« Afterlife. »
ft. AUGUSTUS & CLAY

Comme Cambridge a su se remettre de la tempête j'ai dû moi aussi m'y remettre et quelques heures intelligemment réparties sur les soirs de la semaine n'ont pas vraiment dérangé Annalynne. Elle sait parfaitement que sans ce moyen pour me détendre, je serais exécrable une bonne partie de la journée et ce n'est plus après l'arrivée du gamin que je pourrais comme avant m'entrainer. Je n'y avais songé au début mais petit à petit les choses commencent à se préciser: Adieu les sorties entre amis, les petites réunions, les beuveries, les excursions improvisées auxquelles je tenais ainsi que la compétition à haut niveau. Il faudra être dans les premiers temps assez souvent à leurs cotés bien que je n'ai moi aussi accès à un aussi long arrêt.  3 jours, c'est ce que la loi m'offre pour apprendre à le connaitre et 11 de plus selon mes envies.

Alors bien évidemment, ce soir je compte en profiter pleinement et à peine le sac déposé et fringues changées que je m'attèle à l'échauffement, saluant dans la foulée les visages que je connais. Parmi les habitués il y a Freddy avec qui j'ai disputé les qualifications du début de saison, Radosław le polonais frappant sa poire à un rythme déchainé. Et bien que nous nous connaissons tous pour avoir pratiqué les uns contre les autres durant des mois, l'esprit de compétition est toujours là. Voilà quelques semaines que je n'ai foutu le pied ici des suites de mon accident et j'ai déjà comme cette foutue sensation d'être un outsider qu'il faut évincer, à devoir refaire mes preuves pour gagner leur respecter. Ces murs étaient pourtant mon fief autrefois. " Clay? " Sur la défensive, je me suis retourné face au moricaud qui vient de m’alpaguer. Adric, un afro-américain de bon gabarit, un poids lourds de sa catégorie, mais le cœur sur la main et d'une gentillesse sans pareille qui me fait penser à cet étudiant Amish, Isaiha, qui souhaite lui aussi s'inscrire. " Ma gueule ne leur revient plus? " Il sourit forcément alors que je suis pourtant un brin agressif lorsque je les dévisage un par un, eux, qui de temps à autres nous épient. " Ta victoire a fait des envieux. " Ah oui j'oubliais, ici c'est pareil qu'ailleurs alors quitte à être mauvais, autant se foutre des novices qui sautillent dans le coin. Affalé sur l'une des cordes du ring pendant que deux se foutent joyeusement dessus, j'observe donc les talents de demain.

« Afterlife. »
ft. AUGUSTUS & CLAY

Le club a perdu de sa superbe depuis que certains anciens sont partis. Il suffit de porter le regard ici et là, sur les machines et appareils qu'autrefois ils monopolisaient durant des heures pour s'apercevoir du changement qui s'est opéré. Aaron, lui aussi, a quitté Cambridge pour il me semble une histoire de cœur. Et pendant que j'observe ce petit monde qui gravite, évolue - et pas forcément dans le bon sens si vous voyez ce que je veux dire -, on me sort de mes réflexions et me bouscule. Quel est l'abruti qui a osé? Sans réfléchir à la nature du physique de celui qui se l'ai permis, je me retourne et toise la face d'intellectuel venue se perdre parmi les Goliaths de la forme physique. Par Dieu, j'ai peine à croire ce que je vois. C'est lui, avec quelques années de plus qui ne l'ont pas épargné d'ailleurs mais il est bel et bien de retour sur Cambridge après ce qu'il a commis. Le temps efface des mémoires certaines affaires plus facilement que d'autres. Mais la sienne... Pour les avoir longuement observés dès mon affectation sur Boston, jamais je n'oublierais les clichés compilés dans son dossier: ceux de la jolie blonde ensanglantée qui était à cette époque une amie. Un mariage avec ce cinglé lui a couté beaucoup plus que ce qu'elle ne s'était imaginée, le rêve américain envolé en faveur d'une stèle de marbre orné de filigranes dorés où parfois je vais encore. Faut dire que ma propre tombe n'est qu'à quelques mètres de là, restée intacte malgré mon retour, juste au cas où...

" — Excuses-moi. J'ignorais que tu t'entraînais ici, si c'était le cas je ne serais jamais venu tu le sais bien. " Augustus qui ne sait jamais rien... Par réflexe et par fierté aigrie, il est détaillé avec dégout avant que ne soit craché de ma gorge une remarque antipathique. " T'es chez moi ici. " Comme un chien qui chercherait à défendre un territoire conquis. C'est pourtant la main lourde d'Adric qui calme mes ardeurs. " Et tu ne trouveras pas d'autre victime non plus. " Les femmes d'ici, pour le peu que le club en compte en ce moment même, ne sont pas faciles à approcher.

Je fronce les sourcils, j'aurais dû m'y attendre. Clay n'a jamais été un homme très... civilisé. Il a toujours agi comme un animal. Ici, c'est donc son territoire. Je secoue la tête pour lui montrer à quel point ce qu'il raconte c'est purement de la connerie. Je tourne la tête à droite et à gauche puis je lui réponds sans m'écrabouiller " Je vois ton nom nulle part Cooper, je paie comme tout le monde, j'ai ma place " Je rêve où il allait essayer de me péter la gueule mais son pote est intervenu ? Sa phrase suivante me fait sortir de mes gongs, je bondis alors sur lui et colle ma tête à son front, prêt à me battre s'il ne change pas de version. " J'ai pas buté ma femme putain de merde ! " criais-je en terminant par pousser son torse de mes poings. " Tu me cherches c'est ça ? J'ai été innocenté, t'as pas vu ! Tu m'auras pas, je retournerais pas en taule pour ta sale tronche " me défendis-je sur mes gardes, prêt à tout pour préserver mon honneur. Il me provoque probablement pour porter plainte un truc du genre, ce qui intriguera la police sur mon comportement agressif.

