Ça faisait une petite semaine que je t’avais offert le repas à la sortie de l’hôpital, et que tu m’avais naturellement noté ton numéro de téléphone sur le dos de la main. Audacieux, certes, mais j’aimais jouer avec le feu. J’avais donc pris soin de l’enregistrer dans mon iPhone avant d’aller me doucher ce soir-là. Mais c’est ce soir que je m’étais décidé à t’envoyer un texto, après avoir parlé avec Nath, ton frère. Ou demi-frère. Peu importe, je ne savais pas vraiment si vous faisiez la différence et quelle était votre relation à proprement parler. J’avais réalisé, après une demi-heure passé en ta compagnie et vingt ans en la sienne, que vous portiez le même nom. Pour ma défense, Nath n’avait pas toujours porté « Prada » accolé à son Wilson. Une bonne chose dans tout ça était que je prenais un malin plaisir à le taquiner sur le fait qu’on s’était vus, toi et moi. Pas d’arrières pensées, mais Nath partait toujours au quart de tour et ça, c’était vraiment drôle. J’avais hâte d’emménager avec lui. Même s’il fallait encore que je prévienne mes parents, que j’allais quitter la villa familiale. Ils me tueraient, c’était certain, mais au moins je redescendais dans leur estime et peut-être que ça ferait mieux passer la pilule du « je veux pas reprendre l’entreprise familiale » par la suite, qui sait. Ceci étant, tu m’avais rapidement demandé de te rejoindre au Royale, et c’était chose faite. Je pénétrais dans l’enceinte et sortais mon iPhone de ma poche pour t’envoyer un texto, te signalant ma présence.

Arrivé sain et sauf au Royale suite à ton invitation, je t’envoyais un texto pour te signaler ma présence. Tu me répondais dans la foulée, me décrivant l’endroit précis où tu étais, et il ne m’en fallut peu pour te rejoindre au comptoir du bar et je prenais place sur le haut tabouret libre à côté du tien après les formalités de bonjour. « Alors, comment vas-tu depuis le temps. » Je riais légèrement en commandant un verre au barman, qui me servait rapidement. « Toujours amnésique. Et toi, toujours éclopée? » Un sourire quelque peu taquin venait border mes lèvres. Tu n’étais plus dans ta chaise roulante, et je supposais que c’était une bonne chose. « Du progrès, à ce que je vois? » J’étais content pour toi. C’était toujours plaisant de voir qu’on avançait dans notre rééducation. « Au fait, j’étais tout juste pour mon rendez-vous la dernière fois, à cause de ton petit coup de crayon sur ma main. » Un air faussement blâmeur sur le visage. En réalité, j’étais bien content qu’elle m’avait laissé son numéro.

Ça me faisait plaisir de te voir hors de cette chaise encombrante. Pourtant, j’utilisais mon humour légendaire pour entamer la conversation sur une bonne ambiance. « Toujours, même si comme tu vois, je me débrouille quand même assez bien. » Oui, je voyais. Tu avais fait des progrès, et j’étais content pour toi. « Effectivement. Bon, j’dois admettre que la canne ne me rajeunit pas vraiment sauf que c’est mieux qu’une énorme chaise. » J’esquissais un sourire. « J’vais devoir t’appeler ‘mamie’ au lieu de 'princesse'. » Je feins une mine attristée de ce changement. Mais t’avais raison. Même pour toi, ça devait t’éviter bien des regards intrusifs et désagréables. Je plaisantais à nouveau sur mon petit retard de rendez-vous à cause d’elle, la dernière fois. « Avoue que tu as bien apprécié ce petit coup de crayon, pas vrai ? » Avalant une gorgée de mon verre quelque peu alcoolisé, je tournais à nouveau la tête vers toi. « Ça valait tous les retards du monde. » Ok, j’étais un gros charmeur, mais c’était intégré à mon ADN, ça coulait dans le sang qui passait dans mes veines. J’étais pas un Winthrop pour rien. « T’avais hâte de me revoir ? » Je posais réellement les yeux sur toi pour la première fois de la soirée. Tes boucles brunes qui retombaient dans ton dos, ton regard perçant. « Oui. Mais le dis pas à Nath, il risquerait de me castrer. » Encore une plaisanterie. C’était sûrement pour atténuer la chose. Je ne voulais pas que tu te fasses des idées sur ma présence ici. J’voulais pas que ça tourne à la catastrophe comme à chaque fois, avec Julia, avec Lucky, avec Hippo, avec Daisy. Trop d’histoires à gérer en ce moment.

