L'un était en train de s'agiter, la cigarette au bec à raconter quelque chose avec enthousiasme, l'autre était assis, sur sa moto à l'arrêt, le casque accroché à la poignée du véhicule froid depuis un bon moment. C'était par pur hasard qu'Ace avait croisé un de ses amis, Chris, dans la rue. Il y avait fait un simple arrêt pour le saluer, mais cela faisait bien maintenant une vingtaine de minutes qu'ils étaient là à discuter, à se raconter les dernières dingueries de leurs soirées, des anecdotes diverses et variées. Et ça aurait tout aussi bien pu s'arrêter là, mais c'était sans compter sur le caractère provocateur du fameux Chris, à toujours chercher les emmerdes. Ça pestait sur son ex, encore ; Ace eut une pensée pour Rose, se disant qu'elle supporterait probablement pas de l'entendre parler ainsi.
Et il y allait bon train. Il s'étalait sur la manière dont ils s'étaient séparés, qu'elle avait jamais eu la moindre attention de sa part, qu'elle avait constamment eut des regards vers les autres mecs ─ même Ace ! ─ et qu'elle était salement gonflée de lui avoir reproché de faire la même chose. Il flattait son propre égo, disant qu'il était mieux sans elle et qu'elle l'avait finalement trainé vers le bas, et Ace hochait simplement la tête, sourcils un peu levés. À ses yeux, non son pote ne s'était pas remis de la rupture et la vivait mal, mais c'était probablement pas le moment d'en parler. Alors il l'écoutait juste déblatérer, vider son sac, sans l'arrêter. Même s'il n'était pas d'accord sur tout. Au moins, ça le confortait dans l'idée que bordel, les relations sentimentales, c'était une plaie.

les pas qui s'affairent, guidés par l'empressement. l'image d'un bon verre de vin dans la main, le corps allongé dans l'eau brûlante du bain qui me galvanise. m'arrache un sourire satisfait. reste d'éthanol qui brûle encore la gorge, ayant encore accepté un défi. l'égo touché. nullement effrayée à l'idée d'enchainer les verres. parce que j'gagne à chaque fois. à chaque partie. là, sans surprise, je m'étais tenue fièrement debout, victorieuse. les autres corps déjà échoués sur les sièges, ou les visages déplorables lâchés dans les cuvettes des toilettes. billet lâché au barman en guise de dédommagement, les traits conquérants. mais désormais éreintée. réalité qui me rattrape brutalement. fierté qui disparait bien trop rapidement à mesure que je m'éloignais. j'avais abusé. dépassé mes limites. croisant les doigts pour ne croiser personne en cet instant. c'était bien la peine d'espérer. voix agaçante qui me parvient, prénom d'une amie craché, son image répudié. sa silhouette qui se dessine bien plus aisément, dès lors que mon corps se rapproche du sien. autre âme présente, à peine remarquée. focalisée sur un homme qui m'excédait. la fatigue s'envole, laissant mon visage se crisper de rage. davantage quand il la mentionnait, elle. la raison s'écrase, laissant place à l'impulsivité spontanée. le poing qui écrase sa mâchoire, depuis le temps que j'rêvais de faire ça. tellement satisfaisant. ─ mentionne la encore une fois figlio di puttana et c'est ta virilité que j'briserai cette fois-ci j'explose, le ton encore plus menaçant que je ne l'avais imaginé. l'alcool me rendait vraiment dangereuse, visiblement. le regard noir qui se tourne vers toi, me rendant enfin compte de ta présence. ─ vous me dégoutez. réfrenant ce désir de leur cracher dessus. dignité oblige.