« Afterlife. »
ft. AUGUSTUS & CLAY

Tu le prends comme tu veux Augustus mais rien n'est plus vrai, ce gymnase m'a vu évoluer depuis des années et j'en connais le moindre détail, la moindre faille, pour toutes ces heures passées à m'entrainer. Les choses deviennent enfin intéressantes lorsqu'il, poussé dans ses retranchements, se donne en spectacle en bramant son innocence. " J'ai pas buté ma femme putain de merde ! " Et avec un sourire de charognard mal avisé, j'encaisse comme j'ai tant l'habitude de faire les deux poings venus me caresser, ne bougeant d'un trait. Certains se sont arrêtés pour juger autant du ridicule de la scène que des propos inquiétants. " Tu me cherches c'est ça ? J'ai été innocenté, t'as pas vu ! Tu m'auras pas, je retournerais pas en taule pour ta sale tronche. " Il n'est pas aussi con qu'on pourrait le penser. Si je ne le connaissais pas, je pourrais boire ses paroles comme du petit lait, à presque croire en son innocuité. Sa conditionnelle puis son acquittement? Je ne l'ai appris que tardivement, bien trop satisfait de le savoir derrière les barreaux pour le restant de sa vie jusqu'à ce qu'on me dise que quelqu'un - son putain d'avocat certainement - avait fait appel et fait ressortir le dossier. Je n'y croyais pas au début et par colère avait préféré me taire, brisant à ma sortie de la salle le pied de la table sur laquelle mon poing s'était imprimé. Pour être totalement franc, j'avais été invité à sortir de la pièce par l'un des supérieurs présents faute de me voir temporairement congédié.

" Hey Myers. " Mon regard s'incline lentement vers là où il a tenté de me buriner et se relève calmement, placide avec pourtant ce désir de l'achever.  " Qui a dit que j'parlais de Juniper... "Un sarcasme... Je n'ai pas fait pourtant - ou si peu - allusion au meurtre qu'il a commis, ai juste eu recours à un terme qui semble l'avoir tatoué à vif, qu'il a longuement eu l'occasion d'entendre durant les commissions. Victime.

Je n'ai plus à me justifier, la justice m'a pour le moment écarté du meurtre de Juniper, si cela ne lui suffit pas à lui ouvrir les yeux... tant pis pour lui. Parfois il faut des victimes pour que des gros brutes pareils puissent diriger la haine qui les dévore. Je suis l'objet de colère parfait pour Clay. Un présumé coupable qu'il n'a jamais pu blairer. J'ai tout de même un peu de fierté, je ne compte pas faire la sourde oreille sur ses accusations. " Tu veux parler de qui sinon ? T'es sérieux ? " demandais-je en secouant la tête, le regard dans le vide, dégoûté. Si tout les flics sont des pourris dans cette ville, je me demande encore ce que je fous dans le coin. J'oubliais, je suis coincé dans ce périmètre au cas où il y aurait un "rebondissement". Je hais cette sensation d'être possiblement remis derrière les barreaux. Je peux me lever dans mon lit le matin et finir au mitard le soir. Je ne souhaite à personne un tel train de vie. Quoique... " Tu serais dans ma situation, tu ferais moins le con je t'assure ! D'ailleurs fais gaffe à ta meuf si tu en as une " soulignais-je en allant vers un tapis de course pour enfin démarrer l'effort.

« Afterlife. »
ft. AUGUSTUS & CLAY

" Tu veux parler de qui sinon ? T'es sérieux ? " L'est-il lui lorsqu'il me pose la question? J'sais qu'il a passé de longs et pénibles moments à l'ombre, mais aussi con qu'il soit, faudrait peut-être songer à rallumer les lumières à chaque étage. " Tu serais dans ma situation, tu ferais moins le con je t'assure ! " Justement, je ne le suis pas, ne suis pas assez diminué mentalement pour me laisser coincer, parce qu'il y a bien des choses cachées mais aucune preuve laissée des suites de mon passage. Il n'a eut que ce qu'il méritait. " D'ailleurs fais gaffe à ta meuf si tu en as une "  La première chose qui voile ma raison est le sourire d'Annalynne qu'il vient de menacer tandis qu'il s'éloigne en direction de la rangée de tapis de course. Le nuancier de ressentiments s'assombrit au fil des secondes depuis sa tentative d'intimidation et pendant qu'il entame sa course à petite foulée, ce sont mes gants que j'ôte, une idée ferme en tête. S'en prendre à une femme qui attend un heureux événement, surtout la mienne, ne sera pas pour lui chose aisée. Je n'ai jamais pris la peine de faire installer des systèmes de sécurité malgré mon passé et ce n'est pas demain la veille que je commencerais. C'était peut-être la pire des insinuations à faire...

Les gants tombent à terre et je m'approche de sa machine d'entrainement, appareil de tapette qui ne cherche qu'à garder une taille de guêpe, et m'appuie sur son pupitre, vautré l'air de rien à regarder les filles courir de chaque coté pour lui confier faussement dérangé. " J't'ai entendu, mais j'ai un souci pourtant... " Et d'un mouvement de pied, j'arrache vivement la prise électrique de l'appareil en plein fonctionnement et sur lequel il trépigne dans l'espoir le voir chuter. " T'avises surtout pas de l'approcher. C'est pas ta copine que j'irais trouver, moi. C'est toi. "  Si quelque chose devait arriver à Anna, plus rien ne m'importerait et ce n'est pas en tôle qu'il irait cette fois-ci puisque personne ne le retrouverait.