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C'est durant la nuit du 4 au 5 décembre 1988 que je suis né à Nassau dans les Bahamas. "Zeffross Kevon", c'est ainsi que l'on m'avait appelé. Mes deux parents avaient choisi avec soin mes deux prénoms. En fait, mon père s'était chargé du premier et ma mère du deuxième. Chacun avait une signification bien précise. Mon père voulait me donner un prénom antillais original. Quant à ma mère, elle voulait me donner le nom de son grand-frère qu'elle avait perdu. Mon père avait toujours vécu aux Bahamas alors que ma mère, elle, était née ailleurs, à Georgetown en Guyana pour être plus précis. La population de là-bas étant très métissée, on dit qu'elle était d'ascendance indienne, européenne et africaine. C'était lors d'une escale à Nassau qu'elle avait rencontré mon père. Ils se sont fréquentés et sont très vite tombés sous le charme l'un de l'autre. Ils se sont mariés l'année suivant leur rencontre et un an plus tard, ils m'ont eu.

J'ai grandi à Nassau. Les fruits exotiques, l'ambiance familiale et chaleureuse, la danse, des choses qui risquent cruellement de me manquer. Rien ne vaut les Bahamas. Quand j'étais petit, moi et mes amis nous allions nous promener en bord de mer, nous prenions des pirogues et avec nos mères, nous serpentions entre les petites îles. L'eau turquoise, le climat tropicale, tant de choses magnifiques et dont il est bien dur de se passer. A l'école, nous apprenions essentiellement l'anglais et l'espagnol. Nous avions aussi quelques bases en français. Bien sûr, on étudiait les sciences, les mathématiques, l'histoire et la géographie. Mais nous avions cours que le matin ce qui nous laissait l'après-midi entièrement libre. Heureusement pour moi, ce train de vie n'a pas changé que nous avons déménagé aux Etats-Unis, à Cambridge pour être précis.

J'avais 15 ans que nous avons quitté les Bahamas. C'est avec un petit pincement au coeur que nous avons quitté notre île natale. Mon père voulait à tout prix tenter sa chance aux Etats-Unis, réaliser son rêve américain. A mon avis, il avait plus de chance de gagner sa vie aux Bahamas, là où les Noirs étaient en majorité. Car il fallait le dire, c'était bien dur de gagner sa vie, de trouver un job lorsqu'on était noir même si les conditions de vie pour les Afro-américains sont meilleures aujourd'hui qu'autrefois. Et ça, mon père a pu le remarquer...Nous nous sommes installés dans une modeste maison en périphérie. Les temps étaient durs. Il ne trouvait pas vraiment de travail et je n'arrivais pas à m'intégrer à l'école. On se moquait souvent de mon accent bahaméen. Avec le temps, il a fini par trouver du boulot en tant que journaliste. C'était une grosse surprise pour nous! Ma mère, elle, était caissière dans une épicerie. Quant à moi, j'ai fini par m'entourer d'un cercle d'amis petit certes mais qui me suffisait amplement. J'étais bon élève au lycée et mes parents étaient fiers de moi. Quand est venu le moment de choisir quelle université je voulais intégrer, j'étais surpris de voir qu'Harvard m'était accessible. Après tout, c'était probablement l'Université la plus prestigieuse de tout le pays. Et, il devait y avoir des élèves bien meilleurs que moi. Toutefois, j'ai obtenu des résultats excellents au lycée et puis j'étais capable de parler plusieurs langues dont l'anglais, l'espagnol, le français et l'italien également que j'avais pris en option. Probablement que ça avait joué en ma faveur. Mon dossier a donc été accepté à Harvard. Mais, ironie du sort, je ne décide pas de me consacrer à la littérature ni aux sciences..mais à la danse! Pour mon père, cela a été un choc. Petit, je dansais en cachette. C'était plutôt mal vu pour un garçon de danser. J'assistais en cachette à quelques cours de danse donnés bénévolement en bord de plage. Au lycée, j'ai également fait de la danse et c'était là que j'avais compris que je voulais en faire un métier. Après de nombreuses discussions, mon père a fini par accepter (parce que ma mère l'avait raisonné surtout). J'ai donc étudié la danse pendant cinq ans. Je vis encore aujourd'hui chez mes parents mais j'envisage de quitter le domicile familial et de me prendre en charge. Mes notes sont plutôt bonnes mais légèrement en baisse. Forcément, plus on s'élève et plus ça devient dur! Mais je suis très motivé et déterminé à atteindre mon but premier: devenir un grand danseur.