J'ai trop bu, je le sais. C'est pourquoi je ne devrais surement pas rentrer chez moi maintenant parce que je sais que Priape y est avec les filles et que je vais prendre un savon d'être aussi nauséeuse mais pourtant il n'y a nul autre endroit où j'ai envie d'être. Dans mon appartement avec mes bouts de famille, parce que oui loin de moi l'idée de la famille, nous ne sommes que des bouts de ce mot qui n'est qu'une utopie pour moi. J'ai atteint le summum des effets de l'alcool depuis quelques heures déjà, j'ai su m'arrêter, j'ai su ne plus boire depuis, je sens mon ventre qui me barbouille, je sens que je suis bien consciente et mon esprit est aérer. Si je ne suis plus stone, je sais que je vais être malade. J'appelle un taxi après avoir averti mes amis que je rentre. Je monte dans ce foutu taxi et je prends la direction de la maison. Arrivée là bas, je monte les escaliers et j'entre avec toute la discrétion du monde. Je meure d'envie d'aller voir si Mila et Charlie dorment paisiblement mais non ce n'est pas bien parce que même si je ne suis plus ivre, j'ai encore une sale haleine. La seule chose que je peux faire c'est jeter un coup d'oeil à Priape paisiblement endormi sur le canapé du salon enroulé dans une couverture. J'ai juste le temps de sourire avant de sentir une remontée, de lâcher mon sac et ma veste précipitamment pour courir jusqu'au wc. Heureusement que j'ai pris le temps d'ôter mes chaussures avant d'entrer dans l'appartement pour ne pas faire de bruit. J'ai à peine le temps de nouer mes cheveux que tout l'alcool ingurgiter donne un second signe de sa volonté à sortir. Le troisième signe est le bon pour commencer à évacuer tout cela. Je tente de faire le moins de bruit possible mais quand je me redresse pour m'asseoir contre le mur des wc la tête entre les mains, je vois que Priape est derrière moi.

J’estimais qu’après avoir passé une partie de l’été clouée au lit, alitée pour empêcher Mila de pointer le bout de son nez trop tôt, Talya avait amplement mérité quelques soirées à s’amuser avec ses amis. C’est pourquoi je n’avais pas rechigné quand elle m’avait demandé de garder les filles, je n’avais pas hésité un seul instant avant d’accepter. C’était pas ma première –garde- et les deux petites étant adorables, c’était presque un jeu d’enfant. Mila ne faisait pas encore ses nuits, mais j’étais désormais un habitué, j’avais préparé l’eau, les doses de poudre, la table à langer, tout était prêt pour le futur biberon de la nuit et le change, et je tardais pas pour aller m’allonger dans le canapé de mon ex, histoire de dormir un peu avant le réveil nocturne qui risquait de piquer. Je n’avais pas demandé à Talya où elle allait, ni avec qui, ni même à quelle heure elle rentrait. Je ne voulais pas qu’elle se sente fliquée. Et puis depuis le homecoming, depuis ma énième crise de jalousie quand Joachim s’était un peu trop approché d’elle, je me disais qu’il fallait vraiment que je lâche du lest. Je n’entendis pas le grincement de la porte d’entrée lorsqu’elle rentra au milieu de la nuit, ni même ses pas lorsqu’elle traversa l’appartement rapidement pour rejoindre les wc. Ce ne fut que les bruits de renvoi qui parvinrent à me tirer de mon sommeil. J’ouvris les yeux un peu en panique en me redressant sur le canap : Mila ! Elle était en train de régurgiter dans son lit !!! Mais un coup d’œil au babyphone me rassura bien vite, et les bruits provenaient des sanitaires. Je me levai alors, quittant la chaleur de ma couverture pour me diriger d’un pas endormi vers les toilettes pour tomber sur mon ex en train de vidanger son estomac. Merde, elle était malade. Ne pensant pas un seul instant qu’elle puisse être bourrée, je fis un pas vers elle. « T’as mangé un truc pas f.. ? » commençai-je à demander naïvement avant de me stopper parce qu’en avançant un peu plus, je sentis les relents d’alcool trahissant que la nourriture n’était surement pas à incriminer. « Ok... »  Est-ce que je me risquais à la sermonner ? Moi ? Priape Zacharias ? Qui ai passé ces derniers mois à picoler comme un trou pour l’oublier ? Oui, ça serait surement mal venu, l’hôpital qui se foutait de la charité quoi… Je ne pus néanmoins retenir une petite remarque un brin moqueuse : « Miss vodka pomme est de retour ? »

