Tout au long de notre vie, nous faisons des rencontres mémorables, des personnes qui nous marqueront à jamais peu importe ce qu'il se passera. On se doit de leur être redevable car ce sont elles qui changent notre vie, nos buts, notre manière de voir les choses. Lorsque rien ne va et que les ténèbres vous entourent, elles sont cette lueur dans l'obscurité vers laquelle vous êtes attirés. Talya était cette personne pour moi, celle qui me raisonnait quand je faisais une connerie ou que j'étais sur le point d'en faire une. Elle était la seule femme qui me comprenait, qui savait voir au delà de cette image de connard. Il était vrai que j'agissais comme le pire des crétins mais je n'avais pas eu le choix si je voulais m'en sortir. Lorsque vous voyez votre famille s'écrouler et que le chagrin s'empare de vous, le seul moyen de s'en sortir et de nier tout sentiments. Voilà pourquoi j'étais aujourd'hui insensible, la souffrance était trop dure à supporter, s'attacher était trop risqué. Alors je continuerai à aller de lit en lit, de femmes en femmes, les seuls que je garderai à mes côtés seraient mes amis. Le reste du monde pouvait aller se faire voir. Aujourd'hui était consacré à Talya et moi, en honneur à cette relation si spéciale qu'on avait. Voilà pourquoi je lui avais envoyé un message la prévenant que je serais chez elle bientôt. La plupart des femmes se dépêcheraient de se préparer et m'engueuleraient pour venir à l'improviste mais je m'en foutais. Là c'était de Talya qu'on parlait et, je savais que même si elle me criait dessus, elle m'adorait. « Tiens, je t'ai acheté un bouquet de fleurs sur la route, histoire de te donner plus de temps pour t'habiller et faire tout ce que les femmes font pour être prête ! » plaisantais-je en lui tendant le bouquet une fois en face d'elle.

Quand j'ouvre la porte, j'ai encore une serviette de toilette enroulée sur la tête pour retenir mes cheveux mouillés, ma brosse à dent dans une main parce que j'allais essayer de me brosser les dents, et Mila dans l'autre, parce que bien sûr le brossage de dents, c'était avant que Mila ne se mette à pleurer pour que je la prenne. Du coup j'étais à moitié habillée et les filles étaient à moitié prêtes aussi, enfin c'était le bordel quoi. Bienvenue dans ma vie. Le bouquet de fleur me fit rire, son attention en fait c'était ce qui me faisait rire, mais qu'il arrive maintenant ou dans une demie heure, je m'en fichais bien qu'il me voit comme ça, c'était ma vie, mon quotidien, et il le savait. « Tu sais où y'a des vases dans cet appartement, fais comme chez toi et par pitié prends Mila le temps que je me brosse les dents et que je lui fasse son biberon ! » Et op sans rien dire je lui donne la petite et je file dans la salle de bain me brosser les dents. Je reviens quelques minutes plus tard les fleurs sont posées sur le bar de la cuisine et Damon est bien trop absorbé par la petite chose qu'il a dans les bras et qui gesticule dans tous les sens parce qu'elle a faim. Je mets donc les fleurs dans l'eau et je fais le biberon tout en lui disant : « J'ai le droit de te faire le coup du : tu donnes le biberon pour que je gagne un peu de temps pour me préparer, enfin nous préparer et que tu ne m'attendes pas trop longtemps ? » Je lui fais les petits yeux et ma tête d'ange puis je viens déposer un bisou sur sa joue parce que dans la précipitation je ne l'ai même pas salué. Ca devrait marcher. Je l'espère.

