Mais c'était l'Enfer, ici. Sérieusement, on était censés être isolés pour ne pas que notre état empire encore plus à cause des virus, mais c'était une usine à microbes, ici ! Allongée sur mon lit, je restai immobile un long moment, me contentant de regarder partout autour de moi, des gens qui gémissaient dans tous les sens et je ne pouvais m'empêcher de lever les yeux au ciel. Ah, visiblement être malade faisait de moi quelqu'un d’exécrable, c'était bon à savoir. Je n'avais pas été malade depuis mes sept ans et c'était maintenant qu'il y avait un truc aussi dangereux qui traînait qu'il fallait que je m'y remette. Sympa. J'étais complètement assommée depuis plusieurs jours, réussissant à peine à m'extirper de mon lit ce weekend et ça ne faisait qu'empirer mais là, il fallait que je bouge sinon j'allais taper sur quelqu'un. Enfin, l'effleurer quoi mais l'intention y serait. Grâce à de nombreux efforts, je finis par réussir à bouger de mon lit et j'allai trouver une infirmière pour lui demander de me rendre à l'étage d'en-dessous. Je partais sur un coup de tête, mais je savais déjà qui j'allais voir. J'avais chaud et froid en même temps, je savais que c'était signe de fièvre, mais j'avais réellement besoin de bouger, ne serait-ce que pour mon mental. L'infirmière m'amena donc à la chambre où dormait ma meilleure amie et je la remerciai avant de la quitter. J'avançai lentement, scrutant tous les lits pour trouver le bon. C'était vraiment .. déprimant. Enfin, je la trouvais, allongée dans son lit et dormant à poings fermés. Mon cœur se serra parce que même endormie, je pouvais voir sur son visage qu'elle était mal en point. D'une main, je m'appuyai sur mon matelas pour soutenir mon corps qui refusait de rester droit et de l'autre, je vins caresser sa joue doucement, pleine de scrupules de la réveiller. « Rox .. ? » dis-je tout doucement, pas encore très sûre d'avoir envie de la tirer de son sommeil.

Cinq jours que j'étais enfermée dans cet enfer vivant, à regarder mon état se dégrader progressivement. Cinq jours que plus ça allait, plus je faisais des crises de nerfs, plus j'étais mal en point.. Plus j'avais peur. Même collés derrière cette putain de vitre, l'interview qui était passée à la radio nous avait pas échappé. Se réjouir du côté non contagieux ? Que nenni ! Je n'avais qu'une seule partie de l'interview en tête : Cette putain de maladie est mortelle. Mes bébés n'allaient peut-être pas revoir leur mère, et bordel, Jude avait pas intérêt à essayer à nouveau de se foutre en l'air, là pour le coup il en avait plus le droit, ou du moins encore moins qu'avant. J'avais passé ma nuit à suivre mon coeur qui jouait au yoyo, à s'accélérer sans raison et ralentir quand ça le chantait, me provoquant de magnifiques crises de panique et donc, une belle insomnie. C'est seulement dans la matinée que j'ai fini par accepter des medocs pour m'endormir, épuisée et lasse de suivre mon coeur qui jouait du djembé contre ma poitrine. J'avais des poches sous les yeux, et c'est seulement quelques heures plus tard que je me sentis doucement tirée de ma léthargie. Une infirmière ? Non, la caresse sur ma joue me fit bien vite réaliser la voix qui m'appelait parallèlement : « Rox .. ? » Je me frottais les yeux, les ouvrant difficilement. Le problème quand on dort en plein jour c'est qu'il faut s'habituer à la lumière. Mais je m'y fis bien vite en voyant la brune qui était penchée au dessus de moi. « Billie ...? » Marmonnais-je, avant de froncer les sourcils. Je m'appuyais vite sur mes coudes pour me redresser. Enfin, vite... Aussi vite que je le pouvais, grimaçant sous l'effort. Mais je m'en moquais éperdument, j'étais en train de secouer la tête de gauche à droite, prise à la panique. Dès le réveil, miam. « Non... Non non... Pas toi aussi... » J'attrapais sa main. Elle était bien penchée au dessus de moi, et ça ne voulait dire qu'une chose: Elle était aussi malade.