Ni l'un, ni l'autre ne l'avait vue venir. Du point de vue d'Ace, il avait suffit d'un instant à regarder devant lui pour que du coin de l'oeil, il voit son pote se faire agresser. La surprise prit les deux hommes à revers et si Chris tomba à terre, Ace, lui, regarda l'agresseuse pour la reconnaître instantanément. Un instant interdit, trop surpris pour réagir, il fallut qu'il voit son pote commencer à se relever pour sentir à quel point ça allait dégénérer. « Hey, hey hey ! » sonnait-il à son ami en bondissant de sa moto pour vite venir se placer face à lui, la main sur son torse. « Laisse-tomber, Chris ! » « Rose, espèce de... ! » Le dénommé Chris semblait prêt à vouloir en découdre avec la jeune femme et c'était Ace qui faisait barrière. Si à ses yeux, le coups de poing de Rose était entièrement à blâmer, il y avait une agressivité chez Chris qui dérangeait Ace sur le moment et l'avait instantanément forcé à venir s'interposer. Appelez ça les tripes, un pressentiment ou l'instinct, le fait était qu'il faisait barrière ; un bras en arrière pour empêcher Rose d'avancer, et l'autre en avant, pour retenir son pote qui vociférait des insultes à l'égard de l'italienne. Jusqu'à ce que certains mots sortent, crachés avec véhémence ; « Putain, toi aussi tu mérites baffes ! Toi comme ta pote, vous avez pas mangé assez de poings dans la gueule ! » Comme un déclic à ce moment là. Ace braqua son regard sur son pote, subitement plus attentif aux mots prononcés par l'homme qu'il pensait connaître. « ... comment ça, "aussi" ? » Que devait-il comprendre, exactement ? Le bras en direction de Rose se baissait légèrement, comme s'il sentait que la menace ne venait pas de la jeune femme. « Rose, qu'est-ce qu'il veut dire par... "aussi" ? » Mais il ne la regardait pas. Toujours son pote, qui sentait qu'il venait d'avouer un truc qu'il n'aurait pas dû. Et Ace, subitement, se demandait si on avait pas volontairement omis de l'informer sur des détails au sujet de la relation de son pote avec son ex.

geste incontrôlé, le coup était parti tout seul. le corps désormais sur la défensive, prête à me jeter sur lui. littéralement. rose, espèce de... vas-y. insulte moi. donne moi une autre bonne raison de te frapper. l'envie de me défouler était réelle. incapable de me contenir. ni même de me raisonner. encore moins ta présence. ton bras me gênait. j'tentais de le dégager mais tu semblais pas vouloir bouger. encore là à défendre ton pote. incroyable. la déception était visible, trahie par ce regard planté dans le tien. — pousse toi ace, si tu ne veux pas finir en dommage collatéral, ma voix gronde, posant une main crispée sur ton bras. prête à t'envoyer boulet à ton tour. au point où j'en étais. y'avait plus rien à raisonner. les paroles n'avaient plus aucune valeur. plus aucun intérêt. jusqu'aux prochaines. toi comme ta pote, vous avez pas mangé assez de poings dans la gueule. le corps qui se fige, instantanément. souvenir refoulé que je ne pensais pas devoir ressortir. balancé en pleine figure. me replongeant amèrement à cet instant, où j'avais été une victime de cette colère quotidienne. oh oui je m'en souviens. les marques ont beau avoir disparu, j'oublie pas. impossible. envie meurtrière qui illumine mes orbes, désormais dirigées vers lui. voix d'ace qui interrompt mes états d'âmes. songeant à l'ignorer. j'lui devais rien, après tout. et pourtant, tout aussi froidement que pouvait l'être mon âme en cet instant, j'finis par te répondre. très lentement. — ouais, il m'a frappé, si c'est ça que tu veux entendre. c'est le genre de pote que tu défends corps et âme n'est-ce pas ? parce que t'es aussi pitoyable que lui. tu vaux pas mieux que lui... main qui accentue la pression sur ton bras. ne pouvant me défouler que sur ça, sur le moment.

Les deux hommes se regardaient, et l'un comme l'autre savait que la réponse de Rose allait être le début d'un changement. Le dénommé Chris s'essuya la lèvre, observant Ace avec intensité ; et quand les mots de Rose furent prononcés, Ace fronça les sourcils, un peu confus, en vrai. Il cherchait dans le regard de son ami le déni, quelque chose qui lui ferait comprendre qu'elle mentait. Mais à la place, il y trouva encore plus de colère et d'indignation. Reculant d'un pas, Chris cracha au sol et répondait avec la colère vibrant dans la voix. « Quoi ? Tu vas jouer le preu chevalier ? Tu vas m'faire croire que toi, t'as jamais tapé quelqu'un pour les remettre dans le droit chemin ? » Ils en étaient donc là, maintenant. Ace dégagea violemment son bras de Rose avec un sourire à moitié morbide envers l'autre face à lui. « Me met pas dans le même sac que toi. » ... avant d'envoyer lui-même son poing en direction de son "ami".
Un coup sec, assommant directement Chris qui tomba au sol. Et sans demander son reste, Ace retourna vers sa moto, récupérant le casque. « Garde ça sur ta tête et grimpe derrière. » ordonna-t-il en forçant le casque sur la tête de Rose. « T'as pas envie d'être là quand quelqu'un le trouvera au sol. » Comme s'il savait déjà comment ça allait se passer. La police, l'accusation envers Rose et Ace, le manque de preuves pour se défendre, et surtout, devoir parler de l'amie de Rose qui avait peut-être envie qu'on lui foute la paix avec toute cette histoire plutôt que de se retrouver à nouveau embarquée dans les conflits. Ace enjambait à nouveau sa bécane, et la démarrait sans un regard pour l'homme au sol ; mais il attendit que Rose prenne sa décision, ne partant pas sans elle. De toute évidence, Ace venait de comprendre plein de choses d'un coup, et il valait mieux s'éloigner d'ici le plus rapidement possible.

