« J’fais plus les même erreurs, non, j’veux en faire des nouvelles. »

James & Erin

Cette lettre commençait à me rendre folle et me bloquer dans toutes mes activités. Notamment dans mes études, je bloquais devant tous mes travaux pratiques, mes révisions. Heureusement je m’étais trouvée un moment détente avec Avalon où j’avais eu l’occasion de lui parler de ce géniteur. Ce qui me préoccupait, était de devoir en parler à ma mère. Je ne savais absolument pas comment elle le prendrait, elle qui s’était donné tant de mal pour me cacher son existence ou ignorer mes questions à son égard. Qui était-il ? Comment était-il ? Etait-ce un homme bien, ou un homme qui avait tourné son âme vers le diable ? Enfin, il ne fallait pas en demander plus. Un homme qui abandonnait une femme enceinte, c’était forcément un connard. Après, on se demandait pourquoi je n’avais pas forcément une vision très positive de la famille. Même si celle que j’avais m’aller très bien : ma mère, Avalon ma cousine de cœur, et moi.  A trois, on s’en sortait très bien.

Je claquais tout dans ma chambre à la Dunster, j’enfilais une jolie petite robe courte blanche, pas plus long qu’au niveau du genou, je nouais mes cheveux en queue de cheval, et des talons noirs. Je me préparais devant le miroir, en me parlant à moi-même. « Ce soir Erin tu reste à la maison, Heaven prend la place. » Au moins, elle, elle n’avait pas de souci, elle s’amusait et s’était tout. Puis, la veille j’étais tombée sur un tract pour une soirée au Lord Hobo. Je n’aimais pas sortir autour du campus, mais pour une fois je ferais une exception. Puis habillée comme je l’étais, même en croisant d’autres étudiants, il ne me reconnaitrait sûrement pas. Les trois quarts étaient plus préoccupés par leur propre petite personne qu’autre chose. Alors pourquoi pas.

Dans un peu plus loin dans la soirée sur la piste, évidemment il y avait les alcoolisés qui venaient se frotter à moi tel une abeille sur son miel, et dieu sait que je n’aimais pas être collée. Je ne pouvais pas dire que je n’avais pas bu, et le peu que je buvais me monter directement au cerveau par manque d’habitude. C’était juste le moment pour le rendre dingue, l’allumer, le chauffer et le laisser là sur la piste de danse et en se demandant où il s’était planté pour ne pas réussir à conclure avec une belle jeune femme. Je me déhanchais, je dansais, bien contente de ne pas être reconnue par d’autres étudiants. Je tenais à mon image de jeune femme innocente et studieuse. Les professeurs en avaient conscience, et cette image était très bonne pour ma bourse d’étude. Peut-être que je m’en faisais une mauvaise idée, qu’en le sachant cela ne changerait rien. Mais cette double vie me plaisait, Erin et Heaven étaient deux personnes bien distinct.

J’allais rejoindre le bar pour un autre verre. Je devais me concentrer pour rester debout sur mes talons, et le besoin de m’assoir se faisait ressentir. Non pas que j’avais mal au pied. Mais ma tête tournait légèrement, mais en même temps j’avais soif. Erin aurait pris un soft, Heaven restait à sa vodka redbull qu’elle chérissait tant. Quitte à être ivre, autant l’être jusqu’au bout. Les pieds dans le vide par ma petite taille sur le tabouret du bar, j’avais la sensation que je n’arriverais plus à me décoller de là. C’était là qu’un jeune homme qui avait bien plus abusé que moi vienne s’assoir à côté. Perdu dans son verre, je le regardais avec un sourire en coin. Je n’en pensais rien, les états ivres parlaient d’eux-mêmes,  toujours assez fascinant et révélateur de personnalité.   « Tu n’aurais pas dû prendre l’air, c’est encore pire quand tu reviens. » lui dis-je par expérience. Je ne savais pas combien il était sorti, mais dans la chaleur de ce bar, le frais qu’il dégageait été agréable. Même en ayant bu, je savais donner des conseils. Je terminais mon verre en cul-sec, histoire de me finir en beauté. Je tentais de me relever tant bien que mal, me tenant au bar. « Heaven » me présentais-je. Je ne savais pas pourquoi, mais un pressentiment me faisait penser que j’allais passer un long moment de la soirée avec lui. L’alcool me faisait perdre mes barrières, et l’idée que ça soit un étudiant d’Harvard ne me gênait pas. « Qu’est-ce qui t’a amené ici ? » On avait tous une raison de finir dans des états comme celui-là.

