Si les mots de Daisy l’avaient rassuré, il n’en était pas moins perturbé par l’étudiante aux cheveux d’ébène. Il l’appréciait, à sa juste valeur et il s’en voudrait toujours d’avoir été un mirage dans sa vie. Il était loin d’être comme ça et tentait aujourd’hui de rattraper sa faute. Il devait se pardonner, parce que comme les autres, il n’était pas parfait. À l’évocation d’une soirée en sa compagnie, il avait fait des recherches et avait usé de son nom pour organiser, il l’espérait une soirée parfaite. Pour bien faire les choses, il était allé récupérer Daisy chez elle, avant de prendre la route jusqu’au Copey Place. À l’entrée, il présentait son visa d’étudiant au vigile qui les laissait entrer, après fermeture. Il la regardait, craquant pour cette petite moue qu’elle faisait dès lors qu’elle se questionnait. — On est d’accord que le maître-mot de cette soirée, c’est la confiance n’est-ce pas ? Il se glissait derrière elle, l’entourait de ses bras, pour poser délicatement ses mains sur ses yeux. Le magasin qu’il avait dans le viseur n’était qu’à quelques pas, alors dans une très lente démarche et pour ne pas brusquer Daisy, ils pénétraient à l’intérieur du magasin Dior, ou deux hôtesses les attendaient. Retirant ses paumes de ses yeux. — Presque surprise. Qu’il soufflait à son oreille avant d’enfin s’éloigner d’elle pour pouvoir de nouveau la regarder.

Elle ne sait pas à quoi s'attendre Daisy, lorsqu'elle enfile cette robe noire par dessus sa chemise, une paire de bottines de la même couleur ainsi qu'un petit sac noir à l'épaule qui viennent parfaire sa tenue. Celle-là même qu'il la suppliait de porter à nouveau. Elle triche, c'est vrai. Elle le sait et elle assume, jusqu'au bout. Parce qu'elle doit attaquer, elle aussi. Ne peut se contenter d'être cette fille séduite par quelques mots et des gestes trop tendres. Lui qui la traite comme la princesse qu'elle ne sera jamais. Sourire faible sur les lèvres, intimidée plus que de raison lorsqu'elle comprend. Il a redoublé d'efforts Asher. Usé de ses privilèges juste pour ses beaux yeux. Et derrière ce faciès qu'elle tente de garder intact, ça lui fait quelque chose. Trop habituée à subir un traitement inverse pendant des années pour se juger méritante d'autant. Il lui ôte les mots de la bouche en se plaçant derrière elle pour lui couvrir les yeux. — Asher... Intriguée, fascinée... tant de mots qui ne suffisent pas à décrire ce qu'elle ressent.  Elle ne s'attendait pas à ce genre de surprise, non. À vrai dire, elle ne s'attendait à rien Daisy. Prenant ce qui apparaît sur son chemin sans se plaindre. Se laissant guider en douceur jusqu'à retrouver la vue. Les yeux qui s'arrondissent instantanément face à tout ce luxe. Tête qu'elle tourne dans sa direction, le regard toujours aussi rond. — Je... Tu ne mentais pas... En lui disant qu'elle serait surprise. Euphémisme. Elle a perdu tout contrôle. Ne sachant comment réagir ou que dire. — Comment est-ce que c'est possible même ? Comment est-ce qu'ils peuvent se trouver là, dans ce magasin Dior, après les heures d'ouverture ? Ça lui paraît beaucoup trop irréel. Lui, pourquoi ferait-il tout ça pour elle ? Impossible.

Il se savait privilégié, pourtant même si cela pouvait être mal perçu, il aimait en faire profiter aux personnes qui comptaient pour lui. Daisy et lui jouissaient de la même passion pour la haute couture, pour le travail minutieux qu’il y avait derrière chaque pièce qui avait été pensée et réfléchie en fonction de l’air du temps. Il y avait pourtant dans cet univers une part d’intemporalité. Les créations d’hier, redeviendraient celle de demain. C’était donc une évidence de l’emmener ici. Derrière elle, il profitait des effluves de son parfum, de la proximité qu’il avait instaurée, comme si chaque instant était précieux. Il se détachait à contrecœur, laissant ses yeux s’attarder sur son regard. L’étincelle qu’il percevait provoquait un sourire charmé. — Ce n’était pas dans mes intentions. Asher laissait son regard dévier un peu, sur sa silhouette parfaite, cette tenue qu’elle avait choisie, tant pour le torturer que pour le provoquer. — Les connaissances, le carnet d’adresses, le nom de famille. L’une des jeunes femmes arrivait, vers eux pour les inviter à la suivre. Il lui offrait son bras, l’invitant à s’y attacher, alors qu’ils passaient par l’arrière-boutique. — J’ai ouï dire qu’ils gardaient ici, une partie des archives de la maison, qui seront présente pour une exposition de la marque. Il tournait doucement la tête vers elle, penchant doucement la tête vers elle. — Alors je t’offre un avant-goût de l’exposition, les inconnus et la foule en moins. Il espérait viser juste, non pas pour l’impressionner, mais lui prouver qu’au-delà des échanges qu’ils pouvaient avoir, sa démarche d’apprendre à la redécouvrir était sincère.

