A un moment donné, il fallait qu'un des deux agissent, en bien ou en mal. Partir ou rester, partir pour éviter d'empirer la situation ou rester pour potentiellement tenter de débloquer la situation. Eliot avait hésité. Longuement. Dans un état pareil, il pouvait tout faire exploser et détruire en quelques phrases irréfléchies qui sortaient plus vite de sa bouche que Lucky Luke dégainait son arme. A chaque réponse, chaque réplique, il avait envie de retirer deux secondes plus tard ce qu'il disait, mais Margot était beaucoup plus réactive que lui et réagissait plus vite et plus brutalement. Et de même pour Eliot, l'effet lui rebondissait dessus. Jusqu'à ce qu'il réfléchisse plus profondément, et prenne le temps de respirer, un bon coup, tandis que les paroles de la jeune femme se répétait en boucle dans sa tête, en écho avec les siennes.  "Parce que ce n'est clairement pas elle qui a le don de me faire tourner en bourrique depuis quelques mois" vs. "arrête Eliot, arrête de parler de copain, tu sais RIEN de ce que je ressens!". Et ses excuses, ses excuses qui devraient plutôt sortir de la bouche du Winthrop et non d'elle. Elle n'avait pas eu à s'excuser, il le devait. Il s'en est rendu compte au moment où elle criait ses excuses, perdue, confuse, désespérée. Et Eliot comprit à ce moment-là qu'il avait merdé, qu'il avait été con, enfin, il avait déjà compris mais apparemment ça ne lui avait pas atteint le cerveau auparavant. Il s'était mordu la lèvre, passé la main cent fois dans les cheveux, cherchant à se calmer, cherchant à régler la situation parce qu'il ne voulait pas qu'ils s'en aillent sur... ça. Non, il ne voulait pas. Il voulait plus. Quelque chose. Et ça aussi, ça ne l'avait pas atteint le cerveau jusqu'à ce qu'il sorte ces paroles venimeuses sur son prétendu petit-ami et qu'il se rende enfin compte qu'il était jaloux. Beaucoup trop de réalisations aujourd'hui, un peu plus et il recevrait un prix Nobel, j'vous jure. Alors il avait décidé de passer à l'étape supérieur, se calmer et parler. Doucement. Revenir à l'ancien Eliot. Calmer Margot, l'amener sur des révélations qu'ils se refusaient tous les deux de dire à voix haute. Et il y arriva. Il avait changé de tactique d'approche et était y arrivé, il voyait le visage incrédule de Margot se dessiner au fur et à mesure de ses aveux et il avait voulu rire face à son expression, mais ce n'était clairement pas le moment de rire, parce qu'il voulait à tout prix qu'elle le prenne au sérieux. Il était sérieux. « Tu .. T'es en train de dire que... » Elle buta sur ses mots, à son image, et comprenant qu'elle le prenait maintenant réellement au sérieux, il se permit un petit sourire en coin, moqueur, les yeux toujours rivés dans les siens. « Je suis bien en train de dire que. » Reprit-il mot pour mot, sans compléter la phrase néanmoins, amusé par son bégaiement. Il aurait aimé voulu ajouter un "Et toi ?" mais c'était trop école maternelle et trop poussé, la pousser à avouer quelque chose que peut-être elle ne ressentait pas. Alors il se tait, se contentait de sourire, attendant anxieusement qu'elle continue, espérant qu'elle continue. Et chose qu'elle fit. Et pendant son speech, son cœur n'a jamais connu de montagnes russes d'émotions.   « Je suis pas douée pour définir ce que je ressens. Principalement parce que je le comprends pas moi-même. » Montée de la montagne russe. Espoir. Inspire, expire. « Je vais pas te mentir, oui, je me suis rapproché d'Adriel. » Chute abrupte, jalousie, cœur serré, perte d'espoir. Inspire, expire. Elle n'a pas fini, elle n'a pas fini. « Mais y a toi. Juste... Toi Eliot. » Apogée de la montagne russe. Son cœur explosa, tout comme son sourire. Il dû se répéter la phrase quelques deux ou trois fois dans sa tête pour bien être sûr d'avoir entendu correctement. « Au final, j'ai fini par être bien contente de ne pas te parler d'Orysia. Et j'ai passé un moment à chercher à comprendre pourquoi le premier numéro que j'ai composé, la nuit de l'incendie, c'était le tien. (...) Tu dis que j'arrive à jouer avec tes sentiments, mais au final, peut-être que.. Peut-être que t'es pas le seul dans ce cas de figure. » Est-ce que quelqu'un pouvait être autant heureux à cet instant ? Nope. Il ne pensait réellement pas que des simples mots pouvaient faire un effet de bombe, un effet aussi destructeur dans le sens positif, mais faut croire que si. Il se retint de crier de bonheur parce que d'un, ça fait immature et taré, fou, et de deux, Margot allait sûrement prendre peur. Du coup, il lui lança un sourire des plus grands et des plus niais et ... et ? « J'ai envie de t'embrasser, maintenant, c'est malin. » Lança-t-il sur un ton totalement détendu alors que tout dans ses gestes, physiquement et moralement était tout sauf détendu. « Et je sais que je n'ai peut-être pas besoin de ta permission, mais... Mais est-ce que tu te rends compte que si je franchis le pas, là, maintenant, ça officialise certaines choses ? » Et pas des moindres. Et bien qu'Eliot doutait il y a quelques instants de vouloir franchir ce pas, maintenant qu'il avait Margot en face de lui, à déballer tous ces aveux, il n'avait plus aucun doute, et ne pensait plus à rien, plus à personne, plus à Orysia, si ce n'est elle. Et il voulait vraiment le franchir ce pas, mais il ne le ferait pas sans sa permission, sans qu'il soit clairement dit à voix haute qu'elle soit aussi sûr que lui ; gentleman jusqu'au bout le petit. Et bon, il perdrait sûrement moins la face et sa dignité si ce n'était pas le cas et qu'il venait à se faire jeter, on ne sait jamais.

La tournure des choses avait pris un virage brutal, inattendu, si bien qu'il m'a fallu un temps certain pour être sûre de bien avoir saisi le sens des paroles d'Eliot. Comme si j'étais pas déjà assez perdue dans mes sentiments envers Adriel, il me disait que ... « Je suis bien en train de dire que. » Que lui aussi a des sentiments pour moi. Moi qui le fait tourner en bourrique depuis des mois. Moi qui l'ai appelé pendant que la Lowell brûlait, qui l'ait inquiété sans le vouloir, guidée par mon égoïsme qui m'a soufflé ce besoin de lui parler. « Oh. » Fut le premier mot qui me vint. Enfin, monosyllable, plutôt. Mais j'essaie de me reprendre en voyant qu'il attend réponse à sa question, je m'efforce, tant bien que mal, de m'exprimer en toute honnêteté, commençant par avouer mon rapprochement avec Adriel, ne le niant pas. Si on est pas en couple, ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne se passe rien, tout comme Eliot et moi. Et pourtant, je ne parvenais à mettre de mots sur aucun de mes ressentis pour l'un comme pour l'autre. Par contre, je lui confiais ma jalousie, et le fait qu'il n'était pas le seul dans cette situation vis à vis de l'autre. Non, il n'est pas le seul perturbé. Et ce sourire qu'il affiche, ce sourire aussi doux que sincère, me donne juste envie de lui sauter dans les bras. Sentiment qui semble partager puisqu'il dit: « J'ai envie de t'embrasser, maintenant, c'est