Un weekend de quatre jours au Summer Camp. Ça m'avait paru super. Retrouver un environnement franco, passer du temps avec Saël dont je m'ennuies puisqu'on ne s'est pas vu depuis le début des vacances, retrouver Vi qui a refait surface, voir un peu tout le monde et m'amuser. Disons mes plans ont pris le champ sans me demander la permission! La vision que j'ai eu ce matin est loin de me plaire. Ça me donne limite la nausée, mais surtout, ça me fait horriblement mal. Il a beau me dire qu'il ne s'est strictement rien passé, j'en suis rendu à douter et ça aussi c'est douloureux à concevoir. Depuis quand je suis jaloux? Depuis quand je réagis de la sorte? Du moment qu'il est question de lui, j'ai plus aucune de mes limites qui tient! J'accepte des trucs que j'aurais jamais accepter avant, je réagis n'importe comment...

Lâchant un soupir, je réajuste la bretelle de mon sac sur mon épaule. Je veux voir quelqu'un que j'apprécie et avec qui je me prendrai pas la tête une fois de plus. Et, même si j'ai failli quitter la Nouvelle-Écosse moins d'une heure après être arrivé... Je ne peux juste pas repartir sans voir Veïa. Alors c'est une bonne chose que le commis au terminus aie refusé de me changer mon billet. Je veux voir celle que j'ai adopté comme une petite sœur. En disparaissant sans donner de nouvelles après le bal, ça a ravivé chez moi les souvenirs du départ de Cal, ce qui n'était pas des plus agréable. Ça donne l'impression que de s'attacher à quelqu'un c'est de prendre le risque de le voir se transformer en fantôme sans crier garre. Pour étouffer mes propres sentiments, je me suis lancé à corps perdu à aider Jaysaël à remonter la pente après l'accident et la mort de Lottie. Et là... Je soupire à nouveau. Vivement de la voir! Me renseignant à l'accueil, je gagne rapidement sa chambre avant d'y toquer, attendant plus ou moins patiemment qu'elle ouvre.

Idée stupide, sur le coup de l'émotion, de repartir à peine après être arrivé. De bousiller cette demi-journée de route et plus pour, au final, ne pas voir personne. À quoi j'avais penser? À rien, justement. À rien d'autre qu'à ce que j'avais vu et qui ne me sortait pas de la tête. Ma prise de tête avec le commis de la station de transport m'avait cependant calmer, gérant le surplus de colère que j'avais pour me laisser plus calme. Je n'étais pas serein pour autant, mais je ne risquais plus trop de crier par la tête des gens. Mon cerveau c'était alors remis en marche plus ou moins normalement et j'avais alors pris mon cellulaire pour texter celle qui c'était, quasi-muettement, fait une place dans mon cœur comme une petite sœur à chérir. Sensiblement de mon âge, je n'ai jamais réellement eu que mon frère Jason avec qui noué un lien. Et ce lien serait à jamais indestructible. Mais Veïa s'en tissait un, silencieusement.  

Attendant devant la porte de sa chambre d'hôtel, j'entends rapidement des bruit de l'autre côté du battant avant de la voir, toute souriante. L'espace de quelles secondes son sourire me réchauffe le cœur avant qu'elle ne se lance dans mes bras, augmentant d'autant plus l'effet. Je la serre fort contre moi, enfouissant mon visage dans son cou. J'ai peine à réaliser à quel point ça me soulage de l'avoir près de moi. Autant pour apaiser ma douleur récente que pour combler sa propre absence.

- Tu m'as manquée, Vi, soufflais-je.

Son sourire à nouveau. J'en avais besoin. Je la réceptionne alors qu'elle se lance dans mes bras. Ça me fait tellement du bien de la voir! De savoir qu'elle n'a pas disparue pour de bon. Les gens partent et viennent, mais c'est toujours plus douloureux lorsqu'on est vraiment attaché à eux. Sa voix s'élève doucement suite à la mienne et je la serre un peu plus fort. Un moment passe ainsi, alors qu'on est immobiles, profitant de nos retrouvailles. Cependant, je me redresse doucement lorsqu'elle bouge, m'attirant à sa suite et refermant derrière.

