Les périodes de fêtes avaient été plutôt calmes de mon coté. J'étais rentré à Philadelphie, histoire d'en profiter un peu en famille ou plutôt ce qu'il m'en restait. Ce noël fut le premier depuis le décès de mon père, ce qui avait foutu une ambiance assez spéciale à la maison. Ma mère, qui d'habitude était aussi rayonnante qu'un rayon de soleil, se montrait maintenant aussi froide que la glace, presque inexpressive. Moi, j'essayais simplement de continuer à avancer, tout en gardant le sourire malgré les épreuves. Le nouvel an lui au contraire était totalement différent, à vrai dire je ne me souviens même plus de cette soirée hormis le fait que j'étais complètement bourré avant même le début du décompte, encore une fois j'avais fait fort! J'étais rentré depuis quelques jours à la colocation mais l'ambiance ici était également très calme, Bulle et Erin se faisant discrètes ces derniers temps. Du coup, j'en profitais pour faire un peu ce que je voulais, me fumant quelques joints dans ma chambre malgré les nombreuses interdictions imposées par Erin, et me sifflant quelques bières par la même occasion. Voila à quoi se résumaient mes journées et soirées, lamentable.

Des cris me tirèrent violemment de mon sommeil, sur le coup je n'avais plus aucun repère, toujours alcoolisé de la veille et trop fatigué pour comprendre ce qui était en train de se passer. Ce n'est qu'au contacte du liquide glacé sur mon visage que je finis par me lever en sursaut. Face à moi, Erin était rouge de colère et me hurlait dessus, me reprochant de lui avoir fait une mauvaise blague. J'avais beau retourner le moindre recoin de mon cerveau embrumé, aucun souvenir d'une récente connerie ne me venait à l'esprit. Je pensais d'ailleurs que depuis notre petite escapade pour déclencher l'alarme a incendie d'Harvard, les choses s'étaient beaucoup améliorées entre nous, alors pourquoi me hurlait-elle dessus? Je remarquais au dernier moment un flagrant changement physique chez-elle: elle s'était coupée les cheveux, assez court pour être flagrant, elle qui d'habitude refusait qu'on touche au moindre centimètre de sa longue chevelure. Ses mots, bien qu'exprimés sous le coup de la colère, me blessaient un peu. J'essayais du mieux que je peux de changer, d'arranger les choses, d'éviter de me fourrer dans des histoires compliquées, et de toute manière je n'avais en ce moment plus le moral pour ce genre de conneries depuis le départ d'Elizabeth. J'attrapais un vieux t-shirt qui traînait par là et me frottais le visage afin de me sécher rapidement, avant de tenter de comprendre ce qu'il se passait avec Erin. "Du calme Erin, je t'assure que je n'ai rien fait, que se passe t-il? C'est pour tes cheveux? Je te garantis que ce n'est pas moi, et je ne vois pas qui aurait pu te faire ça d'ailleurs, le coupable va sacrément le sentir passer!"

Du faux-sang? Je ne comprenais absolument rien aux accusations d'Erin. Bon, ok, parfois je pouvais être un sale con au point de faire certaines blagues douteuses, d’enchaîner les conneries, ou de me mettre dans de sacrés pétrins mais cette fois-ci j'étais complètement innocent! Quand Erin commença a réaliser l'état de ses cheveux, je compris que la situation semblait plus complexe qu'il n'y paraissait. La jeune fille s'installa sur le lit, en pleurs, et je m'empressai de passer mes bras autours d'elle pour la consoler. Cette scène pouvais sembler quelque peu ironique quand on sait toutes les prises de têtes que l'on avait pu avoir il y a quelques mois de cela. Les larmes sur son visage me fendaient le cœur et je supportais pas vraiment la voir dans cet état là. Il fallait que j'en sache un peu plus sur toute cette histoire. La sonnerie d'un téléphone retentit et je vis Erin quitter la pièce, il s'agissait probablement du sien. A peine venait-elle de quitter la pièce, la sonnerie de mon téléphone retentit également. Un message plutôt étrange venant d'un numéro masqué... Immédiatement je fis le lien avec le message reçu peu après les événement de la soirée de Thanksgiving. Le maître chanteur faisait de nouveau des siennes. Rapidement, je me mis à analyser du regard chaque recoin de ma chambre, vérifiant qu'aucune de mes affaires n'avait bougé mais tout était en ordre. Se pouvait-il que j'avais été épargné cette fois-ci? Erin fit de nouveau irruption dans la pièce, m’annonçant que le maître chanteur étais venu ici. "Je sais, j'ai également reçu un message... Je.. Je ne comprend pas, on a pourtant relevé son défi, les personnes kidnappés ont été retrouvées, alors pourquoi cet acharnement?" lui répondis-je. Voulant constater l'ampleur des dégâts, je me dirigeais vers la chambre d'Erin. Cependant, sur mon trajet, une enveloppe posée près de la porte de ma chambre m'interpella. Bulle avait probablement déposé mon courrier, même si habituellement ce n'était pas son genre. J'attrapais cette lettre a mon nom, sans me douter une seule seconde de son contenu. Une fois la lecture terminée, mon visage afficha un teint incroyablement pâle. "Merde... Une plainte pour violence, comment ca pourrait-être possible? Probablement un piège du maître chanteur, si je retrouve qui c'est je lui éclate le crâne contre le mur à ce fumier." Ces conneries commençaient sérieusement à me mettre hors de moi. Tout ça c'était de la faute aux personnes ayant désobéis au ordres du maître chanteur, mais ce n'étais certainement pas une raison pour m'en prendre a eux. La plupart avait certainement leurs raisons pour avoir refuser ce défi, le seul coupable dans cette histoire était ce fichu inconnu qui foutait le bordel sur le campus. J’espérais que son identité serait révélée et qu'il finirait sous les barreaux, mais en attendant Erin et moi avions d'autre problèmes sur les bras. "Je ne sais pas quoi faire, tu penses qu'on devrait prévenir les autorités? Leur expliquer la situation et leur montrer les messages? Ou alors... est-ce que l'on risque de déclencher quelque chose de plus grave encore?"