malin. » Le naturel avec lequel il sort ces mots m'arrache un rire timide, gêné, alors que j'avance d'un pas vers lui, réduisant l'espace entre nous, le coeur serré. « Et je sais que je n'ai peut-être pas besoin de ta permission, mais... Mais est-ce que tu te rends compte que si je franchis le pas, là, maintenant, ça officialise certaines choses ? » Et si une part de moi saute au plafond, l'autre essaie de rester terre à terre. Hors de question de lui faire du mal, d'instaurer une situation comme avec Adriel. Je porte une main à sa joue, tendrement, l'effleure du bout du pouce, et rien qu'à ce contact, mes pulsations cardiaques s'accélèrent. Cette alchimie que j'ai avec cet homme, y a pas de mots pour la définir. « Je crève aussi d'envie de t'embrasser, Eliot. » Comme pour confirmer mes mots, mon regard dévie vers ses lèvres, et je m'approche presque, mais je me tiens. « Mais je peux pas te faire ça.. » Et dans ma voix sonne, malgré moi, une espèce de détresse, de désarroi. Parce que j'suis partagée entre l'envie égoïste de me jeter à corps perdu dans cette potentielle histoire, et l'envie d'être réaliste, de ne pas lui faire de mal. « J'veux pas te faire de mal. Et on sait tous les deux qu'on a .. D'autres personnes en tête. » Je sais pour Orysia. Il sait pour Adriel. Et je peux pas en toute âme et conscience prendre le risque de nous faire du mal à tous les deux. Je capte son regard clair, presque limpide, j'ai le coeur qui bat vite, j'espère juste qu'il comprend ma démarche, mais je me sens obligée de préciser: « Ce serait égoïste de ma part de te laisser franchir ce pas sans réfléchir. Tu .. Tu vois ce que je veux dire ? » Dis moi que tu vois ce que je veux dire. J'approche encore d'un pas, venant, doucement, coller mon corps au sien, chercher un contact, même bref, même s'il doit me rejeter. « Je préfère qu'on soit sûrs tous les deux de prendre une bonne décision. Parce que je supporterais pas de te blesser. De te perdre. » En quelques mois seulement, je me suis tellement attaché à lui. Et je crève d'envie de me taire, de lui dire de m'embrasser, à l'abri des regards, à l'abri du reste du monde. « J't'en supplie, ne me déteste pas. Et ne m'ignore plus. »

 « Je crève aussi d'envie de t'embrasser, Eliot. » Eliot crut qu'à l'instant, son cœur allait exploser parce qu'il n'arrivait plus réellement à respirer. Et les doigts de Margot paisiblement posés sur son visage alors que son pouce lui caressait la joue n'aidait en rien. Il avait fermé les yeux et avait soupiré d'aise, mais les ré-ouvrit assez vite lorsqu'il comprit très vite que quelque chose n'allait pas. Il sentit dans son ton un "mais" arriver, dans ses gestes surtout alors qu'elle jeta un regard à ses lèvres mais ne bougeait pas, ou du moins, s'était rapprochée mais pas assez. Son cœur se resserra. Il le savait qu'il fonçait tête droit baissé dans la décision du moment, sans rien prendre en compte parce qu'il était heureux des révélations qui venaient d'être faites, des deux côtés. Et il le savait que c'était une action impulsive et irréfléchie mais à un moment, il en avait peut-être marre de réfléchir justement. Pourtant, inconsciemment, il avait réfléchi et avait donné la possibilité à Margot de se retirer en ne franchissant pas le premier ce pas. Inconsciemment, il savait qu'ils n'étaient pas encore aptes à franchir ce foutu pas, parce que sinon il l'aurait fait, tout de suite, sans demander sa permission. Inconsciemment, il demandait à Margot de les