Tout à coup, je me retrouvais avec un bouquet de fleurs dans une main et un bébé dans l'autre, tout seul dans l'entrée, sans savoir quoi faire. Talya m'avait dit de faire comme chez moi, sauf que, dans ma maison, il n'y avait pas de bébé dont je devais m'occuper. Que faire avec ce petit bout qui m'observait pour ensuite se mettre à pleurer car elle voulait quelque chose. « Tu peux pas être surdouée et apprendre à parler en avance ? » demandais-je en grimaçant à la petite chose qui me cassait maintenant les oreilles. Regardant à droite, à gauche, je finissais par remarquer le bar de la cuisine sur lequel je posais mes fleurs pour pouvoir me concentrer totalement sur Mila et son langage incompréhensible. Je la tenais donc, les bras tendus, devant mon visage, réfléchissant à ce que je devais maintenant faire. « J'ai le droit de te faire le coup du : tu donnes le biberon pour que je gagne un peu de temps pour me préparer, enfin nous préparer et que tu ne m'attendes pas trop longtemps ? »  Je relevais la tête, remarquant que Talya était enfin arrivée avec un nouveau service. En plus de tenir le bébé, je devais m'en occuper ? Non pas que ça me dérangeait mais jamais je n'avais nourri un si petit être. Affolé je ne savais pas quoi faire, ne pouvant évidemment pas lui refuser ça après son bisou et son air angélique. Sur un ton paniqué, je tentais de communiquer : « Mais.. attends ! Pourquoi, euh non, comment ? Elle n'arrête pas de gesticuler, et si elle me crachait dessus ? T'as pas un manuel ou une vidéo explicative ? » Désespérant, c'était le mot qui me qualifiait là tout de suite.

Née d'une maman dunster et d'un papa dunster aussi, Mila n'est pourtant pas née en sachant parler avant même de savoir faire autre chose, alors la remarque de Damon me fait sourire. Il ne faut pas qu'il s'en fasse, elle a faim et puis elle couine un peu quand elle a envie, il le faut, sa développe ses poumons. Quand je reviens, je prépare le biberon et je le charge de lui donner mais il a l'air complètement dépassé, complètement paniqué. Ca me fait rire. « Aller panique pas viens là. » Je l'attire vers le canapé et lui fais signe de s'assoir bien confortablement. Il a toujours Mila dans les bras. Il est bien calé maintenant. Je mets la bavette à la petite et je donne le biberon à Damon. « Tu crois que j'ai eu le manuel d'utilisation moi quand elle est sortie ? Tu vas y arriver ! » Je me relève et je lui tapote le bras pour accompagner mes derniers mots. Je fais semblant de partir mais je rigole et je reviens m'assoir à côté de lui. « Mets bien sa tête dans le creux de ton coude qu'elle soit bien. Tu mets bien la biberon avec la bulle au dessus et tu fais attention que la tétine soit toujours remplie. Puis voilà. Si tu vois qu'elle s'endort tu la chatouilles un peu, et si tu vois qu'elle a du mal tu lui fais faire une petite pause... Mais là elle risque d'hurler parce qu'elle a faim... Ca va aller ? » Je tourne mon visage vers celui de Damon qui est tout proche et je souris. Son regard croise le mien, j'ai confiance en lui alors je file à la salle de bain finir de me préparer et je reviens vers lui, j'ai encore Charlie et Mila. Mon dieu. Je suis crevée. « Dam' tu veux vraiment sortir ou on peut rester là ? Genre j'ai pas besoin de préparer les nénettes quoi... »

Talya me disait de ne pas paniquer, me forçant à m'asseoir sur le canapé, comme si donner le biberon était la chose la plus simple au monde. En plus de ça elle me mettait le biberon dans les mains et s'en allait, mon regard eut le temps de passer de Mila au biberon avant de retourner à nouveau sur Mila. Heureusement son geste n'était qu'une feinte, Talya était maintenant à côté de moi, sa présence me calmant un peu. Le stress commença à retomber lorsqu'elle m'expliqua étape par étape comment nourrir un bébé. « Oui ça va aller » lui répondis-je, attendri par Mila dans mes bras en train de boire son lait. Elle était terriblement mignonne, maintenant je comprenais pourquoi les hommes avec un bébé dans les bras avaient énormément de succès auprès des femmes. Les mains de Mila essayaient d'attraper le biberon alors que ces petits doigts n'arrivaient même pas à en faire le tour. Je riais doucement à la vue de ses mains si minuscules. Comment certains parents pouvaient-ils maltraiter leur enfant ? Maintenant cela me semblait impensable. Relevant la tête d'un coup vers Talya, je lui répondais : « On peut rester là, c'est comme tu préfères, je n'avais rien prévu de spécial ! » Puis souriant, je reportais mon regard sur Mila : « Puis comme ça je pourrais apprendre à être un bon père.. On ne sait jamais, peut-être qu'un jour.. » commençais-je à dire avant de m'arrêter. C'était bien la première fois que j’envisageais de fonder une famille, ce sentiment était extrêmement étrange. « Tu crois aux miracles ? » demandais-je, évitant son regard, gêné. Pour une fois, je me voyais ailleurs que dans la rue en train de boire, j'arrivais à m'imaginer dans un foyer au chaud, mon bébé dans les bras. J'espérais vraiment que cette dernière image était mon futur.

