Parce que j'ai voulu t'épargner de la douleur. C'est exactement ça que je voulais faire en fait, ça, ce n'était pas un mensonge. Même qu'en l'avouant, j'avoue lui avoir caché. C’est pas moi que t’as voulu épargner Suzy, c’est toi. J’suis une grande fille, je peux gérer pas mal plus que tu n’le crois. Comment ça, c'est moi ? Je te regarde, recule légèrement le menton et fronce les sourcils. En vrai, j'espérais calmer un peu le jeu en te l'avouant à moitié mais tu continues encore de me lancer des roches. Je t’ai dit que ça allait, fait pas comme si tu pouvais encore te cacher derrière ces raisons bidons… Tu peux pas. Voilà. Je croise les bras et je mâche pas mes mots. Ça sortira comme ça sortira, tant pis : Oh bah dans ce cas, si t'es vraiment capable d'en prendre ! J'suis amoureuse de lui, ok ? On est ensemble depuis vendredi dernier et on a fait l'amour quelques fois déjà. On va voir à quel point t'es capable d'en prendre. En attendant... mon cœur se serre, j'ai jamais dis ça avant. Quand Sloan m'a avoué ses sentiments, je n'ai répondue que "moi aussi". Ça fait bizarre. Je n'ai jamais été en couple avant, sauf avec Colin, mais notre relation ne compte presque pas car il n'y a jamais eu de "je t'aime" échangé, il n'y a pas eu de rapprochement physique. Tout court, le feeling n'était pas aussi intense que celui qui avait entre Sloan et moi. Je ne sais pas comment me sentir... Car je suis bloqué par la frustration mal-placé que j'avais envers Lily, la joie envers mon couple et aussi, l'inquiétude. Je me demande si j'ai pas commis une erreur en me rendant aussi vulnérable à Sloan... après tout, c'est pas comme si c'était possible que soudainement j'intéresse quelqu'un réellement.

« Oh bah dans ce cas, si t'es vraiment capable d'en prendre ! J'suis amoureuse de lui, ok ? On est ensemble depuis vendredi dernier et on a fait l'amour quelques fois déjà. » J’encaisse le coup un peu comme si on m’avait balancé un poing en plein ventre sauf que je n’en démontre rien. Ce qui me fait mal, ce ne sont pas les faits. Que tu sois amoureux, que tu ne sois plus vierge, ce sont là des choses que je te souhaitais depuis si longtemps…. Ce qui fait mal, c’est que tu ne m’en aies rien dit. Que tu m’aies tout caché depuis tout ce temps. Je chasse mes larmes du revers de la main à nouveau et te regarde de la tête aux pieds comme s’il y avait des chances que je trouve quelque chose sur toi. Une preuve de tes dires. Finalement, je retrouve ton regard et le soutiens. « J’espère qu’il en vaut la peine. » Et pour une fois, cette expression prend tout son sens parce que de la peine j’en ai à revendre.

J’espère qu’il en vaut la peine. Les mots tombent comme une sentence. Je regarde tes larmes perler sur tes joues, lâchement essuyé par le revers de ta main. Je te regarde les sourcils froncé, la boule dans la gorge. Oh tu sais, Lily... je suis triste aussi parce que je déteste admettre que j'ai raison et que tu as tort... mais j'ai besoin de temps. Besoin de distance peut-être, pour refaire le tri dans mes idées, faire le ménage dans ma tête parce que les idées, les réactions se bousculent. Il en vaut la peine oui. Et ça j'en suis convaincu. Je ne sais pas si tu dis ça parce que finalement tu n'es pas aussi forte que tu le prétendais, ou si tu dis ça parce que tu fais référence à la déception que tu as face à moi. J'avale ma salive de travers, les larmes aux yeux. C'est vraiment pas comme ça que j'espérais t'annoncer une nouvelle aussi importante... Dans mes rêves les plus fous, je te sautais dans les bras et je te prenais les mains pour tout te raconter dans les moindres détails. C'est ça, notre relation. Pas ça. Pas ce qu'on fait là. Je laisse couler mes chaudes larmes et essuie mes lèvres imbibé de ce liquide salé. Je vais chez Sloan pour quelques temps, je pense que c'est mieux... Se séparer pour mieux se retrouver, c'est ce que je voulais. C'est ce que je planifiais faire. Je t'aime, ok ? Tu t'assures de lui répéter, parce que tu veux qu'elle le sache. Il faut qu'elle le sache.

« Il en vaut la peine oui. » Je serre les poings, me retiens de dire des choses que je regretterais, des choses que je ne pense pas de toute manière. Je te regarde et tu fais de même, on se fixe en silence, les larmes coulant sur nos deux visages. Qu’est-ce qu’on peut bien ajouter maintenant? « Je vais chez Sloan pour quelques temps, je pense que c'est mieux... » J’encaisse à nouveau, plus brisé que jamais par ce choix. Par cette décision de t’éloigner de moi au moment où j’ai le plus besoin que tu sois à mes côtés. Je ne mentais pas lorsque je disais que tu étais égoïste; tu ne penses qu’à toi. À tes sentiments, à ta frustration, ta déception. Bah j’suis désolé Suzy de pas avoir été la personne que t’aurais voulu qu’je sois. « Je t'aime, ok ? » J’étouffe un hoquet et met une main sur ma bouche en fronçant les sourcils, tournant finalement les talons pour marcher rapidement vers ma chambre. Si tu dois t’en aller, autant que tu le fasses tout de suite.

C'était ma décision. J'étais trop inutilement en colère, qu'il me fallait un coin pour réfléchir et penser à ce que j'ai fais. Cette phrase classique, je l'entends normalement de la bouche des parents, mais là elle se plaçait bien dans ce contexte. J'avais juste besoin d'air, de mettre les points sur les i et les traits sur les t. De toute façon, ce week-end je pars à Paris avec Sloan, du coup j'additionne que quelques jours en plus à cette escapade. Tu n'ajoutes rien, te contente de pleurer tout comme moi, de faire demi-tour et de retourner dans ta chambre. Je te regarde faire, les jambes bloquées. On s'est bien engueulé la dernière fois mais ce n'était pas aussi réel que maintenant... C'est douloureux. Je saisi finalement mon téléphone pour envoyer un message à Sloan, histoire de le prévenir. Quelques secondes plus tard, je réussi finalement à franchir les premiers pas jusqu'à ma chambre. Ma valise pour Paris était déjà faite, alors je pacte uniquement le nécessaire pour survivre à ces deux prochains jours, ainsi que mes devoirs et mon ordinateur portable. Toute prête, je quitte l'appartement avec le cœur lourd. Tu n'as même pas répondu à mon je t'aime.