Talya me faisait rire, comblait ce vide qui était en moi même si nous n'étions qu'amis. Elle me comprenait, savait sûrement que je n'étais pas le connard que je prétendais être et que tout ceci n'était qu'illusion. Ces airs que je me donnais, ces sourires que je faussais, tout ça pour cacher mon mal-être. « Je ne le ferais jamais souffrir, tu devrais le savoir, j'ai des limites » la rassurais-je en souriant, à sa place je me serais aussi méfié. Si ça se trouvait dans vingt, trente ans, je serais encore plus désespéré, enchaînant les conneries, toutes plus énormes les unes que les autres, me mettant dans une merde incroyable. Ce jour là je regretterai peut-être d'avoir agi de la sorte dans le passé mais, là tout de suite, ça m'avait évité bien des soucis malgré ma réputation de merde. « J'y ai eu droit à jour.. Il m'a été enlevé, depuis j'ai plus envie de m'battre, à quoi bon ? Ouais mais Talya, toi t'es pas naïve, je parle de ceux au sourire béat qui regardent vers le ciel en priant un Dieu qui n'existe peut être pas. Toi tu sais quand quelque chose va mal, tu te voiles pas la face. Tu espères et ça c'est pas de la bêtise » tentais-je de me rattraper, un sourire aux lèvres, lui avouant en même temps que je n'avais plus envie de croire au bonheur. Je voulais garder les quelques années heureuses avec ma mère en tête, hors de question que je les remplace avec d'autres souvenirs. Ma mère était la meilleur chose qui m'était arrivé et je comptais bien continuer à croire ça, peu importe si cela voulait dire être malheureux pour le reste de ma vie. « Vas y, te gêne pas, tu aimerais savoir quoi sur quelle fille ? » demandais-je à Talya, prêt à lui dire ce qu'elle voulait entendre, ne voyant pas encore tout à fait où elle voulait en venir.

« Y'a intérêt ouai si tu veux pas te retrouver six pieds sous terre avant l'heure !» Je le taquine un peu puis quand il finit de donner le biberon de Mila je reprends mon petit paquet et la cale sur mon épaule pour lui faire faire son rot. Elle est pénible la demoiselle pour faire son rot alors je préfère ne pas embêter mon blondinet. « T'sais qu'il y a un truc qui s'appelle la seconde chance ? » Et c'est assez magique quand on sait l'accorder et quand on saisit cette seconde chance, mais Damon n'a pas l'air de vouloir se la donner, il n'a pas l'air de croire qu'il la mérite tout simplement. J'aime pas l'entendre parler comme ça et en plus de ça je vais en rajouter une couche avec ce que je vais lui demander. Finalement j'aurais peut être dû ne pas poser cette question qui allait être suivie par une autre. « Kara. » Je balance le prénom histoire qu'il se mette déjà dans le bain, qu'il sache de quoi on va parler, qu'il se prépare à la question qui va arriver. « Je veux ta version. » En fait je veux tout qu'il me raconte lui, je veux avoir son ressenti et vraiment ses sentiments dans cette histoire. Puis qu'il ne fasse pas l'étonné je suis sûre qu'il s'attendait à ce que je lui demande après sa visite l'autre jour alors que je l'hébergeais temporairement.

