Cela faisait quelques jours que Paris était rentré à la maison auprès de ses frères et sœurs et que je m’occupais de lui, tout en m’assurant que les enfants ne manquent de rien et ne soient pas perturbés par le nouveau rythme lié à la convalescence du grand frère. Mais avec tout ce chamboulement, il avait été dur de trouver du temps pour venir prendre des nouvelles de Leanne qui avait été la deuxième victime de l’accident de voiture au retour de Paris de l’aéroport.

Je sentais au fur et à mesure des jours que Paris s’inquiétait pour Leanne, et je le comprenais totalement! Même moi, je m’étais préoccupée de sa santé, mais malheureusement, dès les premiers jours de son hospitalisation, le service n’avait pas voulu trop m’en dire, étant donné le lien professionnel qui m’unissait à la résidente en pédiatrie. mais à force d’insister, l’un des internes avait accepté de me dire que Leanne était dans un état stable mais qu’elle avait accouché prématurément. A partir de là, j’avais pris la décision de me rendre à l’hôpital et de prendre directement de ses nouvelles, peu importe qu’on vienne contredire mon geste auprès du service plus tard.

C’est en marchant dans les couloirs qui menaient à la chambre de Leanne que j’étais en train de me dire que le but de ma visite était double : montrer mon soutien à Leanne, et rassurer Paris plus tard sur l’état de sa meilleure amie. Paris étant encore un peu fatigué par l’accident, et aussi encore un peu sous le choc des évènements, j’avais préféré le laisser se reposer à l’appartement, en compagnie d’Ivy qui s’occuperait des enfants pendant mon absence.

Je venais d’arriver devant la porte de la chambre, toquais contre cette dernière avant d’entrer. « Toc, Toc ?! Y’a d’la visite ! » Leanne me saluait très vite avec un léger sourire, mais elle se confondait déjà en excuse alors que je n’avais toujours rien dit. Je faisais quelques pas vers Leanne et déposais mon sac sur un fauteuil non loin, avant de m’approcher du lit de la jolie brune. Elle s’inquiétait alors de Paris et de son état de santé, et je posais ma main sur son avant-bras pour la stopper. « Leanne, c’est bon. Zen… » Il ne fallait pas qu’elle commence à stresser, je souriais avec hésitation, puis me tournais pour prendre une chaise pas loin de la table de chevet. Je l’approchais, retirais mon manteau que je posais sur le dossier et m’asseyais sur la chaise en soupirant de soulagement, ravie de pouvoir m’asseoir. « On va faire les choses dans l’ordre » annonçais en souriant plus chaleureusement « D’abord : Je vais merci, même si j’avoue ne pas voir les journées passées en ce moment…Ensuite : Ne t’excuse pas, tu ne pouvais pas prédire ce qui allait se passer. Et Enfin : Paris va plus ou moins bien, étant donné les circonstances. Il a eu une commotion cérébrale, et les deux bras dans le plâtre…bras et poignet pour être plus précise. En ce moment, il vit plus le contrecoup de l’accident… » Un moment de silence s’installait brièvement, laissant Leanne assimiler les nouvelles de son meilleur-ami, puis je prenais à nouveau la parole, joignant mes mains entre elles par-dessus mes jambes que je venais de croiser. « J’ai…j’ai appris pour ton accouchement prématuré. Comment tu te sens ? Et comment va le bébé ? »

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Installer sur la chaise non loin du chevet de Leanne, je me prélassais enfin. Mes journées assez chargées ne me laissaient pas beaucoup de répits, alors s’asseoir même pour quelques minutes, cela était plus qu’agréable. Bon en même temps, je ne m’en plains pas : être l’infirmière perso de Paris avait du bon dans un sens ! C’est juste le reste autour qui est un peu éreintant, mais heureusement pour moi tout le monde fait des efforts à l’appart et Matthew, l’adolescent de la famille est toujours prêt à m’aider. Ce gosse….va falloir que je le remercie pour tout ce qu’il fait.

Leanne semblait tendu, et quelque part je m’y attendais. Subir un accident de voiture n’a rien de réconfortant, c’est sûr ; restée alitée dans un hôpital alors qu’on est d’habitude de l’autre côté de la barrière, c’est jamais très agréable non plus. C’est donc conciliante que je laissais Leanne me répondre froidement lorsque je lui demandais de rester Zen, sachant pertinemment que c’était de toute façon plus facile à dire qu’à faire Je lui donnais ensuite des nouvelles de son meilleur ami, et je riais légèrement lorsque la résidente en pédiatrie commentait sur le côté ronchon de son meilleur ami, chose à laquelle je ne pouvais qu’hocher la tête vivement en répondant : « M’en parle pas ! Il ne peut pas jouer aux jeux vidéo, il peut pas s’habiller tout seul…et ça ce sont les parties les moins chiantes pour lui » Je voyais Leanne baiser la tête honteuse alors que j’ajoutais pour lui rappeler une chose essentielle qui devait la faire déculpabiliser : « Mais il est en vie, Leanne ! Et c’est le plus important, donc…Cesse de te tourmenter. T’as besoin de repos, pas de stress. » J’en profitais ensuite pour lui parler de son accouchement prématuré, et quand elle me répondit, sa réponse me choqua. Le contre coup de l’accident devait l’avoir pas mal bousculé dans sa tête, mais…de là à dire qu’elle ne souhaite pas voir son enfant et que ça servait à rien vu qu’il ne s’en sortirait pas, cela me faisait mal au cœur. Comment pouvait-elle aussi défaitiste ?

