Harvard – Février. Je venais tout juste de retrouver Hailee après des mois de boulot. J’avais traversé tout le pays, j’avais dû soudoyer les plus braves hommes de ce continent, j’avais dû y mettre du mien afin de fouiller dans des tas de dossiers qui devaient pourtant rester clos, et moi voilà de nouveau à Harvard avec dorénavant une fille dans les bras. J’étais fou, c’était une erreur d’avoir pété un câble de la sorte et s’être lancé à la recherche de ma progéniture disparue. En même temps est-ce que l’on pouvait m’en vouloir ? Je ne pense pas. Lyson avait littéralement abusé en faisant croire au monde entier que le bébé était mort lors de l’accouchement, accouchement dont elle m’avait bel et bien écarté ceci-dit. Après le Spring Break, j’étais retourné par la case prison et on va dire que ça ne penchait pas en ma faveur dans la balance pour devenir le père de l’année, mais qu’importe ? Bref en revenant ici, mon premier besoin était de me désaltérer, oh oui j’avais réellement besoin d’un verre. J’avais confié la petite à Leevy qui comblait grâce à elle le vide que laissait Oscar puis je me dirigeais vers le bar le plus proche de mon loft après ma visite quotidienne à celui-ci. Les travaux avançaient, pas assez vite à mon goût mais qu’importe. J’entrais dans le bar et me dirigeais vers le comptoir. Je prenais place à côté d’une brune que je connaissais bien et qui visiblement avait la vague à l’âme, observant silencieusement son verre. « Comment va mon doux rayon de soleil ? » A vrai dire cela faisait un bail que je ne l’avais pas croisé, mais j’étais de bonne humeur ou presque alors… Pourquoi ne pas fêter des retrouvailles ?

Est ce que pour une fois je pourrais avoir une soirée normale ? Quelque part, je l'espérais. Ouais, je voulais vraiment que tout s'passe normalement. Pouvoir sortir boire un verre dans un bar en toute tranquillité sans me faire accoster par un lourd de base. Ne pas non plus tomber sur des gens prétendants me connaître et me sortant des doubles de nul part puis encore moins avoir à faire avec des idiots de base cherchant n'importe quel prétexte pour me mettre hors de moi. Mh, peut être que j'aurais mieux fait de rester dans ma chambre, j'aurais eu moins de chance de me faire emmerder. Mais non, j'avais besoin de prendre l'air, de commencer à me faire quelques contact. Surtout pour retrouver un boulot en fait. Parce que non, ma situation ne changeait pas. J'étais toujours la petite princesse vivant au dessus de ses moyens. Celle qui en réalité n'avait pas une tune et passait ses nuits dans les clubs de strip tease attendant de se faire glisser quelques billets. M'enfin, je m'y attaquerais demain, pour le moment j'avais juste besoin de décompresser vraiment. Assise à un bar bien trop vide, je tournais la paille de mon cocktail encore et encore réfléchissant à tout et à rien en même temps. « Comment va mon doux rayon de soleil ? » Ah non, pas encore. Je bifurquais légèrement prête à envoyer péter l'idiot qui osait me sortir de mes pensées avant de me rendre compte qu'il s'agissait de.. Loukas ? Comme si ça pouvait t'intéresser. Tu crois quoi ? J'oublie pas notre rupture difficile, les combats des dernières fois, les mots dur envoyés et la peine qu'on s'est causés.