« J’fais plus les même erreurs, non, j’veux en faire des nouvelles. »

James & Erin

Besoin de souffler, de réfléchir… les mêmes raisons qui avaient poussé Erin à devenir Heaven le temps d’une soirée. Je n’avais autant ressenti ce besoin de la sortir depuis un long moment. Peut-être que c’était un de mes défauts aussi : ne pas assez prendre le temps de m’amuser. Je visais haut dans mes études, j’avais un but dans ma vie, et je voulais tout faire pour l’obtenir. Je voulais ma gamme de cosmétique à mon nom, la faire développer grâce au profit de ma chaine YouTube. Je me devais d’être la plus crédible possible, donc je maintenais mon sérieux le plus possible. Seulement voilà, il arrivait des situations comme celle-ci avec mon géniteur que je n’arrivais plus à gérer.
J’adressais un sourire en coin quand il me parlait d’un petit verre. Blonde, mais pas idiote. « Un seul verre, je ne pense pas. Par contre, la bouteille va finir par te scotcher à ton siège. » dis-je en accompagnant ça d’un clin d’œil. J’étais assez mal placé pour parler, car je ne buvais pas assez souvent que quelques verres me rendait totalement ivre. D’ailleurs, je ne savais pas pourquoi l’idée de me relever m’était passée par l’esprit, car je tenais à peine sur mes jambes. Mon siège me rappelait à l’ordre de me rassoir, et je lui obéissais sans hésitation. Je sentais son regard se poser sur moi, m’observer. N’ayant jamais été amoureuse, je n’avais pas spécialement d’idées sur ce que les hommes pouvaient penser de moi. Certes, je draguais dans ce type de soirée, avec un verre dans le nez, je devenais une vraie séductrice, une allumeuse, mais je n’avais jamais été plus loin. Au contraire, à vingt-et-un, je faisais encore partie de ces jeunes femmes pures, celle qui se réserve pour l’amour de sa vie. C’était beau de croire encore au conte de fée. Quand je voyais la plupart des étudiants et étudiantes s’envoyaient en l’air dans chaque coin de rue, ça ne me faisait pas envie de faire partie de ce genre de bande.

Je préférais éviter ce regard instant en faisant tourner mon verre que je venais de vider entre mes doigts. Puis, on se présentait. James, un prénom simple mais que j’aimais bien. « Enchanté de même. » Et c’était vrai, la soirée semblait assez terne jusqu’à cette conversation avec James. Et comme quoi il n’était pas contre de continuer cette soirée avec moi, puisqu’il demandait au serveur de me prendre une boisson. [color=crimson] « Une vodka redbull » dis-je au serveur qui attendait ma réponse impatiemment. « Merci tu n’étais pas obligée. A moins que tu cherches à me rendre encore plus ivre. » souriante et à moitié séductrice sur les bords que j’avais dit ça. Il était rare qu’un homme offre un verre à une jeune femme sans aucune raison. Encore plus quand elle était jolie. Bonsoir le narcissisme, et merci l’alcool qui avait une tendance à valoriser les gens.

Nos verres devant les yeux, je le soulevais en l’honneur de notre soirée en écoutant les raisons de sa présence dans ce bar. Je l’écoutais, et d’instinct j’avais envie de répondre en rageant pour les raisons qui m’amenaient là. Je ne savais pas trop si je devais croire les raisons de James, mais après tout pourquoi pas. Ma naïveté me perdra. Mais dans le fond, avec beaucoup d’étudiants, l’animation était bien présente oui. Je regardais autour de moi puis revenais à nous. « Heureusement qu’ils ne comptaient pas sur nous pour animer la soirée en tout cas. » J’en rigolais. On faisait peine à voir tous les deux à côté de tous ceux qui s’amusaient. « Comme toi, un besoin de me changer les idées, de voir du monde, et de faire des rencontres intéressantes. » espérant que ces derniers mots soient la seule chose que retiendrait le jeune homme. Je n’avais pas vraiment envie d’évoquer le pourquoi du comment sur mes pensées oppressantes.

