J'avais promis et pour le coup, je le faisais. Je savais que les choses étaient beaucoup trop étrange entre Lincoln et moi mais il avait besoin que je fasse des efforts de mon côté et c'était exactement ce que j'allais faire. J'avais aucune idée de comment ça pourrait s'passer, de si on aurait des trucs à se dire ou pas mais je le tentais. Un café par semaine avec lui c'était le deal. J'inspirais un coup finissant de ranger mes affaires dans mon sac après le dernier cours sortant finalement mon téléphone pour le prévenir que j'allais pas tarder. Inspire, expire. Tout allait bien se passer. Il n'y avait aucune raison que ce soit l'inverse et j'savais que si je ne faisais aucune réflexion sur ce qui avait pu se passer entre nous y avait pas de raison pour que les choses dérapent une nouvelle fois. Replaçant une mèche des mes cheveux derrière mon oreille, j'accélérais le pas resserant les pans de mon blouson autour de moi. Clairement, je détestais l'hiver. Parce qu'attraper le moindre microbe était néfaste pour ma santé et qu'en plus de ça, il faisait beaucoup trop froid. Poussant les portes du starbuck, je faisais la queue comme tout le monde attendant mon tour pour réclamer un café vanille comme bien souvent. Puis un muffin pour la route aussi. Et après ça, je prenais place à la table où mon "meileur ami" était déjà instalé. Désolée pour le retard, y avait tellement de monde que j'ai cru que j'arriverais jamais. Vrai de vrai. Fallait croire que le temps de merde n'empêchait personne de sortir.

C'était vendredi et tu savais aussi bien que moi ce que ça signifiait. Ça voulait dire qu'on se voyait toi et moi et j'avais juste hâte. Hâte de revoir ta tête et ton sourire. Ton visage radieux, puisque clairement Nicholas te rendait heureuse. Je suis content pour toi, vraiment. Tu le sais ça Kaya ? Je suis content que tu aies trouvé l'amour et que l'amour te le rende bien. Je suppose que vous avez du trouver des solutions à vos différents problèmes et c'était tant mieux. Je travaillais aux miens avec Holly. D'ailleurs, je devais t'en parler d'elle, parce que je suis dans une situation délicate. Mais on verra ça une fois qu'on sera tous les deux réunis. En attendant, j'avais déjà ma commande et je t'attendais dans le Starbucks. J'attendais avec impatience ces vendredis où je pouvais te voir parce que c'était ma bulle d'air de la semaine. J'ai besoin de toi, de te voir, de te parler. J'aurais voulu te voir plus, mais je devais assumer les conséquences de mes actes. Et du coup, j'étais avec ma commande, que je sirotais depuis quelques minutes quand je te voyais débarquer, t'excusant déjà du retard que tu as pris. « C'est pas grave t'en fais pas » Après tout, j'étais là, tu étais là, alors tant mieux quoi. On respectait tous les deux notre engagement de réunion hebdomadaire. « Tu vas bien ? » demandais-je intéressé avant de venir porter mon gobelet à moitié vide à mes lèvres, le regard posé sur toi.

M'enfin, j'étais là ce qui à l'heure d'aujourd'hui était certainement le plus important. Quelque part, j'étais certaine qu'il avait cru que je ne viendrais pas. Moi même j'avais hésité. Je savais que c'était mal et je garderais probablement cette information pour moi histoire de ne pas lui faire de la peine inutilement mais clairement, j'étais toujours en proie au doute quand il s'agissait de lui. J'supposais qu'au fond de lui, il le savait. Ca va et toi ? J'restais vague parce que pour moi il était toujours aussi compliqué de parler avec toi librement. J'sais pas comment tu fais, vraiment. Je t'admires pour être capable de faire comme s'il n'y avait strictement rien eu. Et j'aurais vraiment aimé pouvoir être comme toi. Faire comme si y avait rien, te parler comme avant. Passer des jours et des nuits à refaire le monde en se foutant pas mal de tout le reste. Mais c'était pas ce que je faisais alors que je priais de toutes mes forces pour pouvoir y arriver. J'suis allée à une brocante dans la semaine, j'ai trouvé un truc pour toi. J'ouvrais mon sac en sortant un livre en piteux état que je lui tendais alors. J'sais pas ce que ça vaux mais c'est sur la royauté française alors j'me disais que.. Ca pourrait te plaire. Sûrement, t'étais passionnée par l'histoire. Et quand j'étais passé devant, j'avais pas pu résister. Y avait probablement aucune valeur à ce truc et peut être même que tu le regarderais jamais vraiment mais voilà.