freiner, de le freiner, d'être la plus raisonnable, et que lui, joue les égoïstes. Chose qu'il a fait, chose qu'elle a fait. « Mais je peux pas te faire ça.. J'veux pas te faire de mal. Et on sait tous les deux qu'on a .. D'autres personnes en tête. » Comme si on lui avait infligé une grosse piqûre de rappel, on l'avait brutalement électrocuté, l'image d'Orysia et d'Adriel s'afficha dans son esprit et deux sentiments le traversèrent en même temps : le remord et l'énervement. Il grimaça rien qu'à cette pensée, et soupira, encore. Elle avait raison. Encore. « Ce serait égoïste de ma part de te laisser franchir ce pas sans réfléchir. Tu .. Tu vois ce que je veux dire ? » Oui, il voyait ce qu'elle voulait dire. Malheureusement. « Je préfère qu'on soit sûrs tous les deux de prendre une bonne décision. Parce que je supporterais pas de te blesser. De te perdre. (...) J't'en supplie, ne me déteste pas. Et ne m'ignore plus. » Eliot resta interdit pendant quelques secondes, les yeux fermés une fois qu'elle eut fini, pour avaler tout ce qu'elle disait et ne pas agir impulsivement, encore. Il n'agissait de façon impulsive que très rarement, et les seules fois avaient été avec Margot, alors il tentait tant bien que mal de ne plus faire la même connerie maintenant. Parce qu'honnêtement, il voulait partir, il voulait partir et ne plus se retourner; mais les paroles de Margot se jouait en boucle dans sa tête, et il savait qu'il ne supporterait pas non plus de la perdre. Elle avait raison sur toute la ligne, encore et encore - il ne faut surtout pas qu'elle sache qu'il a avoué dix fois qu'elle avait raison aujourd'hui sinon il en entendrait parler jusqu'à sa mort. Et il s'en voulait déjà d'avoir des pensées égoïstes, à vouloir partir, mais il se sentait incapable, au final. Parce qu'après une bonne respiration, et avoir ouvert les yeux une bonne et fois pour toute, il tomba nez à nez avec Margot, sentit son parfum, observa tous les détails de son visage comme il observait celui d'Orysia et... savait qu'il était dans la merde. A son tour, il porta sa main sur sa joue et la caressa, paisiblement. « Je ne te déteste pas. Clairement, non, je suis loin de te détester. » Rétorqua-t-il avec un sourire en coin, rieur. Puis conscient du sérieux de leur conversation, il se reprit et continua.« Et on est censé faire quoi dès maintenant ? Retourner respectivement vers Adriel et Orysia comme si de rien n'était ? » Chuchota-t-il, un peu bougon tout de même, les sourcils légèrement froncés. « J'ai pas envie de te voir avec lui, Margot... » Continua-t-il sur un ton à la limite du boudeur, tel un enfant. Et il savait que c'était encore une fois égoïste parce qu'elle devait le supporter lui avec Orysia, elle, vu le temps qu'il passait à ses côtés. Il savait qu'il n'avait pas le droit de lui dire ça, de lui demander en sous-entendu de ne plus le voir, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. « Et je sais que c'est pas juste de te dire ça, mais ... j'ai vraiment pas envie de te voir avec lui. » Soupira-t-il, tout en appuyant son front contre celui de Margot, et en se retenant de l'embrasser. « Est-ce que tu accepterais que je t'amène dîner quelque part, au moins ? Parce qu'il me semble que je ne t'ai jamais vraiment emmené à un vrai rendez-vous. » Nah, ils ont toujours sauté l'étape du dîner pour aller tout de suite à l'essentiel eux : le dessert. Et avant, ça ne le dérangeait pas, mais faut croire que beaucoup de choses ont changé en quelques mois.

