Je n'ai jamais prétendu être l'homme de la situation mais lorsque l'on m'a proposé d'être pour un temps déterminé le garde du corps d'une grande dame du pays, j'ai aussitôt dit oui. Sans doute parce que vu les temps qui courent, j'ai besoin de me changer les idées, de m'occuper l'esprit et recotoyer les riches pontifes un besoin de palier à un manque qui me bouffe au quotidien. Ce n'est que dans la voiture, en route pour l'aéroport, que j'ai eu le droit d'ouvrir le dossier relatant des faits et quelle ne fut pas ma surprise à la lecture du nom qui y était consigné: Obama, Mackenzie.  

Si le nom du père est devenu au fil de ces dernières années très populaire, j'ignorais qu'il avait une fille de cet âge, étant très peu porté sur les potins de célébrités. La voiture s'arrête aux abords de l'enceinte et il nous faut encore marcher quelques minutes avant de nous présenter dans le hall principal où l'on me briefe une dernière fois quant à mon nouveau rôle que j'ai déjà de part le passé quelques fois joué: l'accompagner là où elle souhaite se rendre, sécuriser les lieux qu'elle foulera du pied, la conduire et réagir au moindre danger. J'ai depuis longtemps les pré-requis d'une telle profession et c'est sans doute pour cela que l'on m'a presque assigné, sous réserve de mon approbation, à cette jeune femme qui dans quelques secondes va m'être présentée.

Il a été convenu que j'aille la chercher à son arrivée, lorsque son majordome l'aura déposée et ce n'est qu'après avoir eu la certitude que mon flingue se trouve bien sous mon gilet que je vais en direction des imposantes portes vitrées, cherchant cette limousine du regard jusqu'à la trouver. L'introspection a déjà commencé et rien aux alentours ne saurait être d'une réelle menace pour la fille de cette feu principauté. Alors je vais finalement poireauter gentiment jusqu'à l'arrêt complet du véhicule et m'en approche, ouvre la portière qui donne sur sa riche propriétaire, toujours aux aguets.  

Mes premières impressions? Difficile à dire puisque je ne peux la distinguer très clairement dans ce contrejour, la clarté d'un soleil de saison tranchant avec la pénombre de l'habitacle. Après quelques secondes, c'est son majordome qui quitte le véhicule pour aller très certainement s'enquérir de ses petites affaires de voyage tandis qu'elle apparait, une jambe fuselée après l'autre effleurant le trottoir. Elle est naturellement étudiée, discrètement: silhouette athlétique dotée d'un fessier galbé, des rondeurs soutenues dans des fringues sophistiquées. Il aurait été troublant de voir la fille de notre ex-futur président affublée autrement et je comprends maintenant pourquoi son père la fait protéger. Et puisque c'est une femme du Monde, le poids de ses valises doit, j'imagine, n'avoir d'égal que sa notoriété.  

Mais à ma grande surprise, le valet ne s'arrête pas au coffre mais à la porte arrière du coté passager. De ma position, je ne peux malheureusement distinguer ce qui sort une fois la portière déverrouillée et cela me laisse perplexe car nul part - de ce que j'ai brièvement survolé - il n'était question d'un second colis à trimbaler. Rien que ce petit imprévu commence à m'agacer et je ne suis pas aux bouts de mes peines lorsque j'aperçois cette chose battre de la queue et venir haleter aux pieds de sa maitresse. Un chien... " Un clébard, manquait plus que çà..." Tous au poste savent que je ne les supporte pas, les ai en horreur, une phobie qui remonte à mon plus jeune âge. C'est encore une mauvaise blague de mes supérieurs, comme si soutenir l'infiltration de Yates ne suffisait pas. Je les collectionne. Mais je ne dis rien et reste de marbre, impassible et les yeux rivés sur la jeune femme qui se munie délicatement de la laisse.

Pourtant, loin de vouloir lui paraitre déplacé, mes yeux en reviennent rapidement à sa personne afin de prêter une totale attention à ce que ses lèvres vont édicter. " Tout à fait. " Chacun de ses mots est mesuré, formulé avec une retenue qui change de ces étudiantes décérébrées. " Votre nouvel agent de protection rapprochée ", terme officiel pour designer dans le langage courant un garde du corps. " Cooper. " On mettra de coté le grade et les formalités usuelles de ma véritable profession. Le plus délicat dans cette histoire reste cette distance qu'il me faut préserver, ne surtout pas m'amuser à des gestes et des paroles qui pourraient nous amener à une proximité, c'est un luxe que je ne peux me permettre, pas avec elle. " Le reste est... " divulgable que si réellement exigé parce que je n'ai pas pour habitude de m’étaler." Le chien est du voyage? "