Cela faisait peu de temps qu’elle était rentrée maintenant, elle s’était faite discrète, pas par crainte mais surtout parce qu’elle n’était pas encore certaine de vouloir rester. Suivant les cours comme elle peut, trainant le moins que possible à l’université, certains n’avaient pas eu l’occasion de remarquer son retour. Après tout, elle était partie sans un mot à Oxford, tout c’était fait sur un coup de tête, elle était rentrée au manoir, avait pété un câble et fait ses valises. L’année était passée assez vite et si elle pensait souvent à ceux qu’elle avait laissés là-bas jamais elle n’avait donné de nouvelles. Elle se trouvait des excuses, repoussait au lendemain afin de ne pas avoir à affronter leur jugement, à écouter leur plainte ou encore avoir à se justifier. Au fond, elle le savait, sa décision avait été égoïste, elle n’avait vu qu’elle et n’avait pensé qu’à elle, mais elle restait persuadée de son bon droit. Parmi ceux qu’elle avait laissé, il y avait Ael, il était bien plus qu’un ami ordinaire et elle tenait à lui beaucoup trop pour l’esquiver encore une fois. C’est en marchant vers la villa de son meilleur ami qu’elle reprenait le discours dans sa tête, des excuses ? Si seulement elle savait comment s’excuser, la culpabilité ce n’était pas vraiment son truc, baisser la tête et supplier pour le pardon non plus. Son ami la connaissait et même si elle savait que ce moment allait être plus que pénible, elle comptait sur leur amitié pour le surmonter. De toutes les façons elle n’avait pas le choix, il allait finir par la croiser et de plus, elle comptait intégrer les Eliots, pas de quoi vraiment passer inaperçu. Elle monta les petites marche de la villa avant de regarder la porte, hésitante et de frapper. Perchée sur ses talons de dix centimètres fraichement acquis, une tenue impeccable et les cheveux parfaitement coiffés, elle se tenait droite, elle n’avait pas perdue ses habitudes et au final, elle était restée la même qu’il y a un an. La porte se déverrouilla, elle prit une inspiration et vu le visage de son ami « Hey toi … » Que dire de plus ? Un paquet de trucs, après tout, cela faisait plus d’un an qu’ils ne s’étaient pas vus, mais elle préféra laisser à Ael, le temps digérer la nouvelle.

Il y avait un contraste qui pouvait sembler amusant si seulement ce n’était pas  elle qui était dans cette situation. En effet, le cadre était détendu, ils étaient non loin de la mer la journée commençait à pointer son nez et de là où ils étaient, ils pouvaient sentir l’air marin et presque entendre les vagues, pourtant avec ce cadre idyllique en arrière-plan, la situation était plus que tendue entre eux et les retrouvailles s’annonçaient glaciales. Elle n’était pas naïve au point de penser que son meilleur ami allait lui sauter au cou en lui souhaitant la bienvenue mais tout de même … la seule chose qu’ils ne partageaient pas étaient le sang, elle aurait pensé que ces retrouvailles auraient été un peu plus faciles. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce qu’elle avait fait subir à son ami, connaissant ses failles, ses faiblesses, elle l’avait confronté à l’abandon et même si il était difficile pour elle de le dire, elle s’en voulait. Cette demoiselle pouvait être têtue et égoïste, mais dans le cas présent, il s’agissait d’un des rares amis sincères qu’elle possédait. Elle passa sa main dans ses cheveux, signe d’un certain malaise, surtout devant l’apparence froide de son ami, puis elle leva les yeux vers lui et pousse un léger soupire. « Ecoute Ael, je sais que tu … tu es en colère et je ne vais pas te le reprocher, mais j’avais mes raisons, je devais m’en aller tu comprends ? ». En réalité, même elle savait que c’était une bien maigre explication face à ce qu’elle lui avait fait subir, mais elle était  là, à se trouver des excuses alors qu’elle était en tort … Gabrielle dans toute sa splendeur en somme. Ils étaient semblables sur certains points, cette fierté mal placé qu’ils avaient tous les deux, le fait d’attendre que l’autre cède avant pour pouvoir céder à son tour. Pourtant, elle était certaine, il avait autant envie qu’elle de l’avoir dans ses bras et pourtant, elle campait sur ses positions, refusant d’admettre ses torts. « Je peux entrer au moins ? Ou tu vas laisser le fantôme que je suis se bouffer tout ce vent ? »

