Is She With You?
ft. LYRA & CLAY

Le nouvel adjoint ne s'est pas longtemps fait prier pour marquer son arrivée en attribuant aux plus compétents , histoire de les humilier, la tache ingrate de sortir avec le nouveau véhicule banalisé. Camion de glacier qui a la base devait véhiculer un message de sympathie envers les plus jeunes de cette société, son utilité avait été soudainement repensée et à ce jour, deux mois après sa première mise en circulation, il est toujours utilisé pour la surveillance des lieux publics dans lesquels un fourgon ne trouverait sa place et manquerait de discrétion.

Fort heureusement, je ne suis pas de ceux qui l'occupent actuellement. Mais de là où je suis installé, assis sur un banc public à quelques pas du square où il est stationné, j'éprouve pour ces pauvres diables une sincère pitié. Journal à la main, les nouvelles du matin sont faussement épluchées tandis que de temps à autres mon regard céruléen se perd sur la populace. Ils seront bientôt là, ceux-là mêmes qui justifient un tel déploiement de nos agents. Voilà quelques temps que nous sommes sur leurs traces, lui d'origines saoudiennes et récemment identifié comme l'un des extrémistes d'un mouvement islamiste. Mais le choper ne nécessite nullement l'action portée aujourd'hui puisque nous connaissons jusqu'à la moindre de ses habitudes, ses conversations enregistrées... Celui qui nous échappe encore n'est autre que l'agent qui lui revend des renseignements, bouffeur de fromage qui nous file entre les doigts depuis déjà trop longtemps. D'après certains il serait du Mi6, pour d'autres du FBI ou bien encore un simple flic qui souhaiterait arrondir juteusement ses fins de mois.

Tâtant l'arme de poing à ma ceinture sous une chemise de circonstance suite au redoux de la saison, mes doigts quittent finalement le textile pour venir remonter sur mon nez en un geste singulier les lunettes à monture d'écaille qui travestissent mes traits. Les visages me sont en grande majorité étrangers mais lorsqu'une silhouette à quelques mètres tend à se rapprocher, je ne peux m'empêcher de l'étudier. Mlle Strudwick...  Alors avec tout le flegme dont je puisse me parer, le journal est lentement relevé afin de me soustraire de son champ de vision. Faisons comme si de rien n'était, elle ne fera peut-être que passer.

Le Summer Camp était terminé, dans quelques jours viendrait la rentrée. Mais pour Lyra la fête n'était sûrement pas terminée. La Blonde avait encore participé à une fête clandestine et voyant la sauterie s'achever aux premières lueurs de l'aube, elle avait répondu à la tentation de rester éveillée. Rien ne lui plaisait plus que de contempler un monde qui s'éveille ou bien celui qui agonise à la lumière du couchant. Comme toujours, elle se prenait d'affection pour les Extrêmes. La matinée était désormais bien entamée et la Future étudiante avait pris l'option café. Encore un peu de déambulation, encore un trait d'errance, avant de trouve un coin de pelouse où dormir. Parce qu'il fallait noter que la Singulière n'avait pas d'hébergement. Bien entendu, elle aurait pu opter pour des draps inconnus, au profit d'échanges charnels, mais rien de ce côté là n'avait été assez tentant pour justifier ce choix. Alors c'est libre et sans attache qu'elle avait choisit de commencer la journée.