absence de regret à mesure que je me délectais de voir son visage déconfit. amoché. son égo piqué. et encore, il avait goûté qu'à un dixième de ce que j'pouvais ressentir à son égard. pur dégoût. désirant juste me laver la main pour en éliminer toute trace. de sa présence. de sa peau. le provoquer davantage, voilà ce que j'comptais faire. lui faire payer, lui faire endurer ce qu'était réellement l'humiliation. mais tu m'en prives. sans me concerter. lui assénant à ton tour ton poing dans sa gueule. corps qui s'écroule, à peine décontenancée. encore moins compatissante. il l'avait mérité. dommage qu'il soit déjà ko. un coup supplémentaire n'aurait pas été de refus. casque vissé bien trop rapidement sur mon crâne. n'ayant même pas le temps d'émettre le son de mécontentement à ton encontre, face à tant de brutalité sur un doux visage qui n'avait rien demandé. j'peux que te fusiller du regard avant de m'exécuter. tu marquais un point. j'comptais pas rester ici une seule seconde de plus. mes choix étaient limités, de toute façon. à choisir, j'préférais m'enfuir avec toi. les bras qui encerclent ta taille, j'te laisse nous emmener loin, là où j'pourrais faire taire cette colère qui ronge mes pensées depuis qu'il est apparu dans mon champ de vision. ramener les pulsations à un rythme correct. les minutes qui paraissent interminables, m'accrochant comme j'le pouvais à ce corps qui de base était censé me répugner. à cette envie d'évacuer le trop plein qui s'était accumulé. à ce repas qui menaçait d'être régurgité à tout moment. jusqu'à ce que tu finisses enfin par t'arrêter. éteindre le moteur et retirer ton casque. j'suis tes mouvements, laissant mes boucles reprendre une certaine consistance. prenant une direction opposée à la tienne, main maintenue sur mon estomac, l'autre maintenant mes lèvres captives, tête penchée vers le bas. bon, note à moi-même. ne pas faire de moto après avoir bu. très mauvais deal. — t'aurais pas un truc à boire ? j'parviens à articuler, voix affaiblie. aucune once d'animosité, c'est presque un visage implorant que je t'adresse, dégoûtée que tu puisses me voir dans une telle position.

Avoir Rose à l'arrière de sa moto n'avait jamais été dans ses plans, et il n'y pensait presque pas en vrai, car son esprit était bien trop préoccupé par ce qu'il venait d'apprendre. La jeune femme derrière lui, accrochée à sa taille, Ace jetait un coup d'oeil à la route avant de s'engager et s'éloigner rapidement de cette rue.
Il ne voulut pas non plus aller excessivement loin, juste suffisamment pour ne pas être rattrapé ou dans la proximité du lieu de l'incident. La moto garée à côté d'un trottoir, Ace vérifia rapidement que cette rue était également tranquille, laissant Rose s'éloigner pour faire on ne sait quoi ; ce ne fut que lorsqu'il l'entendit qu'il la regarda à nouveau, dans un piètre état. Il soupira, un peu dépité ; au moins, elle n'avait pas vomi sur son dos.
« Ouais » lâchait-il avec désinvolture.
Retournant vers sa moto, il récupéra une bouteille de l'espace de stockage sous le siègre, avant de revenir vers l'italienne et la lui tendre. Puis il recula d'un pas, la regardant longuement, l'air particulièrement sérieux. Il fallait qu'il tire les choses au clair, mais est-ce qu'elle pouvait vraiment répondre à ses questions dans son état ? Est-ce qu'elle était seulement capable de tenir debout, d'avoir les idées claires ? Prenant une longue inspiration, il la laissa se détendre un peu, avant de lâcher des mots ;
« Y'a une raison pour laquelle t'en as jamais parlé clairement ? » En vrai, il s'en doutait. La violence envers les femmes était un sujet encore d'actualité, que beaucoup avaient tendance à minimiser, voire dénigrer, en particulier chez les hommes ; et Ace savait qu'il n'inspirait pas la confiance et que par son attitude, il pouvait même renvoyer l'image d'être un gars capable de ces actes. Il savait pourquoi on ne lui en avait pas parlé ; mais il voulait quand même l'entendre, quitte à ce que ça fasse mal.

