CHAPTER ONE.

People change, things go wrong, shit happens, but life goes on. OJ Taylor Wayne

Il se sent vide. Ses pieds effleurent tout juste le sol alors qu’il prend la sortie du terminal ou son père l’attend. Une première ! Mais son moral a beau ne pas être au beau fixe ces derniers temps, revenir dans sa New York natale lui fait du bien. C’est comme un nouveau départ. Laisser ses mauvais passages de ses derniers mois derrière lui et se laisser enfin la chance de guérir à New York. Même si ce choix, il ne l’a pas fait de bon coeur non plus. Il y repense à eux, à ceux qu’il laisse là-bas, à Boston. C’est un choix purement égoïste. Tout ce qu’il a fait depuis le départ d’Alex est égoïste de tout façon. Elle est partie en emmenant avec elle une partie de lui. Il le sait, il peut le voir. Et il ne peut rien y faire. Il ne se trouve pas d’excuse. Mais il est temps d’y mettre fin, ça ne peut pas durer éternellement, parce que ça ne le touche pas seulement lui, mais ses proches aussi. « Comment tu vas ? » Son père passe délicatement son bras sur ses épaules. Un geste démontrant une attention toute particulière de la part du patriarche Sachs. Melchior soupire doucement. Il trouve un peu de force pour afficher un mince sourire histoire de rassurer qui veut bien le croire. « Fatigué... Le vol a été long, j’étais pas très bien les deux dernières heures… » La demie-seconde de latence que semble afficher son père lui laisse comprendre que ce n’est pas ce dont il voulait parler. Ils se regardent. Ils se comprennent. C’est l’une de ces rares choses qu’il aimait chez son père, c’est qu’il savait quand s’arrêter, quand ne pas pousser l’investigation trop loin lorsqu’il ne s’agissait que d’assouvir sa curiosité.
Melchior prend un grande inspiration et change de sujet avant de ne laisser son père poursuivre un discours plein de compassion qui ne ferait que de le mettre mal à l’aise encore plus. « Je n’ai pas eu le temps de vérifier le courrier de Columbia. Est-ce que c’est ok pour cette année ? » « C’est bon pour cette année si tu le veux, tu as eu de la chance sur ce coup. Par contre, il n’y aurait plus de place d’internat à Lenox Hill, ou dans Manhattan. Ils te conseillent de poursuivre ton internat à Boston. » Génial… « Tu peux toujours annuler tu sais, et finir l’année à Harv.. » « Non c’est bon, ça... Ça me va. Pour une année, je vais tenir le coup de faire les allers et retours, t’en fais pas pour ça. » Il conclut en haussant les épaules. Ça ne s’est pas passé comme prévu, mais c’est mieux que rien.

CHAPTER TWO.

Let us sacrifice our today so that our children can have a better tomorrow. Abdul Kalam

« Je crois, Monsieur Sachs, que vous ne saisissez pas l'ampleur de cette offre. J'ai suivi de près votre parcours depuis votre thèse sur la régénération neuronale et cognitive. Pas tout à fait au point cependant... Mais très intéressant. » Melchior relève la tête vers lui et l'homme sait qu'il retient toute son attention. « Cétait il y a six ans ! Je ne savais encore rien sur le sujet ! » répond-t-il vexé, avant de se raviser d'en dire davantage. Cet homme semblait en savoir beaucoup sur lui. Beaucoup trop, pour un simple “scientifique”. Ce qui est sûr, c’est que scientifique ou non, le jeune homme est définitivement curieux de savoir ce qu’il lui veut pour s’être autant intéressé à lui. « Nous donnons la chance à un nombre très restreint d'étudiants de participer à notre projet. De mettre à profit leurs connaissances, leurs travaux, leurs recherches afin de signer l'avancée technologique, de laisser leur empreinte dans le progrès de la science. » « Vous me proposez du travail ? » « C'est exact. Nous vous proposons de travailler pour nous, sous certaines conditions. Et en échange de vos services, nous vous offrons l’intégralité de vos frais de scolarité quelque soit votre école, ainsi qu'une bourse en supplément. Et bien entendu, vous serez rémunéré. Cela reste à définir, en fonction de vos avancées dans vos travaux. » Son regard parcourt les bibelots arrangés au millimètres près sur le bureau, mais ses pensées fusent dans tous les sens. « Cette proposition me paraît alléchante. J’imagine qu’il y a un côté moins avantageux à votre offre. » L’homme se réadosse contre son fauteuil en silence, jusqu’à ce qu’un léger rictus vient fendre ce visage bien trop sérieux. « Il n'y a pas de piège Monsieur Sachs, mais certaines contraintes je peux le concevoir, aussi je vais faire court : ce que nous faisons dans nos locaux doit rester dans nos locaux. » Ça y est, on y vient… « Il y a interdiction formelle de parler des travaux menés ou même de l'existence du Centre à qui que ce soit. Nous ne tenons pas à ce que nos recherches tombent entre de mauvaises mains. » À moins qu’elles ne le soient déjà, entre de mauvaises mains pense-t-il très fort, mauvaise langue. Soit, c'est surtout qu'ils ne voulaient pas qu'on les devance sur leurs travaux, ok. Il voulait bien le comprendre. Nous vivons dans un monde plein de concurrence, alors le secret est de mise. « Mis à part ça, nous vous demanderons une régularité dans vos travaux ici. Vous serez sous ma responsabilité et vous devrez me rendre compte de vos travaux régulièrement. Aussi, si ceux-ci ne sont pas concluants pour les attentes du Centre, nous mettrons fin à ce contrat et à tous les avantages qui en découlent. » Ouais c'est ça. Ne met surtout pas la pression. Il lui tend un petit dossier, que le jeune homme attrape précautionneusement. « C'est un engagement sur 25 ans à partir du moment où vous signez ce papier. Je comprend que la notion de durée peut effrayer, mais ce n'est pas vraiment une contrainte quand on a la recherche, l'avancée technologique et l'évolution du monde dans les tripes n'est-ce pas ? » Cet entrain et discours motivateur n’atteint pas les oreilles de Melchior. Vingt-cinq ans, ce n’est pas rien. Il aura la cinquantaine. En même temps, d’un autre côté, il avait raison sur une chose : si vraiment ce Centre de recherche a les moyens, c’est l’endroit idéal ou travailler plus tard et c’est une opportunité qui ne se représentera pas deux fois à lui. Néanmoins, Melchior se lève de sa chaise, le petit dossier toujours en main. « Il faut que j’y réfléchisse... » « Bien sûr, évidemment ! Prenez le temps de le lire ! Mais pas trop quand même hein. C'est une offre limitée. Vous apprendrez bien vite que la patience n'est pas une qualité chez moi... »