Après une petite feinte je reviens près de lui pour lui expliquer un peu plus les choses et le mettre en confiance. Il se détend et finalement ne se débrouille pas si mal que ça. Ca lui donne même des idées et même si ça me surprend, ça a le don de me faire sourire. Damon papa, je ne sais pas si je suis prête à l'imaginer pour le moment, c'est beaucoup trop abstrait et impossible actuellement avec son comportement et ce n'est surement pas ce dont il rêve. « Si ça te dérange pas, ouai je préfère qu'on reste tranquille là, c'est toujours une expédition du diable pour trainer les filles ! » Même si Mila était la deuxième et que j'étais plus rodée maintenant, je devais quand même sortir avec deux bébés et niveau organisation ce n'était pas simple. Puis parler de lui et de ce qu'il venait de me dire, ça m'intéressait plus qu'aller voir les feuilles tomber dans un parc ou je ne sais où. « T'es vraiment sérieux dans ta question là ? Y'a pas de miracle tu seras papa un jour j'en doute pas, mais par contre ça me surprend que tu y penses là maintenant en tenant ma fille dans tes bras. » Un petit bout lui fait penser à ça c'est mignon, puis je ne peux m'empêcher de le taquiner : « En plus, chatain avec des yeux bleux, elle pourrait te ressembler hein ! » Mais impossible comme on a jamais couché ensemble et qu'elle est bien de Priape, aucun doute là dessus.

Talya décidait finalement qu'on resterait ici, je souriais alors, soulagé de pouvoir garder Mila un peu plus longtemps dans mes bras. Puis, comme ça, elle n'aurait pas à préparer les deux petites et je n'aurais pas à patienter sur le canapé, comme un con, en ne sachant pas quoi faire pour aider. Plongé dans les yeux bleus de Mila, j'écoutais d'une oreille distraite ce que Talya avait à me dire. Elle était certaine que j'allais fonder une famille et ainsi être père, si seulement j'avais son assurance.. Je rigolais et pourtant mon regard était triste. Un père, peut-être mais un bon.. Cela restait à voir. « Tu sais, je n'avais jamais tenu de bébé dans les bras avant. C'est peut-être pour ça que l'idée m'a traversé l'esprit ! Et puis, fais gaffe, Mila me ressemble tellement que les gens pourraient croire que je suis le père, donc aucun mal à la kidnapper » plaisantais-je en lui faisant un clin d'oeil. Jamais je ne ferai de mal à la famille de Talya et ça, elle devait le savoir. Au contraire, j'avais décidé que j'allais veiller sur eux et tout faire pour qu'ils ne manquent de rien. « T'es tellement sûr de toi mais dis moi, qui voudrait de moi ? Un mec qui couche partout ? Qui adore faire du mal ? » demandais-je en soupirant, n'étant même pas sûr qu'elle ait une réponse à me donner. Par peur d'un vent, je changeais de sujet :« D'ailleurs, elle le finit quand son biberon ? »

« Jamais jamais ? » J'ai du mal à le croire en fait parce qu'on a toujours un petit bébé près de soi, dans son entourage, dans sa famille, ses amis, mais à première vue non, ou alors personne n'a jamais osé lui mettre dans les bras. Moi, il est arrivé, je lui ai collé Mila sur les bras et il n'a pas eu le choix, mais j'ai confiance. « Tu ne voulais pas ou les gens avaient trop peur que tu le fasses tomber ? » Si petit ça rebondit il ne faut pas avoir peur, ironie lol. « Tu ne kidnappes pas ma fille... Mais ouai c'est frappant cette ressemblance, on devrait chercher si on a pas des liens de parentés toi et moi, parce que la ressemblance vient de là ! » On est tous les deux de beaux blonds aux yeux bleus, la voilà l'explication, il n'y a pas besoin de chercher plus loin. « Ouai je suis sûre de moi... Tu vas arrêter d'être un con qui fait du mal un jour non ? T'sais ce jour où t'auras trouvé la nana qui te donne envie de changer... » Je plante mon regard dans le sien, j'ai envie de le convaincre qu'il peut le faire, qu'il n'est pas foncièrement mauvais, parce que c'est le cas, il n'y a qu'à voir la manière avec laquelle il regarde Mila. De la tendresse et de l'amour, tout ce qu'il saura donner à une femme un jour. « Elle s'est endormie dessus non ? » Un rituel avec Mila. Du coup je lui retire le biberon de la bouche et je la frictionne un petit peu, la chatouillant dans les zones sensibles pour la réveiller. Ca marche forcément et la demoiselle rouvre les yeux, du coup je redonne le biberon à Damon. « Là maintenant elle devrait finir, mais si elle recale c'est pas grave ! » Des fois elle dévore tout, des fois elle en laisse, elle fait à sa guise, c'est elle qui décide tant qu'elle ne boit pas toutes les heures.