Je suis tétanisée, et j'ai l'impression d'avoir été jetée dans un ravin sans fond, sans possibilité de remonter à la surface. J'ai besoin de lui. D'une manière que je ne peux pas expliquer, mais j'ai besoin de lui, l'idée même qu'Eliot puisse m'ignorer plus longtemps me rend folle, et je ne sais pas si je suis bien plus saine d'esprit maintenant qu'il m'a dit éprouver je ne sais quoi pour moi. Car c'est ce qu'il sous entend, non ? Et je finis par admettre que moi aussi. Quand bien même je ne saurais mettre des mots là dessus, moi aussi, mais je ne peux pas céder à cette douce tentation qu'il m'apporte sur un plateau d'argent. Parce que je dois garder les pieds sur Terre, j'ai vu ses yeux quand il me parlait d'Orysia cet été, et ... Je ne peux pas nier les sentiments que j'ai pour Adriel, je l'ai dans la peau, que je le veuille ou non. Alors quitte à briser cette bulle qu'il a créée entre nous, je préfère le faire de suite. Mais égoïstement, je le supplie de ne pas me haïr, de ne pas me rejeter à nouveau pendant des semaines, des mois... Toujours. Je le regarde, désespérée, jusqu'à ce qu'enfin, après ce qui m'a semblé être une éternité, il rouvre les yeux, porte sa main à ma joue qu'il caresse doucement. Un soupire m'en échappe. « Je ne te déteste pas. Clairement, non, je suis loin de te détester. » Soulagée, je répond à son sourire tendrement, en venant embrasser la paume de sa main du bout des lèvres. « Et ça me va très bien comme ça.. » Parce que je ne supporterais pas qu'il me déteste. Lara en a déjà après moi, je veux pas perdre Eliot maintenant. Puis, son regard redevient sérieux, et je devine que la conversation va reprendre après ce bref aparté de soulagement. « Et on est censé faire quoi dès maintenant ? Retourner respectivement vers Adriel et Orysia comme si de rien n'était ? » Même avec cette expression contrariée, il reste beau. Je le fixe, je ne sais pas quoi lui dire. « Je... » - « J'ai pas envie de te voir avec lui, Margot... » Et il me brise le coeur. Je voudrais le faire taire d'un baiser, lui dire d'oublier. Mais il ne peut pas, tout comme je ne peux pas oublier ce qui nous sépare. Deux personnes. Tout comme je suis séparée d'Adriel par Lara. C'est cruel, moi qui l'année dernière encore, pensais ne jamais pouvoir aimer un homme. Voilà que je me sens tiraillée entre deux personnes. « Et je sais que c'est pas juste de te dire ça, mais ... j'ai vraiment pas envie de te voir avec lui. » J'inspire à nouveau, alors qu'il vient poser son front contre le mien. Instinctivement, mon visage se rapproche encore, et son souffle balaye le mien. Mon coeur s'affole. « Et je veux pas te voir avec elle, et pourtant, je sais ce qu'elle représente, j'peux pas te demander ça. » Parce que ça serait le déchirer. S'il doit faire un choix, ça doit venir de lui, tout comme le choix doit venir de moi. « Est-ce que tu accepterais que je t'amène dîner quelque part, au moins ? Parce qu'il me semble que je ne t'ai jamais vraiment emmené à un vrai rendez-vous. » Et le coeur qui palpite à nouveau. Putain, si tu savais Eliot l'effet que tu me fais. Je passe ma langue entre mes lèvres, pince ces dernières avec un sourire timide. « C'est vrai qu'on a jamais eu de rendez vous. » Les choses sont parties en vrille naturellement entre nous, sans avoir besoin de rendez vous et de tout ce qui s'ensuit. On est passés de la case amitié à .. plus. Comment vous voulez que je lui dise non? « Un dîner ne peut pas nous tuer.. Pourquoi pas? » C'est le seul moyen qu'on aura de démêler les choses. Essayer. Foncer dans le tas et voir si on va foncer dans le mur. « Tu me diras quand, et on se fera ça. » J'accepte. Je soutiens son regard quelques secondes, puis, un léger sourire revient border mes lèvres. « Par contre, vas falloir que tu arrêtes de me regarder comme ça.. » Et tout dans le ton de ma voix laisse entendre pourquoi. Parce que quand tu me regardes comme ça, j'ai envie de t'embrasser.

