je me sens complètement dépassée dernièrement. j'avais déjà parfois du mal à me gérer moi-même et maintenant je dois gérer un petit être humain dépendant de moi. je ne dors pas, me réveillant toutes les deux heures pour la nourrir. j'ai du mal à aller prendre une douche parce que je peux pas la laisser toute seule. et si on pourrait croire que je regrette et que je déteste ce nouveau rôle, je me rends vite compte que c'est tout l'inverse, parce que quand elle est paisiblement en train de dormir, je ne peux me retenir de contempler ma petite merveille. je ne pensais pas pouvoir un jour aimer quelqu'un aussi fort, mon Iris. embarquée avec moi pour quelques courses, dans le porte bébé fixé à ma poitrine, je finis de charger le coffre de la voiture, l'envie de rentrer au plus vite pour prendre une bonne douche. au moment de fermer le coffre, non seulement je me rends compte que j'ai oublié d'acheter un paquet de couche mais surtout mon visage se fige lorsqu'il croise un regard en particulier : le tien. quelles étaient les chances que dans cet immense parking, on se gare l'un à côté de l'autre. une part de moi voudrais juste installer ma vie dans son couffin, monter dans la voiture et partir la tête haute. d'un autre côté, je me rends compte que.. tu n'as jamais vu ta fille.  salut que je lâche sans même réussir à me retenir. pourquoi.. pourquoi te saluer après tes silences. Iris qui commence à s'agiter, surement parce qu'elle sent que mon rythme s'accélère.

Les rayons défilés, le retour au travail pour seule pensée. Nouvelle motivation trouvée quant au fait d'amasser assez d'argent pour ne plus avoir à faire ses courses lui-même. Pour la bonne cause, qu'il se disait. Des moments pour se retrouver, entre leurs emplois du temps écrasants et parfois peu concordants. L'impression d'avoir retrouvé le calme après la tempête des dernières semaines. Quelques ingrédients pour composer le dîner du soir, chemin retour fait jusqu'à sa place de parking où il rangeait le tout. Coffre claqué, meilleure visibilité autour de lui. Dans un mouvement, il se retrouvait en face d'une tête bien trop familière. Arrêt net dans ses pas, pris par la surprise. Les azurs qui glissent sur le bébé qu'elle portait. Vision presque difficile, le forçait à relever les yeux vers la rousse. – Salut. Mot répété. Il n'y avait pas beaucoup d'occasions où Milo se trouvait sans voix, mais la situation le portait vers toutes les émotions qu'il n'avait jamais ressenti, celles qu'il n'était pas capable d'exprimer. Les yeux à nouveau tombés sur le bébé accroché à sa poitrine. Tenter d'ignorer les battements du coeur qui s'accéléraient, faire mine de rien. – C'est Iris ? Question stupide, l'air faussement détaché. L'avocat n'en menait pas large soudainement.

je pourrais payer quelqu'un pour faire mes courses, je gagnerais du temps pour m'occuper d'Iris et pour me reposer aussi. seulement depuis que j'ai accouché, j'ai cette impression tacite que je dois tout faire moi-même et me débrouiller sans avoir à compter sur les autres. comme si pour prouver que j'étais une bonne mère je devais me dévouer corps et âme à elle, en oubliant en route que je ne suis pas une machine. c'est comme ça que je me retrouve à refermer le coffre de ma mercedes en me disant que je vais devoir y retourner. et puis mon regard croise le tien et je perds mes moyens. parce que t'es pas n'importe qui, surtout pour elle, mais pour moi également. et que je ne pensais pas te revoir, ayant bien conscience que ce n'était pas pour nous que tu étais là. son prénom prononcé dans ta bouche me fait l'effet de papillon dans le ventre mélanger à un frisson glaciale. je baisse la tête sur cette petite bouille d'amour aux yeux clairs qui me regarde avec tendresse et je ne peux m'empêcher de sourire. j'aurais envie de faire preuve de sarcasme comme à mon habitude, te dire que non, qu'il s'agit d'un gosse trouvé au hasard dans la rue pour gruger à la caisse. mais j'en ai pas la force. alors j'hoche la tête à la positive. oui c'est elle. tu.. tu veux la voir ? de plus près, de face. est-ce que tu veux voir qu'elle a ton nez, qu'elle a nos yeux.

Sensation désagréable qui parcourait son corps alors qu’il prononçait son prénom. Impossible à décrire, parce que jamais ressenti auparavant. Et il n’aimait pas ça, Milo. Pas forcément le plus expressif et ouvert, d’origine, se refermait d’autant plus lorsqu’il posait pied en terre inconnue. Difficile, de poser les yeux sur Hope et de comprendre ce qui avait foiré pour qu’ils s’en retrouvent là. Depuis les échanges piquants de New-York, s’étaient perdus de vue pour tomber sur l’autre à Boston. Toujours cette même hargne dans le comportement et les paroles qui les avaient aidé à apprécier se détester, tout comme les attirer vers l’autre. Pour ne plus être capable de s’échanger plus de trois mots aujourd’hui, se taire pour éviter de trop en dire. Dynamique différente de ce qu’ils étaient, un lointain souvenir. – Non, je pense pas que ce soit une bonne idée. La voir de plus près, pour quelle raison ? Officiellement, rien ne prouvait qu’il en était réellement le géniteur. C’était à cette idée qu’il se raccrochait, lui offrait l’échappatoire dont il avait besoin pour se retourner sans culpabilité. La simple vision de dos avait suffi à l’incommoder, il n’était pas certain de souhaiter découvrir ce qu’il en serait de profil, et encore moins de face.

étrangement, je crois que cette situation est la pire que j'ai vécu. rien à voir avec la douleur de la désintoxication ou la panique des premières urgences à gérer à l'hôpital. mon coeur s'emballe, ma respiration a du mal a coopérer. te voir me fait comme l'effet d'un coup de couteau en plein myocarde et en même temps il y a toujours eu une douceur presque satisfaisante à voir ton visage. comment on a fait pour en arriver là ? pour passer d'une relation où aimait se détester, où l'idée même de ne pas avoir de contact avec l'autre était déplaisant à une relation ou le néant nous sépare. où j'en viens à avoir mal à l'idée de te parler, d'entendre ta voix, de ta présence. une seule nuit. une nuit qui a tout fait basculer. une nuit de plaisir, à sentir tes mains sur mon corps, ta bouche contre ma peau pour qu'à présent, on se comporte comme deux étrangers. tes mots, que je ressens comme un rejet, encore une fois. moi je sais que c'est toi, je sais que tu es le père d'Iris, mais ton doute reste légitime, quand bien même il me déchire le ventre. comme tu veux seuls mots que j'arrive à articuler. et Iris, elle doit sentir ma détresse, parce qu'elle se met à gigoter, les pieds qui pédalent et les mains qui s'agitent. la position devient désagréable pour elle, elle se met à pleurer très fort alors immédiatement je détache le porte bébé pour la porter dans mes bras. c'est comme si elle avait compris ton refus et qu'elle était elle aussi blessée. et quand elle tourne la tête dans ta direction, qu'elle semble apercevoir ton visage, les pleurs cessent.