La Scandaleuse avait repéré un parc quelques minutes plus tôt, son gobelet en main, elle évolue donc entre les allées de gravier, laissant son regard errer de ci de là, une de ses occupations favorites en réalité. Elle est pour le moins inattentive à ses cheveux décoiffés, à son teint blême des excès de la veille ou même à ses charmantes naissances de larmes noirâtres, la faute à un mascara qui ne tient pas ses promesses waterproof. Ses sourcils s'arquent à la vue d'un camion de glace. C'est étrange mais pourquoi pas ? Elle sirote tranquillement la gorgée de liquide brun qui vient emplir sa gorge lorsqu'elle manque de s'étouffer en voyant ce flic qui l'avait arrêté quelques mois plus tôt alors qu'elle s'était infiltrée chez les Escorts. Il portait des lunettes censées sans doute le dissimuler, mais faut dire qu'elle avait eu le temps de contempler chacun des détails de son charmant minois de Tortionnaire bourru et que la physionomie était une de ses nombreuses compétences. Il est sans doute en plein boulot, malgré les apparences nonchalantes qu'il tente de se donner. Mais là présentement, elle a tellement envie de le faire chier. De lui rendre la monnaie de sa pièce. Elle hésite encore quelques secondes mais quand elle le voit remonter le journal sur son visage, un sourire éclaire ses traits malsains et elle prend la défense comme un signal. Une invitation à venir troubler l'ordre établi. Elle s’assoit donc à côté de lui, de manière toute naturelle. « Salut. » Elle boit une nouvelle gorgée de son breuvage. « Café ? » Et qu'elle lui offre son sourire le plus enfantin. Tu parles, elle exulte de le déranger en pleine activité, il se passe sans doute mentalement toutes les images possibles de violence à son égard, et ne le voit-elle pas toucher son arme furtivement ? Elle sait que ses espérances atteignent des sommets. « Alors quelles sont les nouvelles ? » Elle compte mentalement à rebours les secondes avant qu'il ne l'envoie promener, et se délecte par avance des possibles ripostes.

Is She With You?
ft. LYRA & CLAY

Et le banc grince sous le poids de l'importune qui vient de s'y placer. J'en relève les yeux, agacé par son audace et cette familiarité qu'elle ose démontrer, n'étant certainement pas le plus amical à son égard. « Salut. » Ni mot, ni regard et le papier est d'un geste brusque défroissé pour mieux me replonger sur les articles momentanément, faisant mine de réellement m'y intéresser.  « Café ? » Là cependant, une œillade lui est balancée au travers des verres correcteurs faussés. Tient-elle réellement à le partager? J'aurais pourtant juré que la simple idée de mêler ma salive à la sienne pourrait la dégouter. Bien sûr que non, elle parle dans le vide sans oser aller jusqu'au bout de ses pensées, ne me le tendra pas et réflexions faites, vaut mieux pas. « Alors quelles sont les nouvelles ? » Un peu au fait de ses déboires puisque depuis notre altercation je cherche vainement à la coincer, ce qui je l'espère ne saurait tarder, c'est un sourire surfait qui s'esquisse de la commissure jusqu'à la base de mes lèvres. " J'ai envie d'adopter un chien. " Connerie. Aucun clébard ne peut me supporter et la réciproque est vraie. En attendant, me plongeant un peu plus dans mon personnage, une page est tournée dans le bruit feutré qu'elle émet lorsqu'elle est repliée contre la précédente. " Peut-être que la SPA vous laisserait son box, "dans leur grande bonté envers les corniauds égarés. Elle serait nourrie, logée et soignée, visitée régulièrement par des visages emplis de pitié et recevrait quelques caresses, marques d'affection dont elle doit manquer vu son coté revêche.

" Faudrait que je me renseigne. " Un soupir s'étire tandis que mes yeux changent de cible pour une autre rubrique avant d'aller se poser sur l'un des bancs publics à l'autre bout du parc.  " Vous a t-on déjà tatouée? "  Cela faciliterait de loin sa prise en charge par les autorités compétentes du genre puisqu'il ne resterait plus qu'à la stériliser. Je l'avoue, je n'ai aucune sympathie pour elle et n'éprouve aucun remord à la traiter de chienne mais ce sont en grande partie des paroles en l'air, joute verbale dont je pense les étudiants de cette génération plus qu'habitués, cela ne devrait pas vraiment la toucher.

La riposte ne tarde pas à venir d'ailleurs et c'est avec un sourire en coin que la Blonde accueille la tentative d'humiliation. Il pouvait faire mieux que ça non ? L'écorner sur son ego n'est pas quelque chose qui la déstabilisait habituellement, elle avait appris à redorer seule son blason. « Je préfère le grand air, ça sent moins la pisse et les croquettes... Quoi que selon les coins. » Ses épaules se haussent fatalistes. Certes, il n'y avait pas que du bon à errer de la sorte, mais elle savait la situation temporaire et elle avait fait son choix. Économiser les dollars d'un loyer le temps qu'arrive la rentrée, dormir à gauche et à droite ne la tuerait pas d'ici là. A priori.

