« Tu es sûre que tu ne te précipites pas trop ? Quitter New York pour Harvard, sur un coup de tête, enfin… Je veux dire, tu viens à peine de divorcer et je conçois que cette ville te rappelle ton attache à lui, mais tout de même. Ta vie, tes amis, ton travail, tout se trouve ici… »
Je souris et relève les yeux vers lui. Il a toujours voulut me protéger, il a toujours veillé à ce que je fasse les bons choix, que je ne me trompe pas, que je ne souffre pas. C’est le rôle d’un grand frère et pourtant aujourd’hui j’aimerai qu’il ait simplement confiance. Je me relève, range le dossier que je viens de boucler dans le tiroir d’où je l’ai extrait quelques heures plus tôt et attrape mon sac à main pour y repêcher mon téléphone portable. Je pianote quelques mots dessus avant de soupirer.
« Aujourd’hui tout est ici, mais peut être que demain tout sera là bas. Enfin, réfléchis, je ne fuis pas New York parce que Drew y habite et parce que notre divorce me fait souffrir. J’ai accepté notre séparation, je l’ai même choisie. Mais j’ai envie de nouveaux projets, de rencontrer de nouvelles personnes. Hier c’était Drew, S&G, New York. Demain ce sera peut être un autre, à Harvard, et si ce n’est pas le cas, et bien j’ai un projet qui me prendra bien du temps. Je veux lancer ce magasine dont je t’ai parlé. On me soutient. Alors s’il te plaît, cesse de t’inquiéter pour moi… Je suis grande. »
Je sais qu’il ne pourra jamais s’arrêter de s’inquiéter pour moi cependant. Il a prit cette habitude quand nous étions tout jeune, et que mon père s’en prenait à nous, sous l’effet de l’alcool. Une enfance rose ? Nous n’en avons pas eut, mais depuis que nous vivons loin de ce cocon familial dévastateur, nous avons toujours été très heureux, ensemble, envers et contre tout. Et pour rien au monde je ne voudrais que les choses s’arrêtent. C’est sûrement la personne qui me manquera le plus à Harvard.
« D’accord Naïma… Je te soutiendrais. Mais tu sais que tu vas me manquer quand même ? »
Je pose mon téléphone sur le bureau et m’approche de lui, avant de le blottir contre moi. Je suis toute petite dans ses bras. Il me serre fort contre lui, soupire un coup et repousse une mèche de ma chevelure.
« Toi aussi tu vas me manquer. »
Ces quelques mots s’échappent de mes lèvres tandis que je me retire de son étreinte. J’enfile ma veste, m’empare de mes affaires et l’entraîne vers la sortie.
« Allons manger quelque chose, mon ventre crie famine… »


Je quitte le restaurant, et me dirige vers Central Park. Bientôt je ne vivrais plus ici. Dans une semaine en réalité, le temps passe à une vitesse incroyable, les choses ont tellement changées, et si vite. Il y a un an, j’étais mariée, il y a un an je pensais passer toute ma vie à New York, je m’épanouissais dans mes problèmes et ne voulais pas sortir la tête de l’eau pour tout recommencer, et pourtant, aujourd’hui je ne regrette pas d’avoir changer. D’avoir commencer une nouvelle vie.
« Naïma ? »
Je connais trop bien cette voix.
« S’il te plaît ne me frappe pas, ne t’en vas pas sans me répondre… »
Je ne réponds rien. Je n’ai tout simplement pas envie de parler à cet instant précis. Il est la personne que j’ai le moins envie de voir de cette ville toute entière. Et pourtant c’est lui qui vient de m’interpeller. Peut être que machinalement mes jambes m’ont menées ici parce qu’inconsciemment j’avais besoin de lui dire au revoir. Un adieu définitif. Je repousse cette pensée, c’est impossible. Consciemment ou non, je n’ai plus rien envie d’avoir à faire avec lui.
« Drew fiches moi la paix. Je t’ai donné bien assez de mon temps. »
Il pose sa main sur ma bouche, et se colle contre mon dos. J’ai juste envie de le gifler lui et son assurance à toute épreuve. Lui et son eau de parfum nauséabonde. Je me dégage de cette étreinte qui me donne la nausée.
« Je te rappelle que nous avons divorcé, ce qui sous entend que tu n’as plus le droit de t’approcher autant de moi. Fiches moi la paix. »
Je presse le pas afin d’échapper à cette conversation, bien que je le connaisse assez bien pour savoir qu’il me suivra jusqu’à m’avoir dit tout ce qu’il souhaite. Têtu, énervant, déterminait et agaçant. A cet instant précis je me rends compte que nous avons bien fait de divorcer. Nous ne sommes tellement plus les deux jeunes amoureux que nous étions autrefois. Nous nous sommes éloignés, il est devenu l’homme possessif qui veut avoir le contrôle sur tout, je suis devenue la jeune femme indépendante qui ne veut pas être contrôlée, et tout s’est terminé en véritable fiasco. Pas qu’il n’y ait plus d’attachement, juste que nous ne nous supportons plus. Et que ses envies d’ailleurs m’ont trop souvent blessées. Toutes ces nuits où il fricotait sans jamais penser qu’il pouvait me perdre, que je n’étais pas acquise...
« J’ai lu un article sur toi qui dit que tu quittes New York. Je pense que tu devrais y réfléchir à deux fois. Je risque de te manquer. »
Je soupire un bon coup, prends mon courage à deux mains et me retourne vers lui, finalement, après six mois de divorce, j’ai enfin la force de lui faire des reproches. Comme une dernière discussion, une mise au point avant mon départ.
« Tu ne me manqueras pas une seconde toi et tes goûts pour la nuit, les autres femmes, ou l’alcool. Je me passerai volontiers de tes absences, de ta possessivité, de ton envie de contrôler ma vie, de restreindre mon succès, mon ambition. Je serai enfin ravie de ne plus être ton objet, de ne plus être celle que tu amèneras en réception, tel un trophée. Je veux être la personne que je suis, pas ton ombre. Pas la femme que tu blesses. Et c’est pour cela que j’ai demandé le divorce. Pour ouvrir les yeux, sur ton infidélité répétée, sur le fait que tu me gâches la vie, que tu me séquestres dans un monde que je ne veux plus. Je ne te supportais plus, je ne t’aimais plus, je t’ai quitté. Et tu ne me manqueras pas une seule seconde tu comprends ? »
Son visage se décompose, son regard me fait presque de la peine. J’y suis peut être allée un peu fort, mais après tout… Il s’approche délicatement de moi, dépose un baiser sur mon front. Je fronce les sourcils, m’apprêtant à recommencer ma tirade puisqu’il ne semble pas comprendre mais il lève les mains comme pour m’empêcher de continuer sur ma lancée.
« Je suis désolé. Je voulais juste te souhaiter bonne chance… »
Aucun mot ne sort à présent de ma bouche. Etonnée de la sincérité que je lis dans ses yeux, je reste figée alors qu’il reprend sa route, en sens inverse et s’enfuit au milieu de la foule. Je le regarde s’éloigne. Je fixe mon passé s’enfuyant…. Et je pense déjà à mon avenir…