Tu étais en retard mais je n'en tenais pas rigueur. En fait, je t'attendrai dix ans s'il le fallait Kaya. C'est à ce point que je t'aime tu sais. Alors ouais, j'attendais patiemment, navigant sur mon téléphone. Après tout, qu'est-ce que je pouvais faire de plus en t'attendant ? Et puis finalement, tu passais devant la table, t'installant en face de moi et mon sourire ne fit que s'agrandir. Toi et moi, à la vie à la mort Kaya. « Ça peut aller » Ouais j'avais besoin de te parler de quelque chose, mais c'était pas le moment. Alors en attendant ouais, ça allait, on engagera cette conversation un peu plus tard tu veux. Mais je sens de toute façon qu'un truc n'allait toujours pas. Je le sentais mais je ne disais rien, ne voulant pas te braquer ou lancer une nouvelle dispute. Toi et moi, c'était supposé être facile. Je voulais retrouver la facilité. Pourquoi c'est pas si facile entre nous, hein ? Tu reprenais la parole en me parlant d'une brocante. Oh ? C'était un cadeau ? Je te regardais le sortir de ton sac et là, mes yeux étaient juste émerveillés face à cet ouvrage historique. Ouais, clairement, j'étais ravi de voir ce que tu venais de me trouver. « T'es sérieuse ? Putain mais.. ça s'trouve, ça vaut une fortune ! » Je l'attrapais avec précaution, en le scrutant dans tous les angles. Non mais en vrai, ça doit être un vrai petit trésor ça. Putaaaain, j'suis excité là. Non, calme toi Linc, passe du temps avec elle, sinon tu peux rester des heures à feuilleter les différentes pages. « Merci, merci, merci » Mes lèvres prenaient place sur ta joue, pour te remercier de façon naturelle.

J'sais pas, j'avais juste automatiquement pensé à toi en le voyant. C'est toujours un réflexe chez moi tu sais. Voir des trucs et vouloir les prendre pour toi. Me balader et me surprendre à faire des snaps pour ta personne sans même te les envoyer. T'es toujours une grosse partie de ma vie Lincoln, n'en doute pas. J'oublie pas tout ce qu'on a partagés et souvent, les bons moments prime sur les mauvais. Puis tu me manques terriblement aussi, j'ai envie qu'on retrouve cette complicité. Qu'on passe des heures au téléphone comme avant à parler de tout et de rien. Que tu me fasses rire aux éclats avec ta maladresse et qu'on soit juste tout les deux comme autrefois. J'voudrais vraiment qu'on retrouve tout ça et je sais pas comment faire pour que ce soit le cas. Je sais que c'est moi qui bloque, j'suis désolée pour ça. Mais j'suis heureuse de voir que ça te fais plaisir. J'ai toujours aimé voir cet éclat dans tes yeux. Je t'assure que je ne me suis pas ruinée. Le principe d'une brocante quoi. Mais j'me foutais du prix et de tout le reste tant que ça te plaisais à toi. Je t'aime Linc, tu sais ? que j'disais après avoir ri à tes remerciements et ton baiser. J'ai besoin de te parler d'un truc.. Soudainement, je paraissais un peu plus distante, plus renfermée. Mais t'es mon meilleur ami et j'ai jamais eu l'habitude de te cacher les choses. Là.. Je suis enceinte et je vais avorter. J'pense pas que c'est le genre de truc que je suis censée taire face à toi, pas vrai ?