Bien sûr qu'elle ne s'attendait pas à ça. Jamais. Quand bien même elle ne doute pas des motivations d'Asher ni de sa sincérité, à aucun moment elle n'aurait pu se douter qu'il l'emmènerait ici après la tombée de la nuit. Rien de personnel là-dedans. Mais pour la Hudson, c'est le typiquement le genre de choses qui n'arrive qu'aux autres. Et particulièrement aux personnages de films ou de livres. Pas à elle, la fille trop ambitieuse et sans le sou d'un pasteur. — Tu t'es vraiment donné tout ce mal pour moi ? Ça lui fait plaisir, extrêmement plaisir même. Et ça la plonge dans la confusion en même temps. Sentiment qu'elle remet à plus tard, s'agrippant au bras d'Asher sans se faire prier. Contaminée par la bonne humeur du jeune homme qui garde un peu trop bien la face à son goût. Mais elle n'a pas le temps de lui faire la remarque Daisy, le regard qui voyage partout autour d'eux pour profiter de ce qu'elle ne verra probablement qu'une fois dans sa vie. Ce n'est que l'arrière-boutique et c'est pourtant quelque chose de dingue à ses yeux. Les yeux ronds face à cette nouvelle révélation, elle tourne immédiatement la tête dans sa direction. — T'es sérieux ? Bien sûr qu'il l'est. La question ne montre que sa surprise et son incrédulité. Elle qui ne trouve décidément pas les mots pour entretenir une conversation correcte avec lui. Ressaisis-toi Daisy, vite. Dis quelque chose, n'importe quoi. Pourvu que ce soit digne de ce qu'il lui offre ce soir. — Tu m'ôtes les mots de la bouche... j'espère que tu es satisfait Asher Ackerman. Sourire sincère qu'elle décroche, resserrant la prise sur son bras sans même s'en rendre compte lorsque se dévoilent devant eux les fameuses pièces en question. — Pince-moi. J'ai besoin d'être sûre que tout ça n'est pas un rêve. Après, elle reprendra ses esprits. Et redeviendra elle-même, éventuellement.

Son sourire s’intensifiait à ses mots. Il aimerait lui prouver qu’elle en valait la peine, qu’elle prenne confiance en elle et qu’elle puisse se voir de la même manière que lui pouvait la percevoir. — Je voulais te faire plaisir, te permettre de vivre une expérience unique. Il s’empêchait d’ajouter qu’il adorait voir l’étincelle qui se dégageait de son regard quand elle était animée par la passion. Parfois les actes valaient plus que les mots et en ce jour, il espérait lui prouver l’importance qu’elle avait eu et qu’elle avait toujours pour lui. Il baissait les yeux sur son bras qui s’enroulait autour du sien, retrouvant ce rictus scotché à ses lèvres depuis qu’il l’avait retrouvé. Après une brève explication de leur présence, ici, il hochait la tête, totalement heureux de sa réaction. — Très. Les hôtesses du magasin nous permettaient enfin d’accéder à la fameuse pièce ou les archives de la marque étaient gardées en toute sécurité, mise en showroom pour l’occasion. Il riait et à défaut de la pincer, il déposa tendrement ses lèvres sur sa tempe, chuchotant finalement : — J’espère que ça suffira à te prouver que ce n’est pas un rêve, loin de moi l’envie de te faire mal. Il s’approchait de la petite table basse et attrapait la plus petite paire de gant pour aider Daisy à les enfiler. — Mesure de précaution pour éviter de les abîmer. Une fois équipé, il s’approchait de la première pièce. — J’espère qu’un jour, nous aussi, on provoquera les mêmes émotions à des gens par nos créations.