Elle l'observe faire son cinéma en tournant les pages de son journal. Les flics ont toujours eu peu de talent pour se cacher, et il aurait peut-être mieux endormi les esprits en effectuant un jogging plutôt qu'en tentant de faire croire qu'il était cultivé. « Mais c'est gentil, j'apprécie votre dévotion vraiment. » Les prunelles bleutées toisent le visage ennemi alors qu'elle se délecte de l'embêter au plus haut point, parfois les victoires sont dérisoires, mais appréciables. Elle pose son index sur son menton quand il lui demande si elle est tatouée. « Oh oui, je suis tatouée à plusieurs endroits, et certains que vous ne pouvez même pas imaginer, mais je n'ai pas encore de série de numéro, ce n'est plus très à la mode depuis la Shoah. Et puis vous ne pouvez pas vous contenter de vos écriteaux que vous nous faites tenir dans votre jolie cabine photo ? » La Demoiselle cherche la provocation jusqu'à s'en brûler les doigts et elle sait pertinemment que l'homme en face de lui n'a pas peur du feu, mais voilà, c'est d'autant plus grisant. Elle sirote ensuite son café lui laissant quelques secondes de répit, en bonne dame. « En fait je vous aide à bosser là n'est-ce pas ? C'est quand même plus crédible que la lecture de votre journal. » A vraie dire, il est peut-être réellement en repos, mais au cas où il serait là pour le boulot, elle n'espère que l'encombrer davantage, elle est en position de force, tout simplement parce que dans ce cas, il ne peut pas la chasser, il peut pas attirer l'attention et voilà que la Provocante jubile intérieurement.

Is She With You?
ft. LYRA & CLAY

La pimbêche tente une réponse, soulignant de son doigt pointé le coté surfait de la situation. « Oh oui, je suis tatouée à plusieurs endroits, et certains que vous ne pouvez même pas imaginer,  » Ah, parce qu'il est vrai que l'anatomie féminine me réserve encore quelques surprises à moi, le trentenaire qui n'en est plus à son premier corps dénudés... Faut croire qu'écumer les bars et les salons ne m'aura rien apporté, soi-disant dans l'incapacité de me faire une idée d'où sa peau a été imprégnée. « mais je n'ai pas encore de série de numéro, ce n'est plus très à la mode depuis la Shoah. » Blague de mauvais gout là... Je lui ai un bref instant balancé un œil mauvais pour en revenir à cette foutue lecture qui pourrait finalement s'avérer être une meilleure distraction qu'elle. Bien que je ne me sois jamais penché sur le thème, rire des morts n'est chez moi pas quelque chose de naturel. «  Et puis vous ne pouvez pas vous contenter de vos écriteaux que vous nous faites tenir dans votre jolie cabine photo ? » Elle en parle en connaissance de cause puisqu'elle s'est déjà faite tirer le portrait, grâce à moi d'ailleurs, petite bévue pour laquelle je n'éprouve aucun regret. Cela lui aura permis d'apparaitre dans une base de données, d'être enfin reconnue de la société même si elle n'aime se voir cataloguée.  C'est bête, j'aurais peut-être du lui demander son avis avant... " Non. Je suis pour le marquage du bétail. Savoir où et quand il se promène et à qui le ramener lorsqu'il se perd. " Chien de berger bon qu'à rabattre les âmes égarées. A ceci près que je le suis également, marqué de mes ex mais elle ne peut le voir sous cette chemise, même au col légèrement entrouvert.

J'ai toujours pour ma part bien du mal à rester les bras croisés et pianotent déjà sur ma cuisse, signe de mon impatience et de ma nervosité. « En fait je vous aide à bosser là n'est-ce pas ? C'est quand même plus crédible que la lecture de votre journal. » Bois ton café dégueulasse et ferme-la. Mais non, pas d'esclandre en public, pas de mot plus haut qu'un autre, un peu baisé et contraint de la supporter jusqu'à ce qu'elle se lasse de ma compagnie. " Parce qu'un homme respectable parlerait, c'est vrai, à une gamine mal fagotée... " Logique, j'admets, surtout vu sa dégaine de clocharde mal réveillée. Le journal est reposé sur mes jambes et tête inclinée vers elle, un sourire naissant, la prochaine attaque est déversée: " A la rigueur, on s'éclipserait dans les buissons derrière... Là oui, ça donnerait le change. "