Alejandro avait, il y a quelques temps, donné des petites leçons de danse à une amie Eliot, une certaine Mia, fille d'un banquier polonais. Bonne danseuse, elle ignorait tout de la danse latine, que l'Espagnol lui a appris volontiers, lui-même grand amateur de danse et dans ce domaine, comme dans bien d'autres, il se débrouille assez bien.

La petite leçon a tellement porté fruit que son amie a décidé de s'inscrire à un club de danse latine et ce soir, pour remercier son bon ami de l'avoir initié à cette danse, elle l'invitait à la séance de salsa. Alejandro arriva un brin en retard, Mia l'attendait à l'extérieur du local de danse. Déjà, il entendait la musique. Pour l'occasion, il s'était habillé très simplement, t-shirt blanc, jeans noir, des bons souliers dans les pieds, il avait aussi un collier avec un pendentif, comme c'était souvent le cas et une ceinture dorée qui prouvait son aisance financière. Sinon, il avait une barbe de quelques jours, les cheveux en pagaille, volontaire.

L'Espagnol s'excusa à son amie, qui ne lui en voulut pas longtemps et l'entraîna à l'intérieur. Quelques duos dansaient déjà et Alejandro, qui n'était pas venu ici que pour regarder, se mit très vite à danser lui aussi avec sa partenaire de danse. Il restait somme toute conservateur, simple, Mia ayant encore à maîtriser le rythme et les pas.

Le temps d'une pause, à peine essoufflé, il remarque une fille non loin et... bon sang, mais il la connait. Il n'en croyait pas ses yeux et il fixait Leslie depuis un moment, lorsque Mia bougea sa main devant ses yeux, le ramenant sur terre.

-Excuses-moi, je viens de voir une amie que je n'ai pas vu depuis très, très longtemps. Tu me pardonnes si je vais la voir?

Bien sûr, Mia n'avait rien contre, en tout cas, pas officiellement. Alejandro approcha doucement, réalisant un peu plus à chaque pas que oui, c'était bien elle, un peu plus âgée bien sûr, plus femme encore qu'il y a trois ans, mais quelle femme. Il interpellait en espagnol son amie.

-Leslie? Si, c'est bien toi! Ah excuses moi de te surprendre de cette façon. C'est moi! Alejandro!

Il était vraiment heureux de la revoir. Bien sûr, elle était partie sans crier gare, elle avait disparu de la carte, mais pour le moment, sa joie de la revoir prenait le pas sur le reste.

-J'ignorais que tu étais... ici, à Harvard!

Look du jour!:

Tandis qu'Alejandro se dirigeait vers elle, il vit Leslie quitter le cavalier avec qui elle était s'éloigner. Il ne lui vint jamais à l'esprit qu'elle tentait de le fuir ou quoique ce soit, alors il continua sa démarche jusqu'à être à portée de voix, assez forte d'ailleurs, vu la surprise qui l'habitait.

Leslie se retourna aussitôt et lui fit son plus beau sourire de mannequin, un sourire chaleureux, qui capte l'attention dès l'instant où il se montre. Un sourire qui vit celui du jeune homme s'agrandir encore un peu plus. Les deux se parlaient en espagnol bien sûr et Leslie vint le retrouver dans ses bras, comme ils avaient pour habitude de le faire il n'y a pas si longtemps, alors il lui fit la bise aussi.

La belle brune lui avouait d'emblée qu'elle avait des explications à lui donner. C'était bien certain et Alejandro, rancunier, a tendance à tenir rigueur à ses amis qui disparaissent sans lui donner de nouvelles, parlez-en à Dante, mais il était prêt à laisser une chance à Leslie, à attendre ses explications. Sauf que pour les avoir, il devait danser. Alejandro eut un sourire amusé.

-Très bien, dansons.

L'Espagnol prit la main de sa cavalière et entraîna la belle contre lui dans un geste d'assurance qui fit ancrer son regard sur le sien. Puis, il entama les premiers pas de danse, il gardait le tout simple, mais rythmé et énergique. Alejandro retrouva vite ses marques et se permit de faire tournoyer sa cavalière, la faire danser dos à lui, avant de tourner autour d'elle et de la retrouver en un mouvement des bras face à lui.