Penchée au-dessus de ma meilleure amie, je me mordais la lèvre pour tenter de retenir le flot de larmes qui insistait pour s'échapper de mes yeux. Il ne fallait pas qu'elle se réveille et tombe sur un visage en larmes. Ça faisait .. un bail que je ne l'avais pas vue. Rien n'était pareil depuis qu'on s'était réconciliées, on ne s'ignorait plus mais notre relation n'était pas non plus un long fleuve tranquille. Mais la voir là, aussi mal en point, ça me faisait réaliser que .. Putain, si elle y restait, je savais vraiment pas ce que j'allais faire. Rien que d'y songer, ça me filait des vertiges. Ma main sur son visage, j'exécutais mes mouvements aussi lentement que je le pouvais pour ne pas la réveiller en sursaut, j'avais entendu à la radio que ce foutu virus pouvait avoir une influence sur le rythme cardiaque, alors je ne voulais pas en rajouter au cas où Rox souffrait de ça. Enfin, elle ouvrait ses yeux et sérieusement, je crus que j'allais m'écrouler au sol et me noyer dans mes larmes. J'étais assommée de fatigue et ça me rendait instable émotionnellement .. plus que d'habitude. « Billie ...? » Je vis d'abord la confusion sur son visage, puis elle se redressa sur ses coudes et je posai mes mains sur ses épaules pour la stabiliser et lui faire comprendre de se ménager. « Non... Non non... Pas toi aussi... » Je hochai la tête en me mordant l'intérieur de la joue et je me hissai sur son lit, m'asseyant près d'elle. Serrant fébrilement sa main dans la mienne, je fermai les yeux un moment. « J'voulais venir avant .. » Mais je m'étais dégonflée comme une putain d'égoïste. « Au moins maintenant, on aura pas de vitre pour nous séparer .. » tentai-je avec un sourire qui n'aurait pas convaincu la personne la plus naïve au monde.

Ce foutu virus m'avait déjà foutu en boite de conserve Apple, Emrys, Andreas, Aaron, et tant d'autres qui m'étaient chers... Évidemment, il fallait qu'il me prenne aussi Billie. Pas ma Billie. Elle semblait épuisée aussi, du peu que j'arrivais à la discerner alors que je sortais de mon sommeil pas si profond que ça. Même ces putains de medocs n'arrivaient pas à me toucher, la prochaine fois j'allais leur demander de me doper comme un cheval. La brunette tenta tant bien que mal de me stabiliser sur mon lit pour m'empêcher de trop m'agiter, avant de grimper sur mon matelas tandis que je me décalais pour lui faire de la place. « J'voulais venir avant .. » Dit-elle, fermant les yeux alors que moi, je baissais les miens sur nos deux mains entrelacées. Je ne lui en voulais pas, je connaissais sa haine envers les hopitaux, comme la mienne. « Au moins maintenant, on aura pas de vitre pour nous séparer .. » Je pinçais les lèvres, incapable de faire ne serait-ce qu'un sourire feint. « J'aurais préféré cette vitre sans vouloir t'offenser .. » Marmonnais-je en m'enfonçant sous mes draps, crispant douloureusement ma mâchoire. Mordant nerveusement ma lèvre inférieure, je levais à nouveau les yeux vers Billie pour demander : « Depuis combien de temps ils t'ont coincée ici? » Pitié, pas longtemps, qu'elle ait plus de chances que d'autres.. Mais je savais déjà qu'elle était arrivée après moi, Jude l'ayant prévenu de mon hospitalisation.

Il n'y avait pas que Roxanna que j'avais négligé d'aller voir à l'hôpital ces derniers temps. D'autres de mes proches y étaient enfermés et je ne pouvais me résoudre à aller leur rendre visite, parce que j'étais une foutue handicapée émotionnelle et que ça me barrait souvent la route. Désormais, je n'avais plus qu'à espérer que Jude et Alex ne soient pas contaminés. Ou Aaron .. Putain .. Oh non. J'avais été voir Aaron plusieurs fois Jeudi et Vendredi parce que Jude m'avait dit que son fils en avait marre d'être seul. Putain et si je lui avais refilé un truc ? Je me sentis pâlir à l'idée que j'avais pu lui transmettre ce virus. Je ne savais pas si c'était contagieux, mais une merde pareille devait forcément l'être, non ? « J'aurais préféré cette vitre sans vouloir t'offenser .. » Sa voix me tira des pensées horribles que j'avais et quand je rouvris les yeux, j'eus à nouveau un vertige. Je m'agrippai instinctivement à sa main un peu plus fort, posant mon autre main sur ma cuisse pour me stabiliser. « Depuis combien de temps ils t'ont coincée ici? » Je soupirai en me passant une main sur le front. Combien de temps ? J'perdais déjà la notion du temps. « J'suis venue à l'hôpital .. Dimanche soir et j'crois .. j'crois qu'ils m'ont foutue en quarantaine dans la journée de Lundi. » On était quoi là, mercredi ? Fronçant les sourcils, je me rendis compte que je n'en avais plus la moindre idée. Mais on devait forcément être dans ces eaux là .. nan ? « Comment tu t'sens ? » Je me penchai un peu vers elle pour voir son visage de plus près, levant sa main jusqu'à ma bouche et déposant un baiser sur ses doigts.