- Je... commençais-je, hésitant, avant de détourner le regard.  

"Je vais bien"? Non. Pas du tout. Et je suis bien incapable de le feindre. Et surtout devant Veïa! Elle me connait assez bien pour savoir seulement en me regardant si mon expression est véridique. Apposé un masque souriant sur mon visage ne servirait à rien avec elle. Ce serait porter une loupe au cœur plutôt que de cacher ce que je ressens. Inutile donc.

- C'est pas ma meilleure journée disons, finis-je par admettre dans un soupir en la regardant.

C'est à demi-mot, presque faux et beaucoup plus léger que la carrière de pierres qui me roule dans le ventre. Je laisse couler un silence, déposant mon sac près de la porte. Encore. Réflexion faite, je le bouge plus loin. J'en ai marre. Je veux rester un peu. Me calmer. Tenter d'oublier. Même si ça ne sera qu'éphémère. Oublier juste assez pour profiter de retrouver Vi et toute sa délicatesse.

Mes yeux se pose à nouveau sur elle alors qu'elle s'installe sur son lit, m'invitant silencieusement à faire pareil. Je suis ce mouvement, allant me poser devant elle, m'asseyant en indien. Stupidement, j'en craque un sourire, et laisse échapper quelque notes de rire.

- T'as vu? Demandais-je en pointant ma cheville gauche. Disparu l'atelle : je suis plus un écloppé. J'arrive à marcher normallement.

Détail. N'importe quoi pour me concentré sur autre chose. Mais, en même temps, Veïa m'a toujours connu avec ce fichu carquois de plastique! Elle a même connu l'époque "béquilles" au retour du Spring Break, si je me souviens bien. C'est un des changements depuis qu'elle est partie.

M’asseyant avec elle sur son lit, je m’installe en indien, jambes croisées, chose qu’il me semble ne pas avoir fait depuis plusieurs mois maintenant. Depuis avant le temps des fêtes, en vrai. Depuis que j’ai signé l’admission au club des éclopés de services et qu’on m’a remis béquilles et atelle. Y’a tellement de choses qui se sont passées depuis, que ça me semble vachement loin. Mais c’est une étincelle de bonheur qui déclenche quelques notes de rire, tandis que j’essaie de me concentrer sur autre chose que sur ma matinée. Elle m’accompagne doucement à ma connerie. Simple, tandis qu’elle prend mes mains. Un nouveau petit rayon de soleil. Ça m’a manqué d’être ainsi avec elle.  

Cependant, je déchante assez vite à sa question et le peu de gaieté que j’avais retrouvé se brise facilement en petits morceaux. Le mince sourire au coin de mes lèvres part en fumée. Je savais bien que je ne pourrais afficher une façade longtemps, mais je n’ai jamais aimé les discussions sérieuses. Ou lourdes. Je les ai toujours fuis, alors j’ai bêtement cru que je pourrais faire pareil. Mais me voilà le dos au mur, je dois en parler. Et devant ma petite soeur emplie de délicatesse, je suis incapable de me défiler. Même si je cherche mes mots.  

- Je…  

J’ai mal. Au coeur. Je ne sais juste pas comment lui expliquer. Je baisse la tête un moment, cherchant à ordonner mes pensées. À se demander si j’y arriverai… Je relève la tête, m’accrochant à son regard pour y trouver la force de mettre en mots un mal qui m’alourdit.  

