Jarod était parti bossé dans la mâtiné. Aucune idée de l'heure à laquelle il avait quitté l'appartement, il avait été plutôt discret. Il m'avait laissé de quoi prendre mon petit-déjeuner et j'avais donc pris mes aises chez lui. Café, douche, câlinage de chat, bref j'étais presque chez moi. Puis en début d'après-midi j'étais partie pour l'hôpital. Une bonne heure ou deux, assise dans une salle d'attente avec des aiguilles dans le bras, m'injectant lentement un produit qui était supposé repousser mon cancer. Comme souvent j'avais dormis, puisque j'avais déjà vu tout les films proposés dans le service d'oncologie. Puis après cette sieste j'étais rentrée, non pas chez moi, mais toujours chez Jarod. J'aurais pu rentrer chez moi, mais la mâtiné passée chez lui m'avais fait me rendre compte qu'il ne prenait pas soin de son appartement. Ok, c'était miteux, mais s'il en prenait soin rien qu'un peu, cet appartement pouvait être agréable. J'avais donc fait un croché au supermarché le plus proche avant de revenir. Détergeant, éponge, seau, serpillière : j'allais nettoyé ce taudis une bonne fois pour toute et Jarod n'allait pas en croire ses yeux. C'était franchement ambitieux venant d'une fille limite bordélique. Mais en tant que futur chirurgienne je n'avais cas voir chaque centimètre de cet appartement comme une salle d'opération : il fallait que ce soit propre et stérile, qu'on puisse opérer un patient au milieu du salon si besoin. Je commençais par la salle de bain, frottant tout, dans les moindre recoins, usant cette éponge que je venais tout juste d'acheter tant je frottais fort pour enlever la crasse. Si Jarod était propre sur lui, sa salle de bain laissait presque croire le contraire. Il n'avait clairement ni le temps, ni l'envie de prendre soin de cet appartement, qu'il détestait de toute façon. Il me fallut deux bonnes heures pour venir à bout de la salle de bain, qui était certainement plus propre que lors de l'achat de ce deux pièces. Je retournais dans le salon, jetant mon éponge dans le sceau encore vide avant de me laisser tomber sur le canapé un instant. J'étais pas ultra sportive, c'était un fait, mais là, j'avais l'impression d'avoir couru un marathon. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et je me faisais un coup de chaud digne d'une femme en pleine ménopause. Après quelques minutes à attendre que ça passe, je finis par me tirer du canapé, forcée de constater que cet étrange sentiment de mort imminente allait rester avec moi jusqu'à ce que la journée se termine. Bornée, j'attrapais un balais pour poursuivre mon ménage, me mettant à repousser précautionneusement la poussière dans un coin de l'appartement. Puis rapidement, ma vision se troublait. Je pouvais voir des petites étoiles de partout et cette sensation désagréable que mon sang se concentrait dans ma tête. Je ronchonnais un peu, tentant de retourner vers le canapé en m'aidant du balais, avant de m'écraser au milieu du salon. Heureusement que j'avais balayé, faire un malaise sur un sol crasseux était pire que tout.

Aucune idée du temps que j'avais passé allongé sur le sol du salon. J'avais eu l'impression de me réveiller un court instant mais d'être comme paralysée, incapable de me relever. Puis de nouveau c'était le noir complet. Je rouvrais les yeux péniblement, notant rapidement que j'étais dans la chambre et non plus dans le salon. Jarod devait être rentré, ou alors j'étais venu jusqu'ici par l'opération du saint esprit... aller savoir. Sensation de malaise, envie de vomir, je me redressais laborieusement dans le lit pour me tirer jusqu'au bord du matelas, reposant mes pieds par terre. Mes coudes reposés sur mes genoux, la tête au dessus du vide, je regardais le sol, prenant de profondes inspirations en espérant que cette envie de vomir me passe. J'entendis l'eau couler dans la salle de bain, puis des pas jusqu'à la chambre. Je redressais la tête pour voir Jarod, une serviette humide entre les mains. « Hey. T'es rentrée ya longtemps ? » demandais-je. Je faisais presque comme si de rien n'était alors que clairement il m'avait porté jusqu'ici. A sa place, si je l'avais trouvé raide mort, allongé au milieu du salon, j'aurais certainement pété un câble en l'entendant me sortir de tel banalité à son réveil. Mais bon, je partais du principe que ce n'était pas le premier malaise que je faisais, et qu'a mes yeux c'était presque devenu banale, même si pour Jarod c'était la première fois qu'il me voyait dans cet état. « J'ai nettoyé la salle de bain... » ajoutais-je comme dans l'espoir qu'il l'ai remarqué en allait cherché cette serviette.

