C'était une chose dont James avait du mal à se passer, même quand il travaillait au pinceau, il ne pouvait s'empêcher de « ressentir » la peinture. Alors quand il travaillait volontairement sur une oeuvre « manuelle » il appréciait d'autant plus, n'hésitant pas à ouvrir des seaux de peinture pour peindre de grandes empruntes. Mais bon, il fallait de la place pour ça, et dans la petite chambre de ce nouvel appartement il n'y avait pas la place de mettre les immense toile qu'il affectionnait tant.

Il n'avait pas vraiment à se plaindre pour tout dire, la résidence des Lowel était tout ce qu'il y a de plus spacieuse et, de toute façon, il avait accès aux atelier prestigieux de Harvard où il pouvait amener tous les formats sans que personne n'en soit dérangé ! Mais là c'était diffèrent, peindre seul, dans un environnent « fermé » avait son charme, une intimité entre l'artiste et son oeuvre que le jeune homme appréciait tout particulièrement. Un casque sur la tête, délivrant dans ses oreilles les délicieux accords d'une Symphonie de Beethoven, la cinquième, il peignait du bout des doigts sur une toile raisin. Il n'entendait pas, mais ressentait le frottement du canevas contre ses doigts quand il posait une touche plus appuyée que les autres.

C'était un visage, un camaïeu de violet mit en relief par un regard or, un sourire extatique se dessinait sur ce visage presque psychédélique tant le tracé en était stylisé par la touche si particulière de notre artiste.
Il projetait des gouttes, traçais du pouce de l'index ou de l'auriculaire, mélangeais a demis pour créer dans la matière même de la peinture des strie de différente luminosité.

Évidemment, ce genre de pratique est très salissante et James ne compte pas les chemises devenues multicolores, les parquets tachetés de mille et une nuance et les murs mouchetés d'arc en ciel. Il a donc tendu une bâche au sol, s'appropriant la première chambre inoccupée de l'endroit.
Puis, il avait tendu une autre bâche, derrière le canevas, suspendu au lustre pour protéger le mur et le lit - l'art du système D - perdu dans la musique et dans la peinture, il n'entendit pas une clef tourner dans la serrure, ni la porte s'ouvrir.

Certes cela aurait pu être une situation assez « normale » en somme. Qui ne s'est pas déjà perdue dans la tance de l'inspiration ? La plupart des Lowel on sans doute déjà expérimenté cet état de grâce.
Mais peu l'ont sans doute fait la porte de leur chambre grande ouverte. Et encore moins l'ont fait... Entièrement nu.

Pour sauver ses chemises voyez vous ?

Comme tout le monde le savait dans l'université, tant la jeune fille ne passait pas inaperçue, Pixie Antwoord n'était pas prédestinée à entrer dans une si grande école. Elle n'avait jamais roulé sur l'or et elle ne montrait jamais aucun signes de richesse étant donné qu'ils étaient inexistants. Sa mère, restée à San Francisco, se saignait aux quatre veines pour subvenir aux besoins de son unique enfant, et Pixie travaillait en parallèle en tant que modèle pour des sites de fringues alternatifs. L'élément le plus cher en sa possession, c'était sûrement sa vieille paire de Doc Martens noire, qu'elle avait achetée des années auparavant une centaine de dollars. C'était d'ailleurs les chaussures qu'elle portait aujourd'hui.
Ça faisait maintenant trois semaines que l'extravagante jeune femme avait posté une annonce sur le site officiel de Harvard afin de trouver un colocataire. Elle vivait dans la résidence des Lowells, et malheureusement à son arrivée ils n'avaient pu lui attribuer qu'un studio de deux chambres. Le coup était bien trop élevé pour qu'elle ne puisse l'assumer une année de plus. Elle espérait donc trouver une personne pas trop chiante pour partager son trois pièces.
Ça faisait désormais quelques jours qu'un Lowell plus jeune qu'elle avait répondu positivement à son annonce. Il n'avait pour l'instant pas indiquer de date d'arrivée, et la surprise n'en fut pas moindre quand elle découvrit qu'il était déjà installé. Pixie avait découcher les deux dernières nuits chez les Mathers, et elle était dans un état peu valorisant. Elle rentra donc chez elle et se servit un grand verre d'eau afin d'ingurgiter quelques calmants pour la tête. Pixie détestait les médicaments, mais là, ils étaient obligatoires. En passant devant la chambre, habituellement inoccupée, elle stoppa net ses pas, et ouvrit grand la bouche. La demoiselle était habituée aux hommes nus, mais à vrai dire, un homme nu, qui peint dans son propre appartement, c'était plutôt déroutant. Elle lâcha sa veste au sol et pénétra dans l'atelier d'appoint du jeune intru. Excuse-moi, toi, hé, qu'est-ce que tu fais chez moi ? Comment t'es rentré ?! En tant normal, Pixie lui aurait sûrement sauté dessus, mais après deux jours de fêtes interminables, elle n'était pas bien fraîche. C'était sûrement le colocataire, mais elle voulait s'en assurer. Et elle n'hésita pas à lui toucher l'épaule de sa main glacée pour se faire remarquer malgré la forte musique qu'écoutait l'homme.