Mon dieu, je suis en train de vomir et en plus de ça Priape est derrière moi. C'est la honte, c'est la décadence, je vais devoir me justifier, je me sens ridicule. Il croit d'abord que j'ai mangé quelque chose de pas frais et ça me fait dessiner un petit sourire sur le visage puis quand il me parle de miss vodka pomme, mon sourire s'élargit et je vois qu'il a visé juste. Il me connait bien, trop bien. Enfin là pour le coup il est peut être un peu déçu de moi, que je sois dans cet état. « Je crois bien... Mais miss vodka pomme ne tient plus aussi bien que quand elle t'a rencontrée... » Et pour le coup heureusement que je ne suis pas tombée sur un mec chiant ou je ne sais quoi, parce que je n'aurais surement pas été franchement en été de le repousser, parce que oui, tout le monde n'est pas aussi gentil et charmant que Priape. Ah qu'est ce que je donnerais tout pour revenir un an en arrière. « Je suis désolée de t'avoir réveillé... Et honteuse de rentrer dans cet état... Ne t'inquiètes pas je ne vais pas m'approcher de Mila... » Ni de Charlie mais bon c'est surement Mila qui l'inquiète plus que ma fille à moi. J'ai les joues rouges de honte mais je suis pâle et je commence à avoir froid maintenant que je me suis vidée l'estomac. Je mets mes mains contre le mur pour m'aider à me relever tant bien que mal, il faut que j'aille à la salle de bains évacuer ce sale goût que j'ai dans la bouche, c'est une horreur.

J’optais pour l’option décontractée, gardant mon sermon pour plus tard, ou pas d’ailleurs, me contentant de la taquiner en la désignant par son tout premier surnom. « Tu es fatiguée aussi, t’as 2 petites aujourd’hui, t’es présidente d’une confrérie, t’es en cinquième année de médecine… Les conditions sont pas les mêmes. » Ouais ouais je lui trouvais des excuses pour ne plus enquiller aussi bien qu’il y a un an. J’avais décidé de rester zen face à son état, je m’y tenais. Mais quand elle essaya de se mettre debout tout en s’excusant et en me rassurant quant aux filles, je ne pus empêcher les questions de m’assaillir à nouveau : avec qui avait-elle passé la soirée ? Et qu’avait-elle fait ? Vu son état, il avait pu se passer n’importe quoi… « Vas-y doucement… » fis-je d’un ton inquiet en m’approchant d’un pas vers elle, une main se posant sur sa taille, l’autre soutenant son bras pour l’aider à se relever puisque cela semblait compliqué. « T’es rentrée comment ? » Question surement moins inquisitrice que les –où tu étais ? Avec qui ? Et pourquoi tu as bu autant ?- qui me démangeaient pourtant les lèvres. Mais il fallait que je reste dans la peau de l’ex détendu et distant alors… « T’as de la chance que ton babysitter à domicile ne soit pas de garde demain. Je peux rester toute la journée pour gérer les petites si tu veux te reposer et faire la grasse mat' » proposai-je vu la gueule de bois que la blondinette risquait de se taper le lendemain.

De mon siège pas très confortable qu'est le sol, je relève les yeux vers Priape en souriant. Sa réaction me surprend, il ne me sermonne pas mais en plus de ça il me trouve des excuses. C'est mignon. Sauf si c'est une manière de me faire avaler la pilule qu'il se déchire la figure dès qu'il le peut et qu'il finit dans les bras de sa cabot de cette manière. Ouai non je n'ai pas envie de penser à ça, j'ai juste envie de profiter de ce petit moment particulier entre nous. « T'es mignon quand tu me trouves des excuses là où moi même je ne m'en trouve pas. » Puis j'essaye de me relever et là il m'aide. Sa main vient se poser sur ma taille, cette main protectrice, cette main qui m'aide tant, ce contact qui ne me laisse toujours pas indifférente mais fort heureusement mon état empêche mon corps de se raidir directement à ce contact, de frissonner même si dans ma tête c'est tout autre chose. Priape reste Priape. Voilà la vérité. Et la plus grande vérité c'est que Priape restera toujours Priape, qu'il n'y a rien à faire à cela. « En taxi ! J'ai attendu de tenir sur mes jambes et de savoir où j'habitais pour rentrer. » Je souris en me mordillant la lèvre inférieure, je suis pas idiote non plus, je conserve ma tête sur les épaules qui a plein de responsabilités même en état bourrée. « Je veux pas abuser de toi... Enfin pas pour Mila, mais pour Charlie... Ca me fait plaisir si tu restes avec nous, mais pas pour jouer la baby sitter parce que maman a trop bu hier, juste pour passer un peu de temps ensemble avec notre fille. » Ca s'était de la longue phrase qui montre bien que mes esprits sont bien à leur place dans ma tête. Une fois à la salle de bains, je prends ma brosse à dents et rapidement, sans aucune gêne devant Priape je me brosse les dents après m'être rincée la bouche. Je fais même un bain de bouche pour complètement enlever cette odeur infâme que je dois avoir. Je me démaquille et je passe de l'eau fraiche sur mon visage puis je refais face à Priape : « J'ai peut être l'air d'une morte vivante comme ça, mais ça fait un bien fou ! »

