Tout était si bien ficelé qu’on devait se partager le champ de vision. J’apprenais à faire connaissance avec l’inconnue en essayant petit à petit de trouver une solution, solution qui devait être plus évidente avec l’arrivée des asiatiques qui semblait fasciné par nos deux corps emmêlés.

Ils auraient peut être pu nous aider s’ils avaient compris ce qu’on voulait, mais le couple de photographe devait nous prendre pour des fétichiste avec des mœurs un peu étrange d’une autre culture.

Ma voisine de cordage voulait essayer à son tour et je lui permettait comme je pouvais d’entrer en contact avec les touristes, mais elle ne semblait pas réussir plus que moi. Ce qui sautait aux yeux c’était l’incapacité flagrance qu’on avait à décider de quelle nationalité les deux pouvaient être.

- Tu vois, c’est pas si simple de faire la différence entre un chinois et un japonais.

J’essayais de tourner la tête en forçant pour ne pas refaire changer de position la blonde, et tout ce que je voyais c’était les japonais qui s’en allaient de l’autre côté, nous faisant un salut élégant de la tête comme pour nous remercier de les avoir divertis.

Je commençais à trouver ça beaucoup moins drôle. J’allais commencer à hurler à l’aide, quand un homme vêtu d’une verste siglé sécurité avec un pantalon assorti venait couper les rubans à l’aide d’un cutter. Il nous demandait de ne pas bouger et faisait de son mieux pour délier la situation.

Il nous demandait d’arrêter de gesticuler en pressant sa main sur mon genou quand il terminait son opération. Je crois qu’on avait empiré les nœuds à force de tourner dans tout les sens, à tel point qu’il n’y avait d’autre solution que de tout coupé. Pourtant l’homme était poli et gentil en nous expliquant qu’on devait faire plus attention.

- Je suis désolé, ça n’était vraiment pas fait exprès, j’ai trébuché, et j’ai entrainé cette charmante demoiselle avec moi.

L’agent de sécurité s’amusait de la situation en disant que j’aurais pu tomber plus mal et venait à nous laisser sans nous demander plus de détail. Je le gratifiais d’un sourire avant de regarder mes poignets rouges, la peau presque en sang. Je n’avais pas remarqué l’étendue des marques avant qu’on nous enlève le ruban. Mais c’était Meadow qui avait les membres encore plus lacérés que les miens.

- Je suis navré, je ne m’étais pas rendu compte à quel point c’était serré. Il faudrait qu’on aille nettoyer tout ça.

Meadow devait bien admettre que faire la différence entre un chinois et un japonais n'était définitivement pas évident, surtout lorsque l'on était privé de sa vue. Mais la demoiselle évita de se griller à ce niveau là en haussant simplement les épaules, priant pour qu'ils parviennent un jour à se sortir de cette mauvaise passe, ou à tout le moins que quelqu'un vienne les aider. Ce fut le cas d'un agent de sécurité, à qui Cael expliqua leur situation précaire, sous le hochement de tête de la jolie espagnole. Cela peut paraître comique comme ça, mais sincèrement, nous n'avons pas fait exprès d'en arriver là ! renchérit-elle alors que l'agent leur ordonnait de ne surtout pas bouger, armé de son cutter. Il commença à couper un à un chaque ruban, les libérant en précisant que le jeune homme aurait pu tomber plus mal. Ce dernier les laissa ainsi, sans que l'étudiante en droit ne sache trop comment le prendre. Ce qu'elle savait, en revanche, c'est que ses poignets la faisait atrocement souffrir... mais la douleur ne l'empêcha pas de gratifier leur sauveur d'un gigantesque sourire radieux. Je ne m'en étais pas rendue compte non plus à vrai dire... mais c'est vraiment rouge ? demanda-t-elle avec toute l'innocence du monde, sans se rendre compte qu'elle venait de se vendre.

Finalement privés de cette entrave qui nous avait rapproché, je me trouvais en train d’expliquer à l’agent de sécurité ce qui c’était passé pour qu’on en arrive là. Retournant la situation dans ma tête, je comprenais bien que tout paraissait farfelus, pourtant c’était la triste vérité.

Corroborant ma version, la blonde finissait par nous débarrasser de ce monsieur qui ne nous demandait pas plus de comptes. J’étais soulagé de ne pas m’étendre davantage même si la couleur du poignet de Meadow ne me laissait pas insensible. Je passais mon index sur la marque creusée contre sa peau avec une moue dubitative.

- Ça saigne oui …

Une légère trace rouge, mais assez pour s’en inquiéter. La jeune femme paraissait incrédule en me posant cette question qui me taraudait encore. Entrainant la belle dans l’espace sanitaire le plus proche, il fallait qu’on désinfecte tout ça au mieux. Je poussais la porte sans faire attention que je la faisais entrer dans les toilettes des hommes, de toutes façon on avait plus grave à penser pour le moment.

- On va passer un coup d’eau là-dessus et ça devrait aller.

Je ne pense pas qu’on ait besoin de compresse aseptisée pour ça, déjà nettoyer son poignet et peut être trouver de quoi faire un pansement de fortune ça serait bien. Sans regarder les personnes déjà présentes sur les lieux, je m’occupais de la jeune femme avec qui j’avais noué des liens dans tous les sens du terme aujourd’hui.

- Meadow … tu m’en voudras pas, mais je crois que j’ai deviné ton secret.

La façon gênée qu’elle avait de réagir lorsque je lui demandais de regarder les japonais, et son embêtement sur la couleur de son poignet qu’elle avait du mal à distinguer, il n’y avait pas besoin d’être médecin pour s’en rendre compte. Je soupirais en tamponnant le poignet de la belle à l’aide d’un mouchoir en tissu humide.

- Il n’y a pas de honte à être daltonienne.