Je la regardais de loin et mon cœur se serrait. Elle était avec ce mec qui la faisait sourire, ou peut-être qu'elle se forçait pour ne pas lui foutre de vents. Une partie de moi espérait que la deuxième option était la bonne tandis qu'une autre partie me hurlait de détourner le regard. Sinon j'allais faire une connerie, je le sentais. Pourquoi ça me revenait d'un coup comme ça ? Avec Suzy c'était fini. Non, il n'y avait jamais rien eu en fait, que des sous-entendus. Pas d'actions, rien que des paroles. Pile le genre de mec que je jouais devant les autres avant de conclure une affaire. Serrant des dents, mes yeux se posèrent sur une femme non loin de là, elle aussi avec un autre mec. Décidément elles étaient toutes prises ce soir. Peu importait où je regardais, je ne voyais que des couples. Les moches étant laissées de côté. Malheureusement, elles n'étaient pas de celles qui m’intéressaient. En fait, ce soir, il n'y avait qu'une dans mon esprit, une seule qui pouvait me faire tourner la tête si elle s'y prenait bien. Et, par chance, l'homme qui l'avait occupé jusqu'ici partait dans une autre direction. Fronçant les sourcils, je le suivais, apparemment il se resservait un verre. Ok. C'était le moment. « Eh tu te souviens pas de moi ? » Il se retournait juste pour voir mon poing lui décrocher la mâchoire. Éberlué, il ne semblait pas réaliser ce qu'il se passait, enfin, jusqu'à ce qu'il fronce les sourcils. « Je te conseille du coup de te souvenir de mon visage et de mon nom : Davy. Ou le mec qui va t'envoyer six pieds sous terre si t'approches encore de la brune avec qui t'étais, pigé ? Trouver des mecs violents c'est pas un problème quand on a de l'argent ». Petit sourire menaçant, comme si c'était un jeu. Mais il semblait néanmoins comprendre à quel point j'étais sérieux. Parfait. Maintenant je pouvais aller la voir, tranquillement, sans personne pour me gêner. Et je perdais pas de temps pour me mettre au boulot d'ailleurs. « Suzy ? T'es seule ? »

Tu venais de rentrer de Milan, ça te faisais un peu étrange mine de rien de passer une soirée seule. Ces derniers jours, tu les passais avec Sloan et tu pouvais résumer ton séjour en un seul mot : Fantastique. Maintenant, il fallait que tu te concentre sur ta bucketlist. Tu t'approches donc d'un homme, pour essayer d'obtenir la conversation sérieuse avec un étranger... Sauf qu'elle ne se fructifie pas vraiment. L'homme s'accoude au comptoir en te regardant, te fait des sourires qui te rendent un peu mal à l'aise. Il est pas moche, mais tu ne t'attendais pas à ça. Tu n'es pas vraiment prête à ça, en fait. Lorsqu'il te dit qu'il reviens, qu'il va vous chercher un verre, tu restes là. Tu prends ton souffle, tu t'assois. Apparemment, ce soir, tu ne pourras pas vraiment réaliser un trait de ta bucketlist. C'est dommage, ça commence à faire un petit moment là, que tu n'as pas fait quelque chose pour faire avancer. Quelques minutes plus tard, une ombre apparait près de toi et tu te retournes pour le regarder. Il était grand, plus grand que toi. Tu le connaissais, vous avez une sorte "d'histoire", que tu ne peux pas vraiment décrire d'ailleurs. Suzy ? T'es seule ? Tu hoches la tête et détourne le regard pour regarder au loin. L'autre ne revenait pas... mais bon, tant mieux, il devenait lourd. Ton attention se repose sur Davy avec un petit sourire. Ça fais longtemps. Qu'est-ce que tu deviens ?