Peut être que étant passé par le stade beuverie pour se vider la tête, je pouvais comprendre son besoin de s’évader en enchainant les verres… J’étais compréhensif, lui trouvant des excuses certes, mais je n’en restais pas moins inquiet. D’où ma question de savoir comment elle était rentrée. En taxi donc. « Parce que tu étais loin d’ici ? » Je prenais mille détours pour essayer de savoir où et avec qui elle avait passé son début de nuit… Au fond de moi même je mourrais d’envie de connaitre la réponse, mais je me doutais aussi que je n’avais pas le droit de demander. Je lui révélais que j’étais dispo tout le lendemain pour babysitter les petiotes, mais elle ne voulait pas abuser. « Mince, moi qui voulais te prendre des honoraires élevées pour la garde… » plaisantai-je alors. « Mais tu sais que si je te propose de rester les surveiller, enfin vous surveiller toutes les trois, c’est aussi parce que ça me fait plaisir. » ajoutai-je plus sérieusement. Je la soutins jusqu’à la salle de bain, puisque ses jambes semblaient encore un peu chancelantes. Et là, elle commença à se rafraichir et commenta ensuite son allure ce qui me fit tourner la tête pour voir ma propre tête endormie dans le miroir. « Tu rigoles t’as l’air plus réveillée que moi alors que t’as pas dormi de la nuit. » comparai-je avec un petit rire. « Si tu veux prendre ta douche vas y. Je vais te préparer un truc à boire en attendant. Tisane, doliprane, aspirine ? Les trois ? » proposai-je en m’apprêtant à la laisser seule dans la salle de bain histoire qu’elle puisse continuer sa toilette sans être gênée par ma présence.

« J'étais au People's Republik, à quelques rues d'ici. » La même ville, je ne pouvais pas partir très loin de mes petits chats très longtemps, même s'il m'arrivait tout de même de sortir sur Boston assez régulièrement. C'est plus grand, plus étendu, ça offre plus de possibilité en fait voilà tout, mais ce soir j'avais joué la carte de la sureté. Alors au final comme c'était pas loin il se demandait surement pourquoi j'avais pris un taxi, autant anticiper la question. « Le taxi c'est plus sûre que de rentrer à pied, même pour cinq minutes ! » Je préférais payer inutilement mais rentrer saine et sauve plutôt qu'il m'arrive quelque chose en voulant économiser dix dollars. La sécurité c'était la politique de la maison. « Les honoraires t'y as le droit pour Charlie, mais pour Mila même pas en rêve. » Je lève les yeux au ciel tout en rigolant et le poussant dehors gentiment parce qu'en fait l'idée de prendre une douche, même après m'être bien rafraichie, a fait son bonhomme de chemin dans ma tête et est une réussite. Je ne serais que mieux après. « T'as été réveillé par une mauvaise hôte qui a fait trop de bruit, c'est pas ta faute. Aller file de là que je prenne une douche c'est une bonne idée ! Et pour le remède miracle, je crois qu'une tisane et un aspirine ça sera parfait. » L'aspirine mon meilleur ami, mon seul ami contre les mots de tête d'ailleurs et la tisane parce que ca fait juste du bien de boire quelque chose de chaud là maintenant, juste avant d'aller trouver les bras de morphée. Je ferme la porte puis je la rouvre rapidement pour lui dire : « Si je suis trop longue et que t'es fatigué, prend ma chambre je prendrais le canapé, c'est plus près des toilettes au cas où... » Petit clin d'oeil et je file sous la douche. Ca fait un bien fou.

Bon je commençais à avoir les réponses sans passer pour le relou, j’étais doué en enquêteur en fait. Je continuais mon interrogatoire qui n’en était pas vraiment un, puisqu’après ses explications sur le choix du taxi, je commentais : « T’as raison, les rues sont jamais sûres… » L’an dernier, les agressions, le souvenir de tout cela n’était pas encore loin alors rentrer alcoolisée à pied, c’était toujours risqué pour une jeune femme. « Vaut mieux rentrer en taxi même si c’est tout près, et puis surtout si t’étais toute seule quoi… » Peut être que comme ça j’allais réussir à savoir avec qui elle était… Je plaisantais sur mes honoraires avant qu’elle en me vire e la salle de bain. Je me dirigeai vers la cuisine, actionnai la bouilloire, préparai un mug et un sachet de tisane avant de faire fondre un cachet d’aspirine dans un verre d’eau pendant que les bruits du jet de la douche me parvenaient de la salle de bain. Je voulais l’attendre, être sûr que ça allait mieux pour elle après ce rafraichissement, mais mes paupières étaient lourdes. Talya m’avait invité à prendre son lit, puisque le canapé lui ferait un couchage plus prudent et plus proche des toilettes. J’abandonnai donc la tisane et l’antalgique sur la table pour attraper le babyphone direction la chambre de la blondinette. Ca me faisait bizarre d’entrer comme ça dans cette pièce, encore plus de venir me glisser dans son lit, de m’enrouler dans ses draps tout embaumés de son parfum… Il me paraissait loin maintenant le temps où je pouvais faire tout cela naturellement, sans avoir l’impression de violer son intimité. Et malgré un sentiment étrange de ne pas être à ma place ici, je fermais les yeux et tâchais de me rendormir en sachant très bien que dans quelques heures, un tout autre réveil m’attendait : les pleurs de ma fille. Je restais néanmoins sur le quai vive, craignant que Talya ne soit à nouveau malade et guettant également les chouinements de Mila qui pouvaient s'échapper du babyphone.

