Ce soir c'était une espèce de soirée célibataire, Dean était occupé à faire je ne sais quoi, et je ne voulais pas le déranger pour autant. Certes, nous sommes un couple désormais mais ce n'est pas pour autant que je dois rester collée vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec lui. Non, je ne supportais pas cela, et je pense que lui non plus. Après tout, il faut bien un peu d'intimité de temps en temps non ? J'avais vécu trois années collée toute la journée ou presque à Chuck alors ma liberté, j'en avais besoin. J'avais besoin de mon espace vital même s'il était un peu réduit à un espèce de studio aménagé derrière la galerie depuis ma démission à la Cabot House, j'avais tout de même un semblant d'intimité. C'est pourquoi j'avais décidé de sortir ce soir, me vider la tête en dansant au Royale. C'était devenu l'un de mes endroits préférés pour sortir étant donné que je connaissais désormais un peu le barman qui était devenu mon "pote" après notre soirée avec Dean dans ce même lieu. Il me reconnaissait quand je passais y faire un tour, et il n'était pas rare que j'obtienne une consommation offerte par la maison. Il était vraiment cool comme type et j'étais heureuse de m'être fait connaître la bas. M'enfin, j'aurais préféré ne pas être connue parce qu'on pourrait me considérer comme un pilier de bar, alors que pas du tout, je ne sors pas toutes les semaines, je ne finis jamais bourrée le samedi soir, ça n'est arrivé qu'une fois et je ne me souviens toujours pas de la suite de la soirée, ce qui me perturbe un peu. Mais qu'importe. J'avais opté pour une petite robe noire simple, et des bottines, les talons je ne les supportais plus alors à plat, c'est bien. Je m'étais coiffée assez rapidement d'une queue de cheval haute et me voilà, accoudée au bar, en train d'attendre que Charles, le barman daigne prendre ma consommation. Lorsqu'il arrive près de moi, je lui souris et me dresse sur mon tabouret de bar pour lui faire la bise, il me demande des nouvelles "du mec de la dernière fois" et je ne pouvais lui répondre qu'en un sourire « Il va bien, mais ce soir il est occupé. Et je voudrais un sex on the beach s'il te plaît! » Je ne compte pas m'éterniser, mais je comptais bien boire un peu, pas trop pour ne pas finir complétement saoule, mais simplement bien. De toutes façons, la galerie n'était pas si éloignée que cela du nightclub alors je pourrais toujours rentrer à pieds. Le métro, ça m'énerve, les gens m'énervent et ma voiture est en bas de chez Dean, donc bien trop loin pour que je songe la prendre. Lorsque Charles m'apportait mon cocktail, je lui souriais en le remerciant, lui tendant un billet bien trop gros pour mon seul cocktail, mais c'était surtout pour son sourire, et sa jovialité. Sirotant ma boisson, je regardais autour de moi, les personnes présentes et visiblement, personne que je ne connaissais n'avait décidé de sortir.

Même si nous partageons beaucoup lui et moi, il est certains sujets qui restent tabous, tels les noms des femmes que nous côtoyons ou avons connues plus sérieusement que lors d'une seule et unique nuit. Peut-être est-ce un reliquat de notre passé dans la Winthrop House. Nous? Amourachés? Jamais....

Être flic a quelques avantages dont j'ai insidieusement profité tantôt en me rendant dans la Cabot House. Mais curieusement, impossible de trouver la jeune femme qui partage la vie de Carmichael. Cette fameuse rouquine du nom de Blackbird, cet oiseau de nuit, reste introuvable. Tout ce que j'ai réussi à dénicher comme informations, c'est que la belle a abandonné son poste de Présidente - rien que çà - pour vivre son amour au grand jour et prendre du temps pour elle. Une Cabot, démissionner, vraiment? Je n'ai jamais entendu plus grosse connerie de ma vie ce qui a éveillé d'avantage mes soupçons quant à ses réelles intentions envers le bon prof. Je le sais, Dean est quelque peu romantique sur les bords, ce qui le mènera à sa perte tôt ou tard. Et puis changer de comportement, lui qui animait avec si peu d'efforts le désir des femmes, et se ranger soudainement... Je me demande juste ce qu'elle lui a promis en échange de çà. Évidemment, je ne peux pas en parler avec l'intéressé directement sans risquer notre belle amitié. Une amitié qui s'est vue un peu consumée depuis que je sais qu'il a été avec la femme qui occupe continuellement mes pensées. J'ai pris cette révélation comme elle est venue, du mieux que j'ai pu. Et bien qu'il ne s'agisse que d'une histoire passée, le fait qu'il ai pu la toucher me laisse toujours aussi nerveux. Ce n'est pas ce que je pourrais considérer comme un coup de poignard dans le dos mais l'effet a été le même.