Je sais pas si tu te rends compte mais j'apprécie énormément ce geste. Depuis ce qui s'était passé cet été, rien n'avait été pareil entre nous. On avait plus de petites attentions comme avant, l'humour aussi était passé à la trappe, prenant un peu tout trop au sérieux. Je voulais retrouver la relation que nous avions toi et moi. La relation saine et simple que nous avions. Tu avais fait un pas là. Tu avais trouvé un truc que tu savais me ferait plaisir. Un bouquin parlant de l'histoire. C'était juste parfait, tu ne savais pas à quel point. Alors je regardais la trouvaille avec des yeux pétillants, me rendant compte que c'était juste parfait. Ce moment était parfait. Et le meilleur dans tout ça était sûrement que tu ne t'étais pas ruinée en achetant cet ancien bouquin. « Je t'aime aussi, daaamn! C'est trop parfait, merci encore » Je crois que tu pouvais pas me faire plus plaisir en fait. C'était juste ce qu'il me fallait. Le coup de boost et l'engouement pour une période historique. Ma vie était devenue un peu compliquée récemment et te voir me faisait le plus grand bien. Mais très rapidement, tu prenais un air grave, sérieux, m'avouant que tu devais me dire un truc. Qu'est-ce que c'était ? J'en avais aucune idée. « Oui..? Rien de grave j'espère ? » Quelque chose me disait que si, c'était grave, mais j'en avais aucune certitude. Alors reposant le livre sur la table, le regard rivé sur toi, j'attendais ce que tu avais à me dire.

De base, on avait quand même l'habitude de tout se dire. Le bon comme le mauvais. Les choses insignifiantes comme les plus importantes. Alors forcément, il me semblait logique de te parler de ça. Puis puisqu'on tentait d'arranger notre relation, j'comptais pas creuser un fossé plus profond entre nous à cause de mes secrets. Et j'sais que ça faisait un moment que je taisais les choses. Disons que ce n'était pas spécialement évident de se confier sur tout ça alors que moi même j'avais du mal à y faire face. Alors même quand tu t'extasiais une nouvelle fois sur le présent que je venais de te faire, mon sourire restait quelque peu crispé. J'avais l'impression d'avoir un poid énorme dans la poitrine et j'avais aucune idée de comment réellement dire les choses. Je.. Bah ça dépend les points de vue. Etre enceinte c'était grave pour moi, pas forcément pour d'autre. Dire que j'allais avorter ? Ouais là par contre ça passait pas pour grand monde. D'autant plus que c'était un choix que je me devais de cacher à ma propre famille. J'savais déjà que de ne plus être vierge posait problème, qu'être enceinte hors mariage était une tare mais alors si j'sortais que j'allais me faire avorter j'serais reniée à vie. Je suis enceinte Linc. Je baissais les yeux pour ne pas avoir à affronter ton regard. J'étais pas prête pour le moindre jugement de toute façon et j'préférais attendre un peu avant de balancer le reste. Histoire de tester un peu ta réaction aussi. Juste comme ça.

