La matinée m’avait semblée plutôt bien. Damian m’avait proposé de faire les boutiques pour que je puisse le pardonner de m’avoir fait bouffer au point de ressembler à un hamster. C’était honteux, il l’avait fait devant tout le monde ! Mais bon… j’avais beau avoir été fâché les premières minutes, j’ai fini par en rire.

Autrement, ce matin, je me suis réveillée avec un mal de crâne horrible : voilà pourquoi Apple Kovalevski ne touche jamais à l’alcool. Le pire dans tout ça, c’est que c’était la première fois de ma vie que je m’étais saoulée et l’envie m’a pris comme ça, tout d’un coup. J’ai beau me dire que ça ne pouvait qu’être à cause du décès de Cora, que ça me chagrinais... Mais j’avais l’impression que le fait qu’Andy parte avec Chuck hier soir sans que je puisse savoir où ils étaient allés, était pour quelque chose…

J’étais venue pour chercher des réponses. Ça m’agaçais, ça me rongeais. Je ne me rendais même pas compte que ça ne me regardais pas : mais je m’en foutais. Alors j’ai plantée le déjeuner au restaurant avec mon frère pour retourner à l’hôtel où je me dirigeais en flèche vers la chambre d’Andy. J’espérais qu’il y soit, même si ça m’étonnerais, vu la température externe.

- Oui ?… mais il y était. J’entrais alors, le trouvant assis tout près de la fenêtre.

- Pourquoi tu restes enfermé ? T'es un albinos ?

Dès la première seconde où j’ai mis les pieds à l’intérieure de la chambre, j’ai regrettée. Mais je ne me laissais pas abattre par ce que je ressentais en sa présence : je devais lui demander, bien que ça ne me concerne pas du tout. Je refermais alors la porte juste derrière moi. Tout le monde était dehors sur la plage ou tout simplement en sorti. Nous étions seul dans la chambre, sur l’étage réservé aux élèves d’Harvard, voir quasiment l’hôtel. La température permettait aux gens de sortir et de faire ce qu’ils voulaient. Apparemment nous étions les seuls –ou presque- fou à rester à l’intérieure.

- Ça fait du bien de faire l'ermite de temps en temps. Qu'est-ce qu'il y a ?

Je détestais ce regard. Celui qui me lançait à toutes les fois que je lui posais une question, et à toutes les fois, je me sentais de trop. Certes, je me sentais de trop mais aussi, j’avais l’impression de le souler. Je me suis mise à encore plus regretter d’être venue ici mais comme toujours, lorsqu’il s’agit de secret, je préfère en avoir le cœur net plutôt que de me faire de fausses idées.

- Je...

Je n’étais pas parvenue à lui poser la question. En réalité, la vue de son lit aux draps tout défait m’a déconcertée. Je déglutis et regardais Andy à nouveau avant de me retourner.

- J'sais pas. Désolée. J'me suis trompée de chambre...

Est-ce que c’était mal ? Notre amie était décédée, j’avais même assistée à sa mort… j’étais triste, vraiment très, très troublé aussi… Ce n’est pas rien. Mais malgré cela, j’avais aussi cette envie de me faufiler dans ses bras et de le supplier d’arrêter ses conneries. Oui, c’est tout ce dont j’avais envie ! Lui dire que j’étais désolée si on avait couché ensemble, si ça l’avais perturbée. Lui dire que ça n’arrivera plus jamais, lui dire que je tenais trop à lui pour laisser une raison aussi ridicule soit-elle nous séparer. Juste… juste envie de le lui dire tout ce dont il voulait entendre. Parce que j’étais désespérée au point de lui raconter des salades pour qu’il veuille encore de moi dans sa vie.

- Bien sûr que non tu ne t’es pas trompé de chambre...

Mon cœur battait fort et rapidement. Connard. Pourquoi t’as deviné ? Je retirais ma main de la poignée de porte en me disant d’abandonner ; il savait, de toute façon, que si j’étais ici ce n’était pas le fruit du hasard. Je soufflais et me retournais à nouveau en sa direction. Comment pouvait-il être aussi… zen ? Fumer sa clope, l’écraser, me regarder et tout simplement attendre que je parle. Je déglutis, faisant le décompte dans ma tête avant de me lancer :

- T'étais où, hier soir ?