C'est en sortant du campus que finalement une autre cabot vient m'accoster et me dire qu'elle a entendu la jeune femme parler d'un endroit où elle a coutume d'aller. Le Royale le long de Charles River sur Boston, encore un night-club. Alors ce soir, j'ai bon espoir de l'y trouver après avoir envoyé un message à Dean pour lui demander s'il était occupé. Me rétractant au dernier moment, ayant prétexté un fâcheux contretemps, c'est donc là bas que je me rends vêtu de façon très décontractée: chemise, trench, et pantalon noir de sorte à ce que le videur n'oppose aucune résistance. Après quelques pas à l'intérieur, mon regard se pose déjà sur la masse grouillante et y discerner les traits de la rouquine vus brièvement sur un cliché n'est pas chose aisée. Soit. J'attendrais que les choses se calment un peu quitte à observer les portes de sortie plutôt que de la fliquer vainement et perdre mon temps. Je vais donc au bar et m'y adosse mollement, les yeux braqués vers l'autre coin de la salle lorsque j'entends d'une oreille indiscrète - déformation professionnelle - les discussions annexes.  « Il va bien, mais ce soir il est occupé. Et je voudrais un sex on the beach s'il te plaît! »

Je ne sais pas qui c'est mais déjà je peux lui assurer qu'elle se fait des idées si elle pense son gars tranquillement devant des dossiers. Regardez-moi, presque casé et pourtant je suis bel et bien là ce soir à essayer de coincer la petite copine de mon meilleur ami. Et comme le barman se trouve à proximité, j'en profite moi aussi pour commander d'une main levée:   "  Un Cosmo "  avant de détourner lentement les yeux vers ma voisine, " Un petit ami qui fait des heures supp, c'est toujours mauvais ", une rouquine, " signe..."

Je ne souhaitais pas encore m'afficher officiellement avec Dean, je ne l'avais d'ailleurs dit à personne à l'exception de deux de mes plus proches amis, Noah et Echo. Bon, je ne leur avais pas dit explicitement, mais nous avions passés tout les quatre un réveillon de Noël des plus sympas, et nous avons prévus -enfin c'est encore en cours de décision- de partir quelques jours, rien que tout les quatre loin d'ici, loin de Cambridge. Je n'avais pas remis les pieds à la Cabot House depuis mon abandon de poste, et je devais y retourner un de ces jours pour finir de récupérer les affaires que j'avais laissé, étant déjà bien trop chargé pour mon déménagement. Mais j'y retournerais, soit avant, soit après le road trip afin de finir de récupérer mes affaires, en espérant ne croiser personne. Je ne voulais pas avoir à m'expliquer sur mes actes, sur mon abandon, c'était une décision mûrement réfléchi mais je ne voulais en parler à personne. Je n'avais pas le coeur à ça. Peut-être un jour, ou peut-être pas. Je n'en savais que trop rien et franchement, je ne voulais pas réfléchir à cela pour le moment, le jour viendra où je les affronterais mais pas maintenant, c'est trop tôt, trop chaud.

