Léonora avait pris un peu de distance. Elle s’était éloignée de la fac, du campus, souhaitant prendre l’air et couper un peu les ponts avec Harvard. Je respectais cette décision, ressentant malgré tout une pointe d’inquiétude pour mon amie. Il y avait cette histoire avec Clay qui la tracassait j’en étais certain. Bien sur, la brune s’appliquait à le décrire comme un vieux con des plus chieurs, mais elle m’avait quand même avoué à demi mots qu’elle en pinçait pour lui. Et après un an à côtoyer la demoiselle, je ne l’avais vu qu’une seule fois s’amouracher d’un mec, de Chase, et l’histoire avait carrément mal tourné. Bref, y’avait ce truc avec Clay, et ce qui inquiétait mon amie c’était aussi la véritable nature de la relation entre son crush et Annalyne, une barmaid de boite de nuit que j’avais eu l’occasion de rencontrer. Mon opinion sur cette dernière était un peu flouté. Comment ne pas apprécier une serveuse sexy qui vous raccompagnait jusque devant votre porte un soir d’excès ? J’avais apprécié ma sauveuse de la nuit, j’avais aimé son répondant, et malgré le souvenir brumeux de ce soir là, je ne l’avais pas oubliée. Je n’avais pas non plus oublié l’adresse du club de striptease qui l’embauchait. Bonne ou mauvaise idée d’y retourner pour mener l’enquête ? L’avenir nous le dirait... Dans tous les cas, Léo serait surement folle de me savoir prendre ce chemin. Je passai devant les videurs de l’endroit qui me jetèrent un regard méfiant. Espérons qu’ils ne se rappellent pas de moi et de ma –sieste- sur le comptoir. Mais les molosses me laissèrent passer et je pénétrai finalement dans la boîte. Mes yeux balayèrent les lieux, repérant bien vite le bar et la brune sulfureuse qui s’y trouvait, s’attelant dans la préparation de cocktails divers, ne remarquant pour le moment pas mon entrée que j’espérais discrète, histoire de pouvoir faire mes repérages tranquillement. Mon regard s’attarda ensuite sur l’un des clients accoudés devant elle au comptoir. Grand, baraqué, barbe de trois jours, mâchoire carrée. On dirait bien le fameux Clay, ou du moins il correspondait aux clichés que j’avais réussi à trouver au cours de mes recherches à son propos sur le net. De lui, je ne savais pas grand chose : c'était le frère d’une pote à Léo, avec un sale caractère selon les dires de ma meilleure amie. Je m’avançai finalement vers le bar, prêt à constater les choses par moi même. « J’ai le droit à un mojito ce soir ? » demandai-je à Annalyne en arrivant devant elle, petit sourire aux lèvres cette demande était clairement une référence au cocktail qu’elle m’avait refusé la dernière fois, pour cause de fermeture du bar et d’état d’ébriété bien trop avancé.