A peine son nom fut prononcé que des frissons parcoururent mon corps, des souvenirs remontèrent à la surface et des sentiments longtemps niés répondirent présent. Kara était la seule femme qui avait conquit mon cœur, la seule femme à qui je m'étais totalement donné, laissant tout de côté, oubliant mes problèmes le temps d'un après-midi avec elle. Elle était celle que j'avais lamentablement jeté, tel un déchet, et que pourtant je n'arrivais pas à effacer de ma mémoire. Il n'y avait plus aucune chance pour qu'on se remette ensemble et pourtant une partie de moi continuait d'espérer, aveuglée par cet amour qui grandissait. Talya voulait ma version, évidemment qu'elle allait me la demander après ce qui s'était passé la dernière fois. J'étais venu chez elle pour prendre de ses nouvelles et avais vu Kara, comme toujours, j'avais fui, prétextant autre chose à faire. Malheureusement pour elle, notre histoire n'étais pas un conte de fée entre deux gentils. Non, c'était l'histoire d'une magnifique créature qui s'était éprise d'un monstre, comme attendu, ce dernier l'avait détruite, l'abandonnant à son sort, s'en allant sans se retourner, espérant n'éprouver aucun regrets. Mais ils étaient bel et bien là, peu importe combien de fois j'avais tenté de les ignorer. Fronçant les sourcils, je me levais, j'avais besoin de marcher, de souffler un peu. « C'est rien, juste une ex » répondis-je me refermant automatiquement. Talya me voyait comme un mec bien, lui raconter ça tâcherait l'image qu'elle avait de moi. Elle pensait me connaître, que j'étais un ange peut-être, et c'est justement pour cette raison que je refusais de lui raconter toute l'histoire, jusqu'à ce que je croise son regard. Elle semblait deviner que quelque chose n'allait pas, qu'il y avait plus que ça. A quoi bon lutter ? « Elle a été mon premier amour et ça s'est misérablement fini, j'ai agi comme d'habitude, en connard. » avouais-je en soupirant, faisant mine que rien de tout ça ne me touchait.

Voilà le sujet Kara est lancé et je compte bien savoir tout ce qu'il y a derrière. Je veux la version complète de Damon, pas ces quelques mots qu'il veut bien laisser sortir de sa bouche. « Et la version longue ça fait quoi ? » Comment expliquer une histoire compliquée, une histoire d'amour en à peine deux phrases. Sérieusement, il croyait vraiment que j'allais me contenter de ça ? Il se mettait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude le petit. « Damon dis moi les choses. Enfin je veux dire que tu pourrais être le pire connard de la terre que mon avis ne changerait pas sur toi. On fait tous des erreurs, on fait tous souffrir des gens à un moment ou à un autre. T'sais quand même que j'ai brisé Priape en le trompant, en ne sachant pas de qui était Mila au début, en l'aimant toujours maintenant et l'empêchant de passer à autre chose ? Tu vois je suis un monstre aussi mais non tu me vois pas comme ça alors parle moi. Ouvre toi bordel ! » Est ce que j'ai une tête de monstre ? Non vraiment pas on dirait un ange et je n'ai pas foncièrement de méchanceté au fond de moi, comme lui et qu'il ne s'embête pas à tenter de me prouver le contraire c'est peine perdue.

Talya me demanda la version longue de l’histoire, les détails ce qu’il s’était vraiment passé, pourquoi j’avais agi ainsi en gros. Malheureusement je n’étais pas prêt à en discuter, à m’ouvrir sur une relation qui m’avait réellement marqué. Kara était une femme géniale, brillante, belle et j’avais coupé tout contact avec elle pour une raison qui m’était inconnue. Ne sachant pas comment expliquer mon comportement, je ne dis rien, cherchant un autre sujet dont on pourrait parler. Cependant, Talya ne laissait pas tomber, se confiant à moi, évoquant Priape, leur enfant, toute la souffrance qu’elle pensait avoir engendré. « C’est pas pareil. Priape aurait dû te pardonner, et puis tu te bats toujours pour lui et ce n’est pas une honte. Moi j’ai… » Je m’interrompais, secouant la tête, fronçant les sourcils, ne voulant pas en dire plus. Kara avait souffert et rien n’avait été fait pour l’apaiser, au contraire, elle avait été mise de côté tel un déchet alors qu’elle était une perle rare. Comment dire ça à Talya sans sentir mon cœur se serrer ? Il allait falloir trouver un moyen. Inspirant, je commençais à raconter : « Je me suis pas battu pour elle, on était en couple depuis un an et, le soir où mon père est mort, j’ai bu. Je savais plus ce qu’il se passait alors je suis sorti, me suis servi un autre verre, puis deux, puis trois puis… Une femme est venue, elle m’a dragué, on a parlé et je te laisse imaginer comment ça s’est fini. Mais j’ai pas eu le courage comme toi de le dire à Kara alors j’ai arrêté de l’appeler, de lui répondre, comme si elle n’existait plus ». Soupirant, je me levais pour me servir une bouteille d’eau, faisant comme si de rien n’était, comme si tout cela ne me touchait pas alors que cela me donnait l’impression que mon cœur était ouvert, que la blessure était encore à vif.

