. Si elle était venue à Los Angeles, elle s’en serait souvenue, même petite. Faut que t’enterres tes divagations une bonne fois pour toutes, tout ce cirque a assez duré. « puis mes parents deviendraient dingue si j’bougeais partout. j’crois que c’est à cause du carnaval quand j’étais petite. j’me suis perdue et j’crois que ça avait été vraiment la panique. » Ton cœur rate un battement en entendant ces derniers mots. Meghan avait disparu dans les mêmes circonstances. Une nouvelle coïncidence qui te perturbe profondément, au point que tu as du mal à aligner des pensées cohérentes. « pourquoi, tu veux me faire voyager harrison ? » Si seulement. T’es largué en fait. Tu ne sais pas quoi lui dire, à elle, cette fille assise en face de toi et qui ne se doute pas un seul instant de ton insanité. Avant que tu ne réalises vraiment ce que tu es en train de faire, les mots sortent tous seuls de ta bouche. « C’est marrant parce que j’avais une petite sœur avant. Je ne t’en ai jamais parlé mais elle te ressemblait beaucoup. Un jour, elle aussi on l’a perdue au carnaval. Elle avait quatre ans et on ne l’a jamais retrouvée. » Contraste saisissant entre la teneur de ton discours et le ton léger, presque anecdotique que tu viens d’employer pour raconter cette histoire. Tu détournes les yeux de ton amie. De toute façon, c’est impossible. « Mais bon elle est morte. »   

je crois que mon problème était que je prenais un peu tout à la légère. j’essayais de faire abstraction de toutes ses questions et surtout, des souvenirs qui remontaient sans que je sois certaine que ça en soit vraiment. j’arrivais plus vraiment à faire la part entre ce qui était réel et ce qui ne l’était pas. ce qui était de l’ordre de mes rêves et ce qui avait pu réellement se produire. mais je devais avouer que j’étais perturbée. perturbée de pouvoir visualiser à ce point ce qu’il me racontait. comme si j’avais déjà vu. comme si j’avais été là. sauf que ce n’était pas possible. ce n’était absolument pas possible. alors ouais, je prenais le sujet à la dérision parce que c’était toujours comme ça que je réagissais quand les choses me déstabilisaient un peu trop. « parfaite même, t’as le droit de le dire. » j’esquisse un sourire léger me concentrant probablement un peu trop sur ma bouffe. « trop » pour que ça paraisse naturelle mais mon esprit était tourmentée par beaucoup trop de question à ce moment précis et forcément, ça impactait sur mon comportement à ce moment précis. et j’crois qu’il avait pas vraiment envie d’arranger les choses puisqu’il continuait sur sa lancée. j’avais le droit à une révélation et je relevais mes yeux vers lui, l’air un peu perturbée. wow, je ne m’attendais pas à ça. je m’attendais pas à ce qu’il me sorte un truc du genre, naturellement, comme si l’on parlait de la pluie et du beau temps. « je.. suis désolée ? » je ne savais pas quoi dire d’autre en fait. j’étais sous le choc, perdue, incapable de savoir quoi dire. j’crois qu’il n’y avait pas vraiment de bon mot en fait dans un truc pareil. « j’imagine pas ce que ça doit être pour toi.. » perdre quelqu’un de sa famille, c’était horrible. j’imaginais même pas en fait ce que ça pourrait donner si je perdais mes parents. je m’en remettrais pas. je ne pourrais jamais me remettre d’un truc comme ça clairement. détournant le regard une nouvelle fois, j’osais même pas poser des questions. « vous n’avez jamais eu le moindre indice ? » c’était ouf de perdre totalement la trace de quelqu’un. j’imaginais même pas ce que ça avait pu être pour sa famille en fait parce que clairement, c’était juste horrible. et j’étais tellement mal à l’aise en fait. puis j’avais chaud surtout. à un tel point que je finissais par retirer ma veste juste pour échapper à cette impression d’étouffer. je tirais même sur les manches de mon pull comme si j’étais incapable de tenir en place dévoilant mon épaule droite par la même occasion. épaule et tâche de naissance ressemblant vulgairement à un nuage. quoi que c’était une question de point de vue mais la forme restait atypique. « je me suis toujours demandé pourquoi certains avec des tâches distinctives et pas d’autres. tu crois que c’est du hasard ? ou elles sont là pour quelque chose ? » ok, j’étais clairement en train de changer de sujet mais tout était étrange aujourd’hui. tout était pire que bizarre et j’arrivais plus à cerner grand chose. j’avais juste ce foutu prénom qui résonnait dans ma tête, les images qui venaient s’infiltrer de temps à autre l’air de rien et ouais, c’était en train de me rendre dingue en fait.

