La pizzeria, ce sont des odeurs ancrées dans ton code génétique. La sauce tomate, les olives, le chèvre qui cuisent au feu de bois te rappellent ta Sicile natale, ta Mère, celle qui t'as vu grandir. En ce moment, tu en es nostalgique, et ce n'est qu'auprès des éléments te rappelant ta Méditerranée que tu retrouves du baume au coeur. Si tu n'avais jamais quitté ton île, tu n'aurais jamais eu ces pensées assourdissantes. Tu n'aurais jamais rencontré Evie, tu ne serais probablement jamais devenu cette célébrité internationale, tu mènerais ta vie simplement sans te tirer les cheveux.
Heureusement, Clay Cooper débarqua lorsque tes ruminations s'accentuaient. Tu l'avais salué chaleureusement puis tu avais entamé naturellement la discussion, avec ta tchatche légendaire. Ton nouvel ami en ville te fit esquisser un sourire, il possédait une sacrée personnalité que tu n'avais pas encore cernée. Était-ce de l'humour ou ne supportait-il vraiment pas son gamin ? Une chose était sûre, tu le jalousais. Lorsqu'il te retourna la question, tes processus de réflexion se gelèrent. Cependant, d'autres mécanismes "sociaux" prirent la relève pour ne pas te faire passer pour un arriéré.
— "Elle doit aller bien, je suppose. Sa mère doit la gâter. Elle m'interdit de la voir, c'est selon son humeur tu vois... " autant dire que depuis quelques temps, c'était silence radio.
Le pizzaiolo que tu avais presque ignoré depuis que tu t'étais installé vous avez tout à coup interrompu, laissant Clay hésitant et perplexe. C'était bien la première fois que tu le voyais si égaré. Tu volas alors à son secours avec un sourire mesuré.
— " Pour moi ce sera une Sicilienne et toi Clay ? Quels sont tes ingrédients favoris ? Fromage ? Champignons ? Chorizos ? " si tu n'étais pas acteur, producteur et scénariste, tu te serais bien lancé dans la confection de pizzas. Cela t'aurait sans doute attiré moins d'ennuis et d'histoires dans la presse à scandale. Tu attendais à présent la réponse de ce brun bourru, ton menton niché dans la paume de ta main droite, les yeux rieurs.
— " Il s'appelle comment ton gosse sinon ? Il a quel âge ? " finis-tu par demander pour ne pas l'agacer lourdement. 

Tu te demandes souvent l'image que tu dois à présent véhiculer. La graine de star abattue par sa séparation, le père répugnant écarté de l'éducation de sa fille ? Tu n'oses plus consulter ton nom sur internet, au risque d'augmenter ton dégoût à ton égard. Au lieu de cela, tu préfères redevenir un homme banal, ne se souciant plus de son apparence médiatique. Regardes par exemple ce Clay qui te tient compagnie ce soir, si tu n'étais pas dans cette sale position, jamais tu ne l'aurais rencontré alors qu'il a probablement des tas de choses à t'apprendre. Clay t'impressionnes même si tu essaies de le cacher. Même pour le choix d'une simple pizza, on dirait qu'il s'agit de tirer ou non sur un homme. Tous ces choix semblent prendre des proportions immenses, ou alors, il est simplement aussi largué que toi dans sa caboche. Cela ne t'étonnerait pas maintenant que tu comprends ce que c'est que d'être un père.
— " Hawaienne ? T'es un malade mec. T'aimes l'exotisme, j'ai pigé. " balanças-tu en explosant de rire bruyamment. Ce type t'étonnera toujours. Après avoir calmer tes moqueries digne d'un enfant de huit ans, tu avais repris ton sérieux, cherchant à en apprendre plus sur la vie de ce gars si imposant. Ainsi, tu appris que son gosse avait à peine un mois de plus que la tienne, vos destins semblaient être faits pour être liés.
