La situation m'échappait et les piques que j'avais envoyé à Clay durant notre courte entrevue avaient un effet bien plus important que ce que je ne le pensais. Cooper était un homme impressionnant de par sa carrure, alors le voir ivre l'était encore plus. Je supposais qu'il devait avoir une force inimaginable, du moins, je ne voudrais pas qu'il en vienne à lever la main sur moi un jour, je suppose qu'il me mettrait K.O. en une seule fois. Vous imaginez, c'est comme si je me retrouvais dans un combat contre la montagne de got. Le pire dans tout ça, c'est que j'avais fait avec Clay ce que je détestais faire. Je ne l'aimais pas vraiment, mais je ne le connaissais pas non plus. Je l'avais jugé quand je n'étais qu'une gamine encore, logeant à la mather house avec Leo. En même temps, j'étais droguée et lui flic. J'emmerdais tout le monde et je n'allais pas déroger à la règle avec lui. Je voulais bien faire un effort maintenant qu'il était en train de sortir de ses gonds et qu'il s'apprêtait à faire du mal au barman. Il n'y était pour rien, il ne faisait que son boulot en vrai. Dans tous les cas, j'essayais de le raisonner, du moins, de le calmer et mes mains se posaient sur les siennes pour qu'il lâche le barman et descende en pression. Je n'avais pas tellement envie d'assister à une baston, pas ce soir. D'ailleurs, je proposais même de le ramener chez lui. « Pardon? » et ça faisait son petit effet. Le barman en profitait pour s’éclipser, portable à la main pour appeler les flics. Je le regardais d'un air blasé. Clay était flic, il n'allait rien lui arriver. Pas la peine de perdre son temps avec ça, pour ma part, je tirais sur la main du jeune homme pour qu'il se lève. Autant dire que c'était comme vouloir faire avancer un bœuf. « J'crois pouvoir trouver... la sortie... sans que tu m'tiennes la main. » - « Encore heureux... » que je sifflais sans que cela soit audible. « Mais si tu veux me tenir autre chose... » Un soupir et je le regardais en riant. Il était risible quand il était debout. « Non, Clay. Ça n'arrivera pas. ». Je n'avais aucune envie de m'attirer des ennuis. Puis, vous avez vu son état ? Il n'y avait rien de sexy en lui à l'heure actuelle. « Laska, ca va? Tu pars déjà? » - « Oui, oui... Continuez sans moi... Il faut que je rentre à la maison, t'sais.. et j'en profite pour ramener Clay chez lui.. » Je lui faisais la bise en réajustant mon perfecto et en route. J'avais pris la voiture d'Osean. Rien de luxueux, une voiture basique pour des gens basiques. Je n'avais même pas les moyens d'en voir une. « Tu habites où ? » que je demandais à Clay alors que je me dirigeais vers la dite voiture.

Bien sûr, mon amie nous arrêtait en chemin alors que nous quittions le Royale avec Clay. Un regard bref vers ce dernier qui semblait tenir debout par miracle et je comprenais qu'il regrettait que ça soit moi et pas l'une de mes amies qui me suis retrouvée au bar à ses côtés. Rien qu'à voir le regard qu'il lançait, il manquait juste la bave. Mes copines sont jolies, que voulez vous. Je levais les yeux au ciel, j'avais quand même l'impression de me traîner un boulet. Mais bon, je faisais un effort, c'était juste dommage que Clay soit trop ivre pour s'en rendre compte. Dès la sortie, je marche d'un pas décidé et rapide. Je n'ai pas de temps à perdre. Plus vite il sera chez lui, plus vite je pourrais rentrer chez moi auprès de mon homme et de ma fille. En temps normal, j'aimais sortir et faire la fête et d'ailleurs, c'était essentiel de garder une vie sociale pour ne pas s'enfermer dans une routine ennuyeuse. Du moins, ça l'était pour moi. Mais, j'étais juste fatiguée et fallait croire que les agissements de Clay était un bon compromis pour que tout le monde rentre à la maison. Il marchait derrière moi d'un pas peu assuré, se tapant dans les murs. C'était drôle, mais ne sachant pas comment il réagirait, je préférais (cette fois) garder mes commentaires pour moi. Ce n'était que partie remise. J'approchais de ma voiture, enfin, celle de mon compagnon et j'attendais que Clay fasse de même et monte à l’intérieur. « T'as l'autoradio au moins d'dans? » Je levais les yeux au ciel dans un soupir. « Tu habites où ? » demandais-je en grimaçant. Sinon, je le ramenais à son lieu de travail que je connaissais que trop bien. Je montais pour m'installer derrière le volant et je me penchais pour ouvrir la portière passagère pour l'aider. Je voyais bien son regard sur le siège auto et d'ailleurs, il semblait ne pas s'en remettre. Mais qu'est-ce que je pouvais dire ? "Surprise, j'ai un enfant". Non. Mais en réalité, j'étais satisfaite du regard qu'il lançait. « Tu vois, toi aussi tu me juges sans me connaitre » Rien qu'à sa réaction devant la voiture. Il devait certainement penser que j'étais une gosse de riche. Ce n'était pas totalement faux, mais bon j'étais bien plus en galère qu'on ne le pense. « Mets ta ceinture » que je lui ordonnais en mettant le contact.

