J'devais être un peu fou furieux sur les bords pour me jeter dans la gueule du loup comme ça. Moi qui croyait aux histoires de fantôme, j'étais flippé quand même à l'idée de me balader dans un manoir délabré anciennement asile psychiatrique où 46 000 personnes avaient trouvé la mort et un bon nombre avaient été torturés. C'était pourtant seul dans le manoir que je m'aventurais, utilisant l'application lampe de poche de mon téléphone pour m'éclairer dans le noir. J'entendis du bruit et pinçai les lèvres, m'approchant de la porte d'où semblait provenir les mouvements, poussant doucement la porte et d'un coup, j'éclairai la tronche à Mia. Ah putain ! m'exclamai-je en sursautant doucement puis me passant une main dans les cheveux en riant légèrement. Une bizut Eliot, on s'était jamais vraiment parlé mais j'connaissais sa relation houleuse avec ma meilleure amie Anya. Tu t'amuses à faire peur aux gens comme ça, planquée dans le noir ? Je m'avançai doucement dans la pièce en éclairant où je mettais les pieds, soulagé.

Genre ça va pas la tête, moi j'faisais du bruit avec de la lumière, c'était elle qui était dans le noir et m'avait foutu les jetons ! Mais dans un sens ça me rassurait. Si j'avais été à le seul à flipper, ma virilité aurait pris une sacrée baffe pour le coup alors ça me soulageait de savoir que même avec la lumière j'avais réussi à lui faire peur aussi. Au moins on est deux tarés dans un coin isolé du manoir. Puis Anya qui était ici, elle aurait jamais du venir, encore une chance qu'elle n'était pas enceinte jusqu'aux yeux mais le stress était mauvais pour elle, meilleur ami protecteur in da place. J'ai décidé d'me foutre la frousse tout seul en farfouillant dans ce manoir à la recherche d'histoires de fantômes, répondis-je en me tournant vers elle, haussant les sourcils à plusieurs reprises pour la taquiner mais je me pris bien vite la lumière de son téléphone dans la gueule. Hey, on t'a jamais dit que les yeux bleus étaient sensibles ? ajoutai-je en plissant les yeux et en détournant le regard, puis en reprenant la marche, je sentis mon pied écraser quelque chose. En fait j'suis en mission repérage pour savoir quelle pièce examiner demain quand il fera jour pour l'exposé... C'est quoi ça ? Je me penchai pour ramasser une pince coupante du bout des doigts, grimaçant. Erk. Y a des tâches de sang dessus c'est dégueulasse.

C'était bateau ça, j'aurais pu me débrouiller toute seule. Pff. En même temps je jouais les dur mais au fond j'étais pas forcément plus rassuré qu'elle, je blaguais sur les histoires de fantôme alors que j'étais probablement le premier con sur terre à croire aux esprits. Transformer sa peur en ridicule pour s'auto-rassurer, vous voyez l'genre ? J'crois bien ouais. Il m'semble que c'est du sang en effet. Frissonnant à l'idée de ce à quoi ces pinces avaient pu servir, je les reposai sur une table non loin de moi. Une table qui semblait être en fer ? Un lit ? J'écarquillai les yeux et sursautai en entendant le vacarme du bocal qui se fracassait au sol. Bordel ! Et c'est quoi cette odeur ignoble ? Le sang, la poussière et la crasse ça suffisait pas, l'humidité dégueulasse et les bestioles, on nous rajoutait maintenant l'odeur ? J'allais finir par vomir à ce rythme-là. Je suivis du regard ce qui était au sol, constatant moi aussi que ce qu'il y avait dans le bocal était tout sauf ragoutant, mon cœur loupa un battement et la jeune femme bondit à côté de moi sans se faire prier alors qu'avec mon téléphone, je relevais la lumière vers le meuble d'où était tombé le bocal, pour constater qu'il y en avait d'autres similaires. Bon dieu heureusement que j'étais scientifique, autrement j'aurais déjà pété un boulon. C'est;.. trop creepy... Je lançai un regard circulaire autour de nous, posant une main sur l'épaule de Mia, gêné par l'odeur nauséabonde qui ne quittait pas l'air. Elle est vraiment... vraiment louche cette pièce. C'est celle des tortures tu crois ? demandai-je alors qu'avec mon téléphone, j'éclairais tout un tas d'outils qui ne servaient clairement pas à cuisiner des frites.

C'était quand même particulièrement affreux comme pièce, sur touuuuutes les pièces de ce fuckin manoir, il avait fallu qu'on tombe très probablement sur une des plus horribles. Je déglutis à la vue des bocaux, une fois encore devant tous les instruments de torture alors que Mia s'écartait un peu pour reprendre son exploration. Je m'avançai vers les outils en haussant une épaule, me mordant les lèvres. J'avoue qu'ça donne pas très faim, heureusement j'ai rien dans le ventre. Qui a dit glamour ? Je fronçai le nez devant certains outils, tous plus affreux les uns que les autres, pinces, scalpels et casques bizarres qui ne laissaient rien présager de bon. Salle de torture ou laboratoire, ou peut-être les deux en fait... Quand j'me suis un peu renseigné avec Anya avant de venir on nous a raconté que les docteurs faisaient des expériences sur leurs patients. Un laboratoire qui sert de salle de torture finalement, l'un dans l'autre. Je me redressai en prenant une grande inspiration, grimaçant à nouveau à cause de l'odeur. J'suis bien content de pas avoir vécu à une époque aussi barbare. Me tournant, j'observais la table où étaient probablement passés de nombreux patients, qui étaient finalement morts dessus après d'innombrables souffrances, pensai-je avec un frisson. T'as trouvé quelque chose ?

Pourquoi ils torturaient les patients... Y a tellement de raisons qui font qu'on peut torturer quelqu'un à bien y réfléchir. Ils voulaient faire avancer la science j'imagine, comme tous les scientifiques... Après bah... J'doute pas que certains patients sont passés sur cette table parce qu'ils étaient "gênants". Trop curieux. Du genre à vouloir raconter aux journalistes ce qu'il se passait ici... comme d'ailleurs la journaliste qui avait réussi à s'échapper et avait causé la fermeture de l'établissement. Je me redressai et me tournai vers la jeune femme qui me disait avoir trouvé des ongles et des dents, grimaçant. Quelle magnifique trouvaille... ! Non, moi j'ai les instruments qui ont probablement servi à arracher les dents et à couper les doigts par contre. Je baissai les yeux vers ma main libre et pinçai les lèvres, mal à l'aise. Ça doit être terrible de se faire couper les doigts comme ça. Est-ce que ça fait de moi un psychopathe de trouver ça affreux et fascinant à la fois ? demandai-je dans un rire. C'était terrible, j'aimerais pas le subir ni le faire subir, mais quand même, c'était incroyable tout ce qu'il s'était passé ici, même si c'était super flippant. J'me demande à quoi ressemblait ce manoir quand il était pas encore abandonné.