CHAPTER THREE.

He turns his can'ts into cans, and his dreams into plans. Kobi Yamada

« Oui mais imagine qu’on te demande quels genres d’expérimentation ? Dire “je suis chercheur” et feinter que ça n’a que peu d’importance, ça ne fonctionnera pas tout le temps. » Elle le défie d’un regard mutin. Elle marque un point mais ce n’est pas le détail qui l’inquiète Melchior. Il trouvera bien une solution pour se sortir de ce genre de situation sans qu’il n'enfreint la règle 17 de cette blague qui leur servent de contrat de confidentialité. Melchior souffle d’agacement, mais prend le temps de tout de même réfléchir à une réponse logique. « Et bien je dirais qu’en gros je participe à un projet qui… vise à améliorer la qualité des outils actuels. » « Et si on te demande d’expl.. » « Et si on m’en demande plus, je dirais que c’est compliqué et merde ! » Il répond sèchement, et il faut dire que ça les surprend tous les deux. Après un court silence, ils se mettent tous les deux à rire. Ils peuvent sentir qu’ils sont tous les deux fatigués, exténués par cette garde mais ils tiennent le coup. Ils tiennent le coup parce qu’ils se sont lancés dans une discussion qui les maintiennent apparemment plus concentré que les divers écrans devant lesquels ils se tiennent depuis le petit matin. « Et toi, qu’est ce que tu vas dire à ta famille ? Tu vas débarquer à Boston après deux semaines à Washington, ils vont probablement te poser mille questions ! » caricature-t-il avec ses bras étendus pour lui signifier la grandeur. « C’est mon copain qui habite là bas. » Il hoche de la tête et rectifie donc sa question. « Et tu arrives à mentir à ton copain ? Genre en le regardant droit dans les yeux ? » « Ce n’est pas mentir… Juste, je ne lui dit pas tout. » hausse-t-elle les épaules pour se justifier. Melchior se passe une main sur le visage, décontenancé mais amusé par de tels propos. « Bon sang, j’aurai tout entendu… Et il ne te pose pas plus de questions que ça ? Il ne s’intéresse pas plus à ce que tu fais ? » Aucune réponse de la part de Murphy, qui préfère se terrer dans un silence qui fait comprendre au jeune homme qu’elle n’en dira pas plus. « Moi c’est simple. Je n’aurai pas de soucis de ce côté là. Il me suffit de rester célibataire, et avec quand je vois que nos travaux n’ont aboutis à rien cette semaine, je pense que ça va être facile. Je vais passer mes nuits au Centre je pense. » « Je sais… Et je m’en veux de vous laisser... » Melchior lève une main pour l’arrêter avant qu’elle n’en dise plus. « Dis pas de bêtises. Va voir ton copain et profite de ta liberté conditionnelle. » la rassure-t-il. Il est sincère, il faut retrouver son souffle pour pouvoir tenir la cadence ici en plus des études. Ce qui est certain, c’est qu’elle allait manquer à l’équipe. A Melchior. « Bon c’est pas tout mais la pause de cinq minutes a légèrement débordée... » « Il est trois heures du mat’, très honnêtement, on avancera à rien ce soir. » Elle prend l’initiative de se lever, éteint les machines une à une et s’approche de Melchior pour pousser le jeune homme à se lever. « Allez viens collègue ! On rentre à la maison. »