L'esprit a parfois de drôles de détours... du moins, il a tendance à omettre, pour quelques instants de flottement, des informations absolument essentielles pour saisir en totalité une situation. Dans le cas de James, c'est sa propre nudité qu'il mit de côté, tout à cet événement inattendu. Le contact d'une main fraîche sur sa peau le fit sursauter, surpris il se retourna, dégageant de l'avant bras le casque sans fil de ses oreilles - histoire de ne pas le recouvrir de peinture - et jaugea du regard la jeune femme qui venait de le sortir de sa « transe artistique ».

« Hum... Bonjour ? »

Intéressante, singulière.
Certains rajouteraient sans doute « bizarre » - mais James n'avait rien à dire au sujet de l'étrangeté - mais la jeune fille, si unique soit son apparence vestimentaire, ne semblait pas au mieux de sa forme, elle avait d'ailleurs un regard étrange.
C'est sans doute du fait que tu sois nu.
Un regard vers le bas, un regard vers elle.

« Bordel ! »

Réagissant une bonne dizaine de secondes trop tard, notre peintre lâcha son pinceau, glissant une main pour cacher les parties les plus privées de son anatomie, traçant au passage une ligne lilas le long de son torse.
Mauvais réflexe James.
Il sentit, trop tard, ses mains pleines de peinture se refermer sur l'objet de sa pudeur. Une impression de fraîcheur collante qui lui indiquait qu'il venait de se repeindre une partie de lui en une multitude de tons de violet. Il se flagella mentalement d'une dizaine d'insultes, gardant un visage aussi calme que possible, réussissant même à ne pas prendre un air trop gêné.

« Je... je m'appelle James. Tu es... Pixie c'est ça ? Je suis ton nouveau colocataire. »

Il leva une seconde les yeux au ciel.
Ce serais plutôt à elle de faire ça tu sais ?

« Je n'avais pas vraiment prévu ça comme rencontre. Tu comprendras que je ne te serre pas la main. »

Il regarda de chaque côté mais, malgré la proximité de ses vêtements, il y avait quelques complications. Premièrement, les saisir reviendrait à nier la raison même pour laquelle il les avait retirés : ne pas les couvrir de peinture. Deuxièmement, s'il prenait ses mains pour saisir son jean et sa chemise, elle ne pourrait pas être ailleurs... ce qui était, à ses yeux, un problème bien plus « palpable » que quelques tâches violacée sur une chemise.
Maintenant James, il va falloir que tu lui expliques non ?

Dans le doute, faire un sourire charmeur ! Une règle que James applique sur-le-champ, tentant de faire passer la « pilule » avec une pointe de sympathie et tout ce qu'il pouvait de son charme - qui se trouvait fortement entamé par sa nudité tachée de peinture.

« J'avoue que j'adorerais faire ta connaissance mais... je ne sais pas si c'est la situation la plus favorable. »

La jeune femme se mit à rire. La situation était vraiment particulière et retenir son rire aurait été bien trop dur. Elle ne se moquait pas mais il fallait avouer qu'une telle rencontre était des plus originales et qu'elle s'en souviendrait sûrement encore longtemps. Et bien, James, je suis ravie de te rencontrer. Ne sois pas gêné voyons, tu es ici chez toi après tout. J'm'attendais pas à te voir arriver si vite mais bon, au final, ça ne change pas grand chose. J'imagine que tu as un peu visité, mais je te le dis tout de même, la salle de bain se trouve au fond à droite du couloir, en face de ma chambre. J'vais te sortir une serviette. La nudité du jeune homme était sûrement plus gênante pour le jeune que pour Pixie. Et c'était ça qui faisait sourire Pixie. Ce garçon était un sacré numéro. Elle était contente que ce soit lui son colocataire. Si en plus de payer moins cher elle pouvait être distraite même chez elle, c'était parfait. Que demandez de plus ? En plus il n'était vraiment pas désagréable à regarder. Elle reporta son attention sur le visage du jeune homme et lui détacha un fabuleux sourire angélique. Elle sortit un mouchoir blanc de sa poche et en essuya grossièrement le torse du jeune homme, comme pour le rendre plus présentable. Elle lui fit un gentil clin d'oeil de compassion puis se retira de la chambre de James afin de le laisser reprendre ses esprits et sa dignité. Elle partit à la salle de bain et lui sortit une grande et douce serviette beige qu'elle disposa sur le rebord de la baignoire. Elle alluma également un peu le chauffage de celle-ci, prenant soin de refermer la porte derrière elle. Ce colocataire, elle en avait besoin. Alors, il fallait qu'elle fasse bonne impression et qu'elle laisse sa gentillesse prendre le dessus. Elle rejoint sa chambre, celle en face de la salle de bain mais n'en ferma pas la porte. Après tout, si elle pouvait se rincer l'oeil, pourquoi pas. Elle s'affala sur son lit situé pile en face de la porte et lâcha un soupire d'épuisement. Tu peux y aller James, mes yeux sont cachés ! Dit-elle d'une voix rieuse. Non ils ne l'étaient pas. Pixie ne pouvait pas passer outre le naturel. Elle était comme ça, et c'était tout.