T'arrives clairement plus à réfléchir correctement. Ton cerveau est trop embrouillé par toutes ces informations qu'il reçoit, des éléments qu'il n'aurait jamais dû recevoir en temps normal. Ton instinct te souffle qu'il faut que tu creuses encore plus car t'es sur la bonne piste, ton coeur a grave les chocottes de ce que tu pourrais découvrir et cherche à se cacher dans un coin tout au fond, et ta raison menace de se barrer avec perte et fracas si tu t'obstines dans cette voie insensée. T'es totalement largué alors tu perds le filtre qui est d'ordinaire devant ta bouche. Celui qui était d'une importance cruciale dans ta conversation avec Ziggy. Tu lui parles de ta petite soeur, celle que t'as perdue un jour d'été dans la foule d'une grande fête foraine et que t'as jamais revue. Disparue au milieu des milliers de gens présents autour de toi et ta famille. Sûrement enlevée par un pédophile qui lui a fait subir mille et un sévices avant de la tuer. Pendant des années t'as prié pour elle. Pas pour la retrouver vivante, mais pour qu'on découvre son corps et que les médecins légistes te confirment qu'elle a été rapidement tuée, sans trop de souffrances. « je.. suis désolée ? » Les mots de Ziggy te ramènent au présent et tu te rends compte de ce que tu viens de dire. Bravo, t'as sacrément refroidi l'ambiance. Déjà que c'était pas la discussion la plus légère que vous ayez eue mais là, vous touchez le fond. Forcément qu'elle est mal à l'aise, tu le serais aussi à sa place. « j’imagine pas ce que ça doit être pour toi.. » Tu prends une gorgée de ton coca pour faire genre, le temps de te ressaisir. « T'inquiète, c'était il y a longtemps. J'étais encore un gosse donc je ne me rappelle plus très bien. » Mensonge. Tu te rappelles encore comme si c'était hier de ce que tu as ressenti lorsque vous vous êtes rendus compte tous que vous ne la retrouviez pas. L'impression que ton coeur pesait une tonne, en même temps qu'il tombait tout au fond de ton estomac. L'angoisse qui t'avait enveloppé tout entier, infiltrant tes veines et te filant la nausée. Tes tripes qui se tortillaient dans ton abdomen comme si elles voulaient s'échapper. Ouais ce jour là, t'avais perdu une partie de toi. « vous n’avez jamais eu le moindre indice ? » Tu te remémores les détails de l'enquête. Du moins ce qu'on avait bien daigné t'expliquer à l'époque, pauvre gamin incapable de comprendre tous les rouages en jeu. Au fond cela n'avait pas été difficile, il n'y avait rien. Le dossier était creux. Désespérément vide. Le néant. « Non rien du tout. Pas d'indices, pas de témoins. Elle s'est juste envolée. » Après quelques secondes de silence, tu ajoutes un dernier détail. « Elle s'appelait Meghan. » Tu reportes ton attention sur ton burger, conscient que la discussion ne mènera à rien. Du moins tu t'en persuades aisément. Tu prends la décision de ne plus évoquer le sujet avec Ziggy. Pas la peine de la perturber davantage avec tes questions sans queue ni tête. C'est alors qu'elle s'agite, retirant son pull. Et sans le vouloir, tes yeux se posent sur sa peau brièvement dénudée. En particulier ton regard est attiré par une tâche de naissance, qui a l'air semblable à la tienne. Tu n'en es pas certain car très vite elle remet son haut en place, dissimulant à nouveau son épaule. Elle remarque néanmoins ton regard et lance à cette occasion des questions auxquelles tu n'as pas de réponses. « je me suis toujours demandé pourquoi certains avec des tâches distinctives et