Elle ne semblait pas avoir changé, en tout cas pas d'une manière qui me choquait. Son regard se pose sur un point ailleurs avant qu'elle ne daigne m'accorder à nouveau son attention. L'autre mec lui manquait tant que ça ? Peut-être que finalement j'avais eu tort de m'interposer, peut-être qu'ils s'amusaient bien ensemble. Au pire tant pis, je lui ferais oublier cet idiot, utilisant mon charme pour qu'elle ne voit personne d'autre que moi, au moins pendant quelques heures. « Trop longtemps. » Et je mentais pas, c'était pas uniquement pour te complimenter ou te flatter. Quand mes yeux avaient vu ton sourire, mon cœur lui s'était emballé, comme au bon vieux temps. Si tu savais comme j'aimerais retrouver cet autrefois. « Je deviens rien, toujours à Harvard, toujours les mêmes soirées, le même quotidien, tu me connais assez bien pour imaginer ma vie non ? » Simple supposition, pas de reproches. On s'était éloignés et pourtant une partie de moi espérait que tu me comprennes toujours, qu'on retrouve ce jeu qu'on avait. « Et toi ? T'attendais quelqu'un ? » Me dis juste pas que t'espérais que l'autre revienne. Parce que là, je saurais pas comment le gérer.

Personne ne te manquait non, juste que tu te demandais pourquoi l'autre mettait autant de temps... Enfin il s'en fou sans doute de toi, mais qu'est-ce que ça t'importe ? Tu lui dis que ça faisais longtemps, le sourire aux lèvres. Ça fait longtemps ouais, que vous ne vous êtes pas adressés la parole... depuis ce petit moment que vous aviez eu, à vous tourner autour, sans jamais entrer dans le vif du sujet on va dire. Trop longtemps. Tu te demandes ce qu'il devient. Il te sourit en retour et quelque chose est venu te chercher - comme un bon souvenir qui rend nostalgique. Je deviens rien, toujours à Harvard, toujours les mêmes soirées, le même quotidien, tu me connais assez bien pour imaginer ma vie non ? Ouais... quand même. Et tu es plutôt d'accord avec lui d'ailleurs. Mêmes soirées, même quotidien. Ouais je vois le tableau. C'est pareil pour moi... le nez dans les devoirs, les livres et les sorties avec les copines. Tu hoches la tête en pinçant tes lèvres. Ta vie est comment dire... un peu nulle, routinière. Et toi ? T'attendais quelqu'un ? Tu réfléchis quelques secondes, même si la réponse était claire : Non pas du tout, j'suis venue seule. Tu hausses les épaules en souriant. Tu lui retournes la question : et toi ? Tu attends quelqu'un ? Depuis le temps, il doit bien s'être fait une petite amie ou un autre intérêt.

Venue seule hein ? Alors pourquoi elle était avec ce type ? La question me brûlait les lèvres mais je me faisais violence pour ne pas la poser. Car la jalousie était une faiblesse, et je me devais d’être un homme fort. Puissant. L’amour et l’attachement rendait ça impossible. Alors, à la place, je détournais le regard, portant mon verre à mes lèvres, comme si l’alcool pouvait calmer ma colère injustifiée. Puis, finalement, elle me retournait la question. D’un côté, je pouvais décider de me venger, de l’autre je pouvais peut-être tenter de la rendre jalouse. Les deux options s’avéraient être alléchantes. Mais ce soir se déroulait sous le signe de l’amusement. « Si j’attendais quelqu’un alors je laisserais tomber cette personne pour être avec toi ». Clairement. Parce que rien ne vaut une aussi bonne compagnie que la tienne. Malheureusement, je pouvais pas te dire ça. Les mots ne voulaient tout simplement pas sortir. En fait, je ne voulais même pas sourire. Sûrement cette colère qui ne partait pas. « Puis tu me connais, j’ai jamais été le genre de mec à attendre. L’impatience est sûrement le pire de mes défauts ». Nouvelle gorgée. Fallait se l’avouer, j’avais jamais été le genre de mec à attendre une fille en retard. Non, quand la femme ne se pointait pas au bout de cinq minutes, alors je partais voir ailleurs. Le nombre de gifles prises ne se comptait même plus. « Je t’avoue que ça me fait bizarre de te revoir ». Puisqu'on en était aux aveux.