- J’ai voulu faire une surprise à Jay et… venir passer le weekend avec lui. On m’a donné congé …aujourd’hui et lundi alors j’ai pris le bus et …voilà, expliquais-je, hésitant, butant sur mes propres mots. Mais… quand je suis arrivé à son bungalow ce matin, il… dormait et heu…  

Depuis quand j'ai autant de difficulté à m'exprimer? Je ferme les yeux, même si je ne veux pas revoir la scène. Récupérant l’une de mes mains, je pose mon coude sur mon genou, appuyant mon front sur mes doigts, comme si elle était trop lourde de pensées. Je finis par laisser apercevoir mon regard bleu-gris à nouveau. Stupidement, il en est peut-être un peu plus humide.  

- …il n’était pas seul dans son lit. Y’avait une fille. Une blonde, finis-je par cracher. Il dit qu’il ne s’est rien passé, mais… Je soupire lourdement avant de continuer : C’est tellement compliqué depuis le début notre histoire Vi, que je sais pas si je peux le croire.  

Et ça me fait mal de penser que je ne peux pas avoir confiance en mon copain. Qui ne l’est plus… ou non… j’en sais rien. Je sais plus.

Je lui raconte ce qui me met à l’envers. Ce qui me fait me sentir lourd et fragile tout à la fois. Une image que je ne pensais pas voir, que je ne voulais pas voir. Lui confiant mes doutes, elle me prends dans ses bras. Je m’y blotti sans hésitations. J’ai juste besoin de sa présence, un peu. Même si je pourri la soirée avec mes emmerdes. Ça me fait juste énormément de bien qu’elle soit là. Quelques questions de sa part et je réalise qu’elle n’est pas trop au courant de l’histoire et de tout ce qui s’est passé entre lui et moi depuis le début. C’est vrai que tout à mes problèmes, j’ai limité ma vie sociale de façon drastique en m’enfermant pour peindre très/trop souvent. Et quand mon bonheur est revenu… c’est elle qui est partie.

- Il… commençais-je dans le but de répondre à ses interrogations.

Est-ce qu’il piquerait une crise parce que je serre Vi contre moi? Parce que je tiens une fille contre moi, dans mes bras? J’ai beau ne jamais avoir été attiré par les nanas, mais est-ce que ça justifierais une nouvelle engueulade pour lui? Est-ce que c’est mieux? Je ne veux pas qu’on passe notre temps à se prendre la tête pour des conneries ou qu’on se brouille pour des non-dits et des trucs qui ne sont, au final, pas vrai. Sinon, on passera plus de temps à vérifier ce que l’autre fait plutôt que de vivre notre histoire. Je sais qu’il y aura des dizaines d’imbéciles pour venir nous emmerder avec leur bêtises. Je croyais que je pourrais me battre pour une fois, tenir tête à tout ce qui se passerait, pour un mec. Pour une fois. Pour mon mec.

Je soupire, la serrant un peu plus fort contre moi, avant de la relâcher. Ramenant un genou contre mon torse, j’essuie rapidement mes yeux avec le revers de ma manche de veste, beaucoup trop grande comme d’habitude, avant de passer nerveusement ma main dans mes cheveux. J’ai l’impression d’être un enfant sur le point de pleurer, c’est pathétique.

- Navré, marmonnais-je.

Une grande inspiration. Un sursaut de courage avant d’énoncer l’histoire depuis le début. Y’a tellement de trucs qui se sont passé, j’ai l’impression que ça fait plus d’un an tout ça, et pourtant même pas! Relevant la tête, j’accroche mon regard au sien avant de tout lui dire.

