A l’évocation de l’Himalaya je me prends à rêver d’une telle épopée. S’il me paraît bien évidemment que jamais mon corps ne me portera jusqu’à toucher ces cieux, mais qu’importe. Kaname m’a appris qu’il ne faut pas rêver radin, jamais, sans quoi il est proprement inutile de s’adonner à la rêverie. A cette pensée, un petit sourire amusé et énigmatique étire mes lèvres mais je ne me rends pas compte. Les affres de la maladie et du quotidien dans lequel je me retrouve embourbé malgré moi s’éloignent délicieusement, tant et si bien que j’en pousse un petit soupir d’aise. Sans aller jusqu’à titiller les cimes, ce qui compte ce n’est pas la destination… c’est ce que l’on fait du moment qui s’offre à nous. Comprendre par cela mon goût immodéré pour l’aventure que je frôle une nouvelle fois du bout des doigts alors que jusqu’à lors, je me sentais sombrer dans un moule détestable de jeune homme condamné. Une vérité que j’apporte sur un plateau tout sauf orné d’argent à l’attention de Moïra, dont la réaction provoque une vive surprise. La sentir piler sans crier gare, avant que n’explose ce que j’imagine être un savant mélange de crainte et de résolution, me laisse là bouche bée. Peu sont ceux suffisamment têtus pour passer outre mon manque d’amabilité ainsi que de codes sociaux. La jeune femme me prouve une fois encore que la mettre de côté n’était qu’une erreur de plus sur la longue liste de faux pas que j’ai accumulés toute ma vie durant, mais surtout récemment. Pas le droit ? que je répète presque machinalement, un brin paumé. Je me suis tellement persuadé que personne ne voudrait m’offrir son épaule afin que je me repose lorsque la situation l’exigerait que mon étonnement en devient quasi comique. Bientôt, c’est un bref flot de questions qui me parvient et qui, curieusement, m’arrache un petit sourire amusé. Non pas que notre échange prête vraiment à l’hilarité mais ce qui me semble être une preuve de son attachement pour ma personne me touche plus que je ne saurais le décrire. Moi, l’éternel solitaire, je me rends compte que d’avoir un compagnon de route ou, en l’occurrence, une compagnonne n’est pas une idée désagréable… Tu serais probablement horrifiée du nombre de protocoles que j’ai pu tester et qui n’ont pas marché. Je pensais avoir plus de temps que ça, d’où mon silence. Je ne veux pas qu’on soit mon garde-malade ou mon garde chiourme… alors j’ai essayé de continuer la route en solo… et on voit où ça m’a mené. Dernièrement j’ai fait une énième série de transfusions qui n’a même pas amélioré ne serait-ce qu’un peu mes résultats. Ce qu’il me faudrait c’est une greffe de moelle osseuse, dans le « meilleur des cas ». Sachant qu’il faut déjà trouver le donneur compatible, et que mon corps soit capable de supporter le protocole qui va avec, pré et post don. La médecine a fait des bonds de géants en matière de traitement, mais l’équation n’est pas toujours si simple. Mon corps s’affaiblit de jour en jour, et bien que je sois du genre à faire le dos rond et attendre que cela passe, même moi je commence à me retrouver à court d’arguments. Tu sais que tu serais folle de rester à mes côtés en sachant ça ? Tout ce que je souhaite, c’est me plonger corps et âme dans nos fouilles, profiter, et advienne que pourra. Ce serait mieux qu’on se concentre sur le fameux stage de fou furieux que tu m’as promis, non ? Tentative de changement de sujet dans 1...2...3.