— " Six mois ? La mienne en a bien cinq maintenant, quand ils grandiront un peu plus, ils pourront jouer ensemble ! " proposas-tu sans avoir réfléchi à ce que pourrait bien en penser Evie, la détentrice de ton enfant, celle qui prenait absolument toutes les décisions et qui ne te laissait aucune place. Clay semblait bien plus hypnotisé par les gestes du pizzaiolo en face de toi que par ton enthousiasme débordant. C'était typique chez toi, tu devenais très vite incontrôlable, à faire des plans sur la comète. Néanmoins, Clay sortit de sa rêverie et osa enfin s'intéresser à toi, à toi et à ta relation avec ton ex. Jusqu'à présent, personne ne t'avait ouvertement demandé la cause de votre séparation, bien que d'énoncer à voix haute les raisons pourraient te blesser, tu en avais aussi besoin. Tu avais besoin d'éliminer ce qui pourrissait au fond de toi et d'exprimer ton point de vue.
— " Elle a la garde exclusive car je n'ai encore rien fait juridiquement. J'ai peur qu'en lui enlevant la petite, elle fasse une connerie. Je ne sais pas comment ça marche ce merdier, d'ailleurs, est-ce que j'aurais mes chances d'avoir une garde alternée ? " demandas-tu sans attendre forcément de réponse. Peut être que si tu débauchais un excellent avocat en la matière tu gagnerais quelques droits de visites, mais les centaines de photos où des tonnes de nanas se pendent à ton cou ne joueraient certainement pas en ta faveur...
— " Toi tu as officiellement obtenu des droits ? Ou bien la mère est cordiale et vous vous êtes arrangés ensemble ? "  

Tu te plaignais à tout va de ta situation, mais il semblerait que certains couples déchirés aient de bien plus gros soucis. Bien qu'anesthésié émotionnellement, Clay paraissait mécontent de toute cette histoire autour de son gamin. Quand tu entendis que la mère travaillait la nuit, un bon gros stéréotype de gogo danseuse envahit tes pensées. Il avait sans doute merdé un soir et elle aussi en ne prenant pas la pilule, résultat des courses, un gosse était né par accident.
Pour toi, Arlo avait aussi été une surprise. Inconsciemment, elle avait été une sorte d'enfant de réconciliation, de guérison pour votre couple. Seulement, cela n'avait pas suffit à t'assagir, puisque Evie avait rompu en plein milieu de sa grossesse, supportant seule une part de tes actions.
Malgré tout, tu percevais un peu d'amour de la part de Clay à l'égard de son enfant, il s'en occupait 'mieux qu'elle', ce qui le rendait plus touchant que cette femme... Tu acquiesçais à ses propos sans jugement, l'écoutant posément, te mettant souvent à sa place.
Alors qu'il terminait son récit assez décousu et peu expressif, il te renvoya la balle sur ton statut de père, ce qui te figea un certain temps sur place. Clay n'allait pas te juger si tu avouais probablement ce qui te mettait en sale position pour la garde de ta fille. Tu raclas ta gorge, entourant ton verre de bière que le serveur venait de vous servir. Cadeau de la maison avait-il dit avant de repartir enfourner ses pizzas dans le four.
— " En réalité... Je ne suis pas un ange. Pendant qu'elle était enceinte, j'étais en tournage et j'ai toujours été assez proche des autres actrices ... Des photos sont sorties dans la presse à ce sujet donc je pense que ça fournit une preuve suffisante pour ne pas me donner une garde alternée... Quel mec fricoterait avec d'autres nanas pendant que sa femme officielle est engrossée. " déballas-tu avant de prendre ton verre en main pour avaler plusieurs gorgée de l'alcool doré.
Après ta déclaration sincère, le pizzaiolo revint avec deux pizzas, vous les servant chacun devant vous puis il était revenu vers vous en vous apportant une fiole de sauce pimentée.  
Gourmand et non rebuté par un peu de piquant, tu avais déposé un filet de cette huile sur l'entièreté de ta pizza, te léchant déjà les babines par l'odeur qui émanait de ton assiette.
— " Alors comme ça tu es flic ? Tu couvres quel genre d'événements ? Je suis curieux... mais je vois que tu n'es pas très bavard, alors si je te saoule un peu trop, tu me le dis. " dis-tu en découpant une première part pour en déguster un morceau. Tu étais franc et très enjoué, c'était ta personnalité, tes origines, tu parlais beaucoup et parfois, tu rencontrais des murs qui n'étaient pas sensible à ta personnalité. Tu redoutais que Clay en fasse partie car tu commençais vraiment à l'apprécier.