  « Et ça me va très bien comme ça.. » La réplique fit sourire timidement Eliot, comme s'il avait de quoi être timide, anxieux devant elle maintenant. Maintenant, plus que jamais. Mais il l'était, en quelque sorte. Ce n'est pas comme s'il avait pour l'habitude de dévoiler ses sentiments à n'importe quelle fille - même, avec du recul, il se rendait compte qu'en fait il n'avait jamais réellement dévoilé ses sentiments parce que la seule qui lui faisait ressentir ces trucs jusqu'à présent ignorait encore depuis dix ans ce qu'elle lui produisait comme effet, du coup il avait toutes les raisons d'être anxieux, vous voyez ? Surtout qu'elle venait en quelque sorte de le ralentir, le refroidir, le pauvre. Quant bien même il comprenait totalement ce qu'elle voulait dire, ça ne piquait pas moins. Cela piquait même un peu beaucoup, quand il se rappela les raisons, les personnes derrière tout ça, et il souriait moins Eliot. Beaucoup moins. Chose qu'il lui fit comprendre, parce qu'il se la jouait égoïste jusqu'au bout ce soir Eliot. « Et je veux pas te voir avec elle, et pourtant, je sais ce qu'elle représente, j'peux pas te demander ça. » Ils étaient front contre front, il put sentir son souffle, et il se retint dur comme fer pour ne pas se rapprocher et faire disparaître les quelques centimètres qui les séparaient. Putain, qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Il referma quelques secondes les yeux pour se re-concentrer, ne pas avoir à voir son visage quelques secondes sinon il craquerait. « Je suis désolée.. » Qu'il dit dans un murmure, désolé pour avoir demandé, désolé d'être égoïste, désolé parce qu'elle avait raison, elle ne pouvait pas lui demander ça, il ne pouvait pas couper les ponts avec Orysia. Comme elle ne pouvait pas le faire avec Adriel. Bien.

Encore une fois, il mit quelques secondes à digérer l'information Eliot, mais il tenta de se reprendre assez vite. Toujours front contre front, il osa même passer à autre chose, au-delà de ces problèmes à la con et l'inviter à dîner, tout en prenant le risque de voir leur relation tourner dans quelque chose de plus sérieux. Enfin, ce n'est pas comme s'il venait de lui avouer ce qu'il ressentait envers elle, hein, surtout pas. Mais le rendez-vous sonnait quelque chose de plus officiel, chose qu'ils n'avaient jamais fait auparavant. Et durant un instant, le fait qu'elle refuse lui traversa l'esprit, mais très vite, cette pensée partit car elle accepta. « C'est vrai qu'on a jamais eu de rendez vous. (...) Un dîner ne peut pas nous tuer.. Pourquoi pas? Tu me diras quand, et on se fera ça. » Sans pouvoir se retenir, un sourire béat s'afficha sur son visage et il se mordit la lèvre inférieur tout en la fixant quelques secondes. « Par contre, vas falloir que tu arrêtes de me regarder comme ça.. » Ce qui le fit rire, le rire le plus exquis qu'il pouvait sortir. Et avec force, il détacha son regard d'elle, s'éloigna de quelques pas pour atterrir le dos contre l'ascenseur. Parce que même s'il avait voulu craquer les quelques secondes précédentes, il ne lui permettrait pas de le faire maintenant qu'elle le lui a remis les idées en place, voyez. « Je suis même pas désolé, pour le coup. » Lança-t-il taquin, un sourire en coin collé sur les lèvres. Il était heureux le petit Eliot, c'était beau à voir. « Demain, 20h, je viendrai te chercher. » En preux chevalier qu'il était. Et alors qu'il adressait un autre regard rempli de tendresse vers la rousse, il se décida enfin à appuyer sur ce foutu bouton d'urgence, bien heureux pour une fois dans sa vie d'avoir été victime des ascenseurs en carton de cette école.