Danser avec Leslie lui rappelait ces nombreuses soirées où son amie et lui avaient passé pas mal de temps à danser, parfois, au détriment de sa petite amie d'alors, qu'il oubliait ou négligeait quelque part. Faut dire que toutes ses ex' n'étaient pas aussi bonne danseuse. Faut dire aussi qu'il avait fini par développer, à tout le moins, une attirance pour Leslie, qui n'était pas moins belle aujourd'hui qu'en ce temps là, il put le constater durant la danse, en voyant ses longues jambes fines bouger avec assurance, en croisant le regard de ce visage plein de caractère et de douceur à la fois, en frôlant une fesse et en touchant le dos nu et doux de son amie, perdue de vue depuis longtemps.

En moins de deux, il avait repris ses aises de cavalier avec elle et oubliait, comme d'autres fois, la présence de son amie, Mia, qui l'avait invité ici. Le moment de la pause venu, son amie lui revenait à l'esprit et Alejandro devait s'excuser auprès de Leslie, retenant celle qui tirait sur sa main.

-Excuses-moi, je suis venu avec une amie, je ferais mieux d'aller la voir. Je te reviens tout de suite après.

Si l'Espagnol levait la main de la belle brune, c'était pour y déposer un baiser, avant de la quitter. Oh, Alejandro revint un peu plus tard. Il était aller voir son amie polonaise et lui expliquer qu'il avait vu une amie qu'il a perdu de vue, qu'ils avaient du temps à rattraper et tout. Mia parut jauger du regard l'Espagnole seule dans un coin et acquiesça, non sans cacher une pointe de déception qu'Alejandro remarqua tout de même. Un beau sourire, un baiser sur la joue et il avait l'impression de se faire pardonner.

Il revint donc auprès de Leslie et s'assoit contre le mur, à côté d'elle. Elle semblait bien angoissée tout à coup à l'idée de lui parler. D'ailleurs, elle proposait la version courte ou longue. Pensif, se passant une main dans les cheveux, il sourit surtout à la question qui suivit, avant d'avoir eu le temps de fournir une réponse.

-Tu m'as manqué aussi, pendant un an, deux ans, à la troisième année, je me suis fait à l'idée que nous nous reverrions peut-être pas, puis, la vie continue comme on dit. J'ai cru que... tu avais pris tes distances vu ce que je t'avais dit...

À savoir, qu'il avait envie de plus qu'une simple amitié. En tout cas, esquissant un doux sourire qui se voulait rassurant, il dit ensuite:

-J'irais pour la version longue, j'aurai peut-être moins de questions à te poser grâce à cela.

Alejandro était prêt à écouté le récit de son amie et à avoir ses explications quant à pourquoi elle n'a plus donné signe de vie pendant trois ans. La jeune femme avait appuyé sa tête contre son épaule, comme si cette proximité lui donnait du courage ou du réconfort. Puis, elle se lança, racontant en détail comme son petit ami, probablement ex' maintenant, son frère et des amis à elle, tous membres de l'équipe de foot du Real Madrid, se sont retrouvés pris dans une histoire de fraude fiscale. Bien sûr, comme tout le monde en Espagne, Alejandro avait été consterné par cette histoire et il avait bien sûr reconnu le frère de Leslie, ainsi que son copain d'alors, mais jamais il ne lui était venu à l'idée que son amie ait pu être liée à tout cela, ou qu'elle quittait le pays pour cette raison, mais à bien y penser, c'était une bonne raison. Se faire oublier et changer d'air lorsque notre nom est rattaché à une histoire pareille, c'est sans doute la bonne chose à faire.

Cependant, l'Espagnol se montra plus sceptique et cela dut paraître dans son regard à la fin. Qu'elle se fasse oublier pendant un an, évite les journalistes et démarre pour ainsi dire une nouvelle vie en Amérique, bueno, mais de là à ne donner aucune nouvelle, Alejandro trouvait l'argumentaire de son amie quelque peu faible.

