Fortunately the police were there
ft. ALEKSEI & CLAY

 Je n'ai jamais apprécié être appelé pour des altercations de ce genre mais à chaque fois, je suis le premier contacté parce que mes supérieurs n'ignorent rien de mes loisirs et donc de certaines de mes capacités. Un flic qui dispose de ce don est un sérieux atout même si je ne dépends pas vraiment de leur autorité... Et ces derniers temps, maintenant qu'Anna attend un enfant, je suis de plus en plus réticent à l'idée de risquer ma peau pour des habitants si peu reconnaissants. Pas un mot pour exprimer leur gratitude lorsque je les reçois dans mon bureau, pas un geste amical lorsque nous les laissons traverser en toute sécurité la rue, les valeurs de ce pays se perdent avec le temps. " Un coup de feu près de Copley Square et deux victimes ". C'est mon adjoint qui sur le siège passager me fait rapidement le topo des informations qu'il a reçues en provenance de la radio. Et pendant que je prends la direction de Boston Park Plaza, grillant quelques feux rouges au passage le gyro enclenché, je me les répète à voix basse histoire de bien les imprimer. Le gérant d'un bar vient d'appeler concernant une altercation entre deux hommes qui s'est finie par une sorte d'exécution. Vraisemblablement il était aidé. " Encore un règlement de compte..." Le bilan est tout trouvé. Sur place, quelques clients s'empressent de quitter le bar en courant, preuve que nous sommes au bon endroit. Arme de poing à la main puisque le danger est existant, nous nous présentons à l'entrée sans pour autant y pénétrer, adossés l'un et l'autre contre le mur de chaque coté. Un regard furtivement jeté à l'intérieur et effectivement, il y a bien un corps qui git par terre en plein milieu de l'allée. Et debout, au-dessus de lui, un autre de dos et dont les gestes m'échappent encore. " Il fait quoi? " Faut te faire un dessin le bleu? Son ceinturon vient de tomber, associé au bruit d'une braguette dégrafée et ses deux mains semblent à présent agripper quelque chose situé à cette altitude. " Il va.." Oui, on dirait bien que... Sans attendre notre reste nous déboulons alors à l'intérieur, intimant à ce gars la queue entre les doigts de se reculer s'il ne veut se voir castré à vif. Il se rue alors vers ceux qui jusque là étaient restés en retrait, les mains empoignant son froc un peu lâche pour derrière eux se protéger: ses complices, assurément, qui sortent de leurs vestes de quoi nous rendre la pareille.

Il s'ensuit un échange de tirs, l'adjoint me couvrant pendant que je traine le malheureux jusqu'au dehors, derrière notre voiture étatique. Planqué derrière le comptoir, je ne me fais pas trop de soucis pour l'agent qui assure nos arrières et préfère me rendre compte de par moi-même de l'état de la victime avant d'appeler qui de droit. Sa veste est déchirée, la manche de la chemise arrachée pour constater des faits: la balle est ressortie. Ça lui fera un mal de chien lorsqu'il reprendra totalement ses esprits. En attendant et rapidement, son bras est pansé avec ce même textile qui tantôt le recouvrait, une chemise loin d'être bon marché. " Hey. Ca va... " Mon regard se relève au dessus de la carrosserie et examine un bref instant la fusillade qui se poursuit, pour en revenir à l'inconnu." C'est un beau trou d'balle qu't'as là " La première chose que l'on apprend: garder le blessé conscient en lui parlant.  

Fortunately the police were there
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 « Merci pour le compliment, même si j't'avoue que je m'en serais bien passé » Il est de nouveau pleinement conscient, c'est déjà un bon point et nul besoin d'appeler dans l'immédiat des renforts ou même des secours. Le plus curieux, c'est qu'il s'est mis à me tutoyer directement sans même se présenter, complètement confiant ce gars face à un individu armé. Je sais, c'est en partie de ma faute puisque je me suis autorisé la première approche mais mon statut me le permettait. Et les balles continuent de fuser de l'autre coté... C'est un habitué des rixes et fusillades vraisemblablement, et bon nombre d'hypothèses débarquent au même instant dans mon esprit à son sujet. Alors que je garde les yeux braqués sur ce qu'il se passe dans le bar, il est comme presque étonné de ce qu'il entend tout autour. « C'est quoi ce bordel ? » Et si je le savais, crois-moi que je ne serais pas là à les étudier pendant qu'ils canardent mon acolyte prostré derrière le comptoir et criblent de temps à autres la carrosserie histoire de me faire m'abaisser. Il n'est donc pas mêlé à ce règlement de compte qui a de toute évidence mal tourné mais il doit pourtant avoir vu ou entendu quelque chose avant que tout ne commence à déraper. C'est un témoin gênant dont il faudra récupérer la déposition une fois l'altercation réglée, s'il en ressent le besoin parce que je ne pourrais le forcer à témoigner. « Ça fait carrément plus mal que c'que j'pensais ! » Mais qu'est-ce qu'il fout... Mon attention bifurque sur lui et je l'aperçois déposer les doigts sur le pansement ensanglanté. Il n'est pas si coutumier des coups de feu on dirait... Ou n'a jamais été blessé jusqu'à présent du moins. On va lui donner le bénéfice du doute. Pourtant, le fait est que l'un des malfaiteurs a voulu se vider sur lui, ce qui n'est pas si anodin à moins que le type soit complètement cintré au point de s'en prendre au premier qu'il a sous la main. " Qu'est-ce que tu faisais ici? " Renseignement inutile qu'il pourrait maquiller facilement, travestissant la vérité en sa faveur. Mais j'ai besoin de connaitre quelques détails sur les hommes qui s'en prennent à nous et leur motivation.