Elle était là, Méline, la fille qui avait partagé mon lit durant… une décennie peut-être. Je n’étais vraiment pas du genre à m’engager ni à feindre l’engagement, avec moi ce n’était que pour quelques nuits et il ne fallait pas s’étonner si j’allais voir ailleurs seulement avec elle… c’était différent, elle avait ce côté je m’en foutisme croisé avec un côté tigresse qui m’avait tout de suite charmé, alors pour la garder auprès de moi, j’avais fait l’effort de bien me tenir et croyez-moi, c’était une des rares relations un peu près stables que j’avais avec quelqu’un. Ce que j’aimais avec elle c’était surtout nos disputes d’une rare violence et surtout nos retrouvailles tout aussi agressives. « Outch, tu as touché mon petit cœur glacé. » Je faisais semblant, mimant le fait d’être blessé en touchant mon poitrail et affichant une moue sur mon visage, tout ceci était grossier mais on ne m’appréciait pas pour mes talents d’acteur, quoiqu'en mensonge, je savais y faire. « Tu devrais te souvenir que je ne parle jamais si ça ne m’intéresse pas. » Et c’était vrai, si quelqu’un me soulait par exemple, je n’étais pas du genre à faire la conversation, j’aurais plutôt creusé mon verre. Nous avions beau avoir un passif en commun, un passif légèrement tumultueux, je l’appréciais toujours pour ce qu’elle était, du moins ce qu’elle était autrefois.

Non, j'oubliais pas, j'oubliais rien quand ça avait compté. Je tenais pas aux gens, je les aimais pas et je vivais ma vie sans me préoccuper des autres. Avec Loukas, ça avait différent. Une passion si forte qu'on s'était peut être plus détruit qu'autre chose au final. J'savais pas trop mais c'était la sensation que j'avais par moment. Et lui retomber dessus, maintenant, par hasard, ça rendait les choses bizarres. Vraiment. « Outch, tu as touché mon petit cœur glacé. » J'portais mon lèvre à mes les yeux, pupilles levées vers le plafond, signe de mon agacement. Encore faudrait-il que t'en ais un. De coeur. Parce que permets moi d'en douter mais tu m'as prouvé à plus d'une reprise qu'il était quasi inexistant. « Tu devrais te souvenir que je ne parle jamais si ça ne m’intéresse pas. » Ahah. Je le regardais à nouveau, posant le verre sur le comptoir, humectant mes lèvres avant de parler. Alors j'en conclus que j'étais pas intéressante ces dernières années ? Y a eu un sacré silence entre nous Loukas, le néglige pas. N'oublie pas les circonstances de notre rupture et la façon dont tu m'as laissé tomber. J'étais pas compréhensive, j'me fichais de savoir que mon activité de la nuit le dérangeait, il était censé m'aimer pas vrai ? Moi, j'y avais cru. Que me vaux ce plaisir ? Toi me parlant. Pour le fait qu'on soit dans le même endroit, j'voulais bien croire à la coïncidence.

« Je t’accorde un point. » Je posais mon regard sur sa mine attristée, damn, que j’avais passé du temps à regarder ce doux visage il fut un temps… J’attrapais mon verre, le portant à mes lèvres, décidément l’alcool me faisait un bien fou et au vu du visage fermé qu’elle abordait, la conversation de nos retrouvailles n’allait pas être tendre et joyeuse. Je reposais mon verre alors qu’un sourire naissait sur mon visage, était-elle réellement sérieuse ? Évidemment, une fille avait toujours son point de vue, légèrement modifié par rapport à la vérité, d’une rupture. « Ne me reproche pas de ne pas parler alors que tu ne sais pas écouter. » Je n’essayais pas de la tacler mais il était si simple pour elle de cracher un venin délicieux dans ma direction. Bien sûr, j’avais parlé d’elle, bien sûr que j’avais parlé avec elle également, que je l’avais écouté durant de longues heures mais nos chemins avaient fini par se séparer à cause d’une grosse divergence et honnêtement, même si j’avais fait des conneries dans ma vie, celle-ci, elle ne pouvait pas me la reprocher. « Rien, je passais juste dans le coin, l’envie de boire un verre avant de rentrer m’occuper de mes affaires, il se trouve que tu te trouvais sur mon chemin, rien de plus. » Je ne voulais pas qu’elle se mette en tête que je la traquais où ce genre de chose car dans la tête de Méline, il pouvait naître un tas d’idées saugrenues lorsqu’elle atteignait le seuil de certaines émotions. « Mais toi, dis-moi, qu’est-ce que tu fais ici ? »