Depuis quelques minutes déjà un client, insistant, m’accapare, et si dans un premier temps j’avais opté pour l’idée de l’envoyer paitre plus loin, vers une fille avec laquelle il pourrait espérer passer une nuit débridée, le fait est que j’ai changé d’avis, quand j’ai aperçu son porte-monnaie. Ce mec-là, je peux vous le dire, il est blindé. Alors à chaque verre je lui ai servi j’ai ajouté, un sourire et quelques minauderies. « T’es pas comme les autres, ici. » Là encore mes lèvres se sont étirées, j’ai mordu mon inférieure, et ma main dans mes cheveux, s’est égarée, comme une experte, sorcière des cœurs.
Il est vrai cependant, que l’arrivée de mon colocataire dans les lieux, a donné à mon petit manège de quoi devenir un peu plus sérieux. Comme un jeu. « Et encore, t’as pas tout vu. » Ouais, je suis capable de bien mieux, ce n’est que le début. Ma main s’égare sur la sienne, quand il recommande un verre et d’un souffle m’exaspère. Sors un nouveau billet, me chante de garder la monnaie, que c’est un surplus dû à ma beauté. Je lui sers sa boisson, en oublie presque le nom. Mais mon amusement de ce soir est vite mis de côté, lorsque je vois se placer de l’autre côté du comptoir, quelqu’un qu’ici j’ai déjà vu. « Je reviens, bouges-pas. » Prononce ma voix à mon prétendant, m’assure qu’il ne me retire pas trop vite de son esprit, histoire d’être certaine que tout son argent ne passera pas dans un show privé. Et quand je m’approche de Priape, je souris légèrement en l’entendant me demander ; « J’ai le droit à un mojito ce soir ? » Faisant mine de réfléchir, j’incline la tête sur le côté, pince mes lèvres, j’attrape un verre entre mes doigts, jongle avec celui-là. « Ca dépend, t’as prévu de me ramener cette fois ? » Bien évidemment, je me doute que sa vie est toujours aussi en bordel que lors de notre rencontre, si ce n’est plus, étant donné que je ne crois pas me tromper en affirmant qu’un bébé en fait partie, à présent, mais une blague, même de mauvais gout, n’a jamais fait de mal à personne. Experte, mes mains attrapent l’alcool et le reste nécessaire à sa boisson, et c’est d’un air détaché que je me penche sur le comptoir avant d’avoir terminé afin de lui demander. « On fête sa paternité ? » Et là, c’est sans prévenir que je me surprends à lancer … Une œillade à Clay.

Les Enquêtes Impossibles
 

Anna, Priape & Clay / Septembre 2015

Ayant pris du recul sur certains événements marquants du mois de septembre, j'ai décidé d'entamer une relation avec une certaine femme de ce club rencontrée ici-même il y'a quelques mois déjà. Rien de très officiel cependant. Juste histoire de tenter la fidélité quelques temps et de savoir si je suis capable de respecter ce genre d'engagement. Le choix n'a pas été des plus réfléchis, je vous l'accorde, car la jeune femme n'a rien de la compagne fidèle et aimante. Il ne s'agit que d'un essai simplement, un crash-test voué tôt ou tard à l'échec, je le sais pertinemment. Alors accoudé sur le bar depuis une bonne demi-heure, la main sur mon verre déjà bien entamé, je suis venu voir celle qui partage mes nuits secrètement puisque je ne veux ébruiter cette histoire qui n'en est pas une réellement.

Malcolm n'a pas semblé vraiment surprise de me voir débarquer, plutôt coutumière de ma présence, devenu au fil des mois un habitué. T-shirt, jeans et sans être rasé, c'est vraiment décontracté que je me suis pointé dans son fief. Et tandis que je me permets de dévisager le prochain qu'elle s'apprête à plumer, je ricane bêtement lorsque je l'entends débiter son flot de niaiseries, desquelles elle semble prendre plaisir à écouter. Et dire qu'il fut un temps, je lui ai sorti presque les mêmes boniments... Mais quel con j'ai été vraiment.