L'air siffle juste au dessus de ma tête et brusquement je m'affaisse à nouveau, mon bras gondolant la carrosserie sur lequel il est venu cogner. Et à ma ceinture résonne la voix parasitée de mon collègue qui me demande de l'aide, rajoutant à cette situation un degré d'urgence. Il sera bientôt à court de munitions mais toujours sous le feu ennemi. De mon coté, je ne suis pas en reste mais il serait suicidaire que d'aller le rejoindre par cette porte d'entrée devenue maintenant un véritable champ de tirs. C'est donc vers le rouquin barbu et blessé que je m'incline: " Tu connais bien l'coin ? "

 

Fortunately the police were there
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« J'viens de me faire larguer, alors je noie mon désespoir, bien que j'n'en ai pas encore eu le temps » Mes yeux oscillent furtivement vers lui, le regard suspendu, sceptique face à ce que j'entends. Se faire trouer pour si peu et à une heure si peu avancée de la journée... J'ai bien du mal à accepter cette version des faits mais pourquoi pas, ce n'est qu'un détail pour le moment et sur lequel nous reviendrons plus longuement. « Les endroits de passage oui, après j'ai jamais traîné trop longtemps ici ». Voilà qui ne m'avance pas vraiment, emmerdé lorsque je jette un autre regard par-dessus l'amas de tôle perforé par endroits. Les coups de feu se font de plus en plus rares à l'intérieur lorsqu'une autre baie vitrée vole en éclat subitement, preuve que ces enfoirés préfèrent du mouvant à une cible figée, parce qu'il n'y a aucun honneur à jouer contre du factice...   « j'ai déjà vu le gérant arriver par le côté ouest. Doit y avoir une porte quelque part par là ». Il y a quelque chose dans sa voix, cette façon naturelle et discrète de rouler les "r", presque effacée d'ailleurs mais qu'il est possible pour une oreille aguerrie de remarquer. Je n'ai pas eu l'occasion d'entendre cet accent depuis fort longtemps et il y'a quelque chose dans chaque mot qu'il prononce de rassurant, de familier, qui me replonge dans un sombre passé presque oublié. Des démons qui m'inspirent autant de dégout que de légèreté et c'est avec ce genre de réflexions profondes que mon attention s'égare, comme affecté, me remémorant quelques moments particulièrement marquants, troublante postérité...

Une autre rafale et c'est un retour brutal à la réalité, le derme de ma nuque heurtant par surprise brutalement la tôle glacée. Il connait les lieux mieux que je ne saurais me les suggérer et son aide, sa contribution, il serait vraiment stupide de la décliner... Même s'il est blessé, un détail qui pourrait peser sur la conscience d'un autre flic à la belle moralité, ce qui n'est pas mon cas faut l'avouer. " Tu peux courir? " C'est au bras qu'il est touché et j'ai besoin d'une diversion, question d'économiser les balles logées dans mon dernier chargeur lorsque je vais devoir moi aussi me déplacer. Puis d'un autre coté, même si j'ai prétendu me foutre de son sort, je préfère l'avoir à mes cotés que de le savoir sans défense ici, encore un brin professionnel en ce qui concerne mes engagements vis-à-vis de ce pays. " Rassure toi, y'a peu de chance pour qu'ils te touchent de si loin s'ils sont bourrés...  "  Ce qui est fort à parier s'il ne s'agit que d'une beuverie ayant mal tourné.

Fortunately the police were there
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Il a acquiescé à ma demande sans même broncher et c'est la première fois que quelqu'un se tient prêt à courir le risque sans même répliquer, d'autant plus qu'il est blessé... Un court moment je me permets à un examen évasif, détaille fugitivement l'homme à mes cotés le bras posé sur la gomme du pneu où il était précédemment adossé. Ce qui m'emmerde le plus est de devoir me servir de lui sans même lui donner les moyens de riposter face au danger. Alors au mélodrame de la situation, j'ai préféré ironiser sur les risques encourus. Bien sûr qu'il s'expose à une autre balle perdue mais je sais qu'il s'en sortira de mains de maitre, j'en ai la conviction. Alors du bout des doigts, j'effleure sans même y songer cette chaine qui tyrannise à longueur de journée mon encolure jusqu'à trouver en son aval la croix qui y est liée et la baise rapidement. Un mécanisme.

" Ton nom? " Que je sache au moins qui m'a suivi sans se poser de question, quel est le fou ou le brave qui mérite une petite part de mon admiration... " Tu cours jusqu'à la venelle en t'assurant qu'il n'y ait personne dedans. " Et j'insiste bien sur ce dernier détail des plus importants parce que si lui connait les habitudes du gérant, il n'est pas dit que nos opposants aussi. Il lui suffira de se coller contre le mur avant de s'engouffrer à l'intérieur et de m'y attendre quelques secondes, le temps que les choses se calment des suites de son passage et d'attirer leur attention sur un élément extérieur. Cette caillasse à mes pieds fera l'affaire si je parviens à toucher la dernière vitre encore entière. L'arme de poing est contrôlée une dernière fois avant de lui donner le feu vert d'un signe de la tête, le regard bifurquant sur le chemin qu'il va s'en doute emprunter pour en revenir à la source du danger. C'est quand tu veux pépère, je n'ai plus que quelques balles dans ce chargeur alors ne t’arrêtes pas en chemin et tente d'oublier le temps de ces quelques secondes la douleur... Dès qu'il quitte l'appui de la carrosserie, je m'exécute et me redresse, à la recherche du moindre moirage qui pourrait trahir la présence d'un tireur. Un coup de semonce et de nouveau les tirs reprennent, faisant voler en éclat la vitre de la portière contre laquelle je me suis abrité. Lui? Je ne sais où il en est de sa traversée et dois attendre que cesse ces représailles avant de pouvoir en constater.