J’avais eu du mal à digérer la nouvelle que j’avais apprise tout juste après le bal, y a deux semaines de ça. Pire encore, la surprise n’était toujours pas passée. Colin avait été mis au courant par une bourde que je ne suis en mesure de reprocher qu’à moi-même, et c’est sans doute le pire dans l’histoire. Moi qui voulais jouer la carte de l’ignorance ou celle de la cachoterie, c’était râpé. Heureusement pour moi, Monsieur n’avait pas jugé bon d’en informer le paternel, et il valait mieux ; j’avais même pas le courage d’imaginer ce qui m’arriverait si ça arrivait aux oreilles de Francis, hésitant entre être reniée ou me faire exiler sur une île déserte au fin fond de l’océan. Bref, rien de spécialement joyeux pour ma poire. J’avais déconné et je m’en voulais ; mais plutôt que de m’apitoyer continuellement sur mon sort, il fallait que je bouge. Que je reprenne ma vie comme je l’avais laissée, que je retrouve la Louve de toujours. Et évidemment, en apprenant qu’une soirée mondaine se déroulait aux abords de Boston, impossible pour moi de ne pas sauter sur l’occasion pour me vider l’esprit. Parce que bien que je tenterais de bien me tenir, j’étais prête à bien des choses pour ajouter un peu d’amusement à la situation. Sans même compter le fait qu’il y aurait un buffet, comme toujours, qui n’attendrait que moi et ma gloutonnerie. Alors, vêtue d’une intemporelle petite robe noire signée Chanel, un vaste sourire aux lèvres plein d’hypocrisie, je traverse la salle de la soirée pour me diriger directement vers le buffet. Parce que j’ai pas pour habitude de passer par quatre chemins, j’attrape sans crier gare l’une des mignardises soigneusement déposée sur un plateau. Et, alors que je l’enfile dans ma bouche, je me fige l’espace de trois secondes, mes yeux posés directement sur celle qui a toujours eu le don de m’insupporter. Parce qu’il fallait qu’elle soit là aussi, forcément. Le contraire aurait été trop beau. Madame se dirige vers le buffet ; quoi de mieux pour commencer la soirée ?