Prend un caramel et laisses moi causer.  
ft. HEATHER & CLAY

Quelques jours seulement après cette opération et le temps me parait bien long entre le peu de visites que je reçois. C'est à la fréquence de leurs allées et venues que l'on estime la valeur de ses amitiés et je dois pour tout avouer les compter sur les doigts des mains. Il y a forcément Annalynne mais me voir affaibli est une chose que j'aimerais lui éviter, Aaron venu m'annoncer son départ chose qui n'a rien arrangé, Devan pour ses affaires de cul - cœur pardon - et quelques étudiants connus jadis sur le campus et toujours plongés dans leurs cursus.

En plus de çà, l'hôpital ne semble pas non plus vouloir satisfaire à nos demandes et besoins puisque nous n'avons que peu de choix question distraction télévisée...même pas les chaines câblées...  Alors si je dois compter sur les petites conversations que nous entretenons ma voisine et moi, je vais devoir sans doute dans quelques temps envisager de me flinguer. Au moins elle ne parle pas d'amourette dont les gamines sont souvent sujettes mais là sincèrement j'en peux plus. Au bout du rouleau comme le dit si bien cette petite aide soignante qui chaque matin me tire des draps en agrippant mon bras pansé et s'assure de sa tenue. Aucune pitié pour le beau diable qui s'est blessé... Alors même si je ne suis pas contre de voir une nouvelle tête débarquer, celle qui vient tout juste de pointer le bout de son nez par la porte entrouverte me dépite soudainement.

« Salut l’handicapé ! Réflexe ! » Aucunement. Elle ne le fera pas, j'en suis certain, elle n'osera jamais et pourtant...Ce qu'elle a lancé est au dernier moment caressé en plein vol de mes doigts, raté, pour atterrir entre mes cuisses drapées et je contemple déjà dégouté de la sucrerie jetée. Je ne suis pas un singe qui grimace sur demande, ta cacahuète tu pouvais te la garder. " Si je pouvais me lever, tu sais où j'te la foutrais...?" murmure dans un emportement contrôlé, un faux sourire non dissimulé. « C’est qu’il ne faut pas se ramollir si tu veux pas finir avec un autre trou quelque part. En parlant de ça, je suis contente de te voir. J’ai croisé assez de trous du cul dans ma journée. Un trou du bras, ça change un peu.» Comment le sait-elle? " Content de savoir que tous tes potes sont des cons. " On ne choisit pas sa famille mais le reste si. Mais s'il n'y a que çà pour la faire partir, je veux bien jouer les exhibitionnistes le temps de quelques secondes. J'agrippe alors la barre chocolatée pour la foutre de coté, renversant presque ce qui se trouvait sur le petit présentoir parmi nombre de gobelets que j'ai plaisir à laisser trainer afin d'emmerder les infirmières et me retourne lourdement sur le flanc droit, lui présentant ce qu'elle a toute la journée entraperçu: mon cul, drapé. " Ajoute le à ta collection ".

Ce cher Clay réagit avec la rapidité d’un escargot, même un bébé parvenait à choper plus vite son biberon. Probablement que la barre de caramel ne provoquait pas l’engouement chez le policier. Peut-être qu’elle aurait dû choisir quelque chose de plus répugnant comme des raviolis.
Sa réflexion, aussi stupide soit-elle, se stoppa en entendant le propos de Clay. Un léger rire outrepassa les lèvres de la jeune femme.

« Mes potes ? Oh si seulement… En fait c’est tes collègues que j’ai pas mal croisé aujourd’hui. » Poursuivit Heather sans réellement tiquer.

Fréquenter la police lui arrivait souvent à cause de son frère ainé. Il avait passé un temps dans les forces de l’ordre avant de laisser tomber. Le passé qu’il trainait répercutait souvent sur Heather. Aussi, elle croisait des flics chez son frère mais aussi lors de ses nombreux rappels à l’ordre lors de soirées trop bruyantes, trop alcoolisé ou encore trop dénudées. Mais Clay ne connaissait pas assez bien l’artiste en herbe qui avançait vers lui non sans jeter un regard en coin à son cul. En remarquant Clay se mouvoir, l’esprit de la brunette s’agitait autour d’une toute autre réflexion que celle de sa direction. Le dessin du squelette de Clay se dessinait en trois dimensions comme si elle avait été apte à remarquer sa colonne vertébrale s’étirer comme un accordéon. Une grimace de crainte trahit l’expression mi inquiète mi douloureuse de la jeune femme. Est-ce que ça faisait mal ? Après tout, il avait pris une balle ! Son interrogation prit fin lorsqu’elle se retrouva nez à nez avec le mur ou plutôt les pattes dans une chaise et le nez dans le mur. Détournement d’attention réussi Clay !