Alors je reporte le verre à mes lèvres, noie ce déplorable souvenir en avalant d'un trait le scotch qu'elle m'a servi et observe un peu plus loin sur le podium se déhancher Amy, contemple jalousement ce qui m'appartient même si je ne lui ai mis que très récemment dessus le grappin. Mais certains gestes me laissent à penser que cette pseudo relation va très vite me gonfler, rien que ce gars déjà qui s'étend à ses pieds pour - de sa paume ouverte - lui glisser quelques billets. Ce n'est pas que je tienne particulièrement à elle, mais je ne supporte pas que l'on vienne marcher sur mes plates bandes. Son petit manège ne dure le temps que de sa danse et mon attention accaparée, je n'ai pas encore remarqué le jeune qui vient de s'installer à mes cotés. Lorsque Malcolm s'approche de lui et lui adresse finalement la parole suite à sa demande, c'est naturellement que je marmonne " Drôle d'endroit pour fêter un tel évènement ". Une réflexion très vite oubliée lorsqu'une main s'égare sur mon col, celle d'Amy venue me rejoindre après son show, cette même strip-teaseuse qu'Annalynne s'était amusée à m'envoyer pour juger de ma résistance face à certains  attouchements. Nous voir tous deux ensemble doit la faire jubiler je pense... Ma blonde me susurre quelques mots à l'oreille qui me redonnent le sourire sur le champs et c'est sans broncher que j'acquiesce d'un mouvement de tête sans même la regarder, fixé sur Malcolm. Au final Amy laisse glisser ses doigts sur ma nuque avant de s'éloigner en ajoutant qu'elle reviendra me chercher. L'idée qu'elle m'a proposée est amusante, osée mais alléchante. Cependant un autre verre ne sera pas de trop dans l'attente alors je m'incline un peu plus sur le comptoir et mets au défi la barmaid de me resservir " Un autre s'te plait "

Je ne savais pas comment interpréter le petit manège qui se jouait au comptoir. Ce client qui semblait accaparer Annalyne, alors que celui que j’avais repéré comme étant le fameux Clay de Léo était en train de mater une des danseuses qui se trémoussait sur le podium. A quoi jouaient-ils ? Apparemment, d’un point de vue extérieur, il ne semblait rien y avoir de plus entre eux, malgré les craintes de ma meilleure amie concernant leur relation. Mais ne me contentant pas des apparences, l’inspecteur Zacharias que j’étais entra en scène. Je finis par m’avancer jusqu’au bar, réclamant le cocktail à base de rhum que la demoiselle m’avait refusé lors de ma dernière visite sieste ici. Ce fut avec un petit sourire aux lèvres qu’elle s’approcha de moi, me répondant sous forme de question, à savoir si j’allais cette fois être celui qui la ramènerait. Ma main alla fouiller le fond de la poche de mon jean et je saisis les clés de mon break que je brandis devant mon nez fièrement. « Et je sais où est ma caisse : sur le parking, à deux pas de l’entrée… » Parce que n’oublions pas que la dernière fois, c’était l’absence de véhicule, ou plutôt mon incapacité à me souvenir de sa localisation, qui nous avait contraints à rentrer à pied. « D’ailleurs y’a toujours pas de lumière hein… » Le comptoir du bar n’était surement pas le bureau des réclamations et Anna certainement pas la personne à qui je devrais me plaindre du manque d’éclairage devant l’établissement, mais c’était surtout un moyen de lui faire comprendre que, malgré mon état déplorable de la dernière fois, j’avais gardé en mémoire une bonne partie de notre échange. « Bref, je m’engage à te ramener je te dois bien ça, mère Térésa. » Je me sentais redevable, peut être même qu’un tour dans mon break pourri ne serait pas suffisant pour effacer ma dette, c’est pourquoi j’ajoutai : « Ta pause est quand d’ailleurs ? Que je te paie un verre pour te remercier. » La brune, en pleine confection de ma boisson, me demanda alors si je fêtais ma paternité. J'hochai la tête pour acquiescer. Ce qui valut une remarque un peu bourrue du présumé Clay. Tiens, tiens, il se réveillait lui. Je n’avais pas manqué le petit regard qu’Annalynne lui avait lancé juste après la remarque sur mon tout récent statut de père de famille. Peut être qu’il y avait matière à creuser en fait… Encore fallait-il que je n’évite de m’attirer les soupçons du garçon vers qui je tournais un instant la tête pour répondre : « Les bon mojitos, ça court pas les rues alors… » Ouais, affirmons que j’étais ici juste pour les talents de barmaid de la brune, cela valait surement mieux.  « Qu’importe l’endroit pourvu qu’il y ait l’ivresse… » La vue n’était qu’un petit plus au final. Mais je n’eus pas le temps de me justifier davantage, la stripteaseuse avait débarqué saisissant mon interlocuteur par le col. Plus de doutes de permis sur leur lien à eux. J’allais devoir annoncer à Léo que son crush avait une nana dans sa vie... J’aurais pu clore mon –enquête- ici, mais en même temps, en voyant la scène qui se déroulait devant moi, je pouvais clairement voir que quelque chose clochait. Comme les yeux du garçon qui restaient obstinément fixés sur Annalynne alors que la séduisante danseuse lui susurrait à l’oreille, ou comme sa façon de rester campé au bar pour lui réclamer un nouveau verre alors que sa probable gonzesse de trémoussait d’envie contre lui… Etrange… Je reportais mes prunelles sur la barmaid. « Y’a beaucoup de monde ce soir, t’as l’air très demandée on dirait… » commentai-je alors.

