Le temps n’est pas si froid, ce matin, vêtue de mes guêtres putassières et d’une veste les recouvrant, talons claquant sur le sol, appréciant ce moment de calme, cet étrange apaisement qui vient à chaque fin de service. Cet instant où la vie de la nuit semble mourir, et où le soleil s’élève lentement du haut des toits. Mais je n’ai pas envie de rentrer aujourd’hui, c’est pour cette simple raison qu’à défaut de prendre le chemin de mon appartement, je prends l’opposé, sachant Tobias en compagnie de cette étudiante que j’ai un tantinet torturée avant de l’employer. Mes prunelles s’écrasent sur les commerçants s’attelant à mettre en place le marché … Et moi ? Pour la première fois depuis des mois, mes pensées me mènent à Clay, sans que je n’ai cette sensation intense de saigner. Nostalgique de nos premiers instants, oubliant la finalité dans ce couloir où j’ai cru crever. Me heurtant à notre échec cuisant, alors que j'avais pu croire en ses mots couchés sur papier ... Jamais je ne cesserai d’espérer, foutaise aux allures de cadeau d'anniversaire empoisonné. Une seconde d’hésitation, de fierté remise en question. Juste assez pour que je puisse me dire, en pensant étrangement à mon père menacé, que la vie est trop courte pour tout analyser. Tout disloquer. Disséquer. Autant reprendre mes habitudes et vivre selon mes propres envies. Et celles que j’ai pour lui se mêleraient bien au marc d’un café. Texto envoyé. Gardant le téléphone en main, je patiente pour son message quand la sonnerie me fait sursauter. Ce n’est pas ce que j’attendais, après des années c'est le seul qui arrive à me surprendre, c'est triste à constater. " La question était plutôt de savoir si j'étais seul Anna, tu crois pas... " C’est sans contrôle que je me mets soudainement à rire, j’avoue ni avoir même pas pensé, je ne l’ai pas le moins du monde envisagé. Sauf que pour dire vrai, c’est dingue, j’en ai strictement rien à cirer. Si une autre avec lui il y aurait pu avoir, je jubile de savoir qu’un brin de jalousie aurait pu l’étreindre à la lecture de mon prénom sur l’écran. " Qu'est-ce que tu veux? " Bien trop sérieux. « Parce qu’elles passent la nuit entière maintenant ? » Après tout, avant d’être avec lui, des filles j’en ai vu défiler dans sa chambre, mais que très rarement pour partager des croissants. « C’est que t’es devenu plus endurant ... » Ou bien choix plus piquant ; « ou emmerdant et qu’elles s’endorment facilement. » Ne voulant même pas une seconde à peine savoir si cela pourrait être question de véritables sentiments.

Une ellipse silencieuse, presque trop légère, trop petite s’installe, j’entends sa respiration perdue dans un étrange bruit de fond. « Ce que je veux ? » il est si risqué de poser cette question à Annalynne Malcolm. Soupir qui s'accorde au mot rire. « Savoir si tu étais occupé. » Si tu pouvais avoir du temps à m’accorder.


@Clay Fitz. Cooper

S’il est occupé, oui, mais s’il a prit la peine de m’appeler le fait est qu’à ma question la réponse est déjà toute donnée. Il ne comprend pas, et dans le fond ce n’est pas pour me surprendre, que je désire simplement le voir, un moment d’accalmie après tout ce qu’on a traversé. Sauf que je ne m’aventure pas à le dire clairement, d’appréhension peut-être de me voir essuyer un refus, puisque déjà après mes quelques piqûres sur ses capacités il a menacé de raccrocher. " Et peut-on savoir pourquoi? " Clay dans le fond, ce n’est pas la peine de le nier, je suis certaine que tu l’as très bien deviner. Mais a l’entente d’un bip répétitif, je comprends alors d’où venait ce bruit de fond précédemment cité, il est en train de conduire, dans une des rues de Boston. Peut-être bien trop loin de moi pour accepter ce que je voulais lui proposer.  Et s’offre à moi alors un choix, celui d’être honnête ou bien mentir, feindre le fait que ce n’était que pour l’emmerder. Pour être certaine que qu’importe l’heure, même maintenant c’est sur lui que je pourrai compter. « Je voulais ... » te voler ton temps, te le faire perdre aussi sûrement. " Un instant. Un expresso. " Non, non, ce n’était pas dans mes plans. Mais ma phrase, proposition est avortée, faute de ne pas avoir eu l’occasion de la planter. " Toujours pas trouvé de remplaçant pour ce cher Dan ? " L’entendre dans sa bouche ne me surprend pas vraiment, la nouvelle de la mort de l’un de mes plus vieux employés à même le sol du club n’a pu être cachée. Un long soupir s’éprend de mon être, je ne dirai pas que cela m’a vraiment attristée, mais il est vrai que ne plus croiser son visage cherchant le mien de l’entrée est une chose à laquelle je n’étais pas préparée. « Non. » je réponds peut-être un peu trop sèchement. « Je suis exigeante, tu le sais. » C’est juste que dans le ton de sa voix j’ai senti qu’à se réjouir de cette perte il en était à deux doigts. Puis à la vérité, ce n'est pas comme si je croulais sous les cvs. « Prends pas ton café. » Que je lui dis finalement pour stopper ses élans, et lui faire entendre les miens. « Je suis vers le Luna ... » si tu veux en partager un avec moi.