J'avais encore bon espoir que ces médocs soient si forts que j'étais en pleine hallucination. Mais non, la prise de Billie autour de ma main semblait bien trop réelle pour être factice, et elle vacilla d'ailleurs, sûrement étourdie après être montée sur mon lit. J'avais connu ces premiers symptômes il y a quelques jours, difficile de me les cacher par conséquent. « J'suis venue à l'hôpital .. Dimanche soir et j'crois .. j'crois qu'ils m'ont foutue en quarantaine dans la journée de Lundi. » Ouais.. Sûrement donc dans la dernière vague de malades qu'ils avaient fait rentrer à l'hôpital, j'avais entendu dire qu'ils avaient retenus de nouveaux patients en quarantaine après moi. Je hochais la tête faiblement, déglutissant avant de regarder la brune. Elle semblait mal en point déjà, et je me demandais alors dans quel état pouvait se trouver Apple, arrivée avant nous. Il allait falloir moi aussi que je parte en vadrouille plus tard. « Comment tu t'sens ? » Billie se pencha plus près, m’auscultant du regard tandis qu'elle portait ma main à ses lèvres, ce qui m'arracha un bref sourire à peine perceptible. Je haussais une épaule. « J'ai passé la nuit à faire les montagnes russes avec mon rythme cardiaque, et on a du me droguer pour que j'dorme, rien de bien fameux... » Je me décalais d'avantage sur le côté du lit, et posais ma main libre dans le dos de Billie, y exerçant une légère pression. « Allonges toi aussi.. Tu vas t'épuiser comme ça. Et toi alors.. Comment tu te sens ...? » J'espérais qu'elle n'était pas trop touchée, même internée. Moins elle aurait de symptômes, plus elle avait des chances d'être tenace jusqu'à ce que les médecins trouvent une solution.

Être enfermée dans un hôpital, c'était déjà plus que ce que je pouvais supporter, mais être là avec Roxanna, ça faisait remonter des souvenirs dont je me serais bien passée. La dernière fois qu'on avait été réunies ici, j'avais bien cru que je l'avais perdue pour de bon. Il y avait eu tellement de sang, tellement de cris .. un homme était mort, un assassin et nous avions bien failli y passer aussi. Et là, j'avais à nouveau aussi peur de la perdre. J'ignorais à quel point cette maladie était grave, mais justement, l'inconnu était toujours d'autant plus effrayant. Je lui demandai comment elle se sentait et je la vis hausser les épaules. « J'ai passé la nuit à faire les montagnes russes avec mon rythme cardiaque, et on a du me droguer pour que j'dorme, rien de bien fameux... » Je me mordis l'intérieur de la joue, mal à l'aise lorsqu'elle évoqua le fait d'avoir été droguée. Je m'efforçai d'oublier aussitôt cette partie et me concentrai sur la partie la plus inquiétante. Sa tachycardie. C'était l'un des aspects qui m'inquiétaient le plus dans les symptômes. Elle se décala sur le lit et pressa mon dos pour me faire comprendre de m'allonger. « Allonges toi aussi.. Tu vas t'épuiser comme ça. Et toi alors.. Comment tu te sens ...? » M'allongeant à côté d'elle, je posai une main sous ma joue et me mis sur mon flanc pour lui faire face. « Je dors plus qu'un ours qui hiberne .. j'ai mal partout et parfois il m'arrive de .. perdre la tête. » Je pensais à ces moments d'incohérence depuis dimanche, qui commençaient à me rendre folle. « En fait j'ai couvé ça toute la semaine dernière, mais j'croyais que c'était dû au stress .. Les médecins ont failli me foutre une rouste de pas être venue consulter plus tôt. » avouai-je en enfonçant mon visage dans son oreiller.

Je détestais les hôpitaux, et ce depuis ma naissance. C'est pas comme si j'avais un passé tendre avec eux, dès ma naissance c'était dans un hopital que j'avais perdu mon premier bien, à savoir ma propre mère. Ajoutez à ça mes allers retours à l'hopital pendant mon adolescence, mon séjour en psychiatrie à 16 ans, et notre séjour avec Billie en 2012, pour donner une magnifique allergie aux hôpitaux. Et voilà que j'étais enfermée en quarantaine, à jouer au yoyo avec mon rythme cardiaque sans la moindre possibilité d'y changer quoique ce soit. Achevez moi tout de suite si ça doit empirer. Je proposais alors à Billie de s'allonger à mes côtés, chose qu'elle fit, se positionnant sur son flanc pour me faire face tandis que je m'inquiétais de son état à mon tour. « Je dors plus qu'un ours qui hiberne .. j'ai mal partout et parfois il m'arrive de .. perdre la tête. » Je contractais la mâchoire, reconnaissant évidemment les symptômes. Après tout, nous étions tous enfermés dans cette gigantesque boite pour les mêmes raisons. « En fait j'ai couvé ça toute la semaine dernière, mais j'croyais que c'était dû au stress .. Les médecins ont failli me foutre une rouste de pas être venue consulter plus tôt. » avoua Billie, s'enfonçant dans son oreiller tandis que je faisais de même. Eh merde, elle était donc dans un stade assez avancé si les médecins avaient gueulé. Mon estomac se contracta et je fronçais les sourcils. « D'accord.. » Marmonnais-je en baissant les yeux et en expirant, essayant de rester calme. « D'autres personnes qu'on connaît sont à l'étage avec toi..? » Demandais-je enfin, faisant clairement allusion à son meilleur ami, le père de mes enfants, Jude. Je lui avais confié les petits, et j'étais morte de peur à l'idée que lui aussi tombe malade.