« Et je sais où est ma caisse : sur le parking, à deux pas de l’entrée… » Et je le regarde en haussant les épaules, sur fond de « bon garçon » n’est ce pas ? Cependant, c’est plus fort que moi, parce que je n’arrive jamais à garder ma langue dans ma poche. « Tu le sais … » puisque son verre n’est que le premier. « Pour l’instant. » Et en plus du mojito, je lui sers un nouveau sourire, un peu moqueur, je l’avoue, mais simplement car c’est de bonne guette, entre nous. « D’ailleurs y’a toujours pas de lumière hein… » Mes iris valsent quelques secondes vers le ciel mais je ne réponds rien, étant donné que le sujet de lumières dans le parking ne m’a jamais fait vibrer. Le problème c’est que c’est encore pire quand il se met à m’appeler Mère Térésa, mes prunelles le fusillent cette fois, espérant que personne n’ait entendu ça. « Chut, j’ai une réputation. » De celle qui joue la carte du mystère et de la pétasse sans nom. « Ta pause est quand d’ailleurs ? Que je te paie un verre pour te remercier. » Là encore j’esquisse un semblant de sourire avant de répondre à ses dires. « Quand je le désire. » Donc bientôt, forcée de constater que l’idée de boire avec lui me plait plus que celle de servir des verres aux habitués, et pour le coup, à Clay.

Et lorsque je lui demande finalement s’il fête sa paternité, nous avons droit à une réponse de mon colocataire préféré. " Drôle d'endroit pour fêter un tel évènement ". Réflexion à laquelle je ne réponds pas, puisque c’est une douche froide qui arrive jusqu’à moi, me douter de sa relation avec Amy est autre chose que la voir se trémousser à côté de lui. Exaspérée je soupire, en tentant d’oublier que toute cette histoire me donne envie de vomir. Non par jalousie, mais plutôt écœurée de savoir que de toutes les filles de la ville, il en a choisi une que je hais. De plus, je ne suis pas encline à partager mes jouets. « Les bon mojitos, ça court pas les rues alors… » Alors je n’aime pas l’idée qu’il pense devoir se justifier. « Qu’importe l’endroit pourvu qu’il y ait l’ivresse… » Mais j’imagine que la phrase de Priape passe à l’as dans l’esprit de Clay, trop occupé à envisager les prémices de sa soirée avec sa pute attitrée. Et bien qu’à son oreille elle murmure son regard reste planté dans le mien, et ça m’énerve, je le jure, c’est soudain. Elle finit s’éloigner tandis que lui, me lance, à la volée. " Un autre s'te plait " Alors je délaisse Priape, pour m’approcher réellement de Clay, pencher mon visage vers le sien, d’un air parfaitement serein. Et à son oreille, à mon tour, lui chante, tout doucement. « Je comprends. » Mauvaise comme il a l’habitude que je le sois. « Il t’en faut du courage, pour la sauter. » Et je me fiche que ma phrase soit déplacée.

