666 The Omen
ft. SASHA & CLAY

Il doit être dans les 22h00 à tout péter quand je sors finalement du taff, surexcité à l'idée de pouvoir me défouler avant de rentrer sur Cambridge. Un petit moment de célibat, plaisir solitaire, que je ne troquerais pour rien au monde lorsque je cours dans le clair obscur de Boston Common. Y'a pas grand monde ce soir mis à part quelques joggers et petits couples amoureux venus se bécoter sur les bancs publics. Pourtant, le renouveau de la saison aurait du en attirer beaucoup plus, c'est un truc que je ne pige pas.

Allez, quelques petites foulées avant de vraiment débuter et c'est au détour d'un taillis que je ralentis soudainement faute d'avoir cru voir quelque chose détaler devant moi. Pas un lapin où ces sales rongeurs qui pullulent une fois la nuit tombée mais quelque chose de bien plus imposant et dont je n'ai vu que très brièvement les traits. J'ai peut-être rêvé au final et reprends de plus bel avant de talonner au bout de quelques minutes une gamine fluette qui se traine... Bordel, même là y'a toujours quelqu'un pour me faire chier. Elle court à son rythme, mouais, mais voilà qu'avec ses petits écouteurs à la con elle ne m'a pas entendu arriver derrière ni m'excuser deux ou trois fois. Tant pis, je la double et advienne que pourra lorsque mon épaule heurte la sienne. Fallait pas prendre tout le chemin gamine, foutue génération qui se croit tout permis.

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ft. SASHA & CLAY

"Hey mais ça va pas la tête!" Rien à foutre de sa crise de prépubère, j'ai dans l'intention de tracer tout droit lorsque c'est autre chose que j'entends se rapprocher à vive allure, un halètement constant, des bruits de pattes foulant le sol rapidement. Je n'ai même pas le temps de me retourner pour toiser l'ingénue ou cette présence qu'une violente douleur me tiraille le cul. Le premier réflexe, qui n'arrange en rien ma peine, est de contracter ledit muscle, cherchant à me retourner pour apercevoir un molosse au pelage d'un noir grisé repartir vers sa maitresse à l'autre bout de sa laisse. Le fameux clébard que j'avais cru entrevoir et qui dans la nuit s'était évanoui de mon champ de vision y'a même pas dix minutes. "T'es aveugle ou quoi?! Si t'y vois mal à cette heure ci, j'te conseil la frontale, ça t'évitera les murs." Peu importe ce qu'elle me crache, c'est sur son cabot que mon attention est rivée, mi canidé mi loup et moi qui ai en horreur les premiers, ce n'est pas pour accepter les seconds.  J'en tâte encore mon jogging et les traces de bave que ses putain de mâchoires ont laissés. Pas de trou, c'est déjà çà mais j'enrage d'avoir été niaqué par ce clebs qu'elle ne contrôle visiblement pas. Je fais donc un pas vers elle, un seul car déjà mes yeux se reposent sur le chien à ses pieds et hésite à en faire un autre pour lui gueuler dessus à mon tour " Quand on s'traine le cul, on n'fait pas chier l'monde. On reste sur le coté! " Elle se croyait peut-être la seule à pouvoir jouir des sentiers en cette soirée, raté. En parlant de cul d'ailleurs... J'en ressens toujours la vive douleur et c'est pourquoi je ne peux m’empêcher de lui faire remarquer une chose qui pourrait profondément la faire chier. " Si t'es pas capable de le retenir, fous-lui au moins une muselière ou je me chargerais d'le faire piquer. "

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Elle fait moins la maligne à présent mais qu'importe, je connais mes droits. Après des années d'études pour décrocher ce putain de Master, je sais que tout chien dangereux peut être euthanasié après avoir fait l'objet d'un arrêté. Il me suffirait de porter plainte contre elle et son clébard ne serait plus qu'un vague souvenir, empaillé, incinéré ou enterré, peu m'importe. Elle s'agenouille subitement auprès de son sac à puces pour l'enlacer et je la regarde avec dégout en train de l'embrasser affectueusement. Que c'est risible autant de niaiseries pour un stupide canidé, bien que je sois toujours en train de masser mon douloureux fessier.  "Dans tes rêves grincheux! On touche pas à mon bébé!" Encore une qui est bonne à enfermer. Comment peut-on s'attacher un pareil animal, abruti et sans la moindre parcelle d'intelligence? " Fallait y penser avant. " que je lui crache sournoisement. Je ne pleurerais pas sa disparition, bien au contraire même: un nuisible de moins sur cette Terre qui ne minera plus de ses déjections les parterres. Que du bonheur en somme.   " Il est inoffensif d'habitude, c'toi là qui m'a bousculé, il m'a simplement défendu alors c'est de ta faute" Je ne veux rien savoir, c'est elle qui est en tort. A gueuler comme une folle pour un simple coup d'épaule, c'est elle qui a  incité son clebs à me mordre. Et pendant qu'elle continue ses jérémiades au cou de son bâtard plein de poils, je porte mon regard sur les alentours histoire de voir si je n'aurais pas un témoin sous la main. Mais non forcément, nous sommes seuls en cette soirée de Mai et le peu de personnes présentes, je les ai croisées dès le début du chemin. " Et puis quoi, le prochain coup ce sera un sdf qui en te demandant l’aumône se fera égorger par ton clébard ? " 