crâne qui tape sur le système, le corps qui peine à encaisser le contre-coup. image dégradante, humiliante que j'aurais aimé ne jamais te montrer. dégoûtée de te montrer un aperçu de cette vulnérabilité. j'comprime mon estomac, retenant cette envie presque douloureuse de tout recracher. ta réponse m'oblige à me retourner dans ta direction. soulagée. récupérant la bouteille bien plus rapidement que je ne l'aurais pensé. témoin de ma détresse émotionnelle. la bouteille presque vidée, j'me laisse tomber à terre. presque tentée de m'allonger. pas la meilleure solution après avoir jeté un coup d'oeil aux environs. une ruelle délaissée. nos deux âmes comme seuls occupants. hors de question que je t'en montre davantage. — merci j'articule, à contre coeur. les paupières qui se ferment, quelques secondes. le temps de remettre de l'ordre dans ce bordel. scène mémorable rejouée en boucle. l'ayant encore en travers de la gorge. de ne pas avoir pu terminer le travail. l'achever à ma façon. lui faire payer, bien plus sournoisement. j'me doutais que t'étais pas humain. que tu profiterais de ce moment pour me poser la question. aucune compassion hein ? visage éreinté pointé dans ta direction. les orbes qui s'assombrissent, contenant ce désir de t'envoyer chier. ne t'étant jamais gêné de le faire, quand les rôles étaient inversés. — tu m'aurais cru si je te l'avais dit ? sourire sarcastique qui glisse sur mes lèvres, goût amer qui demeure présent. quoi que tu puisses faire. ou dire. — tu crois que tu donnes envie qu'on se confie à toi ? si c'est le cas, va falloir revoir sérieusement ton côté antipathique.

Tu m'aurais crue si je te l'avais dit ? Ça piquait. Probablement plus qu'il ne l'aurait voulu, et c'était visible sur son visage, alors qu'il se mordait l'intérieur de la joue. Il aurait été probable qu'il l'imagine mentir juste pour jeter de l'huile sur le feu, ou qu'il refuse à voir la vérité ─ belle ironie quand il repensait à sa situation. Sa mère avait été sa principale motivation pour rejoindre l'association, mais son père était la raison pour laquelle il s'isolait, et il voyait devant lui le résultat de piètres choix qu'il avait fait.
Le silence qui ponctuait les paroles de Rose laissa à Ace le temps de rassembler un peu ses esprits, prenant une longue inspiration avant d'articuler sa réponse, résigné. Il avait fait ses choix, il fallait qu'il les assume. « T'as raison. J'aurais sûrement hésité à te croire, et il aurait démenti ; et il ne faut pas me faire confiance. » Se donner le beau rôle servait à rien, dans ces conditions. Ace fit quelques pas pour s'avancer à nouveau vers elle et plia les genoux, s'abaissant plus ou moins à son nouveau, les coudes nonchalamment posés sur ses genoux. « Y'a qui d'autre qui sait ? » D'autres de ses potes à lui ? À elles ? Les autorités ? Il se passait un truc, quelque chose, n'importe quoi ? Ou bien est-ce qu'elles s'étaient heurtées à des murs à répétition ?
C'était dingue quand même. Pile sous son nez, et il avait rien vu, le bougre ─ et ça, ça allait lui rester en travers de la gorge un long moment.

évidemment que j'ai raison. je t'aurais certainement frappé à ton tour, si t'avais tenté de me mentir. de t'en sortir avec une excuse bien merdique. au final, tu te retrouves peut-être dans un état bien plus pathétique que le mien. j'aurais pu m'en réjouir. m'en satisfaire. mais pas ce soir. juste fatiguée, en réalité. de me battre contre toi. silence bien plus marquant que j'impose. préférant simplement soutenir ton regard. suffisant pour comprendre ce que j'en pensais, de ta réponse. sourcil qui s'arque quand tu finis par faire quelques pas dans ma direction. tes genoux pliés à ma hauteur. appréciant de ne plus avoir à me tordre le cou pour te regarder. t'insistes. j'te donne vraiment cette impression de vouloir me confier à toi ? peut-être l'état vulnérable que je te dépeins. qui te laisse croire ça. soupir qui s'échappe, visage qui se détourne. pulpeuse mordillée, faisant un effort monumental pour ne pas me renfermer. espérer que t'entreprends sérieusement une démarche sincère. envers moi. — t'es le seul et j'aimerais que ça reste ainsi... les rétines qui reviennent finalement vers les tiennes. posant cette fois-ci un regard plus doux. plus accessible. juste l'espace de quelques secondes.