Ma pique lancée, je me recule, souris et attrape la bouteille ainsi qu’un nouveau verre pour lui poser devant les mains. « Grand garçon. » Capable de se servir tout seul, pas vrai ? Et je reporte toute mon attention sur Priape en train de me dire que je suis demandée, alors je lève les mains en l’air, en toute innocence, pour lui répondre que ; « Tu voulais savoir quand était ma pause ? » Je justifie mes précédents gestes, ceux de laisser Clay se débrouiller. « C’est maintenant. » Et je ne saurai dire ce que j’attends, ce que je donnerai … Ah si, je sais, mon royaume pour ne plus penser au fait que c’est en quelque sorte moi qui ait foutu cette fille dans son lit.

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Anna, Priape & Clay / Septembre 2015

Dès lors, la barmaid semble enfin se préoccuper de mes besoins mais ce n'est que lorsque ses courbes  se penchent au dessus du comptoir d'où elle siège que ses mots me privent à nouveau de mon enthousiasme. « Je comprends. Il t’en faut du courage, pour la sauter.» Je m'attendais à mieux lorsque ses lèvres se sont approchées. * Un peu comme toi lorsque t'es venue me trouver * ce soir là dans ma chambre les cuisses écartées, chaude et enivrée. Il est vrai cependant qu'elle n'a jamais voulu réitérer l'expérience malgré mes invitations mais je sais pertinemment au fond de moi qu'elle m'a apprécié au creux de ses reins. J'en veux pour preuve ses soupirs enregistrés sur mon portable cette nuit là, vidéo que je ne ressortirais qu'au moment opportun, lorsqu'elle niera l'évidence même de vive voix. Ce n'est que lorsqu'elle accède à ma requête et fait volte face que je prends la peine de répondre à l'affront " Pas faux. Faut croire que l'alcool devient une nécessité. Mais c'n'est pas moi qui vais t'l'apprendre. " Mon sourire s'efface et mes yeux viennent se planter dans les siens lorsqu'elle revient une bouteille et un verre à la main qu'elle me plante sous le nez. « Grand garçon. » Dangereuse intention que t'as eu là Malcolm et pour ton pourboire, tu peux te le carrer où je pense. C'est une pensée qui me fait sourire légèrement d'ailleurs, puisque même mon fric ne semble plus l'intéresser dorénavant.

Mes doigts se resserrent comme un étau autour du verre tandis que j'agrippe de l'autre la bouteille qu'elle n'a toujours pas lâchée. Finalement elle se détourne pour aller parler au gringalet fraichement devenu père et lui balance « Tu voulais savoir quand était ma pause ? C’est maintenant. » Je ne sais pourquoi mais je le prends aussi pour moi, psychote peut-être à l'idée qu'elle aille vers lui soudainement juste pour m'emmerder.... c'est raté. Ou peut-être pas finalement, parce que je ne peux m'empêcher de les écouter alors que je me sers un second verre. Vient se lier au gout du scotch celui de l'amertume tandis que j'observe à nouveau les femmes de petites vertus se déhancher un peu plus loin. Et alors qu'il me tarde de revoir Amy pour nous éclipser dans l'endroit incongru qu'elle m'a murmuré tantôt, je me penche sur le bar et allonge le bras dans le but d'atteindre une toute autre bouteille légèrement moins alcoolisée quand une autre employée m'attrape par la bras, visiblement surprise par mon geste avant de me demander un sourire en coin si je suis venu prendre Amy à la fin de son service. Pas vraiment étonné que cette femme soit au courant de notre relation, je la regarde avec amusement suite au sous-entendu de ses mots et auquel elle n'a probablement pas fait attention. " C'est une possibilité ". Un dernier regard vers la barmaid accaparée par le jeune père et je vide le second verre sans m'attarder.