Et contre toute attente c'est un gamin à peine sorti de l’adolescence qui nous surprend en pleine conversation. Il ne devrait pas être couché lui? Fort à parier que si. Il passe juste à coté, s'écartant tout de même un peu à la vue du molosse lorsque je l'appelle en recherchant quelque chose au fond de ma poche. " Hey gamin! " Elle va comprendre ce qu'il en coute de me tenir tête. Il s'approche, cache je ne sais pourquoi sa cigarette en se pointant lui-même du doigt. " 30 dollars faciles, ça t'intéresse? "

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"Tu vas quand même pas faire ça?!" Tiens, je vais me gêner. Elle empoigne direct son petit smartphone que je m'étonne même de ne pas être d'un rose pimpant fluo pour ensuite me menacer quant à mes intentions qui sont, à mon sens, parfaitement légitimes. "Si tu achète ce gamin pour qu'il mente j'te jure que je film toute la scène sale escroc." Escroc? J'en ai presque un fou rire qui me ferait temporairement oublier la douleur irradiant mon postérieur. L'acheter? Je ne vais seulement que gracieusement le rémunérer du temps qu'il va nous accorder, rien de plus. " La loi, c'est moi " Alors si elle souhaite porter plainte contre un flic, ce sera en vain parce que sa parole contre la mienne ne vaut rien. Autant dire que je lui souhaite bien du courage même si elle espère avec son enregistrement tenté un coup de poker. Je toise ainsi le gosse lorsqu'elle l'accoste pour l'entendre vociférer: "Cet espèce de pervers veut tuer ce pauvre chien inoffensif... Il est cruel! Alors faut pas l'écouter sinon il va lui faire du mal." T'as vu la gueule du chien... Inoffensif... Tout droit sorti d'un film d'horreur le corniaud. Il aurait pu jouer tout aussi bien dans le chien des Baskerville. Et levant les yeux au ciel parce que franchement elle aurait pu trouver mieux en guise de plaidoirie, je souffle faussement mielleux: " Évidemment, j'allais l'étrangler de mes doigts. " Le fait est que ce chien est un danger pour autrui et je compte bien l'en débarrasser à moins qu'elle ne se montre un peu plus navrée.

Mais entre 30 dollars et des yeux de biche, le gamin a déjà trouvé son parti. Que croyait-elle venant de la part d'un gosse qui traine ses guêtres à une heure pareille? Il rode dans le coin sans doute à l'affut d'un dealeur arrangeant, à la recherche de son gang comme je le faisais avant. " On va pas tourner autour du pot. Son chien m'a attaqué, j'en porte d'ailleurs les marques. " Il suffit de reluquer un peu le jogging pour s'apercevoir des traces de bave reluisantes que je n'ose étaler. " J'ai juste besoin d'un témoin. De ton nom," et j'en profite pour lui tendre les trois billets signant ainsi notre arrangement.

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"Bah alors arrête moi!"  Pour faire un excès de zèle? Sans façon. Je la laisse donc se distraire en essayant de faire entendre raison au gamin au sujet de son clébard. "L'écoute pas, juste pas du tout." Bonjour la répartie, si elle croit pouvoir gagner son approbation de cette façon. Je crois que c'est dans la poche finalement, je n'aurais même pas à partir très loin dans mon argumentation ce pourquoi je lui fais vite un topo de la situation.

Un coup d'oeil à coté si tôt que j'ai terminé ma tirade et je la vois frustrée. Bien fait, fallait pas me provoquer. Mais voilà que subitement, elle s'en prend au gosse: "Toi j'te jure que j'vais trouver ta mère et te faire regretter d'avoir tendu la main!" avant de se détourner dans ma direction. "Allez s'il te plait quoi! J'suis désolé qu'il t'es pincé et il est désolé aussi regarde ses yeux tout moues qu'il te fait, c'était un accident." A quoi elle joue là? Elle a perdu soudainement toute sa combattivité alors que le gosse vient de baisser la main suite à son avertissement. J'en pointe le doigt en direction du gamin et lui souffle vilement " Tu l'as menacé là..." Ça peut aller très loin si l'on déforme un peu la vérité. "Si tu veux, emmène moi à sa place, mets moi en prison mais ne lui fait pas de mal il mérite pas ça. J'dirais que c'est moi qui t'es mordu s'il le faut mais j'te laisserais pas faire ça." Ça frôle le ridicule là... Le gamin commence à détaler silencieusement et faut le comprendre parce qu'entre moi qui ne tient pas particulièrement à baisser les armes, elle qui saute du coq à l'âne, tantôt menaçante tantôt presque - je dis bien presque touchante si je n'avais cette impression constante qu'elle se fout de ma gueule - et le cabot qui halète à ses pieds toutes les dix secondes, y'a de quoi vouloir dégager. " Alors c'est pas à ton chien qu'il faut une muselière... Ça tombe bien. Berkeley Street, y'a une boutique qui vend certains articles pour grandes personnes." Elle a compris? Peut-être bien. Alors je m'abaisse légèrement vers elle pour, directif et condescendant, lui spécifier: "  Y'a bien quelque chose qui pourra te faire taire. " Mais cela m'étonnerait grandement qu'elle ait déjà eu l'occasion d'y foutre les pieds et jetant un coup d'œil à ma montre, je me permets de lui lancer, un sourire béant aux lèvres: " Et à cette heure, c'est ouvert. " Mais attention, qu'elle ne s'y méprenne pas, ce n'est pas une invitation.