« Continue comme ça, vilain garnement et je te donne la fessée. » Taquina Heather en se massant le bout du nez.

Se laissant choir sur sa chaise, elle oublia toute classe ou potentielle sensualité. De toute façon, elle n’avait jamais apprécié les mâles et Clay ne faisait pas exception à la règle. Julia, sa future ex-femme, se moquait souvent de la frigidité d’Heather et de son incapacité à se montrer séduisante ou simplement douée pour éveiller les sens. La relation qu’avaient entretenue Heather et Julia avait été purement platonique. En somme, Clay s’était plus tapé la femme d’Heather, qu’Heather elle-même. Pourquoi une telle réflexion ? Parce qu’Heather se demandait si Clay et Julia avaient une quelconque affection l’un pour l’autre. Loin de se douter de la vérité, elle se questionnait malgré tout sur les implications de Clay dans la vie de Julia. Est-ce qu’il l’avait déjà consolé ? Est-ce qu’il l’avait déjà prise dans ses bras ? Quel genre d’amitié les liés réellement ? Est-ce qu’il avait des nouvelles d’elle ? Est-ce qu’elle manquait à Julia ? Est-ce qu’elle avait au moins été un peu triste de ce divorce ? Est-ce qu’elle avait aimé Heather ne serait-ce qu’un jour ou est-ce qu’elle l’avait simplement manipulé pour lui soutirer de l’argent lors du divorce ? Si l’envie d’assommer Clay avec sa montagne de questions la tiraillait, aucun son ne venait troubler la seconde de silence qui suivi. Avec les hommes, Heather se comportait comme un garçon manqué. Taquineries, boutades, déroulage de muscles et des autres stéréotypes qu’elle avait noté chez les hommes de son entourage. Parler sentiment, émotions ou encore de relations intimes ne constituaient en rien une option envisageable, heureusement pour Clay.

« Tu sors quand ? » Demanda Heather en s’installant plus confortablement sur son siège. Le buste penché en avant se calait sur les coudes reposant sur ses genoux écartés.  « Tu vas pouvoir retourner au boulot rapidement ? »

Prend un caramel et laisses moi causer.  
ft. HEATHER & CLAY

« Mes potes ? Oh si seulement… En fait c’est tes collègues que j’ai pas mal croisé aujourd’hui. » Pour sûr beaucoup n'ont pas mon sex-appeal ni même mes manières alors je veux bien croire qu'à ses yeux certains lui paraissent totalement dépourvus de classe. Le bruit d'un chaise brutalement cognée me redonne malgré moi le sourire, connement satisfait d'entendre l'une de ses jambes se prendre dans les pieds métalliques. Bien fait. « Continue comme ça, vilain garnement et je te donne la fessée. » Elle n'osera jamais... Je roule des yeux suite à sa connerie et pourtant mon visage change aussitôt d'expression parce que c'est aussi ce que je m'étais dit pour la barre chocolatée. Un poids mort s'affale sur la chaise laissée au bon vouloir des âmes éplorées venues se lamenter: elle forcément, qui persiste à vouloir me déranger.  « Tu sors quand ? » Quand je serais rétablis évidemment p'tite idiote. Mais depuis quand mon état l'inquiète tant? Alors après avoir bougonné de mon coté, je me redresse légèrement et jette un œil à la gamine qui semble me porter soudainement un réel intérêt. " Pourquoi? " La question est crachée sans la moindre tendresse parce que ce n'est certainement pas par pitié qu'elle souhaite avoir de mes nouvelles mais juste par curiosité. Et en appui sur ses coudes fermement plantés sur ses cuisses, elle confesse un peu plus de son objectif:  « Tu vas pouvoir retourner au boulot rapidement ? » Le boulot...

Je ne suis pas né de la dernière pluie et elle sait parfaitement aussi de son coté que je ne suis autorisé à lui dire quoique ce soit au sujet de son divorce. De toute façon, même si je le pouvais, je ne le ferais pas. Julia est toujours pour moi une amie et je ne me vois trahir sa confiance juste contre deux ou trois ronds de jambes. Mais une fois installée, l'indécrottable s'obstine à m'observer et c'est bel et bien raté si je voulais la faire au plus vite dégager. J'aurais beau me taire, elle restera là, perchée et rivée comme une huitre à son rocher, assujettissant la chambre de sa présence alors que je n'escomptais qu'à la tranquillité. Alors en appui sur mon coude qui s'ankylose progressivement sous mon poids, je me redresse et jette sur elle un regard sombre mais dans lequel brille cette lueur particulière. Que le diable m'emporte, je me prends à son jeu et rentre dans la danse bien trop facilement, pose les bases d'une conversation à deux sens. " Tu t'inquiètes, ça me touche, vraiment. C'est... mignon. " Le mot est sorti après quelques secondes d'hésitation. Ironie non dissimulée puisque je n'ai cessé de la dévisager tout le temps de ma tirade, raillerie, avant de me rallonger sur le dos, la main tâtonnant ma table de chevet à la recherche du petit appareil visant à avertir le personnel soignant de cette menace persistante. Continue dans cette lancée gamine et c'est à ma grande satisfaction que je les verrais te faire déguerpir d'ici, une menace que je peux à tout instant mettre à exécution maintenant que le dispositif se retrouve en ma possession.