Un sourire amusé se dessina devant le ton taquin adopté par la serveuse quand à la localisation connue de ma voiture. « Je compte sur toi pour veiller à ce que je ne l’oublie pas cette fois… » m’amusai-je à rétorquer. Elle m’avait bien chaperonné la dernière fois, d’où son surnom mère Teresa d’ailleurs, surnom qui me valut un regard noir de la jeune femme. Je rigolai et mimai un zippage de ma bouche d’un petit geste de mon index et mon pouce, façon de dire que j’allais tout autre commentaire élogieux sur son comportement protecteur de l’autre nuit. N’empêche qu’elle n’était peut pas très à l’aise d’avoir jouer ainsi les bonnes âmes pour moi, mais je lui devais malgré tout une fière chandelle d’où mon invit à lui payer un verre.
Enfin, je n’en oubliais pas ma mission : infiltration, observation et conclusion. Essayer de comprendre ce qui se tramait entre la brune et le client un peu bougon situé un peu plus loin. J’allais avoir un rapport à rendre à Léo moi. Il semblait se jouer quelque chose qui me dépassait entre la barmaid et le garçon, elle avait une façon de l’observer, avec sa danseuse qui se trémoussait à côté de lui, je n’étais pas sur de savoir comment l’interpréter : de la jalousie ? Ou juste de l’exaspération devant le comportement élusif de la stripteaseuse ? Je gardais un œil sur eux tout en répondant au gars, ce dernier réclama finalement un autre verre. Anna se dirigea vers lui, pour le servir pensais-je d’abord, mais finalement il s’avéra que non : elle lui glissa juste quelques mots à l’oreille. J’étais trop loin pour pouvoir entendre ce dont il était question. Frustré de manquer cet échange, je redoublais d’attention et la regardais lui filer la bouteille et l’inviter à se servir tout seul comme un grand.  Et la demoiselle revint vers moi décrétant qu’elle était désormais en pause, sous entendu disponible pour le verre que je lui devais. « Tu veux boire quoi ? Viens par ici histoire de ne pas être dérangée par tes habitués… » fis-je en désignant le tabouret de bar libre à côté du mien. Puis j’attendis qu’elle soit près de moi et que l’autre gars soit occupé, s’étant fait accosté par une collègue d’Annalyne, et je pus enfin lui demander : « C’est qui ce type là bas ? » Sait-on jamais, c’était peut être en posant d’emblée la question que j’allais récolter un max d’infos…

« Je compte sur toi pour veiller à ce que je ne l’oublie pas cette fois… » Deux choix s’offre à moi pour déterminer le sens de sa phrase, soit, il ne pense pas abuser de la bouteille ce soir et donc compte sur moi pour ne pas le saouler trop vite, ou bien, soit je l’aiderai à récupérer ce qui lui appartient s’il venait à trop boire. Etrangement, pour le nouveau père, il faut avouer, que je choisi la première solution. Peut-être qu’elle l’a assagit, la paternité, qui sait. Le sens des responsabilités, tout ça … Enfin qu’est-ce que j’en sais moi. Et sur cette réflexion, Clay fait dans notre discussion, une intrusion.

Je prends sa demande en compte – ou presque – et me permets au sujet de sa copine, une remarque, qui j’en suis certaine, devrait lui plaire. Ressemblant de plus en plus à une vipère. Le laisse sans voix et en suis heureuse, n’est-ce pas ? Clairement oui, mais connaissant le spécimen, je me dis, que ce n’est que pour un temps, comme à chaque fois. Je me retourne et c’est d’ailleurs à ce moment-là qu’il me la crache dans le dos, sa réplique. " Pas faux. Faut croire que l'alcool devient une nécessité. Mais c'n'est pas moi qui vais t'l'apprendre. " Je déglutis, stoppant mes mouvements pour un – très – court instant. Mais je soupire et attrape la bouteille avant de me retourner et de lui planter. « T’as raison, c’est elle que tu devrais saouler. » Pour qu’elle puisse coucher avec toi, tu vois ? Et comme il l’a cherché, je lui offre une piqûre de rappel au sujet de notre nuit. S’en suis ma donation de bouteille et mon attention reporté sur Priape plus vite que prévu, surement pour le faire chier … Non pas Priape, mais bel et bien Clay, même si j’ignore totalement à quel jeu on est en train de jouer. Je n’aime pas, quand les règles, je ne les contrôle pas.

