Je fais mine de réfléchir une seconde à sa proposition, regardant en l'air, mon index au coin des lèvres. - Ça me va ! J'pense qu'il faut s'y mettre dès maintenant alors vu le boulot qu'on a à faire .. Dis-je en rigolant. Oui parce que l'un comme l'autre, franchement on était pas sortit de l'auberge du touuuut. Il n'a pas l'air de prendre au premier degré mes remarques peu avantageuses à son sujet, tant mieux, au moins c'est pas tendu entre nous dès ses premiers jours ici. J'avais appris les bonnes manières, un minimum quand même et son retour devait être réussi ! Qu'importe le nombre de zéro sur son compte en banque.. Je commence à bien l'apprécier finalement le ringard des rues bizarrement, j'aimais bien sa façon d'être, ça change tellement de ce que j'ai l'habitude de voir dans mon petit monde restreint. - Je crois aussi.. Soufflais-je doucement en maintenant mon regard dans le sien. Puis ses yeux.. Non, ta gueule Hippo, commence pas, évite ce genre de pensées, n'y pense même pas en fait. Pense à ses chaussures, pense à ses chaussures, vite. Ça te remettra vite les idées en place ! Je voyageais à travers ses primes que je buvais, imaginant l'endroit, le vent léger sur ma peau, un nouvel environnement et ses surprises, les personnes qu'il vient de me décrire et leur mentalité. J'ai tout un tas d'image qui me passe par la tête à ce moment-là et ça me donne des envies de tout envoyer bouler et partir à l'aventure. - Ça fait rêver ce que tu me raconte.. Tu veux pas m'y emmener un jour ? Demandais-je avec un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Pourquoi pas après tout, il connaissait déjà les lieux au moins. Je froisse la bouche à sa question, mordant dans l'intérieur de ma joue et soupir comme si j'avais le poids du monde sur mes épaules. - Ma mère.. L'entreprise, mes études dans lesquelles je me donne vraiment à fond, les projets que je veux accomplir ! J'aimerais créer quelque chose à MON nom et pas entrer dans un truc déjà tout fait, prêt à m'accueillir comme ma mère aimerait tellement.. J'ai de grandes idées et je veux pas me restreinte à l'entreprise de ma mère, je veux prouver à mon.. Je m'arrête aussitôt, mon regard se balade sur une photo de lui près de moi. - Mon père que je peux réussir toute seule, comme une grande. Reprenais-je sur un ton à la mélodie douloureuse. Ça me faisait toujours le même effet de parler de lui, même après tout ce temps. Je me redresse et gonfle ma poitrine d'oxygène en me tournant vers la fameuse cuisine, l'esprit encore ailleurs, je reprenais le cours de la conversation. - Non mais non, je t'héberge pas, ici c'est chez toi comme chez moi maintenant ! Je suis une pétasse rigide mais pas au point de te demander d'aller acheter ta bouffe au kebab du centre ville. Fin, au début c'est sûrement ce que j'aurais dit, mais il y a un petit quelques chose qui m'attire chez lui, que j'aime bien.. Sûrement sa façon de me regarder, de me parler sans juger tout ce que je peux dire ou peut faire, j'ai pas besoin de porter cette carapace en fait, j'ai l'impression d'être libre pour une première fois. Je souris légèrement, il venait de tout résumer ! - Et si on se partage mon argent ? Tu penses que ça peut le faire ? On y trouverait notre compte à tous les deux ! M'amusais-je à dire. Des fois je me demande comment je serais si j'avais pas eu cette vie, si j'avais été contrainte de vivre comme Denys par exemple.. Si je serais plus heureuse ? Plus épanouie ? Je sais pas.. - Oui, oui le summer camp j'y vais ! Ça fait tellement longtemps que je n'y es plus participé .. Et toi ?

 « Au travail alors… » rigolai-je quand elle souligna qu’on devrait commencer le plus tôt possible, car des deux côtés il y avait du boulot… Ouais et à mon avis j’allais être moins bon élève qu’elle, parce que franchement, les fois où j’avais été dans un restau guindé, j’avais été complètement perdu avec le nombre de couverts autour de l’assiette… J’étais incapable de réussir un nœud de cravate aussi, et le rasoir n’était clairement pas mon meilleur ami. Ca, ce n’était donc qu’un échantillon de tout ce que blondie allait devoir m’apprendre pour me faire entrer un peu dans le moule… Bref, le Samu et sa BA, nos surnoms étaient tout trouvés et cela me fit rire d’autant plus. Je soufflais qu’on était faits l’un pour l’autre avec un sourire, qui s’élargit lorsqu’elle acquiesça, son regard accroché au mien. J’eus l’espace d’un instant le sentiment d’y lire quelque chose comme de la séduction, mais une petite voix dans ma tête me rappella à l’ordre : -laisse tomber Den, tu rêves éveiller… T’es une BA pour elle et rien d’autre-  J’évoquais mon voyage préféré, le Népal, les aventures, les treks, les paysages, les temples, tout ce que j’avais découvert dans cet ailleurs qui je l’avoue, me manquait un peu. Hippolyte sembla conquise par mes mots, me demandant finalement si je voulais l’emmener un jour. « Faudra lâcher les escarpins par contre. On grimpe pas l’everest en loubout’. » la taquinai-je alors, grand sourire aux lèvres. Au moins, j’avais réussi l’espace d’un instant à lui faire oublier mon côté –pauvre- et à la faire voyager par la pensée. « Si ça marche pas la psycho, je pourrais peut être me réorienter dans le tourisme. » Et le pire, c’était que ça me plairait drôlement, vu comme j’aimais voyager. Bref, ça m’étonnait que la demoiselle de freine ainsi, s’empêche de faire ce voyage à cape town comme elle en avait envie, elle me cita alors tout un tas de choses qui la retenait : sa mère, l’entreprise, des projets, créer quelque chose à son nom. Et là son ton changea quelque peu, alors qu’elle me confiait qu’elle voulait prouver à son père qu’elle pouvait réussir seule… Je suivis son regard des yeux, sur une photo d’un homme que je présumais être monsieur Dunford. Au ton qu’elle avait employé, à peu près le même que celui que j’aurais utilisé pour parler d’Artémis ou de Thalya, je pensais deviner qu’il n’était plus de ce monde… Alors je restais un instant silencieux, m’approchant juste pour poser ma main sur son épaule avec douceur, retrouvant finalement la parole pour lui souffler : « Je suis sûr qu’il serait fier de toi… » C’était ce que je me disais moi, même quand je faisais du grand n’importe quoi, que mon grand frère et ma petite sœur seraient fiers… La conversation s’allégea lorsqu’on parla cuisine. Elle objecta : elle ne m’hébergeait pas, j’étais ici chez moi. « Ha y’a du mieux là pour le côté sociable… » commentai-je en souriant. Sauf que quand elle ajouta sa réflexion sur les kebabs, je la repris : « Hep hep hep, qu’est-ce que tu as contre les kebabs ? » Ouais, en fait non… Je ne l’imaginais pas manger ça, manger quoi que ce soit avec ses mains sans couvert ni rien. Elle était beaucoup trop classe pour ce genre de nourriture. A mon commentaire philosophique sur le temps et l’argent, pas toujours compatibles avec nos envies de voyage, elle suggéra quelque chose : partager l’argent. « Et le temps on fait comment pour le trouver ? » m’amusai-je à répondre. Je demandais ensuite si elle allait malgré tout au SC, malgré son planning overbooké.  « Faire mon retour à Harvard sans y participer, ça serait rater mon come back. Alors bien sûr, j’y vais. »