Les hommes taciturnes constituaient la majorité des connaissances et proches d’Heather. Sentir leur réticence à ouvrir la bouche et honorer de leurs paroles le minable auditoire qu’était une femme et plus encore une fille. Remarquer leur regard sombre dans lequel brille une volonté inébranlable de la voir se consumer dans les flammes de l’enfer, noter chaque micro-expression trahissant les pensées et réflexion visant à la faire déguerpir, telles avaient été ses habitudes durant de longues années chez les Cains. A force de foncer droit dans ses murs de silence, Heather avait dû perdre quelques neurones. Personne ne s’étonnait plus de la voir affronter les absences et la distance. Dans une conversation, la brune savait porter le poids de deux interlocuteurs et conduire où bon lui semble une discussion. Pire encore, chaque mutisme prenait un sens, comme si elle avait eu le pouvoir de placer des sous-titres sous les lèvres des hommes présents dans sa vie. Devant le silence de Clay, Heather brisa la glace.

« Ca y est… il a perdu trop de sang, le cerveau n’est plus irrigué. » Le sourire en coin le narguait sans vergogne. Face à son air sombre, le regard rayonnant et pétillant d’Heather paraissait déplacé. « Attention tu va finir comme Ken ! Jolie plastique mais rien dans le crâne… et ailleurs !»

Il ne pensait pas qu’elle accorde de l’intérêt autre qu’en tant qu’ami de Julia. Ses doutes étaient fondés. Donner des nouvelles ou fréquenter un ami de son ex-femme réclamaient trop d’énergie et procurait trop de douleurs. Les débordements sentimentaux d’Heather dépassaient l’entendement de beaucoup de ses semblables. Sans broncher ou perdre son joli sourire, Heather haussa les épaules. C’était évidant non ? Le regard commença à balayer le lit de Clay en quête d’un petit objet précis. Où était-ce donc ? Un petit boitier ? Non ! Une sonnette.

" Tu t'inquiètes, ça me touche, vraiment. C'est... mignon. "

Le qualificatif de « mignon » ne lui était plus attribué depuis qu’elle avait délaissé ses couettes et ses perdus sa première dent de lait !

« Hey ! » Taquina Heather en faisant mine d’être blessé par son propos. Elle se redressa tandis qu’une main se posa sur sa poitrine comme pour protéger son cœur des pics blessants de Clay. Finalement, son buste se penchait en avant pour chopper la sonnette que le grand blessé était sur le point de saisir. Hors de question de se faire mettre dehors par un estropié à l’hôpital  et plus encore un ami de son ex-femme.

« Laisses faire les pro, tu veux. Si tu deviens trop ronchon, je t’appellerai une petite infirmière sexy pour qu’elle te file quelques pilules. Doit bien y en avoir une ou deux…voir plus pour qui tu es l’antéchrist incarné ! »

Il ne l’avait pas cru capable de jeter le caramel et pourtant la sucrerie avait appris à voler. La pensait-il apte à retenir en otage la sonnette d’urgence ? Le tact avait fui la présence d’Heather depuis des années, trop dérangé dans cette cervelle envahie de désir de provocation.  Aussi, un immense sourire envahi le visage de la brune.

« Je suis venue parler de Lawrence, Clay. » Son regard dévorait chaque parcelle de celui de son interlocuteur. Soudainement, pleine de vitalité et de haine, elle arborait un nouveau visage. Des traits plus marqués donnaient à son air plus de prestance. Que Clay en profite, Heather utilisait rarement la totalité de son cerveau. Malgré tout, sa matière grise avait omis un détail primordial. Des Lawrences, il en existait de millions. « Tu sais… un homme. » Une petite centaine venait d’être exclue de la conversation. Heather avait toujours était fan des genres épurés. Elle laissa planer un temps le silence afin de laisser au flic la possibilité de réfléchir. En réalité, elle tentait de se souvenir de son nom de famille. « Lawrence Austen. Tu le connais je le sais.»

En réalité, cette affirmation avait été déduite de la situation actuelle. Si Clay se trouvait dans la chambre de Lily, c’était à cause de Lawrence. Ainsi, Lawrence et Clay se connaissaient. Si elle s’était trompée dans la source, la déduction, elle, était bonne. Un comble.