De toutes façons, je ne dois pas penser à cela, ce n'est certainement pas le moment, moi qui comptait sortir pour justement oublier tout les soucis que j'avais pu accumulé et ce n'était pas en pensant à cela que j'allais justement les oublier, ces soucis. Je mettais un point d'honneur à ne pas me prendre la tête ce soir, ni à envoyer de textos à quiconque, à part peut-être à Dean. Je voulais continuellement savoir s'il allait bien, principalement à cause de mon père qui m'avait fait plus que peur quand il m'avait parlé de Dean et du fait que je devais le quitter, chose que je ne voulais pas faire, évidemment. J'aimais bien trop Dean pour partir, pour le laisser s'enfuir. Non, je ne pouvais pas -pour le moment, et pour le restant de ma vie je l'espérais secrètement- vivre sans lui. D'ailleurs cela me faisait souvent rire quand je venais ici et que Charles me demandait des nouvelles du mec de la dernière fois. Je me souviendrais toujours du début de cette soirée, quand le barman tentait de passer d'un côté à l'autre, étant à la fois du côté de Dean et du mien, selon la situation. Il m'avait bien fait rire et je pense que le jour où il ne sera plus la, je me chercherais un autre bar pour trouver un barman aussi sympa que ce petit blond amusant. Je n'avais pas l'habitude que les garçons me draguent, mais j'étais sûre qu'il ne le faisait pas. Après tout, il avait notre couple grandir en quelques sortes alors il ne valait mieux pas qu'il se risque à tenter quoi que ce soit, sinon il se ferait recaler. M'enfin qu'importe, je savais qu'il ne le ferait pas et c'était le principal. Lorsque je lui commandais un sex on the beach, je ne m'attendais pas à ce que la personne qui venait d'approcher près de moi et de s'installer de surcroît m'adresse la parole. Surtout pour se mêler de ma conversation. Me tournant alors vers lui, je levais les yeux au ciel avant de secouer la tête et de prononcer « Je vous demande pardon ? » Puis je sirote une nouvelle fois mon cocktail avant de rajouter « Qu'est ce que vous en savez qu'il fait des heures supplémentaires ? Et non ce n'est pas mauvais signe. »

Je ne suis peut-être plus très loin du but avec celle-ci et d'ailleurs ses traits ne sont pas sans me rappeler ceux de cette femme vu sur photographie. Elle est peut-être bien cette ex-cabot qui partage bien plus que son lit. Alors lorsqu'il me semble enfin avoir son attention et qu'elle me répond « Je vous demande pardon ? », un peu dans le genre " je ne vous ai pas sonné" mais pas grave, je me permets d'avantage de la toiser. Se mêler de la conversation des autres est chose courante dans ce genre d'endroit et reste, à ma connaissance, encore le meilleur moyen de faire des rencontres... que l'intervention plaise ou pas. Elle sirote donc son cocktail alors que je déporte machinalement mes yeux sur les nombreuses bouteilles à la teinte et aux formes variées, attendant patiemment de pouvoir en faire de même lorsqu'elle rajoute légèrement déplaisante « Qu'est ce que vous en savez qu'il fait des heures supplémentaires ? Et non ce n'est pas mauvais signe. » Bingo c'est gagné car même si elle n'approuve pas mes dires, la conversation est engagée.  Je ne pourrais dire ce que fait Dean en cet instant précis, peut-être chez lui, peut-être au complexe sportif du campus dans un but quelconque mais il va de soit qu'il va falloir redoubler de vigilance dans mon approche.   " Certes, tout dépend de ce qu'il fait comme profession " mais souvent c'est la pure et dure vérité et je conçois que certaines ne veuillent l'entendre. Et bien que je me permette de nous brimer de façon générale, nous flanquant sans retenue l'étiquette du queutard par excellence, je ne doute pas un seul instant de la fidélité de Carmichael. Il a longtemps été la cible de regards langoureux certes, désiré de part son statut de prof et attisant les fantasmes des étudiantes éperdues, il n'en reste pas moins celui avec qui j'ai passé ces longues années à graviter autour du campus. Pourtant il a.... couché avec une femme qui compte tant pour moi et rien ne ferait plus plaisir que de me venger, par orgueil et par fierté. Je suis comme qui dirait le cul entre deux chaises, à peser le pour et le contre, mon amitié ou ma tendresse et selon ce que cette femme dira, prêt à tenter le diable et à tout foutre en l'air.

