Des amis, tu n'en as plus. Enfin, plus vraiment. Les seules personnes avec qui tu traînais, ce sont les mêmes que t'évites aujourd'hui. Des potes de débauches, ceux que t'appelais pour t'défoncer la gueule. Ça t'empêchais d'te sentir mal et ça t'faisais sortir d'chez toi au lieu d'te faire un fix seul, dans ton appart', comme un vrai putain d'junkie. Le sentiment de culpabilité était moins intense lorsque tu t'shootais, entourés de trois ou quatre personnes, tous aussi accro les uns que les autres. Comme si, inconsciemment, partager la même dépendance avec d'autres camés t'offrait une certaine immunité. Stupide, non? Et, pourtant, t'y croyait à l'époque. Du coup, les potes, tout ça, ils se font rares et t'as fichtrement besoin d'sortir, d'te changer les idées un brin. Depuis que t'as débarqué chez Lily et Suzy pour squatter une de leur chambre, tu n'as pas mis les pieds à l'extérieur. Par peur de rechuter, probablement. Ou d'tomber nez à nez avec tes anciennes fréquentations. T'en sais trop rien, en fait. Mais en faisant le ménage de ta liste de contact, t'es tombé sur Alys. Une fille que t'as rencontré lors d'une soirée où t'étais carrément arraché. Vous vous êtes revu quelques fois par après et le courant passait bien même si t'agissais comme un con. T'agis toujours comme un connard, d'toute façon. Tu n'as pas eu d'ses nouvelles depuis ta désintox et tu t'es dit: pourquoi pas? Elle est peut-être marrante même si tu restes sobre. Du coup, c'est pour cette raison que t'es dans ce pub et que t'attends la brune, une bière à la main en maudissant intérieurement la musique dégueulasse qui t'agresse les tympans.

Alys tente tant bien que mal de s’adapter à ce nouveau cadre de vie. Bien que perturbée, elle commence à prendre ses aises. Elle fait de nouvelles rencontres, retrouve d’anciennes connaissances et il lui arrive même d’avoir quelques surprises, comme ce sms de Shiloh. Ce n’est pas qu’elle l’avait oublié, mais ça faisait un bout de temps qu’elle n’avait pas eu de ses nouvelles. Elle est donc étonnée de voir qu’il revient vers elle, la contacte et pire encore, lui propose d’aller boire un verre. Alys est surprise, mais pas mécontente. Au contraire. Même si ce type est méprisable, détestable, l’étudiante n’a jamais cessé de revenir vers lui. Contrairement à d’autres, elle a toujours senti que cette méchanceté gratuite n’était qu’une façade. Persuadée qu’il est bien plus que ce type sadique et arrogant, elle n’a jamais lâché l’affaire. Excitée de le retrouver, elle arrive dans le bar où il lui a demandé de le rejoindre. Bien sûr elle le repère tout de suite. L’air grincheux et jamais content, une bière à la main, il est attablé et semble l’attendre. Elle passe donc commande au barman, récupère sa boisson et s’installe en face de Shiloh. « ça va, tu m’as l’air en forme … et sobre » Dit-elle cash. C’était tentant de pouvoir le taquiner. Bien qu’Alys soit une fille plutôt discrète, sur la réserve, ça lui arrive de sortir des trucs spontanément. Elle s’attend très bien à ce que le jeune homme soit toujours aussi agréable avec elle, mais elle s’en fiche. Elle s’est habituée en quelque sorte à son sale caractère.

« Ça va, tu m’as l’air en forme … et sobre » Sa voix te fait presque sursauté. T'es encore un brin sensible au bruit, tout ça. Des trucs qu'seuls les anciens toxicos peuvent comprendre. Néanmoins, tu parviens à conserver un certain self-control et tu lèves les yeux vers elle, abandonnant ta bière du regard. T'esquisses un bref sourire à la brune, amusé par son observation. Tu n'pensais pas que ça se remarquerait. Enfin, pas tout d'suite. Avec ton teint pâle et tes spasmes musculaires, tu ressembles à tout sauf à une personne sobre et, pourtant, tu l'es depuis cinq mois, maintenant. « Quel accueil! Toi aussi t'as l'air en forme. » Tu lances dans sa direction, à l'arrache. Elle t'a au moins fait décrocher un sourire, c'est déjà ça. Cela dit, tu retrouves rapidement ton sérieux et tu portes, une nouvelle fois, la bouteille de bière à tes lèvres. T'en prends une généreuse goulée avant qu'Alys retrouve toute ton attention. « Alors... Quoi d'neuf depuis tout c'temps, mh? Et m'dis pas rien. Sinon j'vais croire qu'tu t'moques de moi. » Forcément, elle a bien un truc ou deux à t'dire, quoi. Parce que, en général, quand tu réponds à cette question par la négation, c'est qu't'en as strictement rien à chier d'la personne assise en face de toi.