@Clay Fitz. Cooper

Ce n’est pas tout de suite qu’il répond, je lui laisse le temps de réflexion, n’insiste pas plus, après tout … Sous le poids de la nostalgie c’est un assez grand effort que je viens de faire en lui proposant cela, même si je m’attends déjà à essuyer un refus. Tant pis, après tout, et dans le fond peut-être que c’est tant mieux, parce que j’ignore moi-même ce que j’espère en faisant cela. Pourquoi retourner vers lui ? Vouloir à nouveau faire un pas ? Depuis combien de temps, déjà, je ne me suis pas posée des questions au sujet de notre relation ? Combien de jours à vouloir le sortir de ma vie pour en arriver à cette conclusion … celle qu’il sera toujours là, en ombre de fond. Vérité qui me fait tellement passée pour une con. " A tout de suite. " Dans ma démarche j’en marque un arrêt, presque trop surprise lorsque l’écran de mon téléphone me signale qu’il vient de raccrocher. « Okay ... »

Le cellulaire est finalement glissé dans la poche de ma veste lorsque j’accuse un faible frisson en continuant d’avancer avec indolence et soupçon de légèreté. Mon regard attiré par la devanture de ce café précédemment cité. Par avance, je me réjouis à l’idée de ressentir ma langue à moitié brûlée par la noirceur de la boisson que je vais commander. C’est le bruit d’un moteur qui alpague finalement mon attention … Celui de son foutu pick-up que mon esprit reconnaît. Arrivé à mon hauteur, la fenêtre souffle pour l’entendre me demander. " Hey, c'est combien? " Cœur battant. Paupières abaissées, et sourire un brin mélancolique. " En fin d'compte, je reviendrais quand ce sera gratuit. J'serais toi, j'me dépêcherais. " Forcée de constater, en la direction que me désignent ses phalanges, que l’orage n’est pas loin. D’une accélération il me laisse sur le bitume continuer mon avancée, mais je ne m’en offusque même pas, peut-être trop fatiguée pour me perdre en de telles futilités. Son véhicule arrêter quelques mètres plus loin, je souris à nouveau lorsque je le vois en sortir, une seconde, je l’avoue, j’ai pensé qu’il allait juste tracer sa route pour ne plus s’arrêter, juste par envie de me narguer.

Au milieu de la ville qui s’éveille, le bruit sourd de mes talons reste bien présent, et à ce rythme soutenu j’arrive finalement à son hauteur, appuyé contre cette voiture, sexy en diable, portée par mon aliénation, je m’approche pour effectuer une chose que nous n’avons jamais fait. Un détail pour lequel je ne suis pas franchement fan, mais comme considérée pour l’une de ces putains il y a quelques secondes à peine, je me donne le droit … d’aller déposer sur sa joue, non sans une once de réticence que je crois percevoir de sa part, un baiser qui se veut entre tendre et carnassier. « Bonjour. » que je prononce en une innocence trop surjouée pour paraître vraie. Le contact m’ayant électrisée. Je me décale, afin de lui souligner. « Pour te répondre ... » a la question si déplacée, du c’est combien pour espérer une gentillesse encline à la lubricité. Railleuse, en sa compagnie presque nerveuse. « Un café noir, allongé. » Bien que j’avais insinué vouloir l’inviter.


@Clay Fitz. Cooper

J’ai sur mon expression ce même sourire, cette apparence que je tente de sauvegarder, ce défaut de fabrication dû à mon éducation. J’avais des envies de trêves, d’un instant où l’on se fourvoie et où les haines s’apaisent. Mes frêles idées se sont toutes foutues le camp depuis que mon regard a croisé le sien, de mes sentiments que j’ai voulu volontairement effacer, j’en prends la grandeur en plein visage, c’est – je le jure – une amorce d’un affreux naufrage. Une mascarade que j’ai moi-même invoquée. Un océan d’abysses dans lequel je sais si bien plonger. Un théâtre de trottoir aux allures de comédie démodée. Pourtant … bon sang pourtant il y en a du temps qui s’est écoulé depuis ce jour où j’ai voulu taire l’amour. " Tu crois en Dieu l'père maintenant. " Et mon index s’élève entre nous, accompagné d’une faible onomatopée pour lui faire comprendre à force d’oscillations de ce dernier que mes croyances n’ont absolument pas changées. J’ai cru en mes dieux, mais tu sais, je crois en moi, avant de croire en eux.

D’un même rythme de prime abords, non sans qu’il observe une nouvelle fois le ciel, on se dirige vers l’entrée du café, vers laquelle il me devance pour effectuer, je le sais, de ces actes que l’on qualifie de manqué. Ouvre la porte vitrée et me permets de m’y engouffrer. Lorsque je le fais, mon épaule heurte la sienne, en un choc qui s’amenuise déjà, tandis que l’électricité met mon être en souffrance. Il est vrai que ça me dérange. Tandis que je vais pour prendre place à l’un des tables vides, il m’arrête d’une paume, et m’interroge, presque trop bas. " Attends, T'es comment là-dessous ?  " La question m’est adressée, mais c’est autour de nous qu’il lance un regard, j’en ai une envie de le taquiner, parce que pour une fois, c’est Cooper qui se soucie beaucoup trop de ce que les gens pourraient penser.