Ouais jamais Talya, je n'avais connu que des célibataires ou personnes en couple mais pas de familles à part la tienne. Elle semblait étonnée, j'y comprenais plus rien, ce n'était pas exceptionnel ! De peur de paraître idiot, je me retins de répondre à la question, faisant mine d'être trop absorbé par Mila, ignorant en même temps la question suivante. Avoir une famille, la confiance totale de quelqu'un, je ne savais pas ce que c'était, j'étais pas né avec un ange gardien qui voulait que j'ai une belle vie. Non, cette vie là je devais me battre pour l'avoir, tout me semblait si dur et pourtant avoir ce petit être si fragile dans les bras changeait tout, comme si ça pouvait être autrement. « T'en fais pas je ferai une enquête dessus, si ça se trouve j'suis son oncle ! » répondis-je en rigolant, si seulement Talya avait pu être ma véritable famille, ça aurait changé bien des choses. Elle aurait été une sœur différente de celle qui s'était barrée, causant le suicide de mon père, elle aurait été toujours présente, malgré nos disputes, nos crises. « Je suis peut-être un con mais au moins je suis heureux, j'attends pas indéfiniment que le bonheur vienne frapper à ma porte, pas comme ces personnes qui croient que tout est possible et qui finissent par heurter un mur. » rétorquais-je, devenant sérieux tout à coup, perdant mon sourire, plongeant enfin mon regard dans celui de Talya. Ouais, je n'étais pas un lâche qui se reposait sur des conneries comme Dieu. « Le jour où cette nana croisera ma route, elle aura intérêt à partir en courant si elle ne veut pas finir par souffrir. Et te casse pas la tête avec ça, pour l'instant il n'y a personne en vue. » Mensonge, une femme me faisait tourner la tête sans que je sache pourquoi. Kara ne me laissait pas indifférent mais j'avais merdé une fois déjà, hors de question de la traiter lamentablement une seconde fois. « Ah oui, j'avais même pas remarqué, elle a tout le temps l'air de dormir.. Si innocente » remarquais-je, de nouveau attendri par la gosse.

« Je serais honoré d'avoir un frère aussi canon ! Mais j'ai un test infaillible pour savoir si on a le même sang : la bouteille de vodka, si tu y tiens alors peut être sinon c'est même pas la peine d'y penser ! » Et oui en Ukraine la vodka c'est de l'eau ou presque alors s'il ne passe pas ce test impossible de penser qu'il peut être de ma famille. Comme si de toute façon ça pouvait être possible. Ca ne l'est pas point barre, on divague, on rigole, on part dans tous les sens. Je l'écoute ensuite me parler de cette femme qui pourrait le faire changer, si jamais elle existait parce que pour le moment ça n'avait pas l'air mais elle ferait mieux de partir en courant. Je laissais ma réponse en suspend le temps de réveiller Mila. « Innocente ouai ! En voilà une que tu ne feras pas souffrir, heureusement que vous avez trop d'écart d'âge. » M'enfin de nos jours on voit de tout au niveau des couples alors je devrais peut être me méfier, dans vingt ans. Mais non il ne me ferait pas ça à moi. « Ca serait bien que le jour où une nana bien crois ta route tu ne lui conseilles pas de se barrer en courant ! » J'hausse les sourcils, ouai y'a mieux comme technique de drague quand même. « T'as le droit au bonheur toi aussi t'sais... Enfin je dis ça je dis rien. Et je te remercie hein parce qu'au passage je rentre dans la catégorie des gens qui croient au bonheur, même si je me bouffe des murs de plus en plus bétonné à chaque fois. » Je suis tenace, c'est tout. Je rigole à sa bêtise quand même mais bon, le bonheur ça existe, il ne faut pas baisser les bras, pas si vite. « Je peux poser une question sur une fille ? »