Il y a plusieurs secondes qui défilent, cette langueur qui s'étend, cet étrange laps de temps durant lequel ses prunelles caressent mon visage, que je me ressens aux abords du naufrage. Son regard je tente de le défier parce que je me refuse catégoriquement à abaisser les paupières pour lui donner un avantage encore plus cuisant. Il ne songe même pas combien pour moi c'est déroutant. C'est la hargne qui fait battre mon sang. L'impossibilité totale d'oublier ce qu'il m'a avoué il y a tout juste quelques jours, la façon dont il a piétiné mon amour. Dans notre silence je me perds, j'ai l'âme aussi bien que le cœur à l'envers. J'en ai oublié les klaxons, les gens pestant contre la monde entier au dehors, comme si tout l'univers pouvait se refléter en cet instant. Ce moment où il allume l'intérieur de la voiture, où il se penche vers le volant … et où bêtement je me plaque contre mon siège afin d'avoir la certitude qu'il ne m'effleurera pas. Si dans la mairie ça ne m'a faussement pas dérangé, ici, c'est un tout autre air qui est en train d'être joué.

Au rythme accéléré de ma respiration face au constat de l'effet qu'il possède sur moi ma poitrine s'élève et s'abaisse, j'en perds la raison, je régresse, je veux juste que ça s'arrête … La proximité, mon esprit abîmé … Et ma main qui va se débattre dans mes cheveux pour contrer un je-ne-sais-quoi, un besoin de le toucher pour me sentir à nouveau électrisée. Je suis folle à lier. Mais heureusement, il se retire, et j'en reprends une mesure plus nette pour mon souffle saccadé. Un dernier regard insistant, et nous revoilà dans l'obscurité. J'en déglutis, bêtement. " Ça m'emmerderait qu'il se fasse des idées " Quoi ? Encore sonnée par notre précédente proximité, j'ai du mal à mettre de l'ordre dans le court sinueux de ses pensées. Quelles idées ? Il est vrai que pour le coup, ce sont les miennes qui se sont foutues le camp. Si peu de maîtrise de soi, je n'en reviens pas. Que tu es faible Anna.

Des idées sur toi et moi partageant une voiture ? Ce n'est pas comme si ce n'était jamais arrivé, et puis, pour ma part, je ne l'ai encore dit qu'à une seule personne, tu sais … Et l'alcool a fait que ma langue s'est délié au sujet de cette lame que je porte en moi. Mais je comprends, n'est-ce pas, pour toutes les filles qu'il doit maintenant se taper, il ne faudrait pas qu'elles pensent qu'il est de nouveau en manque de liberté. Tant pis, si ça peut en décourager quelques unes, j'avoue que ça me va. Sauf que dans mon équation, il y a un détail qui cloche, et je l'énonce en un souffle incompris. « Il ? » Clay, on parle de qui ? Est-ce réellement ta façon de me demander si j'ai quelqu'un dans ma vie ? Après le coup de la culotte, de la tromperie. Je crois qu'à nouveau, je pète les plombs, dans une colère qui n'a pas de nom. Et me soulage d'une bien médiocre façon, les bruits des moteurs redémarrant lentement … très lentement. Non, trop lentement. Bordel, ce trajet dure trop longtemps.

 

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" Celui pour qui tu me laisses le gamin presque tous les soirs " J'en crache un soupir, aigrie. Vas-y fais moi passer pour une mère indigne aussi. Si je te le laisse tous les soirs, c'est pour mon bar, connard, mais ça ne t'est pas venu à l'esprit ? A croire que tout est question de sexe, de se vider ou de se faire baiser. Blessée, je ne le regarde pas se tortiller, je me concentre sur la route, ces moteurs qui redémarrent, comment peut-il envisager une seule seconde que je sois déjà recasée … Il n'a pas comprit que je l'aimais? A croire qu'il a toujours été sourd face à mon amour. " Je me doute bien que tu vois quelqu'un et c'est..." Ridicule, crétin. Comme si je pouvais effacer notre histoire d'un revers de main. " ...très bien." On n'est pas tous comme toi, capables de passer à  autre chose alors que le précédent chapitre peine à se terminer. Dont l'encre ne veut s'épuiser, s'éternise à mesure de lignes qui marquent ma peau de cicatrices invisibles. « Si c'est très bien. » J'en dodeline de mon visage plusieurs fois, lèvres pincées, dégoûtée, comme pour jauger d'à quel point ça peut l'être. Je martèle le volant de mes index, même, agacée. Je suis si conne d'avoir pensé que j'aurai pu sincèrement lui manquer.  

" Tu devrais tourner à droite à la prochaine." A tes ordres, puisque tu as un meilleur sens de l'orientation que moi. Je m'exécute jusqu'à ce qu'on se retrouve à nouveau bloqués. Je lui lance un regard noir, et téméraire, saoulée, je décide de prendre le parti de passer. Me faufiler. " C'est pas ton suppositoire que tu conduis " Qu'il me dit tout en stoppant mes intentions, encore je le fusille du regard, et mords ma joue pour ne pas lui cracher une insulte. Des voitures, avant toi, j'en avais des centaines. Comme tout le reste, en fait. « Ouais mais ... » je vais quand même tenter et pour cette envie, je repose mon pied sur l'accélérateur, incline le volant, dirige son si précieux véhicule vers ce passage bien trop étroit, je le sais que je ne passerai pas, mais rien que pour son visage se décomposant, je continue, je ne vais peut-être pas le faire jusqu'au bout, je n'en sais rien, juste que ; « Niquer ta voiture, ça pourrait me faire du bien. » plus encore qu'un nouveau mec d'ailleurs, elle m'a brisée ton erreur.