Je confirmais silencieusement d'un geste de la tête les propos de ma colocataire. Je repassais en revue la liste des principaux suspects, mais aucun d'entre eux ne semblait avoir le profil pour commettre de tels délits. Les rumeurs prétendaient qu'il s'agirait peut-être d'un étudiant du campus voir même d'un enseignant, mais l'enquête ne menait à aucune piste sérieuse pour le moment. Dernièrement, on parlait même d'un complot imaginé par le Doyen pour se débarrasser d'étudiants ou enseignants susceptibles de dévoiler des dossiers compromettants à son sujet! Étrangement, toutes les pistes menaient à Harvard, personne ne semblait imaginer qu'il pouvait s'agir d'une personne extérieur, moi le premier.

En tout cas, le ou les coupables étaient des sadiques et n'avaient peur de rien! Oser déposer une plainte pour violence auprès de la police, tout ça ne serait pas sans conséquence. J'acceptais ironiquement la remarque déplaisante d'Erin. Oui j'avais beau être un gros con, j'étais loin d'être violent... sauf quand cela se montrait nécessaire!

J'écoutais avec attention la proposition de me colocataire concernant la démarche a suivre pour sortir de ce pétrin, mais j'étais dans un premier temps assez réticent au fait de nous dénoncer pour notre sortie nocturne dans l'établissement. "On est vraiment obligé de leur avouer qu'on s'est introduit en pleine nuit dans le bahut pour déclencher l'alarme a incendie? D'un coté, tout ça c'était sous la menace, on ne risque pas grand chose... mais est-ce que cela aura des répercussions sur notre réputation, est-ce que ce sera inscrit dans notre dossier? C'est clair que je préfère m'en prendre plein la face pour un petit délit plutôt que d'avoir une réputation de mec violent, mais tu penses que c'est réellement le bon choix? Je ne veux surtout pas que toute ça te retombe dessus, si il le faut je leur dirait que c'est de ma faute, que je t'ai forcé à le faire et que tu n'avais pas d'autre choix que de me suivre. Niveau scolarité j'ai pas grand chose à perdre, mais je comprend que ce n'est pas le cas de tout le monde et que tout ça est important pour toi, je ne veux pas que tu sois lié à cette histoire."

Erin m'évoquait également son souhait de rentrer à la Dunster House provisoirement, elle y serait en effet plus en sécurité, sauf si le coupable se révélait être un étudiant Dunster mais c'était totalement impensable! De mon coté, j'allais certainement rester dans la colloc', garder le lieu pour chopper le coupable si jamais il avait l'audace de se pointer de nouveau, et puis j'avais toujours près de mon lit ma batte de baseball enfouie dans un sac de sport, un moyen de dissuasion efficace en cas d’agression. "Oui, le courrier est officiel, il s'agit bien d'une vrai plainte. Je resterai ici pour garder les lieux pendant ton absence, tu seras plus en sécurité auprès de ta confrérie. Si tu as le moindre soucis, tu sais où me contacter. Cette semaine, nous irons voir le Doyen pour lui expliquer notre situation malgré les menaces nous interdisant de tout balancer. Avec l'appui de l'établissement, ce sera certainement plus simple de dialoguer avec les autorités et les persuader que cette plainte est complètement bidon." Toute cette histoire devait se terminer au plus vite, pour le bien de tous. Désormais, nous ne pouvions qu’espérer une amélioration des choses dans les semaines à venir et que la police mette enfin la main sur le coupable.

"Prend soin de toi Erin, on va se sortir de tout ça je te le promet"