Si j’attendais quelqu’un alors je laisserais tomber cette personne pour être avec toi Te dit-il. C'est bien loin d'être subtile, pourtant toi, t'es trop nulle pour comprendre que c'est un jeu de drague. Tu lui souris, tu rigoles même un peu. Ah mais si c'était vrai on aurait jamais perdu contact. Oui parce que depuis le temps il doit bien avoir d'autres filles dans sa vie, d'autres filles ont remplacés son intérêt qu'il avait pour toi. C'est pas de la jalousie, juste la simple vérité. Puis tu me connais, j’ai jamais été le genre de mec à attendre. L’impatience est sûrement le pire de mes défauts Ceci explique bien cela. Tu hoches la tête en soupirant par le nez. Tu bois une gorgée de ton verre qui venait tout juste d'arriver. Je t’avoue que ça me fait bizarre de te revoir Tu lui souris encore, puis hoche la tête. Ça me fait bizarre aussi... mais c'est bon de te revoir. Tu prends une pause, pour réfléchir. Du coup t'es venu pour te changer les idées, rencontrer de nouvelles personnes ? Ou parce que t'avais soif ?

Elle disait que c'était bon de te revoir et mon cœur ratait un battement, comme s'il se souvenait d'un temps où nous n'avions pas à nous dire ça. Un temps où l'on se voyait souvent, pas de secrets, à part celui des sentiments. D'ailleurs avais-je vraiment eu des sentiments pour elle ? Mon corps avait eu des frissons à chaque fois que mon regard avait croisé le sien mais jamais mon cœur n'avait donné son avis. Alors j'étais parti, trop perdu pour pouvoir construire quelque chose avec toi, trop peureux pour te l'avouer. Et maintenant qu'on était là à parler comme si de rien n'était, je regrettais. On aurait pu tout simplement rester amis, l'étape supérieur n'était pas obligatoire. Encore une connerie de jeunesse que j'avais faite. « J'en sais trop rien ». Je te disais la vérité parce que la flemme de trouver une excuse, de jouer au mec fier quand j'étais perdu. « Mais on va dire pour rencontrer de nouvelles personnes pour pas t'emmerder ». Comprends que je n'ai pas envie de parler d'autres choses que toi en ce moment. Laisse moi être le Davy que tu connaissais juste une nuit de plus. « Est-ce qu'il y a eu un jour où je t'ai manqué ? » Juste un. J'avais besoin de savoir.

Pour toi, Davy il était de l'histoire ancienne. Peut-être qu'il aurait pu faire partie encore de la vie s'il était réapparut quelques semaines plus tôt mais... Non. La vie est faite ainsi, tu n'as pas à te plaindre en fait. Tu as fais la rencontre de Sloan vers la fin du Summer Camp et quelque chose se développe entre vous aujourd'hui, quelque chose que tu ne peux laisser passer maintenant. J'en sais trop rien Te répond ton vieil ami, lorsque tu lui demandes ce qu'il faisait ici. Mais on va dire pour rencontrer de nouvelles personnes pour pas t'emmerder Précise-t-il. Tu le dévisages quelques secondes en riant. Tu ne me déranges pas du tout, je t'ai dis que j'étais seule. Enfin seule dans le genre pas accompagnée. Tu comprends du coup un sous-entendu dans sa phrase... Un sous-entendus qui te donne l'impression qu'il veut que vous passiez la soirée ensemble. Enfin bon, écoute, toi, tu n'y vois pas d'inconvénient. Est-ce qu'il y a eu un jour où je t'ai manqué ? Tu tiques. La tête penchée sur le côté, tu le dévisages. Bien sûr que si... mais pourquoi cette question ? Tu commences, petit à petit, à entendre des choses qui ne sont pas dites. Est-ce que Davy avait quelque chose derrière la tête ? Je t'ai manqué, moi ?