-Mais tout de même, pourquoi ne pas m'avoir appelé? Tu crois que j'aurais filé ton nom à des journalistes? Puis, je suis arrivé à Harvard l'année dernière, tu aurais pu, je ne sais pas, me faire un petit signe de vie.

Craignait-elle d'être sur écoute? Parce qu'il imagine que Leslie lui faisait confiance, lui fait encore confiance. Alejandro sait être discret et puis il ne serait pas aller raconter quoique ce soit à des journalistes, ce n'est tout simplement pas dans sa nature.

Puis, plus tard dans la conversation, la belle espagnol au regard difficile à éviter, ramenait le sujet qu'Alejandro avait évoqué un peu plus tôt, cette attirance entre eux. Bien sûr, de son côté, il avait été un peu refroidi par les années d'absence de son amie et puis, il avait fait une croix dessus aussi, mais qui sait ce qui couvre sous les cendres? N'empêche, d'entendre dire Leslie qu'elle ressent plus que de l'amitié pour lui le fit baisser des yeux. Puis, il releva les yeux et fit un sourire amusé à la remarque de son amie comme quoi il avait une petite amie. Pas depuis quelques mois!

-Non, malheureusement, ma dernière histoire s'est terminée durant l'été. Je suis sorti avec une femme d'affaires brésilienne qui prenait des cours à Harvard, mais elle a décidé de retourner vivre au Brésil et on a rompu d'un commun accord, pour ainsi dire...

De  toute façon, en amour, Alejandro semble difficile à satisfaire. Pendant deux-trois mois, c'est l'amour fou, puis, il se lasse et laisse la fille. C'est peut-être une bonne chose que Leslie et lui n'aient pas eu une liaison.

-Hey bien j'ai étudié à Barcelone un an, puis, ils offraient d'aller étudier à l'étranger dans certaines universités affiliées et Harvard en faisait parti. J'ai saisi l'occasion et je suis venu étudier en Amérique.

Pas d'histoire de fraude ni de catastrophe de son côté, juste une décision prise en lien avec son parcours d'étude. Harvard, l'Amérique, c'est prestigieux tout de même et puis cela change de l'Espagne, même si Alejandro aura toujours une préférence pour sa patrie.

Leslie décida de terminer son histoire, se disant sans doute que celle-ci répondrait directement ou indirectement aux interrogations qu'elle se posait. Elle lui raconta surtout un épisode où des brutes épaisses s'en prirent à elle à New-York et au Real Madrid au passage. L'épisode semblait avoir particulièrement marqué et troublé son amie, plutôt normal, puisqu'elle avait été à deux doigts de se faire agresser. Certains Américains s'étonneraient sans doute de la voir prendre si à cœur un club de soccer, mais en Espagne, ce club, c'est une religion. Leslie n'est d'ailleurs sûrement pas sans savoir que son vieil ami est plutôt partisan du FC Barcelone.

Alejandro était triste d'entendre cela, qu'un tel anecdote ait eu lieu et que son amie ait souffert autant d'une histoire dans laquelle elle n'a, somme toute, rien à se reprocher, sinon que d'avoir pris peur et d'avoir un peu oublié vers qui elle pouvait se tourner. En tout cas, il espérait qu'aujourd'hui, la page était tournée sur toute cette période.

-En même temps, j'étais à l'autre bout de l'Atlantique... La plupart des gens se perdent de vu tôt ou tard. Ce qui compte, c'est de se retrouver.

Puis, maintenant, il n'était plus à l'autre bout de l'Atlantique et il imagine que maintenant qu'ils se sont retrouvés, Leslie ne compte pas disparaître de si tôt. Son amie se levait ensuite, plutôt silencieuse et semblait l'attendre. L'Espagnol la regardait un brin, avant d'esquisser un petit sourire et de se lever à son tour pour aller la rejoindre et danser à nouveau avec elle.

-Tu sais ce que je me dis? Voyons tout cela comme une belle occasion de reprendre notre amitié, mais aussi, de se donner un nouveau départ. Après tout, trois années ont passé, les gens changent bien un brin en trois ans.