« Le juge pas, c'est plus facile à dire qu'à faire malgré toute la bonne volonté qu'on peut y mettre. » Et oui je prends la défense de mon ex, ce n'est pas la première fois et surement pas la dernière parce que je le comprends autant que je lui en veux. Je l'aime autant que je le déteste de ne pas me pardonner. Ces sentiments si opposés sont ce qui faits que je n'arrive pas à passer à autre chose si facilement. « Je crois que je suis en train d'arrêter d'essayer de me battre, je fais pas le poids face à une cabot. » Jusque là il n'y avait personne mais maintenant... Je ne voulais pas être en compétition, je ne voulais pas être comparée, déjà que ça ne m'avait pas plu avec Caly. Je saisis la main de Damon quand il me raconte son histoire. « Eh... T'es juste un connard avec une bonne excuse. Tu vois t'es moins pire que moi, toi t'as une vraie excuse. » Ca n'excuse pas le fait qu'il ne lui ait plus donné de nouvelle et ça n'excuse pas son geste non plus, mais j'essaie de le faire dédramatiser. « T'étais amoureux ? Et maintenant ? »

Mon regard était posé sur nos mains entrelacées, la sienne serrant la mienne comme un geste de réconfort. Parfois il m'arrivait de me demander ce que cela aurait donné si nous nous étions connus dans d'autres circonstances. Serrant sa main à mon tour, je nous imaginais dans un bar, deux jeunes âmes brisées, tentant de noyer les problèmes dans l'alcool, cette boisson qui n'avait plus aucun secret pour moi. Les choses auraient-elles été différentes ? Sûrement pas, Talya et moi avions cette connexion spéciale qui se serait mis en place peu importait les circonstances. Souriant, je relevais la tête vers Talya, la seule femme capable de me remonter le morale quand rien n'allait, qui arrivait à me faire oublier les actes atroces que j'avais pu commettre. Parfois, j'avais l'impression de ne pas être devenu l'homme que j'espérais être, que je n'étais qu'un enfant en quête d'une raison de vivre. Alors je faisais tout et n'importe quoi, espérant qu'un jour quelque chose aurait de l'importance, comme un chercheur qui creusait partout, abîmait la terre en espérant trouver de l'or. « Et si on arrêtait de se comparer ? Même si j'avoue que le terme de connard me va plutôt bien ! » lançais-je en plaisantant, me fichant de ce surnom qu'on me donnait. Après tout, ce que les autres pensaient ne me définissait pas forcément. Ils n'étaient pas à ma place, oui, personne ne pouvait comprendre les problèmes des autres alors de quoi se mêlaient-ils ? De quoi se mêlait Talya en me demandant si j'étais encore amoureux ? « Et maintenant on s'en fout. » répondis-je sèchement, me braquant dès qu'il s'agissait de sentiments. Je lâchais la main de Talya et m'éloignais un peu plus d'elle, instaurant ainsi une certaine distance entre nous deux. « Au pire ça changera rien que tu le saches, Kara est partie, comme Priape, faut arrêter de s'acharner ».

« T'es mon adorable connard à moi ! » Lui dis je en rigolant et en venant déposer un baiser sur sa joue. Je l'adore, quoi qu'il fasse il reste et restera mon ami alors qu'il ne s'en fasse pas. On fait tous des erreurs dans la vie, ça arrive et c'est tout, c'est comme ça, personne ne doit juger, il faut juste accepter et apprendre à vivre avec. « Ok tu l'aimes encore. Mais je ne demande rien de plus. » Je veux qu'il sache que j'ai compris, que je sais où en sont ses sentiments c'est pour ça que je me tente de le dire à voix haute mais j'espère qu'il ne va pas mal le prendre, que ça ne va pas lui faire mal ou autre, ce n'est pas mon but. « Kara est ici, dans la même ville que toi, dans la même confrérie et sur le même palier que moi en ville... Kara réagi de la même manière que toi et est blessée que tu sois parti sans rien dire, comme ça... Tu crois vraiment qu'elle s'en fout ? Qu'elle serait autant sur la défensive quand on parle de toi si tout était fini ? » Un peu comme moi et Priape d'ailleurs. Si les sentiments n'existaient pas les deux histoires seraient bien plus simples depuis des jours et des semaines, même des mois et des années, il fallait arrêter de se voiler la face.