Ça allait et venait dans la boite avec les étudiants. Jusqu’à ce qu’une personne, un peu trop vieux pour être un étudiant, demandait un peu d’argent. Mes réflexions étaient totalement inhibées par l’alcool, je sortais 20$ de mon sac pour lui donner. « Prend ça, tu as de la chance que la maison Dunster accueille les étudiants les plus généreux, les plus intelligents, les plus sympathiques qui soit. » Un air un peu dubitatif, le mec partait au loin. James avait assisté à tout ça. J’en rigolais de plus belle. Ok, c’était officiel, c’était mon dernier verre. « Et oui, je suis étudiante à Havard. » C’était un moyen de continuer à faire connaissance. « Et toi, tu fais quoi dans la vie hors mis squatter ce bar ? » Tant qu’il ne me disais pas qu’il était plein aux as, un héritier ou je ne savais quoi, tout m’irait.

« J’fais plus les même erreurs, non, j’veux en faire des nouvelles. »

James & Erin

Mais qu’est-ce qui m’avait prise de dire que j’étais étudiante à Harvard ? En temps normal, je préférais garder ce côté de Heaven, ivre et séductrice, loin de ma vie d’étudiante en tant qu’Erin, bien plus calme et posée. Si je donnais cet autre prénom en soirée, c’était que les nouvelles allaient vite, et je tenais à garder ma réputation de jeune femme sage pour ma bourse, sinon c’était la fin d’Harvard pour moi. Puis il y avait ma chaine Youtube aussi qui se faisait connaitre tout doucement. Ma crédibilité de jeune femme donnant des conseils en mode et beauté en prendrait un coup, si mes followers savaient que je pouvais boire à n’en plus finir, que j’allumais les hommes en m’enfuyant dès qu’il fallait passer aux choses sérieuses. Heaven était ma décompression, mon échappatoire. Peut-être un peu celle que j’aimerais assumer au quotidien, mais je ne pouvais pas. Je tenais plus que tout à cette image, et à cette bourse. Elle était mon accès à mon rêve.

Je ne m’attendais pas spécialement à ce que James m’annonce que lui aussi était étudiant à Harvard. Une révélation qui avait presque eu le don de me dessaouler sur le champ si je n’étais pas encore en train de boire. Heureusement que lui comme moi étions assez saoules pour ne pas réaliser les cinq secondes qu’il me fallait pour retrouver mon sourire de début de soirée. J’étais bien à côté de ce jeune homme que je ne connaissais pas il y avait encore quelques minutes. « Il y aurait une bonne raison pour que j’ai une mauvaise de toi ? Enfin hors mis les dix grammes et le verre entre tes mains... » dis-je en plaisantant. En quoi être un Winthrop pouvait être une mauvaise image ? A moins qu’il soit également de celui qui drague, couche et jette les jeunes femmes qu’il croisait. S’il comptait me mettre à son tableau de chasse, il pouvait se mettre le doigt dans l’œil. Même ivre, je ne couchais pas comme cela. D’ailleurs, je faisais partie de celle qui n’avait même jamais passé à l’acte avec un homme. Puis je l’écoutais me proposer d’aller au bal de fin d’année avec lui. J’avais de base prévu d’y aller avec ma cousine de cœur, Avalon. Je ne savais pas si c’était l’alcool ou l’envie, mais ma réponse ne se faisait pas attendre. « et bien écoute... Je suis libre comme l’air, alors allons-y ensemble ! » Folle, complétement folle oui. Si ma mère m’entendait là, elle me demanderait ce qui me prendrait d’aller au bal avec un homme que je ne connaissais depuis même pas une heure. Mais voilà, un peu de folie ne ferait pas mal dans ma petite vie.

Il fallait juste que j’arrive à lui dire qu’Heaven n’était pas réellement mon prénom, que sur le campus, j’étais Erin. Je n’avais juste pas envie de tout foutre en l’air. Je finissais pour la deuxième fois de la soirée mon verre cul-sec, et le sien dans la foulée. Le mélange des deux alcools n’était pas super agréable. « Vient avec moi. » Je lui prenais la main, profitant d’une danse un peu plus calme. Appelons ça un entrainement pour le bal. En fait, on se tenait plus l’un à l’autre pour ne pas trébucher, c’était surtout mon cas avec mes dix centimètres de talons. Je profitais aussi du fait qu’on ne pouvait pas nous entendre. « Erin, mon vrai prénom est Erin. » Il ne fallait pas chercher midi à quatorze heures pour savoir qu’il n’allait pas comprendre. « Heaven est mon deuxième prénom, c’est celui que je donne pour ne pas être embêté en soirée. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je peux te faire confiance. » Je ne savais absolument pas comment il le prendrait. J’espérais bien, en même temps, je n’étais pas non plus la seule femme au monde à utiliser se procéder de « deuxième prénom de secours ».