Notre relation en a pris un coup, je le sais. Je tente de faire en sorte que ça ne m'atteint pas, que tout est pareil, mais rien ne l'est. Tu n'es plus pareille. Je suis plus pareil, même si je tente de te prouver le contraire. Les choses sont.. complexes. J'ai toujours eu ce crush sur toi et on a couché ensemble. Il s'est passé un truc que je tente de nier par tous les moyens. C'est compliqué, mais je tente de garder la face, parce que t'es ma meilleure amie Kaya. T'es la meilleure partie de moi et je peux tout simplement pas vivre sans toi. Mais tu m'inquiètes là, quand tu m'avoues avoir un truc à me dire, à me confier. Bien sûr que j'ai peur. Peur parce que si ça implique ta maladie, c'est forcément grave. Si c'est en rapport avec Nicholas, ça l'est moins. Je sais pas, alors ouais, je m'inquiète. Le couperet tombe. Tu es enceinte. C'est une blague non ? Je te regarde, l'air abasourdi. Non, c'est pas possible en fait. « ... Quoi ? » Non, bien sûr que non je ne comprends pas. Pour moi, tu es cette fille si innocente. « Enceinte ? » Je n'arrive pas à concevoir qu'un amas de cellules se développe en toi. « De ton copain ? » J'osais l'espérer. Pas ce Royce. Même si nous étions dans la même maison, il n'est pas de ceux qu'on pouvait avoir confiance. Tournant de veste comme de chemise.

Je ne sais pas comment tu peux le prendre. J'en ai foutrement aucune idée et je crois que j'accorde tellement d'importance à ce que tu pourrais penser que je pourrais m'en rendre malade. J'ai toujours eu peur des jugements, tu le sais. Je déteste être dans les ragots, entendre des rumeurs sur moi, être au courant qu'on pense des choses négatives de ma personne et ouais, je suis terrifiée de ce qu'on pourrait dire de tout ça. Parce que clairement, j'ai cette image de fille douce et parfaite et j'voudrais pas qu'on puisse dire que je ne suis qu'une salope à cause de tout ça. T'es choqué, je le conçois. Je préfère pas répeter parce qu'au fond, je sais que tu as très bien compris ce que je viens de dire. Faut juste que tu l'assimiles. Alors je finis juste par hocher la tête quand tu répètes le mot. Y a pas besoin de plus et j'aurais de toute manière aucune raison de te mentir sur ça. Ouais.. Je souffle mais c'est douloureux que tu poses la question. Parce que comme Nicholas, tu sembles croire que ça pourrait être d'un autre et je déteste l'idée que tu puisses penser ça de moi. C'était un accident et.. J'vais pas le garder. Autant le dire histoire que tu ne te fatigues pas avec des félicitations qui ne sont clairement pas de mise. Par réflexe je pose ma main sur mon ventre, ferme les yeux et inspire profondément. Le rendez vous est pris, ce n'est plus qu'une question de jour et je suis terrifiée t'imagines même pas. J'voulais juste que tu le saches. J'ai pas besoin d'une leçon de morale ou quoi que ce soit. De toute façon, c'est fait et y a personne qu'à le pouvoir de changer tout ça.

Je n'émets pas de jugement sur toi Kaya, pas du tout. Si la question se pose, c'est simplement parce qu'elle est légitime. Tu n'as pas couché qu'avec Nicholas, il y a eu Royce et malgré tout, les gens peuvent se poser des questions s'ils apprennent cette nouvelle. Je me la suis posée. Mais visiblement, ce n'était pas la question à poser. Faut pas t'en faire Kaya, ça ne change rien à ce que je peux penser de toi. Mais voilà, tu venais me dire un truc qui était étonnant. Ne pas le garder ? Ça allait à l'encontre de tes valeurs. Toi, Kaya, la fille la plus chrétienne que je connaisse. Tu vas pas garder le bébé ? Je suis dans le choc. « Comment ça se fait.. que tu le gardes pas ? Tu le donnes à l'adoption ? » Non mais parce que je ne te voyais pas avorter Kaya. C'était un pas énorme et qui n'était pas sans conséquence. Mais ouais, tu avais fait ton choix, ça se voyait. Et je n'étais personne pour t'en dissuader. « Merci.. » de me tenir dans la confidence. Après tout, j'avais l'impression d'être complètement en dehors de ta vie en ce moment, mis à part nos rendez-vous hebdomadaires et je n'aimais pas ça. « J'ai un truc à te dire aussi » et c'est pas facile. Mais je me devais de te l'annoncer, pour pas que tu l'apprennes de quelqu'un d'autre.