Difficilement, je dois l’avouer, je me concentre sur Priape non sans entendre ce qu’il se passe à côté, malgré le bruit et les gens, j’en ai toujours envie de vomir lorsque j’entends le prénom Amy. « Tu veux boire quoi ? Viens par ici histoire de ne pas être dérangée par tes habitués… » Et d’un hochement de tête, j’approuve l’idée, cependant, avant d’aller me placer à ses côtés, je me sers une téquila. Ricanant intérieurement en me disant que finalement, c’est peut-être moi qui aurai besoin d’aide pour retrouver ma voiture. Puis en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, je passe de l’autre côté du bar, et m’assoie avec Priape, un sourire sur les lèvres. J’y apporte d’ailleurs mon verre que je bois d’un trait. « C’est qui ce type là bas ? » Elle me pique un peu sa curiosité, parce que s’il demande c’est que ça se voit … Qu’il y a un truc entre lui et moi. Bien évidemment je parle d’amitié, ou de je ne sais quoi, mais rien d’autre d’important, qu’on se le dise. « Mhm. » Quelle éloquence …

Clay c’est … Et dans ma tête elles se bousculent un peu les infos. Ne sachant pas laquelle faire passer en premier pour définir qui il est. Colocataire, bourreau, coup d’un soir, ami, idiot, celui qui par ma faute se tape d’ici ma pire ennemie ? Bon ok, ce n’était pas la pire, au début, mais ce sentiment, depuis quelques semaines, c’est accentué, et je suis consciente que je fais l’autruche pour ne pas expliquer d’où vient le niveau de mon animosité. Mais le truc le plus con, c’est que tout ce que j’arrive à lui répondre ressemble à un vague « C’est compliqué. » Un peu étouffé. Et s’ils ont entendu, autant Priape que Clay, je jure que je veux bien crever. Mais puisque mon verre est vide et que l’autre imbécile a piqué une autre bouteille, je lance à son égard, fort pour qu'il entende. « Partage. T'as copine n'a pas fini de bosser. » Il s’avance et moi, comme une conne je prononce « Priape – Clay, Clay – Priape. » C’est clair, il va m’en falloir plus d’un, de verre.

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Anna, Priape & Clay / Septembre 2015

La plus mature des entraineuses esquisse un léger sourire, ses lèvres jurant d'un rouge criard légèrement pincées. Ca y'est, elle a enfin pigé le sous-entendu glissé dans ses paroles et m'a réponse ne l'a en rien choquée. Avant de prendre congé, elle me gratifie d'une dernière caresse sur la main, geste qui ne m'offense pas le moins du monde. Au fil des mois et à défaut de reprendre contact avec mes parents, certaines d'entre elles sont devenues pour moi comme des figures maternelles. Et moi le fils, l'ami, l'amant, le confident pour qui elles ne perdent jamais une occasion de venir me saluer de près. Et pourtant seule la blonde qui se déhanche à nouveau sur le podium peut se targuer de me connaitre plus intimement. Enfin, pas exactement... Un dernier clin d'œil et la voilà qui se faufile parmi ses clients et me laisse à mon chevet, seul face à cette bouteille et mon verre vide comme l'est pour le moment ma soirée. Je vais pour l'empoigner et me resservir quand une voix criarde à coté me fait crisper les phalanges. « Partage. T'as copine n'a pas fini de bosser. » Sans déconner. Je le sais bien qu'elle est toujours en train d’exciter la clientèle, inutile de me le rappeler. Mais suite à sa remarque, mes traits se sont raidis à la vue de l'attitude qu'adopte Amy pour quelques biffetons, allumeuse comme jamais, ce que je méprise profondément, mais qui d'un coté malgré tout regonfle mon orgueil de mâle frustré quand je sais qu'il n'y a que moi qui puisse réellement en profiter.