Il ne savait pas encore qui était cette fille et, pour tout dire, James décidait encore s'il le voulait. Après tout, il risquait de se souvenir de cet épisode pour un bon moment. Enfin, malgré sa gène, sa nouvelle colocataire n'en faisait pas des tonnes et il lui en était reconnaissante. Non pas que le jeune homme soit la susceptibilité incarnée - quoique sur certains sujets c'est effectivement le cas - mais personne n'aime être l'objet de moquerie même si, comme dans le cas présent, elle semble bien méritée.
Après tout, si tu l'avais trouvée nue en train de peindre qu'aurais tu fais ?

Non. Pas d'image de la jeune fille nue ! Notre peintre naturiste était déjà suffisamment embarrassé sans étendre la zone à dissimuler.
C'est ce moment que pris la jeune fille pour essuyer - même si elle l'étala pas mal - la trace de peinture fraîche qui maculait son torse, envoyant un frisson tout le long de sa peau, il sentit les cheveux de sa nuque se dresser. Mauvais timing ! Les mains de James se serrèrent un peu plus, et son sourire se prit d'un brin de crispation. Il réussit tout de même a gardé un visage composé.

« Merci beaucoup... je crois que j'aurais repeins la moitié de la salle de bain sans toi »

Un peu d'humour pour détendre l'atmosphère.
A moins que ce ne soit pour détendre autre chose ?
Mais la jeune fille partie dans le couloir et notre jeune homme put se relâcher un peu.
Il poussa donc un long soupir, se concentrant sur une solution a son problème tandis que la jeune fille faisais ce qu'il semblait préparer la salle de bain pour lui.

Un bon point pour elle ? Non plutôt quelque chose comme une demi-tonne de bons poins !
Vérifiant qu'elle ne pouvait pas le voir, il chercha un moyen de saisir ses vêtements - n'en ayant pas mis de côté dans la salle de bain - mais le seul torchon qui aurait pu servir d'intermédiaire entre ses mains et son jean avait servi à ses pinceaux. Inutile donc.

Il ne restait donc que la serviette que la jeune femme lui avait promis.
Le problème ? Entre ici et la salle de bain il y avait plusieurs mètres et une vue imprenable depuis la chambre de sa nouvelle coloc. James poussa un second soupire, jetant un oeil sur une partie plus basse de son anatomie, vérifiant que ses mains couvraient encore tout ce qu'il y avait a couvrir.
La voix de la jeune femme arriva enfin jusqu'à lui.
Elle ne regarde pas ? Trouverais-tu ça dommage ?
James envoya sa conscience se faire prendre par un cactus.

D'un pas hésitant, marcher trop vite aurait pu faire goutter la peinture, il traversa les quelques mètres de couloir. Il passa dos à la chambre de la jeune femme, préférant ne pas la regarder pour conserver toute sa concentration sans qu'une énième vague de gène ne vienne interférer avec ses pensées.
De gène, tu es sur ?

La porte de la salle de bain était fermée.
Il hésita un instant, n'osant pas jeter un coup d'oeil dans la chambre de la jeune femme ou bien l'appeler pour qu'elle lui ouvre. Après quelques secondes, il décida de lâcher une de ses mains - après tout, elle ne regardait pas - pour ouvrir la porte, laissant une emprunte voilette sur la poignée. Encore un truc à nettoyer après.

Il se faufila dans la salle de bain, repoussant la porte du talon derrière lui. Elle restait entrouverte mais bon, il n'allait pas mettre un coup de pied dedans non plus et la jeune femme ne semblait pas du genre à venir l'observer. Après tout, elle avait bien décidé de dissimuler ses yeux pendant sa marche de la honte.
Tu n'as même pas vérifié qu'elle le faisait vraiment.
James leva les yeux au ciel : lui et ses élans paranoïaques.

Chassant ces pensées superflues de son esprit, entra dans la baignoire, relâchant enfin ses mains pour ouvrir les robinets.
Une eau fraîche, mais salvatrice, coula sur son corps, claire à l'arrivée, elle repartait dans les canalisations teintées de de mille nuances de violet et de quelques paillettes d'or.
Se relâchant enfin vraiment, James laissa s'échapper un long soupir de sa poitrine, appréciant la sensation de l'eau - qui se réchauffait doucement - coulant le long de son corps.