Mais l’homme n’est certainement pas aveugle au point de ne pas avoir su déceler que j’ai des envies de m’amuser, que je veux me fondre, après la soirée à bosser, dans une désinvolture qui engendre entre nous un colmatage de déficience. M’approchant de son lobe d’oreille, aussi bien aguicheuse que mielleuse, pour souffler, ingénue. « Nue ... » Nos visages bien trop proche durant cette ellipse à la véritable vie dans laquelle je nous fais couler. Mes prunelles ne se décident pas à lâcher les siennes, il y a dans les profondeurs de ce laps de temps, un brin d’irréel. Je m’accroche à son regard, déverse la lubricité du mien, une seconde, deux, trois … Amarrée au magnétisme de Clay. Avant que je ne soupire, juste assez fort, pour que son oxygène ne devienne le mien, pour me décaler et à la hauteur de ce siège molletonné, je retire ma veste et me retrouve en apparats putassiers, jupe de cuir trop écoutée, débardeur à peine blanc, surtout transparent, qui ne cache aucunement la dentelle noire rehaussant mes seins qui ont si souvent appelés ses mains. « Ca te convient ? » que je lui demande tandis que de mes lèvres ma langue s’acoquine. Je me fiche de ce que l’on pourrait penser, je ne suis plus l’héritière Malcolm, mais bien la maquerelle du club d’à côté. Rôle duquel je ne me cache jamais, même si cela détonne avec la panoplie de princesse que j’ai souvent portée. Et m’assois finalement, l’invitant à faire de même avec mes doigts. Précisant, un simple « Détends-toi. » je le jure, je ne mords pas … enfin, pas souvent, mais t’es le mieux placé pour le savoir ça.


@Clay Fitz. Cooper

" T'as pas pu te changer ou tu voulais faire le trottoir, histoire d'récolter quelques derniers pourboire? " Touché. Il abat les cartes d’un amusement que je ne connais que trop bien. Qui nous berce depuis quelques mois, depuis son écart et un brin de je-ne-sais-quoi. Si ma propre haine me semblait justifiée, j’ai du mal à entrevoir les raisons de la sienne. Peine à envisager qu’elle peut réellement résulte de notre discussion du dix huit février dernier, pourtant je ne peux nier que les choses ont véritablement changées ce jour là. Ma bonne humeur et mon envie de « jouer » il n’en faut pas plus pour me les faire ravaler. A quel moment, sérieusement, il est devenu comme cela ? A toujours me penser pute alors que je suis la mère de son enfant. Que j’ai envoyé valser tout un monde pour être dans ses bras. Comme s’il pouvait oublier que c’est au Nirvana qu’on s’est trouvé. Mon apparat ne le dérangeait pas tant que cela, à l’époque, n’est-ce pas ? Après deux ans à s’apprivoiser, à croire que tu pouvais m’aimer … Un ramassis de foutaises, une mascarade en bonne et due forme. Une aigreur qui craquelle un peu plus mon coeur. Puisqu’il ne reste que ça. Et même mes mots qui l’invitent au léger ne l’aide pas. Faute de s’être levé du mauvais pied, Clay Cooper n’est pas enclin à cet aparté proposé. Je voulais une trêve … il attise la guerre. Il tranche presque trop fièrement. D’un geste de main et de sa voix s’élevant. " Tu me fais perdre mon temps " Coulé. Ce même temps que tu ne veux plus passer avec moi.

C’est douloureux de le voir se lever de cette façon là, prendre sa veste et se tirer. J’en reste, une seconde de trop peut-être sans mot dire ainsi que figée à ma chaise. Elles sont trop nombreuses, nos ruptures, Clay, et je n’arrive toujours pas à m’y faire, malgré ce fameux temps qui passe. Alors je me lève, finalement, remets à mon tour mon manteau sur mon dos, cache ma panoplie qu’il a, à l’évidence, prise pour une insulte, et ayant prouvé que nos longueurs d’ondes n’arrivent plus à se lier. Un soupir avant de pousser la porte, et que mes prunelles s’attarde sur ce dos que j’ai tant aimé. Accueillant la pluie perlant déjà sur l’ébène de mes cheveux... Je pourrai évidemment, le laisser rentrer chez lui tranquille, ne plus lui faire perdre ce temps qu’il pense si précieux, les options ne sont pas compliquées, ni même difficiles à envisager … Et déjà ma fierté me hurle de ne pas le faire, que l’insistance pourrait ce matin me conduire à une errance. Sauf que je ne l’écoute pas, j’en oublie ma raison, en faveur d’une âme en perdition. « Clay merde ! » je le hèle. Pourquoi ? Parce que la chute n’en sera que plus belle.


@Clay Fitz. Cooper