Cependant Annalynne a réussi tout de même à m'acculer en seulement quelques mots. Alors à sa petite invitation, j'y vois là aussi une occasion à ne pas louper: celle de ruiner son petit tête à tête quitte à déterrer un proche passé. Je me redresse et lâchant un bref soupir, empoigne la bouteille couleur ébène pour au culot, passer derrière le comptoir et venir me planter devant eux. Elle a déserté son poste et je compte bien en profiter pour le lui faire regretter. Le cul de bouteille glisse sur le plan boisé tandis qu'elle daigne officiellement nous présenter « Priape – Clay, Clay – Priape. ». Priape....Putain, c'est pas vrai que le pauvre gars se trimballe avec un nom pareil. Et là connement, par mécanisme, parce que je me souviens un peu des cours portant sur la mythologie, je jette un œil par dessus le comptoir juste histoire de comparer.... Bof. Prenant mon rôle très au sérieux, je sers à ce prince de l'érection ( qui n'en a que le nom) un autre verre " C'est la maison qui l'offre " pour m'arrêter au dessus de celui de ma colocataire et la défie du regard avant de souffler sans la moindre sympathie à son égard " Autrement dit toi ". Quelques secondes durant, le goulot reste immobile au-dessus de son verre sans que la moindre goutte ne vienne s'y répandre et rajoute sur une note cynique à l'intention de son partenaire " Alors dis-moi l'ami, tu viens d'où pour porter un tel.... prénom? "

Y’avait clairement un truc entre eux. Indicible mais palpable. Visiblement ce n’était pas le grand amour, et puis le mec était clairement en couple alors… Impossible de mettre le doigts dessus comme ça, de prime abord, mais mon flaire, parce que c’était bien connu que j’avais un sixième sens pour ce genre de chose, me criait qu’il y avait plus entre eux que ce qu’ils laissaient entrevoir. Le plus simple, c’était qu’à présent qu’elle m’avait rejoint je lui demande cash. Ce qui je fis. Elle s’enfila sa boisson d’une traite avant de prendre son temps, hésitant à me répondre. C’était déjà révélateur en soit. Si y’avait pas sujet à débat, j’aurais eu un franc et direct –c’est mon frère- -c’est un pote- ou –c’est un ex- Le temps de réponse était clair et la réponse qui finit par arriver, elle, ne l’était pas du tout, complètement étouffée. « T’as dit quoi ? J’ai pas ent… » Mais mon interlocutrice sembla retrouver l’usage de la parole pour interpeller l’intéressé et lui demander de partager sa précieuse bouteille. Et lorsqu’il finit par arriver à nos côtés, j’eus le droit à des présentations. Donc désormais, je savais comment il s’appelait, mais ça ne me disait pas qui il était pour elle.  Mon regard jaugea un peu le garçon, alors qu’il semblait faire de même avec un air particulièrement septique à l’annonce de mon prénom, peu commun il faut l’avouer. Il remplit nos verres, envoyant dans les dents à la brune que l’addition serait pour elle. « Merci Anna. » lui fis-je en lui lançant un regard amusé avant de reporter mon attention vers le gars. Ne nous laissons pas distraire par l’appel de l’alcool. Il y avait anguille sous roche entre eux, ça transpirait par tous leurs pores. Mais ce fut lui qui attaqua l’interrogatoire, reprenant sur mon prénom sur lequel il avait bel et bien tiqué. « C’est grec. » Cliché me direz vous. Je n’allais pas me laisser distraire par de quelconques remarques sur mes origines et du coup, puisque l’heure était aux questions, je repris: « J’étais en train de demander à Annalynne comment vous vous étiez connus ? » Allez vas-y, réponds moi très cher Clay, et sois plus loquace que ta copine comme ça j’aurais enfin des éclaircissements à apporter à Léonora.