 Pas de cris, pas de larmes. Il était calme, bien plus calme que Feryel en tout cas. On sentait qu'il avait l'habitude en tant que pompier de s'occuper de ce genre de petit accident et pour une fois, c'était étrangement agréable de ne pas trouver quelqu'un de paniqué dès le réveil. Il m'annonça qu'il venait d'arriver avant de me demander pourquoi je ne l'avais pas appelé. Un air idiot sur le visage, je haussais les épaules. « Je vais pas t'appeler dès que je fais un truc. » lâchais-je. Ouais je tenais à mon indépendance quand même, bien que depuis le début de mon traitement, il y a bientôt un an de ça, j'étais plus dépendante des autres que je ne voulais bien l'admettre. Il vint essuyer mon visage avec la serviette humide et je passais une main sur ma nuque en reprenant de profondes inspirations. Ça allait passer je le savais, c'était juste un moment un peu désagréable. La chimio c'était lourd, c'était douloureux, fatiguant et c'était franchement mauvais pour le moral. Ça donnait l'impression d'être plus malade que l'on ne l'était avant le début du traitement. Il y avait des jours où tout allait bien, ou  j'avais l'impression d'être guérit et d'autre jour où je ne pouvais tout simplement pas sortir de mon lit. Ce serait certainement le cas demain, vu les effets secondaires cette séance. Pas de commentaire concernant la propreté de la salle de bain, pour le coup j'étais limité blessée, tout ces efforts pour rien. Jarod insista pour que je me repose et j'échappais un petit rire avant de lâcher : « C'est gonflé de dire ça.. surtout venant du mec qui a des valises sous les yeux. » c'était sur le ton de la plaisanterie, même si c'était en partie vrai. Jarod, le repos il ne connaissait pas, ce n'était pas dans son vocabulaire en faite, mais les choses allaient changé maintenant que j'étais de retour dans sa vie, j'allais le forcé à se reposer. Je secouais légèrement la tête lorsqu'il me conseilla de m'allonger. « Non, si je m'allonge je vais m'étouffer dans mon propre vomis. Je pense pas que tu veuille voir ça. » J'étais terriblement cash, en plus que d'habitude, c'était la fatigue j'imagine. Je me tirais du lit, prenant appuie sur l'épaule de Jarod avant de me diriger vers la salle de bain. « Je vais salir les wc que j'avais si bien lavé. » lâchais-je tout en m'éloignant d'un pas hésitant.

Jarod inquiet. Il était vraiment trop chou, même si je ne me voyais pas l'appeler à la moindre nausée. Mais le simple fait qu'il insiste pour que je le fasse me touchait vraiment. Je reprenais mes esprits, respirant tranquillement pour essayer de faire passer cette envie de vomir qui me retournait le ventre. Bien que pas franchement au top de ma forme, ça ne m'empêchait pas de faire quelques remarques à Jarod, sans filtre, en toute franchise. J'étais déjà assez chiante de nature, j'avais le dont pour mettre les pieds dans le plat, je parlais souvent trop vite, sans réfléchir... Alors avec la fatigue et cette impression de malaise toujours bien présente, ça n'arrangeait rien. Mais Jarod si ferait bien vite. Si mes médecins me supportaient, alors lui aussi y arriverait. Je me redressais enfin pour partir vers la salle de bain, râlant un peu à l'idée de salir les wc que je venais juste de laver. « Pas bête. » notais-je après que Jarod ai fait remarqué que je serais moins dégoûtée. C'est sur que vomir dans des wc bien sale c'était un coup à avoir encore plus la nausée. Je me laissais tomber au pied de la cuvette, posant les coudes sur l'abattant et retenant mes bouclettes blondes de mes mains avant de vomir, une bonne fois pour toute. Je toussotais un peu,  attrapant le rouleau de papier pour en dérouler un bon mètre, le mettre en boule et m'essuyer la bouche. « Non ça va, t'embête pas. » Lâchais-je avant de tirer la chasse d'eau et de me traîner jusqu'au canapé du salon. « Je vais rester là un moment, tant pis pour le ménage. » soupirais en me laissant tomber dans le canapé. « J'ai l'impression que je vais mourir. » soupirais-je à mi-voix. Parfois j'avais vraiment envie d'arrêter ce foutu traitement qui me pourrissait la vie. « Si je dors là encore une fois ce soir, ça t'embête pas ? » clairement je ne lui laissais pas trop le choix, vu la façon dont je pausais la question, mais bon. « On commandera des pizza comme ça on aura pas besoin de cuisiner. » Il ne pouvait tout simplement pas refuser.

Je ressortais de la salle de bain et Jarod m’interceptait à la  sortie pour me guider jusqu'au canapé. Sa serviette mouillée à la main il ne savait clairement pas quoi faire pour m'aider, ne savait pas comment se rendre utile. Alors dès que j'évoquais le ménage il m'assura qu'il s'en occupait et qu'il commanderait aussi la pizza. Je restais immobile sur le canapé, franchement épuisée, me contentant de le regarder attraper le balais pour continuer ce que j'avais commencé. Il déposa au passage le menu de la pizzeria et je me penchais pour l'attraper, étudiant les différent choix de pizza, même si, il fallait être honnête, après ce que j'avais vomis je n'avais pas tout de suite envie d'une pizza. Jarod termina le ménage, rapidement, clairement il avait bâclé le boulot mais je ne préférais pas lui faire de remarquer,il avait la gentillesse de s'occuper de moi. Après avoir tout rangé il s'arrêtait un moment à quelques pas de moi. Je sortais le nez du menu pour le regarder. J'esquissais un petit sourire avant de le taquiner un peu : « Ouais, je te sens d'ici. » Le pauvre avait du avoir une longue journée fatigante et par ma faute il avait dû s'occuper de moi ET faire le ménage en rentrant. Je me sentais encore plus mal à l'idée de lui pourrir sa soirée. Il partit fers la chambre pour récupéré des affaires propres avant de rejoindre la salle de bain, m'interdisant de mourir avant de refermer la porte derrière lui. J'échappais un petit rire. C'était assez drôle comme interdiction, sachant que ce n'était pas vraiment un truc que je contrôlais. Je reposais le menu sur la table basse me tirant jusqu'au bord du canapé pour m'asseoir plus convenablement quelques minutes avant de me décider à me lever. Je fouillais rapidement dans mon sac, pour en sortir une petite boite en plastique orange remplie de médicament, avant de rejoindre la cuisine pour me servir un verre d'eau et avaler deux pilules.