« Non j'étais avec des amies mais tout le monde était décidé à faire encore un peu la fête. » Si je n'avais pas compris que Priape essayait par tous les moyens de savoir avec qui j'avais partagé la soirée, j'étais plutôt douée pour éviter de lui donner des réponses tout en répondant pourtant à ses questions. C'était assez drôle ce petit jeu inconscient pour ma part. Il devait surement me détester, car des amies ne voulait rien dire, surtout à l'oral puisqu'il était incapable de voir le e qui se trouvait à la fin du mot. Je fermais la porte et laissais l'eau couler sur mon corps plusieurs minutes avant de m'enrouler dans un peignoir et de sortir. Je trouvais l'aspirine et la tisane sur la table mais plus de Priape. Je bus tout ça et me dirigeais vers le canapé ne voulant pas le déranger pour aller chercher un semblant de pyjama. Je m'enroulais dans la couette et tentais de trouver une position correcte mais bordel que ce canapé n'était pas confortable pour dormir. Non au bout de quelques minutes j'avais bien trop mal au crâne pour rester là. Je me faufilais dans ma chambre, je pris un shorty et un débardeur, un traversin de secours que j'avais dans mon placard et op, je me glissais dans mes draps n'oubliant pas de mettre le traversin en travers. Je ne voulais pas être accusée de quoi que ce soit par Priape, je ne voulais pas qu'il croit que je tentais encore de le retenir en arrière, de le garder à moi. Cette proximité dans mon lit me turlupina les méninges un petit moment mais le sommeil me gagna rapidement pour sombrer dans les bras de Morphée. Cette soirée m'avait crevée, je n'avais qu'une envie, dormir le plus longtemps possible. J'espérais quand même entendre mes filles le lendemain plutôt que laisser Priape tout gérer comme une mère indigne.

Des amis… Ok, paie ta réponse vague. En même temps, paie ta question vague aussi. J’allais pouvoir me faire tout plein de film avec ça en tout cas. D’ailleurs, une fois dans le lit de la jeune femme, j’eus bien du mal à retrouver le sommeil. Je me tournais, me retournais. Le bruit de la douche cessa… J’entendis les pas de mon ex dans la cuisine, puis je finis par sombrer et m’endormir. Lorsque je rouvris les yeux, quelques heures plus tard réveillé par les petits pleurs de Mila, mon regard se posa sur l’autre côté du lit et sur la demoiselle endormie qui m’y avait rejoint, prenant le soin de disposer un traversin entre nous. Ce petit détail fit apparaître un sourire amusé sur mes lèvres. Un nouveau chouinement de notre fille s’échappa du babyphone et cela sembla faire réagir mon ex qui commença à bouger. Je saisis doucement le drap pour le lui remonter délicatement sur son épaule et je me penchai vers elle pour lui souffler : « Reste encore au lit à câliner ton polochon… Je vais voir la petite… » . Un coup d’œil à ma montre m’indiqua qu’il était encore trop tôt pour le bib encore. Je quittai la tiédeur du lit pour me rendre dans la chambre de la petite. Un bisous de papa, la tétine et le doudou récupérés et hop hop hop, magique, voilà le petit ange à nouveau endormi. Je retournai à pas de loup vers la chambre de mon ex, mais Talya devait guetter mon retour pour savoir si Mila allait bien, elle ne s'était pas rendormie, je la rassurais donc : « Alerte tétine perdue. Tu peux te reposer encore… Je vais peut être… retourner sur le canapé non ? » Parce que c’était un peu bizarre de dormir ensemble non ? « Je me sens un peu de trop entre ton traversin et toi… Ca fait longtemps que ça dure entre vous ? » ajoutai-je avec une pointe de moquerie, histoire de ne pas laisser un quelconque malaise s’installer entre nous.