- Tu te souviens le voyage Lowell en commun avec la Winthrop? demandais-je, ça semble anodin, mais ça date de là en vérité. Le dernier soir, tard, Jaysaël est venu me voir, à moitié bourré. Ça fait depuis janvier qu’on se croise de ça, de là, mais on a pas mal déconné ensemble durant le voyage et on est devenu pote, quoi... Enfin bref, il a débouler dans ma chambre au milieu de la nuit et j’avais pas à peine fermé la porte derrière lui qu’il m’embrassait. J’ai fait le con, je te l’avoue : il cherchait du réconfort et j’ai pas… j’ai pas résister à ses avances, j’avais besoin d’affection, je sais pas, expliquais-je vaguement en haussant les épaules. L’histoire s’est répandu sur le campus comme une traînée de poudre. On s’est évité pendant un moment. Lui pour des remises en questions, moi parce que je lui causais déjà bien assez de problèmes. Et on s’est revu, un soir. Au bar, pour me remonter le moral, il m’a proposé une virée en voiture. Ça a finit par un weekend aux Hamptons. On s’est rapproché énormément. Mais, il m’a appris qu’il était fiancé, par obligation. Lui et Lottie n’était pas ensemble, même que Lottie était incapable ou presque de le supporter, mais officiellement, c’était ça quand même. Et moi, comme un con, je suis resté, parce que j’étais bien avec lui et qu’il me disait que c’était pareil. Ensuite, on a du revenir à la réalité : on pouvait pas réellement s’afficher, ça lui aurait causer que des ennuis. Alors on faisait comme si on était juste des potes de galère, plus ou moins. Ensuite, y’a eu le voyage au Japon pour l’event Winthrop et un pote m’a invité. Le matin de l’embarquement de retour, on m’a appris, je sais plus qui, que la veille Jay s’était fait jeter en dehors de la chambre de Mira. Elle l’a jeté, à poil, précisais-je, dans le corridor. J’ai eu l’impression d’être un toy boy avec lequel il s’amusait, je lui en voulait vraiment. On a pris ce fichu vol, je suis rentrer à Cambridge, lui est reparti avec les Quincy en Allemagne pour leur event. Il s’est entêter à m’écrire des textos toute la semaine et si, au départ, je l’ai ignoré, j’ai fini par l’engueuler, puis on a parlé. Il m’a dit qu’il s’était rien passé. Que Mira avait voulu, mais que lui ne voulait pas, parce qu’il m’avait moi. Il m’a dit aussi qu’il voulait rompre ses fiançailles avec Lottie aussi. Qu’on deviennent un couple, officiellement. Et quand il est revenu pour le bal, il avait pas changer de discours, il semblait convaincu. Il a tenu tête à deux de mes amis même, il m’a embrasser publiquement même, disant qu’il se fichait de ce que les autres pensaient s’il pouvait être avec moi. J’étais juste vraiment heureux. Je me suis pas poser plus de questions, j’ai accepté. Je voulais être avec lui. Après y’a eu encore du bordel. En se rendant au bal, Lottie a eu un accident de voiture : trois semaines dans le coma à détériorer, avant que les médecins ne déclarent qu’ils ne pouvaient rien faire, qu’elle ne reviendrait pas en vue des lésions et que les parents ne la débranchent pour ne pas la faire souffrir. Jay a été à l’hôpital tous les jours et j’ai essayer de le soutenir du mieux que je pouvais. Avec l’enterrement et tout. Ça commençait à remonter la pente et je le retrouvais juste avant qu’il parte pour le Spring Break. Je bosse à New-York tout l’été. C’est loin. Ça m’énerve un peu, parce que j’aurais aimé être avec lui, mais je peux pas dire non à un stage qui me donne une possibilité de carrière et… je soupire, m’égarant un peu, je le sais. Et voilà : je l’ai pas averti qu’on m’avait donné congé. J’ai voulu lui faire une surprise et qu’on puisse passé un weekend ensemble au moins… dis-je en baissant la tête. Au final, c’est moi qui a eu une surprise.

Je passe et repasse ma main dans mes cheveux. Stupidement, j’en lâche un rire, anxieux, sans trop l’admettre.

- Il a toujours eu un faible pour les cheveux blonds et les yeux pâles…

Lottie, Mira, Mecky… Je ne fais pas non-plus exception à cette règle sur ce point. J’ai beau être le seul mec avec qui il aie été, je n’en reste pas moins blond et j’ai les yeux gris-bleus. J’ai le coeur dans la gorge et l’impression de vouloir vomir.