Je ne pouvais pas quitter cette pièce. Ça faisait tellement longtemps que je rêvais d’être de nouvelles seules avec lui… maintenant que je l’étais, même si je voulais partir en courant, fuir et faire comme si jamais je ne m’étais présenter… J’étais retenue par son champ d’attraction. Mais putain pourquoi est-ce que je veux le savoir autant ? Parce que j’étais inquiète ? Parce que j’étais trop curieuse ? Parce que quoi, Apple ? Tu voulais jouer à Mario Bros ? Tu voulais qu’il te masse les pieds ? Je venais chercher des réponses sans savoir pourquoi exactement, et ce n’était pas moi de ne pas savoir ce que je voulais.

- Avec Chuck.

Sa réponse avait un sale impact. Quoi dire de plus ? Ça, je le savais. Ouais je les ai vue partir je ne suis quand même pas aveugle ! Alors lui… il ne m’avait pas vue hier soir ? À cette pensée, je me sentis drôlement blessée. On ne se quittait pas des yeux pendant plusieurs minutes. J’étais perdu profondément dans mes pensées ; sa réponse ne me satisfaisait pas. Ce n’était pas ce que je voulais savoir. Mais la vérité, je n’étais pas prête à l’entendre.

- Pourquoi cette question ?

Je sortis de mes pensées et déviais mon regard vers les murs. Sa chambre était plus grande que la mienne, même si Luhànn et moi partagions la même. Ouais, même pas étonnant venant d’un Eliot. Ce que la plupart des gens ne savent pas, c’est que je suis autant friquée qu’eux mais je suis très, très, très loin d’aimer jouer aux bourges. Trop généreuse, surement ! Si j’avais de l’argent cash sur moi, je serais probablement du genre à le distribuer aux pauvres.

- Rien. J'te fais la conversation, j'ai pas le droit ?

Je me sentais blessée ; attaquée. Puis soudainement j’eus une idée un peu stupide. Mais j’étais tellement aveugle que je ne me rendais pas compte de sa stupidité.

- En fait... je venais t'annoncer qu'Ocean et moi on est de nouveau ensemble il... Je m’arrêtais. Ce n’était pas mon genre de mentir mais j’avais l’impression que c’était plus fort que moi. il m'a appelé et puis voilà. J'lui manque.

Andy et moi avions le don de nous blesser mutuellement. En tout cas, s’il avait voulu me blesser en me rappelant que hier il était partie avec CHUCK il avait réussi. J’étais capable de canaliser ma colère, capable de jouer la comédie. Pourtant j’étais bel et bien blessé. Lui le savait pas, mais moi, je le savais et c’était assez perturbant. Certes. J’en étais sûre maintenant ; j’étais jalouse de Chuck. Seulement elle ? Non. Oh bien sûr que non. J’étais jalouse de toute la terre. Parce que tout le monde pouvait approcher Andy sauf moi, tout le monde pouvait lui parler même si certains d’entre eux auraient moins son attention que d’autre. Pfft… j’étais folle au point de me dire que j’étais même prête à me prendre une baffe juste pour qu’il me touche encore.

- Quoi ?!

Je fus étonnée de sa réaction. Avait-il vraiment gueulé ou c’est moi qui a halluciné ? J’aurais aimé que quelqu’un d’autre soit dans la pièce présentement, juste pour qu’il me confirme si c’est la réalité ou si c’est mon cerveau qui déconne. Je sentais mon cœur pomper très rapidement. Pitié, faites que je n’ai pas hallucinée. Faites que ceci n’était pas une illusion.

- Euh... je... Excuse-moi, je ne voulais pas dire ça... c'est super pour vous deux...

Il mentait. Je n’avais pas rêvée, il avait vraiment réagi excessivement. Après, qu’est-ce que ça voulait dire ? Il retournait son regard vers la fenêtre. Je n’étais plus la bienvenue ici. . À l’occurrence, je ne pus m’empêcher de sourire ; un énorme, immense, gros sourire de débile profonde. Mais… je venais quand même de tout gâcher. À cette pensée je cessais de sourire et fixait le sol.

J’avais mal au cœur. Parce que la réalité m’avait frappé à plein fouet. Je connaissais à présent mes motivations, la cause de mes envies, tout. Hors de question que je laisse mes sentiments nous séparer, Ocean et moi. J’étais peut-être en train de commettre une énorme bêtise en jouant au chat et à la souris avec Andy. Deux ans de relation de couple, ça ne s’annule pas comme ça du jour au lendemain.

- T'as couché avec elle... hein ? Je ne sais pas pourquoi je revenais à la discussion du début.