« J’suis une princesse même si je possède une canne tu sais. » J’haussais vaguement les épaules. Mouais. « J’t’appellerai ‘princesse’ quand tu seras perchée sur des Louboutins et que tu feras tourner la tête de tous ces hommes et leur décrochera leurs mâchoires. » Un sourire fier accroché aux lèvres, je t’adressais un petit clin d’oeil. Non pas qu’elle ne le faisait déjà pas, il suffisait de balayer les alentours du regard pour s’en rendre compte. « Vraiment ? Ou c’est parce que tu n’avais rien de prévu ce soir et que tu te trouvais quelqu’un qui voudrait bien passer une soirée en ta compagnie ? » Haha ! « Un vrai homme ne révèle jamais ses secrets. » répliquais-je d’une façon un peu théâtrale. Non, en réalité, j’avais passé un bon moment à ce fast-food et tu m’avais parue sympa. Sans prise de tête. Mais si Nath savait que je te revoyais ce soir dans un bar, il me couperait probablement les couilles, juste par précaution. Relax, je ne comptais rien lui faire à ta soeurette. « Allons, tu crois que je vais tout lui dire ? Je sais garder des secrets. » Ouuuh. Coquine. « Tu devrais pas. Nath est trop honnête. Même moi j’arrive pas à lui cacher quoi que ce soit. » En même temps, dès qu’on était tous les deux, on devenait des commères ambulantes. Difficile de s’arrêter de parler. « Alors, je te dis d’avance que je ne pourrai pas danser ce soir.. À moins que tu me portes, mais comme tu me l’as montré l’autre fois, tu veux que je me débrouille seule. » Je pointais un doigt déterminé vers toi, buvant une autre gorgée de mon verre presque plein. « Tout à fait raison sur ce point, t’es une grande fille badass, t’as besoin de personne ! Et puis, j’te cache pas que ça m’arrange, j’aime pas nécessairement danser. » Au moins, on aurait l’occasion de parler plus en détails. C’était bien aussi. Et ça évitait de trop se rapprocher l’un de l’autre et de m’emmener tout droit vers les ennuis.

« Quoi ? Serait-ce un défi que t’es en train de me lancer ? » J’haussais les épaules. « Prends-le comme tu veux, mais ça peut être une bonne idée. Mon psy dit que c’est bien de se donner des objectifs, ça favorise la progression. » J’aurais jamais cru devoir aller voir un psy. A croire que la vie parfois nous réservait bien des surprises. Tout comme ta rencontre. Au final, si je n’avais pas eu ce crash, je n’aurais pas passé autant de temps à l’hôpital de Boston et je ne t’aurais jamais croisée. Des choses négatives ressortent toujours des choses positives. Nath était surtout un sujet de conversation facile pour amorcer la soirée et qu’on ne parte pas sur de faux espoirs. C’était ton demi-frère et mon meilleur ami de toujours, et je ne comptais pas me faire sa sœur. Même si cette dernière était uuuultra sexy. Surtout ce soir. « Alors j’crois qu’il va falloir que tu lui dises tout ce qui risque de se passer ce soir. » Et surtout quand elle s’amusait à m’aguicher. « T’as pas le droit de faire ça, de glisser des sous-entendus par-ci par-là. Tu vas me pousser au vice ! » lançais-je sur un ton quelque peu plaisantin, même si mes mots étaient sérieux. J’avais pas envie de ça. J’trouvais que t’étais une nana super cool avec qui je pouvais parler sans me poser de questions, et j’voulais pas que le sexe vienne gâcher tout ça. D’ailleurs, tant mieux que tu ne pouvais pas danser. La danse, ça favorisait le contact physique que j’essayais d’éviter. « Mais non on va pas s’ennuyer, t’inquiète pas. Je vais me vexer si tu continues à dire des trucs comme ça. » Comme si ma présence te ferait t’ennuyer. « Sinon, j’espère que ta petite copine ne sera pas trop jalouse d’apprendre que j’suis avec toi ce soir. » Je riais quelque peu. « On me la fait pas à moi, celle-là. » La technique pourrie pour savoir si l’autre était casé. Il suffisait de demander. « Je suis surpris que tu ne saches pas que je ne suis pas le genre de gars qui est casé. T’as pas entendu des choses sur moi ? » Souvent, les rumeurs me précédaient. Homme à femmes, pur Winthrop.