"Bon, Kida, tu fais quoi ?
- Je dessine."

En fait, il n'y avait pas besoin de lui demander pour le savoir : on le voyait déjà. En tailleur, l'esprit abrite le regard et les mots courent au bout de son crayon. C'était ça, sa manière de discuter, de communiquer. Il est si petit le Kida qu'on s'imagine pas encore qu'il veut faire de sa vie une toile géante où tout le monde viendra poser son emprunte, sa patte. Parce que c'est à ça qu'il aspire : le partage. Oh oui, le dessin est très personnel. Il sait. Et même ici :

"Et qu'est-ce que tu dessines ?
- Tu reconnais pas ?"

Lui, il voit très bien. Mais pas les autres. C'est un problème, et Kida commence rapidement à se dire qu'il a besoin de se faire comprendre pour se faire entendre. Sans trafiquer sa manière de faire, il opte pour d'autres solutions, d'autres alternatives ; explore différentes techniques, différents points de vue. Il se rend alors compte que le monde comporte mille et une facettes et qu'il est possible d'en changer à l'infini.

Kida tout petit, voit grand.

Et parce qu'on ne reconnaissait pas ce qu'il avait dessiné, il recommença. C'est de cette manière qu'il développe sa pensée, aiguise et affûte son œil autant que sa réflexion. On sait, très vite, que Kida, il pourrait faire de grandes choses. Il y a son caractère particulier, solaire et bigarré que les autres ont parfois du mal à gérer. Parce que c'est très imprévisible, la nature humaine... et aussi parce que Kida c'est le vent de la révolte, un peu, qu'il aime bien élever la voix, arrêter quelqu'un au passage et dire ce qu'il pense. Sans filtre, ça arrive... mais toujours avec sincérité. Kida, c'est un garçon qui ne ment pas. Qui disparait vite ; mais qui ne trahit pas. Sa parole est cousue de mystère et de complicité.

"Plus tard, tu voudrais faire quoi ?
- Tout !"

Sa croissance se déroule sans encombres, sans malheurs tragiques. Kida n'avait pas besoin de catastrophes dans son existence pour l'attraper à pleine main et en faire son ruban coureur de vie. Dès qu'il se savait en mesure d'intégrer la crème de la crème, il eut l'éclair dans le regard qui marqua son prochain tournant. Alors c'est vrai, Papa et Maman, voir leur petit gamin grandir aussi vite que ça, ça faisait peur. Mais il fallait simplement se dire que, parfois, on met au monde un de ces enfants de la révolution, de ceux qui ont le pouvoir de changer les choses et d'arpenter le chemin des grands à leur tour.