17h… C’est tout un monde que je quitte une fois le grand hall passé pour endosser un autre type de de responsabilités. Il a fallu faire un bref crochet histoire d’aller récupérer le petit chez cette nourrice dont les services ne sont pas vraiment bon marché. On ne m’a jamais dit qu’avoir un mioche pouvait autant faire débourser, encore heureux que je sois un gradé. Tobias n’a rien dit et curieusement je le soupçonne d’être aussi intéressé déjà que ne l’est son père envers la gente féminine. C'est un fait, les chiens ne font pas des chats et le voir s'assoupir très rapidement de nouveau dans son siège auto me ravit un autre sourire fugace qui s'efface en faveur des autres automobilistes qui l'épient.

Sa sieste sera écourtée quelques minutes plus tard lorsque je le désincarcère de son fauteuil où il est lové. Des brides de pleurs attirent le regard de quelques passants mais sont aussitôt avortées par de légers soubresauts contre ma poitrine.  C'est donc le petit contre moi que d'une main habile j'extirpe le téléphone de ma poche droite, chemin faisant vers mon appartement, pour entendre un Devan peu reconnaissable. Lui qui d'ordinaire est d'un calme olympien et d'une maitrise sans pareille me demande de passer et c'est sans s'étendre sur le sujet que j'acquiesce et raccroche afin de pousser ma porte.

De mon coté, bien affairé, je vaque à mes occupations habituelles le temps que ne s'annonce en bas mon vieil ami, le bruit de sa cylindré recouvrant partiellement celui du trafic. A la réminiscence de son timbre de voix affolé, je vais d'un pas lent jeter un coup d'œil rapide sur sa moto stationnée en contre bas, furetant jusqu'au carrefour à deux pâtés de maisons de là. Rien. Toute activité au dehors semble bien banale, même le petit buraliste d'en face continue d'étendre ses canards et autres prospectus une heure avant la fermeture. A l'autre bout du living bourdonne l'appel de Devan qui patiente au dehors devant l'interphone et sans m'attarder d'avantage sur mon examen de la ruelle, je quitte mon poste d'observation dans le but d'aller lui donner l'autorisation de monter. Inutile d'aller à sa rencontre, j'ai le petit à coté et Devan sait parfaitement où me trouver, d'autant plus qu'il n'y a qu'un seul étage dans ce bâtiment. Au bout de quelques secondes sa silhouette se détache de la cage d'escaliers tandis que je l'attends déjà sur le palier, l'invitant d'un geste de la tête à rentrer . " Devan. T'as la tête de ma gueule de bois, " autrement dit ca ne va vraiment pas. " Rentre."

 La porte claque légèrement dans mon dos preuve qu'il a suivit mon conseil et m'emboite le pas avant d'annoncer une fois parvenu dans ma garçonnière. "J'ai besoin de toi." La dernière fois que j'ai entendu çà, l'oratrice de ces mots a fini étendue dans mon lit et je doute que Devan attende de moi le même genre d'appui. Dans un volte-face, oubliant les us et coutumes, l'homme qui m'a suivi jusqu'ici est interrogé du regard jusqu'à ce qu'il me tende d'une main ferme une chemise cartonnée. " J'ai fais une grosse connerie." Et ce que je tiens à présent entre les doigts est entrouvert, mon regard dérivant sur les nombreux paragraphes et clichés. Bordel Devan, je ne suis pas médecin et tu devrais savoir qu'à ce charabia médical je n'y pige foutrement rien. La fouille dérive finalement sur d'autres photographies, d'un tout autre genre, de son fils que je connais un peu même si nous n'avons pas pour habitude de nous étendre sur le sujet tous deux. Le petit brun, Sam, est en compagnie d'une femme qui n'est - à ce que je sache - pas sa mère pour en avoir apprécié les traits sur une vieille photographie. " C'est qui, sa nourrice? " Difficile d'en juger puisque la qualité laisse à désirer. Ils font penser à des shoots pris à la va-vite, sans précaution et toujours de manière dérobée, sans chercher à capter l'attention de leurs sujets. De ces clichés un bout de feuille au coin corné dépasse légèrement et de mes doigts je l'extrais délicatement. Le reste se passe de commentaire. Inutile de lui demander de quoi il s'agit, il suffit d'en lire les quelques lignes manuscrites pour s'en faire une juste interprétation. " Devan, il te reste combien de temps? " Pour t'acquitter de la somme demandée.