« Leanne…je…Com- » bégayais-je, hésitant à lui dire ce qu’il me traversait l’esprit. « Il ne faut pas partir aussi défaitiste comme ça ma belle….Tu es tout de même la mieux placé pour savoir que certains prématuré sans sortent malgré les pronostics vitaux engagés par les médecins. On n’en est pas à notre premier miracle dans cet hôpital…et dans les meilleurs cas, la présence de la mère était important »

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Le fait de pouvoir rire à propos de bougonnement de Paris avec Leanne, cela nous permettais de dédramatiser la situation. Okay, leur accident avait été important, et Paris et elle auraient pu ne survivre mais…je préférais rester positive quoiqu’il arrive, et remercier intérieurement le ciel de les avoir épargnés. Alors peu importe la fatigue, la pression que cela pouvait m’apporter depuis que Paris était rentrée, je tâchais de prendre les choses à la légère. C’est d’ailleurs ce que j’essayais de dire lorsque Leanne me demandait si ce n’était pas trop compliqué à gérer pour moi.

« Je dois avouer que je suis plus fatiguée que d’habitude, mais ce n’est pas à cause du boulot. Je me suis arrangée avec le service et le campus pour changer mes jours d’alternance, quitte à revoir mon emploi du temps et prendre plus d’heure par la suite, une fois que Paris récupérera l’usage de ses mains….C’est juste que : il faut pouvoir s’occuper de lui, et des 5 enfants derrière. Ainsi que du ménage, de la cuisine, de la lessive, des courses…aller les chercher à l’école quand la baby Sitter ne peut pas le faire… Tout ça quoi. »

Je ne me plaignais vraiment pas ! J’étais ravie de pouvoir rendre service ; surtout que toute la famille Maconahey mettait du sien pour me faciliter la tâche. Mais avoir 22ans, et passer du jour au lendemain du statut de petite étudiante internet à « femme au foyer », ce n’était pas de tout repos….et puis je n’étais pas sûre de savoir assurer sur tous les fronts. Mais ça, c’était une autre histoire. Pour le moment, ce qui m’intéressait c’était la santé de Leanne, son humeur et ses intentions par rapport à son enfant.

Son pessimisme m’inquiétait, au point que j’avais eu besoin de lui rappeler que bon nombre d’enfants étaient nés dans ce service en tant que prématuré et placer au service néo-natal. Leanne savait elle-même de quoi je parlais…c’est pourquoi elle prenait quand même en compte mes propos. Je l’écoutais alors s’expliquer, m’évoquant le souci des séquelles et d’un hypothétique handicap pour l’enfant. A cela, je ne pouvais que lui répondre, complètement incertaine de ce qu’elle avait voulu dire par là. « Et alors ? Ce n’est pas parce qu’il pourrait être handicapé que ça fait de lui un enfant inintéressant ?! J’ai du mal à te comprendre Leanne. Il ne demande rien d’autre qu’à s’en sortir ce petit bout, alors ne le condamne pas tout de suite. Il a besoin que sa mère puisse croire en lui…handicapé ou non… »

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Afin de prendre des nouvelles, Leanne m’avait demandé comment je m’en sortais entre Paris, le boulot et mon quotidien, et je lui avais évoqué que la fatigue qui me prenait avait surtout un rapport avec les enfants… l’âge de ces derniers étant variés, les besoins de chacun n’étaient pas les mêmes, ce qui rendait la tâche plus difficile

« Oh et bien, bizarrement, Ashlynn me donne le moins de travail, je t’assure ! C’est vrai quand on y pense : ses seules besoins sont les biberons à heures fixe, sieste, bain, couche…Pour les autres par contre, c’est : aller chercher les enfants à l’école, s’occuper du goûter, des devoirs, du bain, du dîner, des histoires à lire. Et je ne parle pas des besoins en lessive et repassage… » J’avais énuméré le principal, mais on pouvait ajouter à cela les discussions avec les enfants, et le besoin de poser des question sur la santé de leur grand-frère sur leur avenir, sur ma présence dans l’appartement…pleins de choses qui ne faisaient pas partie de mon quotidien avant tout ça et qui aujourd’hui comblait mes journées. Et malgré la fatigue accumulée, ce quotidien me rendait utile et surtout, heureuse !

Le fait de parler des enfants – ainsi que le but personnel de ma venue ici – m’avait fait demander des nouvelles à propos de l’état de santé de mon amie et collègue, ainsi que de celle de son enfant. Ses premiers mots concernant son fils m’avait choqué et poussé à lui faire entendre raison, mais plus les choses s’expliquaient entre elles et moi, plus je prenais conscience qu’il y avait un gros écart de point de vue entre elle et moi. Malgré notre amour respectif pour les enfants et la médecine, Leanne et moi partagions des avis différents sur la question du handicap et de l’avenir de son enfant. Selon la résidente en pédiatrie, le handicap de son enfant était une chose inconcevable, et il était apparemment préférable qu’il meurt plutôt que de vivre avec un handicap. Je n’étais pas d’accord avec ce principe, et l’entendre de la bouche de Leanne me faisait vraiment bizarre. Comment pouvait-on être capable de penser que la mort valait mieux que la vie ??

Par soucis de compassion, je préférais penser que les mots de Leanne avaient un rapport avec le choc de son accident. Après tout, tout était encore récent, et après un accouchement, les dépressions post-partum étaient courantes. C’est peut-être avec ces mots que la dépression se manifestait. Le plus important c’est qu’elle prenne le temps d’y réfléchir. Et en attendant, je me devais de garder pour moi mon avis sur la question du handicap de son enfant. Autant changer de sujet. Je lui adressais alors un sourire et lui demandait innocemment
« Ils t’ont dit quand est-ce que tu pourrais sortir ? Je me doute que tu vas avoir besoin de repos, mais si tu veux, une fois que tu seras remise sur pieds : que dirais-tu de passer chez Paris pour venir dîner ? »

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