Look at us. Couple of douchbags  
ft. NEAL & CLAY

Entre les envies et les caprices de dernières minutes, jérémiades et reproches dont elle m'incrimine à longueur de journée, j'ai décidé en catimini de m'éclipser pour la soirée au risque de me retrouver bien con en rentrant devant une porte fermée à clef. Les choses ne sont pas toujours aussi roses que je l'aurais souhaité et parfois le rôle de conjoint n'est plus si aisé à endosser, pas autant que cette formatrice aux cours prénataux nous l'avait laissé suggérer.

Je me suis rendu du coté d'Harbord afin de le chercher en espérant qu'à cette heure il ne soit allé dans l'un des bar lounge à lire un bouquin devant un bon verre de Chinon. Ce serait bien son genre que de s'exiler dans un coin afin de pouvoir s'adonner à l'un de ses passetemps en toute tranquillité mais non, sa voiture est garée à quelques pas de son perron. A la fois satisfait et légèrement dépité qu'il n'en ait eu l'idée, j'approche, pénètre dans la petite propriété et m'immobilise devant un paillasson orné d'un " Welcome " plutôt engageant qui me fait ricaner. Lui, accueillir des gens? Il y a quelques années encore c'était l'archétype parfait du gars isolé qui n'a jamais su comment se sociabiliser faute de se donner à fond pour réussir. Faut croire que les choses changent et que comme le vin, il se bonifie avec le temps. Le doigt écrasant la sonnette, c'est sa voix qui se fait entendre au travers de la porte en merisier. Il ouvre finalement, le regard enjoué.  " Ta moitié t'a encore foutu dehors ? " Ce n'est pas chose faite mais ce ne saurait tarder... Mon regard s'éternise un moment sur les poutres qui ornent l'entrée et lui réponds, soudainement un peu plus frustré: " Repose moi cette question dans quelques heures, " lorsque je resterais coincé sur mon palier. Il libère le chemin afin de me laisser passer, invitation qu'il n'aura pas à répéter puisque déjà je me permets d'entrer. " J'espère que t'as amené à boire. " Les mains dans les poches je me retourne et le considère avec attention pour d'une mimique désuète lui faire comprendre que, hélas, non. Piètre invité que je suis... Venir sans s'annoncer et sans apporter de quoi s'amuser. Cependant si le cœur lui en dit, je sais exactement où trouver de quoi dérider sa soirée. Et l'idée germe petit à petit lorsque je me permets à une introspection de son intérieur, posant mon regard çà et là pour, à mon tour, me moquer sur un sujet que je sais pour lui délicat: " Neal. Depuis quand t'as pas amené de femme ici..." Parce que c'est trop propre et soigné, à croire qu'il passe son temps à nettoyer.

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ft. NEAL & CLAY

Les vieilles habitudes ont la vie dure ma foi mais Neal bordel...Neal. « Pourquoi tu poses cette question si tu connais la réponse ? » L'envie de te chambrer forcément mon ami vu ce qu'il se passe de mon coté en ce moment. « Tu sais très bien que je sais pas draguer. J'suis une quiche en drague. » Tiens c'est curieux j'ai toujours cru qu'il fallait rester naturel pour emballer. Ce n'est pas qu'il soit nul...enfin pas totalement... mais disons qu'il manque de pratique parce que déjà pas mal de filles à l'époque le trouvaient séduisant. Non, il s'est juste forgé une réputation de rat de bibliothèque, ce qui a tout fait foirer. Entre les Cabots qui ne voulaient pas s'entendre répéter les lois de la dynamique et les Dunsters à lunettes qui ne voulaient pas tenter leur chance faute de complexes, ce n’était pas gagné. Il aurait fallu la petite amie sur mesures, un genre de Monica Bellucci à cervelle et dotée pas que d'un beau cul mais aussi d'un haut QI. Et malgré toutes les princesses et pimprenelles qui pullulaient sur le campus, aucune ne trouvait grâce à ces yeux alors que moi je me contentais de peu... mais au moins j'étais pas seul dans mon pieu.