Alors quand enfin revient le serveur armé d'un verre à la couleur sanguine, je ne peux qu'afficher un bref sourire à ce dernier avant de le remercier lorsqu'il me tend ma commande. Quelques seconde s'effilent, plutôt pensif, avant que je ne daigne réentamer la conversation d'un " A votre santé alors et puissiez-vous avoir raison et moi tort. " A peine la phrase prononcée que j'avale à mon tour une gorgée pour finalement regretter de ne pas avoir reporté mon choix sur quelque chose de plus corsé. Ce n'est pas tous les jours que l'on tente de la petite amie de son meilleur pote et vu l'attitude de la demoiselle, cela va prendre un certain temps avant de gagner un semblant de sa confiance. Je me tourne alors vers elle, souriant " Au fait. C'est pas pour ce que ça coute mais.. Moi c'est Clayton. Maintenant, vous pourrez ajouter un nom au con qui a pu douter de votre relation. "

Je n'aimais pas que l'on me dérange alors que je voulais passer une soirée tranquille. Bon, je ne disais pas non plus que l'homme qui venait de m'aborder me dérangeait mais je ne supportais pas qu'il me parle de Dean de la sorte. Non, je ne tolérais pas qu'on parle de lui alors qu'il n'était pas là. Mais je savais que si cet homme m'importunait, je ne me laisserais pas faire. Et de toutes façons, Charles travaillait alors je savais  que je n'avais pas de soucis à avoir. Je pourrais le faire virer sans soucis. Mon ton était sec quand je lui répondais mais en même temps, je ne m'attendais pas à ce qu'il me tire de mes pensées, ni même qu'il n'écoute ma conversation avec Charles d'ailleurs J'espèrais intérieurement qu'il avait calculé qu'il m'avait importuné et qu'il ne recommencerait pas. Je sens son regard sur moi qui me gêne un peu et quand il me toise, je sens mes joues qui se teintent de rouge. Il fallait vraiment que j'arrête de réagir de la sorte, à rougir pour tout et rien. C'était un de mes défauts les plus importants et ce saleté défaut me trahissait souvent. D'ailleurs c'est certainement à cause de cela que je lui répond aussi sèchement quand il me dit que mon professeur de petit ami doit faire des heures supplémentaires, à cette heure s'il faisait des heures supplémentaires... je n'osais pas imaginer quelle genre d'heure supplémentaire. " Certes, tout dépend de ce qu'il fait comme profession "   Je calmais les accélérations des battements de mon coeur et je fermais quelques instants les yeux, cherchant à calmer mon timbre de voix pour éviter de l'agresser avant de répondre “Il est professeur de sport. Donc non, les heures supplémentaires, ce n'est pas pour lui.” Et je lui souriais assez satisfaite de ma réponse, un sourire comme pour lui dire Et toc, monsieur je sais tout comme une enfant de cinq ans. J'ai une entière confiance en lui, je sais qu'il ne fera pas l'imbécile. Parce qu'il m'a prouvé qu'il m'aimait, il m'a dit qu'il m'aimait alors que ce n'était pas dans ses habitudes, je ne le connaissais pas aussi romantique et il me le prouvait chaque jour. Comme quand il m'avait offert ce double de sa clé d'appartement comme une espèce d'engagement. Un engagement pour nous deux. Un engagement qui signifiait beaucoup pour moi.

Je sirote une gorgée de mon cocktail quand Charles lui apporte le sien et je sens mon coeur qui se serre, j'ai un peu peur de la suite de la conversation vu comment elle semblait être partie. Mais cet homme ne pouvait rien me faire ce soir. Et il n'avait pas l'air d'être un psychopathe, ce n'était donc sûrement pas un sbire de mon père. “J'ai confiance en Dean, mon petit ami, et je suis sûre d'avoir raison.” rajoutais-je, têtue. J'étais persuadée qu'il avait tort et il ne me ferait pas changer d'avis. Je continuais à siroter mon cocktail, gardant ma paille dans la bouche et le regardant du coin de l'oeil alors qu'il continuait de parler. Je souriais en lâchant ma paille et je le regardais en tendant la main “Je m'appelle Solveig.” Et je continuais de lui sourire, avant de rajouter “Je suis désolée de vous avoir agresser sinon.” Et je finissais mon verre avant de briser le silence une nouvelle fois “Laissez moi vous offrir votre prochain verre.” C'était plus une affirmation qu'une question d'ailleurs.