Son regard croisa celui de son ami, elle avait l’habitude d’y trouver une certaine douceur, de la complicité et parfois de la vulnérabilité quand il se confiait à elle, mais après ses derniers mots, le regard d’Ael se voulait réprobateur. Il plongea ses yeux bleus dans les siens et le regard émeraude de la jeune femme laissait apparaitre un semblant de remord. Il avait raison, elle aurait été en colère, elle se serait sentie trahie si Ael avait fait la même chose. Elle ne pouvait ni le contredire ni lui donner une raison qui puisse sembler valable à ses yeux, elle-même ne savait pas pourquoi elle avait ça, les choses étaient beaucoup plus compliquées à l’époque que maintenant. Le silence de Gabrielle face aux mots de son amis révélaient en partie qu’elle avouait se faute, elle n’allait pas tenter de l’enfumer avec une explication peu valable, elle l’aimait et le respectait trop pour ça. Elle poussa un léger soupire, elle avait horreur de se retrouver dans ce genre de situation, celle où elle devait avouer qu’elle avait fait une erreur, celle ou les excuses devaient porter le bout de leur nez. A sa dernière question, Ael lui confia qu’il pourrait très bien la laisser là, sur le pas de la porte, par vengeance et il fallait avouer que ce ne serait pas grand-chose, comparé à ce qu’elle avait fait. Connaissant surement le caractère boudeur de sa meilleure amie, le jeune homme se décida à la laisser entrer avant d’attirer sa meilleure amie vers lui. La jeune femme sursauta légèrement, prise de surprise, mais cette surprise laissa vite place à un sentiment beaucoup plus agréable quand elle se retrouva dans les bras de son meilleur ami. Ce que ça lui avait manqué, elle le sera fort contre elle, comme si à cet instant, la peur de le perdre avait pris le dessus. A ses mots elle sourit légèrement, un peu amusée avant de lui murmurer « Et moi je t’adore chaton ». Le surnom pouvait être aussi attendrissant, qu’agaçant pour le jeune homme, mais elle avait pour habitude de n’en faire qu’à sa tête. Elle resta encore contre lui, savourant cette étreinte après un an d’absence « Je te laisserais plus tomber je te le promets, je serais toujours là». Elle en était à se demander, comme elle avait fait pour ignorer son meilleur ami pendant tant de temps.

Gabrielle laissa échapper un petit rire en entendant Ael râler à propos du surnom qu’elle lui avait donné. Ils avaient beau s’être quitté pendant un an, c’était comme si rien n’avait changé, ils étaient restés les mêmes, avec les mêmes habitudes peut être avec des soucis en plus. Elle lui fit un sourire quand il l’éloigna, l’attrapant par les épaules et mima un « promis » sans qu’aucun son ne sorte de ses lèvres, lorsque son meilleur ami lui demanda de ne plus lui faire ce coup. Il l’embrasse sur le nez, ce qui lui fit plisser le nez avant de s’éloigner, les mains dans les poches vers la cuisine. Gabrielle fit comme d’habitude quand elle était chez Ael … elle faisait comme chez elle, suivant le brun vers la cuisine, elle s’installa assise sur le bar, laissant tomber ses talons beaucoup trop hauts sur le sol. A la question de son ami elle sourit « De toutes les façons il n’y aurait pas grand-chose à raconter sur ma petite escapade anglaise … Oxford était … terriblement ennuyant, l’effervescence d’Harvard m’a presque manqué ». En parlant elle piochait ce qu’elle trouvait à manger sur le bar de la cuisine, il devait être onze heure et elle n’avait encore rien avalé, jetant alors son dévolu sur une boite de céréale hypocalorique. Après avoir plongé sa main dedans, elle porta quelques céréales à sa bouche avant de grimacer légèrement « Sérieusement chaton … ? » lui dit-elle en lui montrant la boite de céréale, comme pour lui signifier qu’il était temps qu’il change de gout. Après cette petite parenthèse, elle reprit de plus belle « Pour tout te dire, je me suis fait plus d’ennemies que d’amis là-bas … d’ailleurs il y avait cette fille que je ne pouvais pas voir qui se retrouve comme par hasard à Havard … quand je reviens ». Elle poussa un léger soupire, agacée par ce qu’elle venait de confier à son ami, avant de reprendre « en fait j’ai fuis … mais les problèmes eux sont bien restés … comme mon rapace d’oncle qui profite de la mort de mes parents pour me prendre l’entreprise que m’a laissé ma mère, il faudrait que je trouve un moyen de me débarrasser de lui ». Elle pencha ensuite légèrement la tête sur le coté, en fixant son meilleur ami, une petite moue apparaissant sur son visage. « Comment tu vas toi ? Tu as une petite mine … » Elle fit signe à son ami d’approcher et de s’installer à côté d’elle, signe que s’il voulait se confier, elle était toute disposée à l’entendre.