Parfois elle se demande s'il se rend compte, d'à quel point il est doué avec les mots. Être en colère contre Asher, c'est impossible. Pas plus de dix minutes, peut-être même cinq. Pas quand il se comporte de la sorte et la met sur un piédestal avec quelques paroles. Et s'il y a une seule personne à qui elle en veut ici, c'est elle-même. Car malgré la carapace de protection qu'elle s'est forgée au fil du temps, ça la touche plus que ça ne devrait. Pas si insensible que ça en fin de compte, Daisy Hudson. Des étoiles dans les yeux, elle se contente de lui sourire. Un sourire sincère qui veut à la fois dire merci et arrête d'être si parfait. Une demande à laquelle il ne peut évidemment pas répondre, lui, Asher Ackerman. Parce que ce n'est pas dans sa nature à lui. Et qu'il est destiné à la rendre dingue d'une façon ou d'une autre. Déstabilisée par le contact inattendu de ses lèvres sur sa tempe, elle garde le silence un instant en le regardant toujours avec de grands yeux. — Tu devrais. Qu'elle rétorque finalement, le feu aux joues, en le pinçant doucement au bras. Pas de quartier. Si elle veut survivre, elle doit attaquer elle aussi. Et deux fois plus que lui. — J'en suis persuadée... S'il est déjà capable de provoquer des émotions par les mots, elle ne doute pas une seconde qu'il en fera de même pour ses créations dans le futur. Avec la bonne source d'inspiration, tout devient possible. — Et peut-être qu'un jour ce seront les nôtres qu'il faudra toucher avec des gants. En attendant, ils ne peuvent que rêver et travailler encore plus dur.

Il se nourrissait de se sourire qui se dessinait sur des lèvres pulpeuses, qui émerveillait son regard. Elle était radieuse et son sourire allait jusqu’à ses yeux. Il ancrait l’image dans sa mémoire, parce que c’était pour ce genre de moment qu’il se battait pour réussir à regagner l’estime qu’elle avait pu avoir pour lui. Il prenait son temps, essayait de réveiller peut-être les émotions qu’elle avait pu ressentir pour lui, il fût un temps. À son contact, il avait parfois l’impression d’être une meilleure version de lui-même, faisant ressortir la patience qu’il n’avait d’ordinaire pas. Posant subtilement ses lèvres sur sa tempe. Non il ne devrait pas lui en faire, du mal, encore moins quand ses pupilles s’attardaient sur les siennes. Il souriait, plissait le regard, faisant une petite moue à son pincement, avant de sourire. — Ja-mais-de-la-vie. Il insistait. Il ne savait pas s’il lui avait fait du mal, ou s’il l’avait simplement peiné par le passé, mais il ne voulait plus réagir en fonction de la peur, mais bien de ses envies. Il posait enfin son regard sur les créations iconiques de la maison, rêvant d’un avenir qu’il souhaitait prometteur. — Tu crois ? Penchant doucement la tête pour examiner les coutures d’une robe fourreau, il laissait son index glisser doucement le long du tissu. — T’as déjà réfléchi à un nom de marque ? Qu’il demandait alors qu’ils avançaient doucement vers un tailleur cocktail d’époque.

Absolument tout était impressionnant en ces lieux. Des moulures au plafond aux pièces de collection, en passant par son date du soir. Impressionnant à sa façon, il l'est sans aucun doute. Ce qui est chose certaine, c'est qu'elle se souviendra de ce moment toute sa vie Daisy. Une sortie unique qui lui en met plein les yeux et au cours de laquelle elle s'autorise à rêver. Se visualisant atteindre son objectif ultime : devenir une créatrice de renom. Un rêve partagé avec Asher, rendant le moment d'autant plus exceptionnel. — Oui. Tout est possible quand on s'en donne les moyens. Qu'elle répond avec assurance en suivant le regard du jeune homme vers une autre robe. Et à la question suivante, elle ne prend même pas la peine de réfléchir, annonçant la réponse comme une enfant toute fière à son professeur. — Hudson. Tout simplement. Parce que les plus grands n'ont pas besoin de chercher un nom de marque, ils sont la marque. Yves Saint-Laurent, Christian Dior... Tous ont ce point commun. Et elle aussi, elle l'aura. — Et toi ? C'est du Ackerman que les gens porteront ?