pas d’autres. tu crois que c’est du hasard ? ou elles sont là pour quelque chose ? » T'es déstabilisé. Juste au moment où tu te promets de laisser tomber l'affaire avec Ziggy, un nouvel élément vient chambouler le tout. Mais qu'est-ce que t'y connais toi aux tâches de naissance ? Il y a peut-être des centaines, des milliers de gens avec la même forme un peu bizarre sur l'épaule droite. Non, il ne faut pas que tu repartes dans tes délires. « Aucune idée, je ne m'y suis jamais intéressé moi tu vois. Mais je me renseignerai. » Ça c'est certain. T'évites de parler de ta propre tâche de naissance, restant fidèle à ta résolution d'il y a deux minutes de cesser tout comportement louche avec elle. Si tu commences à comparer ta tâche de naissance avec la sienne, c'est sûr qu'elle va te prendre pour un malade pour de bon. Et puis d'abord, tu ne sais même plus si Meghan en avait une ou pas. Il faut vraiment que tu laisses tout ça de côté. « Et sinon, avec Sulli ça se passe comment ? T'as aimé ta petite soirée à la Winthrop ? » que tu demandes dans un sourire malicieux. Voilà un sujet qui devrait éviter toutes les mines en rapport avec je-crois-que-tu-es-ma-soeur.

j’étais mal à l’aise, j’avais envie de m’en aller. de disparaître de cet endroit et d’être de retour chez moi, à vancouver. y avait cette voix dans ma tête qui ne cessait de me répéter que j’avais fais les mauvais choix. que j’aurais jamais dû mettre les pieds à harvard ni même aux états-unis et en soit, peut être étais-ce vrai. peut être que je n’aurais pas du y suivre sullivan puisque ce n’était pas ce que je voulais. peut être que j’aurais du rester chez moi et avoir la vie normale que je pensais avoir. bosser au supermarché du coin, peut être devenir esthéticienne. rien de bien glorieux mais bien loin du chemin d’harvard. et comme à chaque fois que quelque chose clochait, j’avais ce tic nerveux consistant à enfoncer mes ongles dans la paume de ma main quitte à parfois finir avec des plaies si l’instant durait bien trop longtemps. j’étais perturbée par tout ça. les coïncidences, les flashs dans ma tête. les rêves qui étaient peut être des souvenirs et toutes les questions que je n’osais poser parce que je n’avais probablement pas envie d’entendre les réponses. j’avais l’impression d’avoir plongé dans un océan et de me démener depuis des minutes à tenter de regagner la surface sans pour autant y arriver. elle s’appelait meghan. je devais livide. les mains tremblantes, la gorge nouée. c’était trop. trop de chose d’un coup. je baissais les yeux sur mon plateau repas faisant abstraction de tout le reste. des mots qu’il prononçait, des bruits autour de moi. j’écoutais plus rien à part cette terreur qui semblait prendre un peu plus de place à chaque fois. meghan. je haïssais ce prénom. je ne voulais pas savoir ce qu’il voulait dire et surtout, je voulais rentrer chez moi. je voulais disparaître dans un trou à souris, prendre le premier avion pour le canada et ne plus jamais remettre les pieds ici. j’voulais que tout s’arrête soudainement et que ça ne soit rien d’autre qu’un mauvais souvenir. j’avais les yeux perdus dans la vague, cette douloureuse impression de voir les choses se refermer autour de moi et soudainement, je me levais. « j’avais complètement oubliée que j’avais un.. je.. un rendez vous. » j’attrapais ma veste, mon sac, laissez le plateau là où il était bifurquant vers la sortie. « je t’appellerais plus tard. » ou jamais aussi. mais m’appelle pas non plus.