Je sentais le regard de Clay sur le siège auto de ma fille. Il était en train de réaliser des choses ou bien, il était trop ivre pour cela ? Je n'allais pas m'engager dans une discussion pour lui expliquer ma vie chaotique. Il avait déjà eu un aperçu ces quelques années en me voyant avec Léonora ou même, en me voyant débouler au commissariat pour voir mon frère. Ni lui, ni moi n'avais fait le premier pas pour essayer de comprendre ce qui n'allait pas. Si aucun de nous deux ne l'avait fait, c'est que tristement, ça n'avait aucun intérêt. Cela pouvait aussi être une question de fierté, ce qui était mon cas. Comment je pourrais devenir l'opposé de ce que j'avais été plus jeune sans même une explication ? Est-ce que j'avais vraiment envie d'expliquer pourquoi ça n'allait pas ? C'était une question de maturité tout ça. Enfin bref, il fallait qu'on se mette en route et avant ça, je lui ordonnais d'attacher sa ceinture. Je n'étais jamais à l'abri d'un accident de voiture. « Tu ne veux pas que je la retire plutôt? » Je haussais les sourcils en le regardant galérer avec sa ceinture de sécurité. « Tu sais Cooper, si je ne réponds pas à la première avance, je ne répondrais pas non plus à la quatrième » Mais au moins, je me détendais et par rapport au début, c'était déjà plus amusant. Je démarre finalement la voiture et je le regarde attendant qu'il me donne une adresse, celle de chez lui. J'avais une main sur le volant et j'attendais, le regardant avec insistance, dans le suspens. « J'habite au... » Et plus rien. Je plisse les yeux en le regardant. Il bug là ? Il se passe quoi ? « Au ... » Parce que j'attendais toujours la suite. Je me mettais tout de même en route, au pire, on fera demi-tour. Mais je n'allais pas rester ici. « Il y a un... café  et un fleuriste. A coté d'un vendeur...de jeux vidéos. » Je vais le frapper, c'est pas possible. Juste histoire de l'aider à retrouver la mémoire. « Concentre toi... Tu habites près de la mer ? Du port peut-être ? Du commissariat ? » Bon, du calme Alaska, souffle un coup. Mon regard allait de la route vers les différentes enseignes et puis, à nouveau vers la route et aussi, en direction de Clay qui ouvrait la fenêtre. « Pas si vite. » Je freinais doucement, en le regardant un peu. « Si tu gerbes dans ma voiture, je t'assure que tu vas regretter d'y être entrée... » que je disais sèchement. Il peut se retenir, nan ? « J'peux toujours te déposer à ton boulot... » que je disais en regardant la route.

Si l'on m'avait dit que je ramènerais Clay chez lui, en début de soirée, je ne l'aurais pas cru. On ne pouvait pas dire que c'était l'amour fou entre nous, loin de là. On ne pouvait pas non plus dire que l'on se connaissait. C'était étrange, on était juste deux étrangers qui se faisaient la guerre quand ils se croisaient. En même temps, c'était amusant de faire la guerre avec Cooper, il avait du répondant. Le fait qu'il soit complètement ivre ce soir l'était d'autant plus. Ça le rendait presque docile et enfantin. C'est certainement pour cela que je le raccompagnais chez lui. Je ne voulais pas qu'il fasse quelque chose qu'il pourrait regretter, comme taper sur le barman pour obtenir un verre. Il n'y avait rien de glorieux dans tout cela, surtout quand tu travailles chez les flics. Enfin bref. La grosse interrogation, c'était : où habite t-il ? Je n'avais aucune envie de faire la navette dans toute la ville pour tenter de raviver ses souvenirs. Le pire dans tout cela, c'est que la seule chose qui arrivait, c'était son envie de gerber et bien sûr, dans ma voiture. L'heure était grave et il allait falloir -très vite- trouver une solution. « Si ca vient , ca vient. » Non, non. « Si tu veux vomir, passe ta tête par la fenêtre. » Je préférais cent fois nettoyer l’extérieur que l’intérieur. Puis, je n'avais pas des sièges en cuir, juste du tissu qui allait garder l'odeur et la trace de son vomi. Je ne voulais pas garder de souvenir de cette soirée. Alors s'il fallait faire au plus vite, je pouvais le déposer au commissariat. Ses collègues de boulot allaient l'accepter sans problème, j'en étais certaine. Surtout que Clay ne se concentrait plus sur son adresse, mais bien, sur sa santé. « Bonne idée. Ton frère est de garde. » - « Oh, j'ai envie d'aller voir mon frère... » que je disais alors, avec un sourire. J'étais loin d'imaginer les pensées idiotes du jeune homme et même si Declan se poserait certainement des questions sur la présence de Clay à mes côtés, je pouvais très bien lui expliquer toute l'histoire. « J'imagine déjà la gueule qu'il fera en te voyant me déposer. » - « Il comprendra bien assez vite que j'ai juste voulu te dépanner et être sympa avec toi, ça renforcera son admiration pour sa petite sœur » Ce qui n'était pas plus mal. Je continuais de rouler en direction de commissariat en réalité, à défaut d'avoir une autre destination. Je roulais doucement pour le soulager lui et pour m'épargner une corvée. « Le port. » MIRACLE. « Putain, c'est pas trop tôt ! » que je disais vivement en changeant de direction. Encore allait-il falloir en savoir plus. Le port, ça restait vague. Je roulais alors, dans le silence cette fois jusqu'à ce que l'ours à mes côtés se réveille en voyant des gyrophares allumés. « Merde. » Je laissais échapper un soupir avant de grimacer. J'avais bu ce soir et clairement, j'avais peut-être pas le droit de conduire normalement. Mais avec un peu de chance, ils allaient surtout regarder Cooper et pas moi. « Fait semblant de ne pas les avoir vus. » - « Quoi ? Non. » dis-je en fronçant les sourcils, m'arrêtant autant des policiers. Je n'allais pas faire un délit de fuite... « Bonsoir. Les papiers du véhicule et votre permis, s'il-vous-plait » Je pinçais mes lèvres en me mettant à trifouiller dans mon sac à main alors que l'agent éclairait Clay de sa lumière. « Cooper ? » C'est lui. En chair, en os et en alcool.