 

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L'Homme peut donc être touché. Et plus encore que ce que j'aurai pu le penser. Parce qu'en me faisant sursauter, il sort de la voiture, frappe sur le capot, et m'ordonne de dégager de derrière son volant à l'aide d'un puissant " Sors ! " Plutôt crever. Même si tu deviens violent. Alors plutôt que d'accéder à sa requête, je m'évertue à faire quelque chose plus puéril que jamais, d'un mouvement rapide, je vais écraser mon index sur le cliquet, histoire de verrouiller, qu'il ne puisse pas ouvrir la portière et me sortir de force. La situation s'en devient de plus en plus risible, lorsque les livreurs se préoccupe de notre semblant d'altercation. Enfermée dans l'aquarium de protection que m'offre la voiture, je ne parviens pas à entendre les mots que le chauffeur lui balance.

Mon regard figé sur la silhouette de Clay, faussée à travers la fenêtre et dans l'obscurité, je distingue tout de même parfaitement son énervement. La tension dans ses traits. A croire qu'il est plus affecté par une possible rayure sur sa foutue bagnole que sur le fait que je l'ai quitté. " Ouvre. " Ouais, c'est bien ce que je disais, nous sommes une blague, une vraie. Comme on en fait pas, et comme il a pu, lui, le faire une fois, j'ai presque envie de lui demander si « ça l'a éclaté, le temps que ça a duré. » se taper une héritière, l'engrosser, et la faire passer pour la femme la plus conne de l'année. « Non. » Mes paumes se crispent sur le volant, intensément. Tandis que je force mon regard à ne pas s'incliner en sa direction. Il a voulu jouer, il a bu, il fanfaronnait durant la soirée, et bien voilà, on y est, je m'exécute à ses désirs, c'est jusqu'au bout que je vais le ramener. Quand l'un des travailleurs de nuit s'approche finalement de nous, c'est à mon tour d'exiger. « Remonte en voiture, Cooper. » Mais non, voyons, il en a encore une hésitation. « Casse couilles. » que je crache entre mes dents, il n'en finira jamais d'ajouter de nouvelles teintes à mes tourments. « Je te laisserai pas nous buter, ton fils et moi. » Je trouvais pourtant, que ce n'était pas si cher payé quelques rayures en échange de mon cœur piétiné. T'en fais pas va, elle restera intacte ta voiture, je voudrai pas te devoir de l'argent, en plus du reste, tu vois.

 

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" T'occupes pas de çà toi! " qu'il vocifère à l'intention de celui qui ce soir se sent sûrement un peu trop preux chevalier. Et même moi, il m'agace, parce que je n'ai absolument pas besoin d'être sauvée. Ca fait deux ans que j'arrive à gérer l'énergumène qui se trouve de l'autre côté de la vitre, alors je n'ai pas besoin d'être aidée. Qualifié de casse couilles, j'attends tout de même de le voir revenir … Peut-être qu'après tout, à le vouloir toujours à côté moi, c'est que j'adore me punir. Et lorsque sa paume refermée s'écrase à nouveau sur la fenêtre, j'en sursaute et lance une oeillade à notre enfant qui, la tétine en bouche, n'a pas bougé. Bien loin de la tourmente ambiante, dans son monde où tout va pour le mieux, où il semble être heureux. " Va l'emplafonner ma bagnole. Mais surtout, Anna... Surtout, te loupes pas." Ca me fait ce pincement au coeur, c'est une victoire pleine d'aigreur. Il abandonne, je le sais. Et peut-être qu'avant notre histoire, j'en aurai jubilé. Mais le fait est que Clay l'a déjà fait, le jour où il en a tringlé une autre, c'est là, qu'il a signé l'arrêté. Avec ou sans alcool, dans le fond, c'était sa volonté. Rien ne sert de ressasser. C'est une peine que je panserai, t'en fais pas, tire toi. Que je nique sa bagnole ou pas, il ne reviendra pas. A croire qu'on se plonge de plus en plus vers le point de non-retour, où plus jamais entre lui et moi il ne sera question d'amour. " Petite putain. " Qu'on se le dise, cette part de moi, elle te dérangeait pas il y a quelques mois. Mais d'accord, j'en mords mes lèvres, au paroxysme de l'énervement. C'est un joli mot, pour la mère de ton enfant. Déjà, je le vois prendre la direction du trottoir, presque trop loin. J'en soupire lorsque mes mains se crispent encore sur le volant. J'expire mon désespoir soudain, et ma haine qui étouffe mes veines. Je m'étrangle en avalant une salive échaudée. J'ai des envies de gerber, sauf qu'à défaut de le faire … c'est en trombe que je redémarre, appréciant le fait que les livreurs durant ce laps de temps de reprise de contenance aient avancé, je fais crier le moteur, arrache et laisse sur le bitume des morceaux de mon âme, des battements de mon coeur. Ce n'était pas une blague, ce Noël, non, c'était juste un belle erreur.

 

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