Quelques secondes s'effilent lorsque vautré dans le canapé Neal rentre dans le vif en déviant de sujet. « C'est à ce point avec Anna ? » Je ne sais pas quoi répondre sur le coup parce qu'il est vrai que je ne me suis éclipsé que pour éviter de m'en prendre plein la gueule, ayant senti le vent tourner.  « Merde. La bière, parce que Monsieur n'a pas daigné en amener. » Je sais,  j'ai merdé mais faut dire que je suis parti en quatrième vitesse sans y penser.  Mes yeux le suivent un instant jusqu'à ce que seul son tronc ne soit visible et préfère m'attarder encore une fois sur ce qui décore son salon, sur ce curieux diplôme qu'il a placardé sur son mur, encadré et sous verre, dont il est si fier, lui confessant à haute et intelligible voix : " J'ai juste préféré partir avant d'etre désagréable. " Parce qu'il ne faut jamais contrarier les futures mères, premier précepte enseigné lors des cours que nous avons suivis. C'est d'ailleurs quelque chose qui me fait gentiment sourire... Et on dira que le père a un rôle tout aussi important que la mère, celui de supporter tout sans rien dire.

Il revient bouteilles à la main et reprend sa place, me tendant la mienne que j'accepte volontiers. " Ta fierté " désignant d'un geste calculé le doctorat accroché. « Il serait temps de fêter çà dignement, après tant d’années. » Parce qu’à l’époque j’avais été accepté, Master en poche, parmi la bleusaille de Boston et n’avais pu réellement en profiter. Alors levant à mi-hauteur la bière je trinque à sa santé pour lui glisser  dès la première goulée «  Je sais ce qu’il te faut » Une femme dénudée ou deux qui lui feront perdre toute notion de pudicité, « Et ça tombe bien j’ai mes entrées,» parce qu’à cette heure elles n’ont pas encore débuté.

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ft. NEAL & CLAY

Les yeux soudainement abaissés sur ma boisson, je reste un instant muet, contemplatif bien qu'un tantinet emmerdé de devoir lui avouer que " peut-être un peu des deux," parce que j'ai forcément une part de responsabilité. Mais bordel, qu'est-ce qu'elle peut me gonfler en ce moment.  C'est à se demander si ses sautes d'humeurs ne sont pas communicatifs parce qu'au moindre mot de travers, je démarre au quart de tour aussi, tout le contraire de ce qui m'a été conseillé. Je me surprendrais même à envier la position de Neal, loin des aspérités qu'une vie de couple peut véhiculer. Il est tranquille, n'a pas à supporter les lubies et agressions verbales même si elles ne sont pas pensées. Le quotidien n'est plus certain, chaque jour apportant son lot de surprises et moi qui ne jurais autrefois que par la monotonie de mon traintrain commence à ne plus savoir où donner de la tête. Les joies de la grossesse... Alors si elle peut se montrer à ce point vindicative - par moments, seulement faut quand même le préciser -, je n'ose imaginer ce que ce sera lorsqu'elle l'aura engendré, lorsque tout comme moi elle perdra pied entre biberons et couches pleines à craquer.

« Bien sûr que c'est ma fierté. J'ai bossé comme un dingue pour l'avoir celui-là. » Comme un dingue? J'ai parfois aussi cette sale impression que nous ne sommes tous nés égaux, que pour certains tout est d'une facilité déconcertante et je pensais que jongler entre la mécanique des fluides et les phénomènes d'échanges était à ses yeux un véritable jeu d'enfant. Enfin plus que pour moi, c'était évident.  «  Des entrées ? Tu me fais peur. » Paisiblement je m'assoie sur sa table de salon, attentif aux documents qui y sont soigneusement déposés. Encore du travail qu'il a ramené... " Oui. Quelque chose qui va peut-être te foutre mal à l'aise. " Et pendant ce temps, je feuillète à la volé les feuilles de cours et en détaille rapidement les annotations tout en continuant à ricaner. " Mais rassure toi. On y prend rapidement goût. " Parole d'un converti à qui ces filles ont changé la vie. Le seul point noir au tableau est que nous risquons de tomber sur Amy, stripteaseuse que j'ai laissée tomber pour Annalynne et les retrouvailles risquent d'être explosives vu comment les choses se sont terminées: un petit mms que ma brune lui avait joyeusement envoyé, de moi, légèrement occupé à la combler.

Mais alors que mes doigts frôlent les papiers, un nom sur l'un d'entre eux m'interpelle d'emblée: celui de Lewis Holloway, Mather dans l'âme à ce que je sais. Suffit de passer dans son sillage pour savoir qu'il ne fume pas que des Marlboro. " Il fait partie de tes étudiants lui... " Très étonnant quant on voit l'oiseau.