Zoïa & Clay
   CALLED OUT IN THE DARK

mise en page par .Stay Away

Mes doigts frappent depuis des heures des rapports dont je commence à connaitre par cœur la teneur: viol, agression, meurtre passionnel, suicide et incinération. Et pourtant, certains dossiers parviennent encore à me surprendre de part leur nature et de part leur violence. Depuis quelques temps, l'effectif des agents de Boston s'est ostensiblement réduit par manque de budget et tout écart de conduite est gratifié d'un blâme, meilleur moyen pour dresser les jeunes engagés. Pas étonnant que plus personne ne souhaite intégrer cette unité. Alors pour ceux qui restent et qui ne veulent déroger à leurs petits travers - comme bibi -, force est de constater qu'il vaut mieux se montrer polyvalent et sortir de son domaine de prédilection de temps en temps, ce pourquoi j'ai délaissé les affaires de coke et de prostitution. Mon meilleur ami et partenaire est venu m'épauler durant la dernière heure, juste histoire d'écourter mon labeur. Mais alors que j'entrouvre le dernier dossier, je ne peux résister au plaisir d'esquisser un sourire nerveux, mon poing s'écrasant sur le bureau pour preuve de ma soudaine contrariété. “ Con de stagiaire  ”. L'autre homme reste impassible et me questionne du regard quand d'un geste de la main, je jette la chemise sur le plan en merisier et m'adresse à lui, désappointé “ Vas-y sans moi, il s'est encore foiré. Faut que j'aille en bas récupérer des papiers. ” Sans surprise, il acquiesce et quitte les lieux, son vieux trench délavé sous le bras. Quant à moi, d'un geste las je récupère lesdits documents et prends le chemin de l'étage inférieur d'un pas rapide, manquant de peu de renverser une corbeille que la ménagère sous-diplômée n'a eu la présence d'esprit de vider. Marquant un temps d'arrêt, je fais rapidement volte-face et shoote dans la poubelle. Là. Je ne serais pas le seul exaspéré en ce début de soirée. Les boules de papier froissé roulent joyeusement à droite et à gauche, déluge de détritus que je m'empresse d'éparpiller du plat du pied ici et là. Tiens. Tiens! Content de moi, mes pas reprennent le chemin de la morgue, chemin qu'il me serait possible de retracer les yeux bandés maintenant. Une fois sorti des escaliers, c'est le couloir de la mort qui m'attend, la ligne verte jusqu'au double battant droit devant.

Une fois à sa hauteur, j'entrouvre violemment les portes de ma main libre et déboule dans cette antichambre stérile dont le calme qui y règne me fascine. Mes yeux s'attardent rapidement sur la jeune femme tandis qu'elle me salue, puis se remettent en quête du médecin légiste qui s'est absenté en l'occurrence. “Puta%$, jamais là quand il faut... ” Alors naturellement, mon attention se reporte sur celle dont j'ai déjà croisé le chemin maintes fois auparavant, et qui saura - je l'espère - me renseigner sur cette feuille manquante. Quoique... On n'est jamais mieux servi que par soi-même et je lui ai, à elle comme à son frère, causé déjà beaucoup trop de tort. D'une main levée en sa direction, je l'intime de me laisser en paix et me détourne d'elle pour aller fouiller vainement dans les papelards de son supérieur. Un coup d’œil rapide à ma montre et mes gestes se font plus rapides, plus imprécis. Les feuilles dégringolent les unes après les autres du bureau sans pour autant que je trouve réponse à mon problème. “ Bordel! ”. Il me faut lui demander son aide et comme si je n'avais pas été jusque là odieux envers elle, je lui souris malgré mon état d'esprit. “ Rosenbach... Avez-vous vu le rapport d’autopsie de Madame Zchis... Zwchisi.... ”

Zoïa & Clay
   CALLED OUT IN THE DARK

mise en page par .Stay Away

Du coin de l'œil, toujours penché, j'observe ma montre mécanique dont la trotteuse égraine inlassablement les secondes perdues en compagnie de ces corps au teint cadavérique. La stagiaire me répond d'un ton monocorde, frigide, à l'instar de sa personnalité. La mort lui va si bien...  “ Pas de doute, vous êtes faites pour ce boulot...  ” soufflais-je à voix basse, plus agacé que reconnaissant. Elle et ses airs de fausse noblesse, perchée sur ses talons de duchesse. Alors je me détourne pour lui faire face, en toise le regard froid, restant encore scotché aux mots "élaboration langagière" “ Mademoiselle, de nos jours savoir se battre est obtsenta... ostent...  ” Je me reprends un court instant, décontenancé et visionnant le mot pensivement avant de retenter ma chance“ Ostentatoire. ”. Durant quelques secondes je reste à la questionner du regard. Ai-je bon? Elle ne dit mot ce que je prends pour un oui. Alors .... heureuse? Tu l'as ton mot savant. Je reprends alors de l'assurance, empoignant le dossier qu'elle me tend sans pour autant le lâcher. Mes traits se tendent lorsque je finis par comprendre qu'elle n'a en rien dans ses dires déconné, qu'elle tient vraiment à ce que je range un par un les quelques dossiers renversés. Impatient, mes yeux se reportent pour la énième fois sur le cadran fixé à mon poignet, et malheureusement, j'en déduis que même avec rapidité, il me sera impossible de remonter au bureau et d’être à l'heure pour mon rencard établi sur un certain site. Oui... Car approchant de la trentaine, il est temps que quelqu'un m'aime pour ce que je suis, moi et toutes mes imperfections...

Inscris que depuis quelques jours, j'ai déjà pris contact avec une brune au caractère bien trempé. Mais grâce à la connerie de cet empaffé d'apprenti légiste, il me sera difficile de m'y rendre en temps voulu. Mes doigts se délient alors dudit feuillet qu'elle ne souhaite visiblement pas me céder et cherche rapidement mon téléphone dans ma poche arrière.  Inutile, réseau inexistant, les nombreux caissons métalliques empêchent la progression des ondes en ces lieux. “ J'ai pas le temps pour ces conneries Zo... Mademoiselle Rosenbach ” Et Jeff qui doit déjà m'attendre, lui qui souhaitait m'étudier et me conseiller puisque dans le domaine de la séduction progressive, il est évident que je manque de subtilité.

Mais le regard de la jeune femme reste à froid à mon égard et j'en conclue bien vite que de nous deux, j'ai le plus à perdre dans l'histoire. Je ramasse donc ces foutus documents au hasard, les empile avant de les déposer brutalement et reprends possession du dossier qu'elle me tend toujours de la main, insistant sur les syllabes que je vais prononcer très lentement “ Merci " avant de repartir aussi vite que j'étais venu. Ce n'est que quelques minutes plus tard étant remonté d'un étage qu'une sensation de vide me consume. Mon téléphone... Dans ma précipitation, je l'ai oublié sur le plan de travail où gisait sous un drap un cadavre. Demi-tour. Je redescends les marches quatre à quatre, sautant les dernières quitte à me reprendre de justesse pour débouler nerveusement dans le corridor. Le double battant est là juste devant moi quand soudainement c'est le choc, l'une des deux portes reste bloquée malgré mes efforts. “ Nom de Dieu! " C'est le nez ensanglanté dissimulé sous ma main que je me représente timidement devant elle...